Les économies « fantômes » du RN

Le programme budgétaire du Rassemblement national ou le mystère des « 100 milliards » d’économies

L’extrême droite, soucieuse d’afficher son orthodoxie budgétaire, se dit en mesure de faire passer le déficit sous la barre des 3 % du PIB d’ici à cinq ans. Mais les choix qu’il distille au « Monde » dessinent une autre réalité, entre économies incertaines et dépenses bien réelles. 

Par  et 

le 19 octobre 2025 à 06h00, modifié le 19 octobre 2025 à 10h35 https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/10/19/le-programme-budgetaire-du-rassemblement-national-ou-le-mystere-des-100-milliards-d-economies_6648097_823448.html

Temps de Lecture 11 min.

La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, lors de la déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 octobre 2025.
La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, lors de la déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 octobre 2025.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Depuis deux mois, le Rassemblement national (RN) brasse des milliards. Le parti d’extrême droite, qui se dit converti à l’orthodoxie, assure pouvoir trouver des dizaines de milliards d’euros d’économies dans le budget de l’Etat. Il n’y aurait qu’à se baisser, à en croire ses porte-parole, pour trouver des ressources à même de financer le programme de relance de l’économie du RN, lui-même très coûteux.

Au début du mois de septembre, le président du parti, Jordan Bardella, a donné un chiffre dans une lettre aux entrepreneurs, objets de toutes ses attentions : 100 milliards d’euros. Depuis, Le Monde a sollicité à plusieurs reprises le RN pour comprendre comment ce montant pouvait être atteint. Sans succès. Cette promesse, à un horizon de cinq ans, relève pour l’heure davantage du vœu pieux.

Confronté à la synthèse des chiffres partagés petit à petit par le RN, son groupe parlementaire a toutefois accepté de détailler un peu plus l’état des réflexions budgétaires qui constituent la matrice du programme du parti en cas d’élections législatives anticipées et pour la présidentielle de 2027. Il ressort de ces éléments que le RN surestime très probablement la portée de ses mesures, dont certaines contreviennent en outre à la Constitution ou aux règles de l’Union européenne (UE), et que l’objectif de passer sous la barre des 3 % de déficit nécessiterait une croissance spectaculaire, ou de nouveaux choix : des économies supplémentaires, le désinvestissement dans les services publics ou l’abandon des promesses en termes de baisses d’impôts et de régime des retraites.

Lire aussi  « Le projet de budget du RN est aussi difficile à chiffrer qu’à qualifier »*

La majeure partie des économies présentées proviennent d’une cure d’amaigrissement pour l’Etat et les collectivités, se traduisant par une baisse du nombre de fonctionnaires, et obéissent à la doctrine isolationniste du RN, qui entend fermer le robinet des contributions aux immigrés, à l’UE ou aux pays en voie de développement. A l’opposé, les pertes de recettes, dues à la poursuite de la politique de l’offre et des baisses de TVA visant à relancer la consommation, s’annoncent considérables.

Charles-Henri Gallois, le nouveau conseiller économique de Jordan Bardella, résume ainsi la doctrine économique du parti d’extrême droite, qui s’inscrit dans le droit fil de la doctrine libérale : « La justice fiscale peut s’entendre, mais ce n’est pas cela qui va rétablir les comptes publics. La face des comptes publics sera changée par la baisse de la mauvaise dépense publique, par la relance de la production en élaguant les normes et en baissant la fiscalité. C’est par là que vous aurez de la croissance en France et que vous allez réellement rééquilibrer les comptes. C’est cela la grande variable. »

Le calcul des 100 milliards

Le RN se fait fort de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB), avec la promesse d’atteindre 2,7 % à l’horizon de cinq ans ; un objectif conforme au pacte de stabilité budgétaire européen qu’aucun gouvernement n’a atteint depuis 2017. Une révolution copernicienne pour un parti qui s’est toujours défié des règles de Bruxelles, et tente désormais de rassurer les milieux financiers pour s’éviter un destin « à la Liz Truss », du nom de la première ministre britannique conservatrice, contrainte à la démission un mois après sa nomination, en 2022, après que son programme fiscal coûteux a fait déraper la dette. Paradoxalement, cette entreprise de crédibilisation auprès des marchés est menée par le souverainiste Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme et l’un des plus féroces pourfendeurs de l’Union européenne et des marchés financiers au sein du parti.

« Les rapports techniques disent tous, avec des scénarios centraux d’inflation et de croissance, qu’il faudra entre 95 milliards et 120 milliards d’euros d’économies. Que ceux qui disent que l’effort est trop important nous disent comment ils feront ! », lance le député de la Somme. Dans le détail, le RN espère réduire la dépense publique de 20 milliards d’euros supplémentaires chaque année, de sorte qu’au bout de la cinquième année elle serait inférieure de 100 milliards à celle de l’année zéro. Problème : selon l’annonce faite par Jordan Bardella, seulement un tiers de ces économies serait affecté à la réduction du déficit. D’où cette interrogation, à laquelle le RN ne répond pas : comment aboutir à une baisse substantielle d’un déficit dans ces conditions ?

