Une alliance de partis opposés, la gauche, les verts et l’extrême droite font capoter à Bruxelles la loi omnibus (simplification des normes pour les entre prises)

Loi Omnibus : en plénière, les députés européens refusent le compromis élaboré en commission

Coup de théâtre au Parlement européen : en plénière, les députés n’ont pas accordé de mandat au rapporteur du projet de texte Omnibus 1 pour négocier en trilogue sur la base du compromis noué en commission. Quelle coloration prendra la nouvelle mouture ?

Gouvernance  |  22.10.2025  https://www.actu-environnement.com/ae/news/vote-contre-texte-commission-juridique-Omnibus-durabilite-Parlement-europeen-46974.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8Mzg3NQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

  N. Gorbatko

Loi Omnibus : en plénière, les députés européens refusent le compromis élaboré en commission

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Les eurodéputés ont refusé, ce mercredi 22 octobre, d’autoriser le rapporteur de la proposition de texte à entamer les négociations en trilogue sur la base du compromis trouvé en commission.

L’ambiance se tend encore un peu plus autour des négociations portant sur le premier volet du paquet Omnibus sur les directives CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Par 318 voix « contre » face à 309 voix « pour » et 34 abstentions, les députés européens ont refusé, ce mercredi 22 octobre, d’autoriser leur confrère Jörgen Warborn (PPE), rapporteur de la proposition de texte, à entamer les négociations en trilogue sur la base du compromis noué lundi 13 octobre, au sein de la commission juridique, par les groupes PPE (Parti populaire européen), Renew et S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates).

Un camouflet pour la fragile majorité conservatrice au Parlement qui défendait une démarche « responsable », susceptible de permettre d’avancer en trilogue dès cette semaine et d’apporter « de la clarté » à des millions d’entreprises au sein de l’UE. « Rejeter le mandat serait une faute politique, cela voudrait dire quitter la table des négociations, ouvrir la porte aux incertitudes, à l’instabilité et à la perte de crédibilité des institutions européennes », avait plaidé Ana Catarina Mendes (S&D) en assemblée plénière ; tout en promettant de continuer à se battre en trilogue « pour obtenir un résultat plus fort, plus juste et véritablement européen ». Un compromis, « c’est mieux que l’esprit d’extrémisme et l’esprit de polarisation », avait renchéri Pascal Canfin (Renew).

Le PPE entre deux feux

Ces arguments n’ont pas convaincu leurs opposants, scindés en deux parties bien distinctes : d’un côté, le groupe des Verts, la gauche et les S&D français, bien décidés à ne pas accepter ce qu’ils considèrent comme un « démantèlement complet des règles de transparence et de vigilance de l’Union européenne » assorti d’un chantage de la part du PPE et de Donald Trump ; de l’autre côté, l’extrême droite, qui ne cache pas sa volonté d’en finir une bonne fois pour toute avec « cette ivresse normative », selon les propres termes de Pascale Piera (Rassemblement national-Groupe Patriotes pour l’Europe). « Toutes ces normes tuent tous les jours nos industries, détruisent nos emplois, sont la promesse du déclin économique de notre continent », a ainsi martelé cette dernière, approuvée par ses camarades du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) et du groupe L’Europe des nations souveraines.“ Le compromis a été rejeté parce qu’il ne satisfaisait personne ”Dominique Potier, député

Au-delà de l’allègement des normes, la gauche et les Verts ont particulièrement peu apprécié certaines modifications un peu trop radicales apportées à la directive sur le devoir de vigilance, telles que la suppression de la responsabilité civile des entreprises en cas de dommages causés par des manquements à ces obligations. Un véritable « totem d’immunité aux entreprises comme Total ou Shein pour continuer à exploiter la nature et les travailleurs », a jugé Manon Aubry (Le groupe de la gauche au Parlement européen-LFI), et un texte par ailleurs trop conforme aux exigences de l’administration Trump. « J’ai fait l’expérience d’un collège constructif qui était prêt à faire des compromis, a assuré Kira Marie Peter-Hansen pour le groupe des Verts/Alliance libre européenne. Mais le compromis qui nous est proposé ne reflète pas cet esprit. »

Une coquille vide ?

« Le compromis a été rejeté parce qu’il ne satisfaisait personne », analyse le député Dominique Potier à l’origine de la loi française sur le devoir de vigilance. Il s’agissait d’un texte vide, sans colonne vertébrale ». Les députés auront donc la possibilité de l’étoffer et d’y apporter des amendements lors de leur prochaine session plénière, à Bruxelles, le 13 novembre prochain. Mais de quel côté penchera la balance ? Plus à gauche, en défendant les acquis du Pacte vert, quitte à améliorer les textes existants sur la base de la traditionnelle majorité von der Leyen associant le PPE et Renew au centre gauche ?

Ou plus à droite, en les amoindrissant encore un peu plus, voire en supprimant toute obligation ? En conférence de presse à l’issue de la plénière, ni la présidente du Parlement Roberta Metsola (PPE) ni le rapporteur Jörgen Warborn ne semblait prêt à faire beaucoup bouger les lignes. « Nous sommes engagés à réduire la bureaucratie inutile pour aider nos entreprises, a répété inlassablement la première. À mettre l’accent sur ce qui est important, grandir, innover, créer des emplois et être sûrs d’être en avance, pas en retard (…). Nous défendons un environnement européen qui soit plus facile à gérer pour les utilisateurs. »

J’ai travaillé d’arrache-pied avec les socialistes et les démocrates pour dégager des solutions de compromis acceptables, s’est défendu, pour sa part, Jörgen Warborn, renvoyant la balle dans le camp des 34 abstentionnistes qu’il soupçonne de faire partie du camp S&D, même s’ils pourraient aussi comprendre quelques députés Renew. « Il appartient à présent aux socialistes et démocrates de préciser la manière dont ils appréhendent cette issue et leur relation avec les partis de la plateforme, a-il expliqué. Pour ma part, je suis toujours déterminé à faire de mon mieux pour trouver une solution au centre. »

Des vents contraires

« Si on veut une majorité proeuropéenne stable, il faut que les Verts soient à bord », a en tout cas prévenu l’écologiste Kira Marie Peter-Hansen. Le contexte international pourrait rendre la tâche difficile aux tenants de la durabilité des entreprises, la Commission subissant des pressions fortes de la part des États-Unis. « L’accord du 21 août qui l’oblige à renoncer à imposer un devoir de vigilance aux entreprises américaines a enfermé l’Europe dans un piège, observe Dominique Potier. On aurait pu imaginer un autre scénario avec une puissance européenne normative capable de dire non aux Américains. »

Lors des prochains débats au Parlement européen, le risque de voir les oppositions de droite et d‘extrême droite faire valoir leur position n’est donc pas exclu. Mais « le plus grand risque est peut-être l’enlisement dans un processus inefficient ; il y a pire que de ne pas faire, c’est faire semblant », insiste Dominique Potier. Cette première manche qui laisse pour le moment toutes les portes ouvertes fait en tout cas figure de symbole, alors que d’autres textes restent à examiner : simplification des investissements, politique agricole commune, produits chimiques… Le feuilleton s’annonce palpitant.

Nadia Gorbatko, journaliste
Rédactrice spécialisée
© Tou

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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