La forêt française commence à ne plus jouer son rôle de puits de carbone
L’inventaire forestier national établi par l’IGN révèle que les forêts métropolitaines séquestrent beaucoup moins de carbone qu’avant. Les forêts du Nord-Est présentent déjà un bilan négatif, les stocks de carbone baissant brutalement.
Biodiversité | 20.10.2025 https://www.actu-environnement.com/ae/news/enquete-Amaris-pollution-industrielle-collecitivite-46955.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8Mzg3Mw%3D%3D%5BNDExMDgz%5D
Bien que la forêt française soit en extension, la progression du stock de carbone est de plus en plus lente.
C’est une alerte statistique qu’il ne faut pas négliger. Dans son dernier inventaire national forestier (1) , présenté le 14 octobre, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) révèle (2) la très importante baisse de la séquestration du carbone par les forêts françaises et le bilan négatif des flux de carbone des forêts du Nord-Est de l’Hexagone durant la période 2015 à 2023.
« Les forêts jouent un rôle central dans la lutte contre le changement climatique : lors de leur croissance, les arbres captent le CO2 atmosphérique et stockent le carbone dans leur bois », rappelle l’établissement public. Or, les forêts peinent désormais à jouer ce rôle.
Bien que la forêt française continue de s’étendre [17,6 millions d’ha (Mha) en 2022 contre 10 Mha, il y a un siècle] et que le stock de bois augmente [2 900 millions de mètres cubes (Mm3) en 2022 contre 2 400 Mm3 en 2005), « une inflexion est constatée depuis 2017 avec une accentuation des crises et des pressions », explique Antoine Colin, coordinateur de l’Observatoire des forêts françaises (3) à l’IGN. Des pressions qui résultent des sécheresses, des bioagresseurs (champignons, insectes), des feux de forêt, des tempêtes et des grands mammifères.
Mortalité en hausse de 125 % en dix ans
Résultats ? Une détérioration sanitaire des forêts et une mortalité des arbres en très forte hausse (+ 125 % en dix ans). « Sur la période 2021-2024, la France compte 193 millions d’arbres altérés (vivants ou morts sur pied depuis moins de cinq ans), parmi les 2 289 millions d’arbres qualifiés. Le taux d’arbres forestiers altérés est donc en moyenne de 8 % », rapporte l’inventaire. Les taux d’altération les plus élevés sont constatés dans le Nord-Est de la France. Quant aux espèces les plus touchées, il s’agit du frêne (26 % des arbres altérés), du châtaignier (21 %), du chêne pédonculé et de l’épicéa commun (10 %).“ Ce que l’on pensait être un rempart naturel contre nos émissions est en train de se retourner ”Serge Zaka, docteur en agrométéorologie
La mortalité est également variable selon les essences et les régions. Les essences les plus affectées sont l’épicéa commun, victime des attaques de scolytes, le châtaignier, affecté par des maladies, et le frêne, miné par la chalarose. « La mortalité augmente, que les peuplements soient purs ou mélangés en essences », précise l’inventaire.
Si le stock de carbone reste en progression, celle-ci est maintenant beaucoup plus lente : 39 millions de tonnes de CO2 par an (MtCO2/an) séquestrées dans les arbres entre 2015 et 2023, contre 63 MtCO2/an entre 2005 et 2013. En effet, le bilan des flux de bois, qui correspond à la production biologique moins les prélèvements et la mortalité, est en net recul : -54 % sur la période 2015-2023 par rapport à la période 2005-2013. « Cette réduction est liée à une mortalité en hausse, des prélèvements (pour partie contraints par l’état sanitaire des arbres) en progression et une production biologique en baisse [-4 % entre les deux périodes]. Toutes ces évolutions sont statistiquement significatives », alerte l’IGN.
Bilan négatif des flux de carbone
Répartition du bilan des flux de carbone entre 2015 et 2023© IGN
Dans certains massifs, notamment le Nord-Est mais aussi dans le centre, le solde est négatif, « entraînant une baisse brutale de stocks constitués sur plusieurs décennies ». Certaines forêts présentent un bilan des flux de carbone négatif. Elles ne jouent donc plus leur rôle de puits de carbone et contribuent, au contraire, à augmenter l’effet de serre.
« Si les forêts sont des atouts dans la lutte contre l’augmentation du CO2 atmosphérique, elles en sont également les victimes », conclut l’IGN. « Autrement dit, commente Serge Zaka, docteur en agrométéorologie : ce que l’on pensait être un rempart naturel contre nos émissions est en train de se retourner. Le puits s’épuise. Et quand les amortisseurs lâchent, c’est la pente du réchauffement qui s’accélère. »
Et le constat ne concerne pas que la France. Une étude scientifique (4) , publiée le 15 octobre dans la revue Nature et signalée par ce dernier, conclut que la biomasse aérienne des forêts tropicales australiennes est désormais une source nette de carbone et, qu’à long terme, l’ensemble des forêts tropicales humidesdu monde pourraient suivre la même évolution.1. Télécharger l’inventaire national forestier 2025
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-46953-inventaire-national-forestier-ign-2025.pdf2. Découvrir les outils de visualisation de l’inventaire forestier national
https://inventif.ign.fr/3. Découvrir les données sur les forêts du territoire métropolitain
https://observatoire.foret.gouv.fr/mon-territoire?territoireCode=44&territoireLevel=RAD13&compareCode=France&compareLevel=FRA4. En savoir plus sur l’étude scientifique publiée dans Nature
https://www.nature.com/articles/s41586-025-09497-8
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef de Droit de l’Environnem
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