Lire aussi |  Le RN ouvre la voie à un « accord de gouvernement » potentiellement inédit avec la droite

Il faudrait, pour le compenser, compter sur une croissance et une consommation très supérieure aux attentes. Parmi les lignes budgétaires qu’il accepte de confirmer, le RN entend réaliser au moins 60 milliards d’euros d’économies structurelles sur quatre postes : l’immigration (25 milliards), les fraudes sociales et fiscales (15 milliards), la contribution de la France à l’Union européenne (10 milliards) et l’organisation de l’Etat (de 10 à 30 milliards). Des recettes supplémentaires viendraient d’impôts sur « la rente et la spéculation » (entre 10 et 15 milliards).

Premier facteur du vote lepéniste, l’immigration est naturellement la source d’économies la plus immédiate fantasmée par le RN. La préférence nationale, concept xénophobe contraire à la Constitution, mais dont le principe fait son chemin dans plusieurs pays d’Europe, serait appliquée de manière progressive : d’abord en conditionnant l’accès aux aides non contributives (minima sociaux, allocations familiales, prestations logement ou handicap…) à cinq ans de travail sur le sol français, une mesure que le Conseil constitutionnel a déjà jugée contraire au texte suprême. Le parti espère, en ajoutant la suppression de l’aide médicale d’Etat et diverses autres mesures visant les étrangers installés en France de manière régulière, économiser 19 milliards d’euros par an, puis 25 milliards s’il obtenait de modifier la Constitution. Très hypothétiques, ces pistes d’économies sont par ailleurs probablement largement surévaluées.

En 2019, la Caisse nationale des allocations familiales, qui gère la quasi-totalité de ces prestations, avait estimé à 9 milliards d’euros le montant des aides non contributives versées à l’ensemble des étrangers. On peut y ajouter les aides versées par les caisses d’assurance-vieillesse au titre du minimum vieillesse, d’un montant très inférieur (3,9 milliards pour l’ensemble des allocataires en 2024).

De manière complémentaire, le RN estime que « la mise en œuvre de [sa] politique d’immigration aura un impact dans le domaine de la sécurité » et que « les externalités négatives de l’immigration subie » coûtent 60 milliards d’euros à la France. Même les organisations proches de l’extrême droite, comme le contesté Observatoire de l’immigration et de la démographie, ne livrent pas de tels chiffres. Les études économiques sérieuses, tout en prévenant de la difficulté d’estimer l’impact économique de l’immigration, ne peuvent fournir qu’une fourchette d’évaluation et aboutissent à des estimations tantôt faiblement négatives, tantôt faiblement positives pour les finances publiques.

Les fraudes sociale et fiscale

Comme l’ensemble de l’échiquier politique, le RN compte sur la chasse aux fraudes fiscale et sociale pour trouver des ressources supplémentaires. Pas moins de 5 milliards d’euros sur la première, 10 sur la seconde, « ce qui apparaît dans la fourchette basse des différentes études sur le sujet ». La fraude sociale en France est estimée à 13 milliards d’euros par an, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, dont seulement 0,6 milliard est recouvré : le RN s’estime donc en mesure de recouvrer les trois-quarts de ces sommes évaporées. Quant à la fraude fiscale, elle est bien supérieure, mais délicate à évaluer.

En 2024, 13 milliards d’euros ont été récupérés par l’Etat, dont 11,4 milliards par l’administration fiscale, sur un total de 20 milliards d’euros détectés. Pour atteindre l’objectif du RN, il faudrait donc améliorer la détection, mais aussi la capacité à recouvrer ces sommes. Le nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu, a déposé, mardi 14 octobre, un projet de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Le même jour, le Haut Conseil des finances publiques a jugé que les gains escomptés en la matière dans son projet de budget (1,5 milliard en 2026) « ne parai[ssaient] pas crédibles ».

La contribution de la France à l’UE

Si le RN ne souhaite plus quitter l’Union européenne (UE), celle-ci reste l’autre cible favorite de l’extrême droite. S’il accédait à Matignon, le parti souhaiterait limiter le prélèvement sur recettes destiné au budget européen à hauteur de 20 milliards d’euros, au lieu de 29 milliards en 2026 – hors reversement de droits de douane. « Cette décision sera annoncée à Bruxelles dès notre arrivée aux responsabilités, assure le cabinet de Marine Le Pen. S’ensuivra une négociation. La baisse de la contribution de la France à l’UE sera liée à la fin de politiques européennes illégitimes – élargissement, défense, politiques extérieures. »

La réduction unilatérale, par le Parlement, de la contribution à l’Union mettrait la France en violation de ses engagements européens, et dans la situation d’être poursuivie par la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union, comme cela s’est déjà produit. Au-delà de l’impact sur la crédibilité de la France et la bonne marche de l’Union, l’Europe pourrait par exemple décider de couper les aides attribuées dans le cadre de la politique agricole commune. Par la suite, un rabais pourrait être négocié en amont du prochain cadre pluriannuel (2028-2034), dont les négociations ont déjà commencé. L’Allemagne et les Pays-Bas, régulièrement cités par le RN, bénéficient, dans le budget actuel, respectivement, d’un rabais de 4,4 milliards et 2,3 milliards d’euros, soit bien moins que celui espéré par Marine Le Pen.

