Malaunay (Seine-Maritime), vient d’obtenir le plus haut niveau de distinction d’un programme d’aide à la transition écologique mis en place par l’État – Filtres dans les écoles à Brignais (Rhône).

Mettre «les lunettes de la transition» : Malaunay, seule ville de moins de 20 000 habitants distinguée pour sa politique écolo

Éclose commune. Cette commune de Seine-Maritime vient d’obtenir le plus haut niveau de distinction d’un programme d’aide à la transition écologique mis en place par l’État. Malgré ses moyens limités, la ville de 6 200 âmes s’est engagée il y a 20 ans dans une démarche «systémique» d’adaptation aux changements climatiques. Vert s’est rendu sur place. 

devant la «table de tri» de la cantine, les plateaux des enfants défilent, presque tous vides. Si le menu du jour – des frites et de la dinde – y est sans doute pour quelque chose, ce non-gaspillage n’a rien d’inhabituel au groupe scolaire Olivier-Miannay, à Malaunay (Seine-Maritime). «Ici, on est à 30 grammes jetés par enfant quand la moyenne nationale tourne autour de 120 grammes», pointe Geneviève Van de Velde, responsable de la restauration collective.

Carte de la Normandie. 

Le secret ? Avant tout, la qualité de l’alimentation«C’est excellent ! Aujourd’hui, on a aussi eu du melon et un yaourt de la ferme. J’ai tout mangé, c’est très rare que je gâche», lance un petit garçon, perçant le brouhaha indissociable de ce genre de lieux. Les agent·es de la municipalité n’en sont pas peu fier·es : «En plats servis, on est quasiment à 80% de bio et/ou local», souligne Geneviève Van de Velde. En 2022, la commune a mis à disposition d’un jeune maraîcher bio une parcelle à deux pas de l’école, pour s’approvisionner en circuit ultra court.

Petite commune, grande transition

De l’assiette des écolier·es au toit des bâtiments communaux couverts de panneaux photovoltaïques, en passant par l’installation de nichoirs pour les chauves-souris, l’adaptation au changement climatique irrigue chaque pan de la vie communale à Malaunay. À tel point que la ville de 6 200 âmes vient d’obtenir les cinq étoiles du label «Territoire engagé pour une transition écologique» décerné par l’Ademe (l’Agence de la transition écologique).

Malaunay dispose de 1 600 mètres carrés de panneaux photovoltaïques et de trois chaufferies biomasse pour se passer au maximum des énergies fossiles. © Nicolas Cossic/Vert

Pour décrocher cette distinction, Malaunay a dû obtenir plus de 75% d’un total de 500 points, attribués pour l’accomplissement de 1 200 tâches à impacts variables, établies par l’Ademe. Une première en France pour une cité de moins de 20 000 habitant·es, là où les quelques autres lauréats sont principalement des métropoles, comme Besançon (Doubs) ou Grenoble (Isère). Malgré ses marges de manœuvre réduites, inhérentes à sa taille, la commune de Malaunay s’érige aujourd’hui en exemple de la transition écologique.

La rénovation des bâtiments : un premier pari gagné

Au départ, la transition écologique à Malaunay était surtout une affaire de sous. Endettée, la ville a entamé en 2006 un programme de rénovation énergétique des bâtiments. Un pari gagnant économiquement. À partir de 2012, la municipalité a fait de l’adaptation au changement climatique la colonne vertébrale de son action. «Les travaux sur des bâtiments demandent beaucoup d’argent. Mais l’investissement représente 25% du coût global et le fonctionnement 75%. Il y a donc tout intérêt à avoir un haut niveau d’exigence en matière énergétique dès le départ», défend le maire (Parti socialiste), Guillaume Coutey.

La preuve par l’exemple : la rénovation du gymnase Batum a permis de réduire de 30% la consommation de cet équipement , d’après un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) de 2024. Lorsque les projets de réhabilitation sont portés par des acteurs privés, tels que des bailleurs, la ville les contraint également à respecter des prescriptions environnementales strictes, sur le choix des matériaux ou les objectifs de basse consommation à atteindre.

Les bons comptes de la transition énergétique

L’intérêt écologique de la réhabilitation des bâtiments s’articule avec un autre levier central de la politique locale : l’indépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Malaunay compte actuellement 1 600 mètres carrés de panneaux photovoltaïques et trois chaufferies alimentées par de la biomasse (l’ensemble des matières organiques pouvant devenir des sources d’énergie) et du gaz. «Nous voulons porter à terme la part de biomasse à 80%. En 2022, nous étions à 60%», précise Nolwenn Leostic, chargée de mission transition et résilience. «Cette transition nous a permis de mieux résister à la hausse des coûts de l’énergie liée à la guerre en Ukraine», ajoute Guillaume Coutey.

Le quartier des Maréchaux bénéficie, depuis juin 2025, d’un programme de réhabilitation mené par un bailleur social. Ce dernier est soumis par la municipalité à un haut niveau d’exigence environnementale. © Nicolas Cossic/Vert

D’après la CRC, les dépenses de fluides (eau, électricité, chauffage et carburant) étaient similaires en 2020-2023, en comparaison avec une période de référence de 2010 à 2014. Afin de réduire l’empreinte environnementale de sa consommation électrique, la commune a également été l’une des premières en France à expérimenter, dès 2019, l’autoconsommation collective. «Concrètement, cela veut dire que l’électricité produite par nos panneaux sert directement à la consommation de nos bâtiments, à hauteur de 40% en 2023, par exemple», ajoute Nolwenn Leostic.

Une approche «systémique»

«Une fois qu’on a mis les lunettes de la transition écologique, il est difficile de voir les choses autrement», explique l’édile de Malaunay, qui promeut une «approche systémique» de ces enjeux. Cela se traduit notamment par un «atlas de la biodiversité» – un inventaire des milieux et des espèces locales – qui «redéfinit notre gestion des espaces verts, développe Aymeric Barré, le directeur des services techniques. À certains endroits, on va vraiment avoir un entretien limité pour créer des zones sanctuaires, dans le but de favoriser la réapparition d’espèces de plantes locales.»

Cette logique d’intégration des problématiques environnementales dans les tâches quotidiennes des agent·es est poussée au maximum : de la récupération de l’eau de pluie pour l’arrosage à l’utilisation de véhicules électriques pour les déplacements, en passant par la réutilisation des chutes de bois pour la chaufferie biomasse.

Susciter l’adhésion

La transition passe aussi par l’adhésion de la population. En 2018, la municipalité a ainsi lancé un projet d’implication des habitant·es : 110 volontaires ont été réparti·es en neuf équipes et ont eu trois mois pour plancher sur l’une des sept thématiques – eau et énergie, mobilité douce, production et consommation responsables, etc. – à la façon d’une convention citoyenne. Cette initiative a permis l’émergence de nouveaux projets tels que des jardins collectifs, la création d’un groupe «d’éco-voisins» qui sensibilisent aux économies d’eau et d’énergie, ou un meilleur traitement des biodéchets.

Mireille et Marie-Claude, retraitées, profitent de leur après-midi sur un banc du parc municipal Georges-Pellerin, où se côtoient des massifs de fleurs colorées, un étang et des jeux pour enfants : «Nos appartements ont des panneaux photovoltaïques depuis 13 ans, et il y en a aussi sur l’église maintenant ! Du point de vue de l’écologie, il y a eu un gros changement. Beaucoup de bâtiments ont été rénovés, le cadre de vie s’est amélioré, je connais plusieurs nouveaux habitants qui nous disent qu’ils sont venus pour ça, pour le cadre, pour le parc. C’est bien pour les enfants.»

Le coût de l’inaction

Selon Loïc Leproust, ingénieur «territoires durables» pour l’Ademe Normandie : «On observe que l’une des clés d’entrée dans la transition écologique pour les collectivités, c’est la maîtrise des coûts. Cela s’est vu avec la hausse du prix de l’énergie depuis 2022 : les collectivités engagées dans ce type de démarches ont mieux résisté. Mais c’est vrai aussi pour des actions qui touchent à la désimperméabilisation des sols, pour limiter les dégâts des inondations et faire face à l’augmentation des coûts d’assurance. Il y a un enjeu qui est de plus en plus compris.» Depuis 2006, la commune de Malaunay estime qu’une inaction face aux effets du dérèglement climatique aurait représenté un surcoût de quatre millions d’euros.

Filtres dans les écoles, comité de veille sanitaire : à Brignais, dans le Rhône, le combat exemplaire d’une commune contre les PFAS

Ça PFAS ou ça casse. Au sud de Lyon, Brignais tente de regagner du terrain sur la contamination par ces polluants éternels qui empoisonnent la région. Vert s’est rendu dans cette commune de 12 000 âmes, dont les choix pourraient inspirer d’autres collectivités.

en cette fraîche matinée de mai, le Garon est agité. De fortes pluies ont réveillé cette petite rivière chargée de PFAS , des polluants ultra-persistants dans l’environnement, présentant des risques pour la santé. Le Garon traverse en effet la commune de Brignais (Rhône), à une dizaine de kilomètres de la «vallée de la chimie» et ses industries polluantes situées au sud de Lyon. Le quotidien de cette petite ville est perturbé depuis les révélations d’une contamination d’ampleur aux PFAS, autour des usines Arkema et Daikin.

Pour produire leurs polymères fluorés, ces groupes chimiques installés sur la plateforme industrielle d’Oullins-Pierre-Bénite ont déversé pendant des années des polluants éternels dans l’environnement. La nappe du Garon, qui fournit 80% de l’eau potable des quelque 12 000 Brignairot·es, a déjà présenté des concentrations en PFAS supérieures à la limite de qualité de 100 nanogrammes par litre (ngl/l) : 121 ng/l en janvier 2024, par exemple.

Le Garon, qui traverse Brignais avant de rejoindre le Rhône, est pollué aux PFAS. Sa nappe fournit 80% de l’eau potable des 12 000 habitant·es de cette commune. © Lucas Martin-Brodzicki/Vert

«J’ai entendu parler d’Arkema à la télé, avec Elise Lucet, mais j’ignorais que Brignais était concerné», s’étonne Isabelle. Cette retraitée est en quête de nouvelles lectures devant une boîte à livres, à quelques pas du Garon. Ses yeux s’écarquillent lorsque nous lui apprenons que la préfecture recommande de ne pas consommer les œufs issus des poulaillers d’une quinzaine de communes, dont Brignais – et ce depuis deux ans.

«Nous sommes toujours soumis à cette recommandation, sans que ce soient des teneurs en PFAS énormes comme à Oullins-Pierre-Bénite, où sont situées les usines», précise calmement Jean-Philippe Gillet. L’adjoint en charge de la transition écologique de Brignais, ingénieur chimiste à la retraite, a pris en main le dossier à l’échelle communale. «C’est pour l’interview sur les PFAS ? Vous allez voir, c’est un spécialiste», nous lance avec fierté le maire Serge Bérard (divers droite), qui passe une tête dans le bureau.

Une commune face aux PFAS

Brignais est en effet un cas d’école de ce que peut faire une petite ville, dans la limite de ses compétences, face à une pollution environnementale de cette ampleur. Elle dispose d’un comité de veille sanitaire (CVS) sur les PFAS, qui se réunit deux fois par an. Une structure rassemblant entre 20 et 30 personnes (parents d’élèves, membres associatifs, monde agricole, élu·es), mise en place pendant la période Covid et «réactivée» sur la thématique des PFAS. «J’y présente l’état d’avancement des sujets en cours, en me focalisant sur les centres d’intérêt pour les habitants, comme l’eau ou les œufs», explique Jean-Philippe Gillet, tableaux et PowerPoint à l’appui.

Jean Philippe-Gillet, adjoint en charge de la transition écologique à Brignais, et sa présentation lors du dernier comité de veille sanitaire sur les PFAS. © Lucas Martin-Brodzicki/Vert

Le dernier CVS, en février, a été l’occasion de présenter le succès d’une des décisions de la mairie : l’installation de quatre filtres à eau anti-PFAS dans les écoles primaires de Brignais durant l’été 2024. Ils sont reliés aux fontaines présentes dans les cantines et produits par une entreprise locale, Filtrabio. Son chiffre d’affaires a explosé depuis le début du scandale, rapporte Le Progrès

Selon les analyses, l’eau ainsi filtrée contient désormais moins de 10 ng/l de PFAS, quand celle qui sert à la plonge, non filtrée, atteint encore 90 ng/l. «J’ai expliqué à tous les personnels ce qu’on avait installé. L’idée étant qu’ils remplissent les carafes pour les enfants», détaille Sylvain Hourlier, responsable des bâtiments à Brignais, devant l’une de ces bonbonnes noires filtrantes. Coût total de l’opération : 12 600 euros.

Sylvain Hourlier a géré l’installation de quatre systèmes de filtration anti-PFAS dans les cantines scolaires de Brignais. © Lucas Martin-Brodzicki/Vert

«La décision d’équiper les écoles est née dans ce fameux CVS, recontextualise Jean-Philippe Gillet. En 2023, des gens ont commencé à installer des systèmes de filtration à titre individuel. Des parents d’élèves ont demandé ce qu’il était possible de faire dans les écoles. L’eau restait potable, selon l’Agence régionale de santé, mais c’est un principe de précaution.»

Des habitants peu informés

Si les résultats sont là, un travail de communication reste à mener. Louise (le prénom a été modifié), habitante de Brignais depuis deux ans et maman d’une jeune fille de quatre ans scolarisée dans l’une de ces écoles équipées, admet ne pas être au courant. «Les polluants éternels, je sais juste que ce n’est pas bon pour la santé. On vit dans un monde pollué, je suis un peu résignée», lâche-t-elle en suivant du regard sa fille habillée d’un manteau rose qui gambade non loin. Travailleuse dans le milieu de l’enfance, elle regrette de ne pas avoir assez de temps pour «s’inquiéter de ça».

«Matériellement, on n’a pas les moyens de financer des filtres pour tous les habitants», admet Jean-Philippe Gillet, le «monsieur PFAS» de Brignais. Alors, au-delà des écoles, comment regagner du terrain sur la qualité de l’eau ? L’élu compte sur la coopération entre communes et sur le temps long. Depuis septembre 2024, l’eau distribuée à Brignais est diluée avec de l’eau de la Métropole de Lyon, peu touchée par la pollution. Grâce à cette interconnexion, l’eau qui sort des robinets de Brignais avoisine désormais les 70 ng/l. Elle dépassait légèrement la norme de qualité de 100 ng/l jusqu’à début 2024.

Vers le principe de pollueur-payeur

À moyen terme, une usine de traitement de l’eau doit voir le jour début 2026 pour dépolluer le captage de Ternay, en aval des usines, qui fournit 20% de l’eau de Brignais. Un chantier à 4 millions d’euros, pris en charge par le syndicat mixte Rhône-Sud. Enfin, la création de nouveaux captages dans des zones moins touchées est étudiée. Des opérations qui auront une répercussion sur la facture d’eau des usager·es, alors qu’elles et ils ne sont pas responsables. C’est là qu’intervient le volet juridique, dernier axe du plan anti-PFAS de la commune.

«Des actions en justice sont lancées pour déterminer qui est à la source de la pollution et le faire payer, développe Jean-Philippe Gillet, même s’il faudra sortir l’argent avant que la décision juridique n’intervienne.» L’élu représente Brignais dans la plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, déposée en octobre 2023. Elle rassemble une quarantaine de communes, des associations de pêche et des personnes physiques. Cette plainte avait donné lieu à des perquisitions chez Arkema et Daikin en avril 2024.

En parallèle, une expertise indépendante visant à démontrer la responsabilité d’Arkema et Daikin dans la pollution est en cours. Elle a été ordonnée par la justice suite à un référé-expertise de la Métropole de Lyon et du syndicat mixte Rhône-Sud. Une procédure qui ouvrirait la voie à des recours en réparation, et donc à l’application du principe pollueur-payeur. Brignais pourrait, pourquoi pas, s’en saisir.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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