« Si la France se pète la gueule, l’Europe a un problème. On est dans une situation inextricable, il faut donc une solution inédite, plaide Jean-Philippe Tanguy. L’Union européenne ne peut pas nous demander de cotiser comme si on était richissimes, elle doit nous aider. Mais le prix de son aide, c’est de reconnaître qu’il faut faire ces 100 milliards d’économies structurelles. » Une façon de donner à l’UE le rôle joué par le Fonds monétaire international dans la cure d’austérité imposée à l’Europe du Sud il y a quinze ans.

Les politiques publiques

C’est à la fois la plus ambitieuse et la plus imprécise des économies envisagées par le RN : une réduction du rôle de l’Etat et du nombre de collectivités territoriales, dont le parti admet pour la première fois qu’il se traduira par « une baisse globale du nombre de fonctionnaires, notamment par le non-remplacement de certains départs à la retraite ». Le RN envisage à terme la suppression de deux échelons territoriaux, les régions et les communautés de communes, dont il escompte de 6 à 9 milliards d’euros d’économies par an.

Lire aussi |  Le double discours du RN sur le pouvoir, revendiqué et redouté

Plus largement, l’extrême droite estime à portée de main des économies annuelles de 30 milliards après des réformes de l’organisation de l’Etat, et même le double au bout de deux quinquennats. La politique de formation professionnelle, d’apprentissage, les subventions aux associations ou la politique du logement seraient affectées par ces économies.

Comme la droite, le RN a par ailleurs dans son viseur l’audiovisuel public – dont la privatisation, ou au moins l’arrêt du subventionnement, économiserait 4 milliards d’euros par an –, ainsi que les agences et opérateurs de l’Etat, dont il pense pouvoir tirer 10 milliards d’euros « en rythme de croisière ». Une telle économie nécessiterait la suppression de nombreuses missions de l’Etat. En effet, la seule rationalisation de ces organismes permettrait d’économiser un demi-milliard d’euros, selon la conclusion récente de la commission d’enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’Etat. « Nous assumerons une rupture forte en matière de politiques publiques, prévient M. Tanguy. La santé, l’éducation et les collectivités sont les trois grands pourvoyeurs d’emplois publics, donc trois sources de réorganisation majeures. »

Des baisses d’impôts

C’est un refrain cher à Jordan Bardella, qui le chante régulièrement à l’oreille du patronat français : « Nous proposons un choc fiscal positif, par l’allègement massif des impôts de production, afin de les réduire de 20 %, réalignant ainsi la France sur ses partenaires européens. » Le coût de ce « choc fiscal » serait de près de 20 milliards d’euros. Dès son arrivée au pouvoir, le RN souhaiterait supprimer la cotisation foncière des entreprises, une ressource importante des collectivités territoriales qui prélève, relativement à leur taille, plus durement les très petites entreprises ou celles situées dans des centres-villes.

Puis la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) dans certains territoires « répondant à un besoin de revitalisation ». En fin de mandat, il mettrait fin à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont la suppression avait été promise par Emmanuel Macron, une mesure alors critiquée par le RN, et dont Sébastien Lecornu promet la baisse aujourd’hui, et supprimerait la C3S sur tout le territoire. Le RN propose ainsi une poursuite de la politique fiscale de l’offre telle que menée par Emmanuel Macron, malgré un bilan en demi-teinte. Selon Charles-Henri Gallois, « ce que Macron a donné d’une main, il l’a repris de l’autre, avec l’impôt de papier que sont les normes européennes que la France se précipite pour appliquer ». Un combat que le RN peine à mener efficacement à Bruxelles, où il est mis à l’écart des négociations avec les autres partis d’extrême droite.

Lire aussi |    Les atermoiements du RN pour taxer les ultrariches, à rebours des promesses de « justice sociale »**

Un autre trou dans les comptes, pas des moindres, serait provoqué par la réforme des retraites portée par le RN, qui prévoit de ramener l’âge légal de départ de 64 ans à 60 ou 62 ans, et après quarante à quarante-deux années de cotisation, en fonction de l’âge d’entrée sur le marché du travail. Une mesure que l’Institut Montaigne avait chiffrée à environ 35 milliards d’euros en 2024, mais dont le RN assure qu’elle serait beaucoup moins coûteuse, en raison d’un impact positif sur le taux d’emploi des seniors ou sur le système de santé. Contestée par une minorité en interne, cette réforme reste à cette heure au programme du parti.

Autre poste de dépenses : des baisses de la TVA, « la clé de la relance de la consommation », selon Jean-Philippe Tanguy. D’abord sur l’énergie – une mesure qui pourrait faire l’objet d’un autre affrontement avec Bruxelles, car contraire aux règles européennes –, pour un manque à gagner que le RN estime à 12 milliards. Et sur les produits de première nécessité, pour lesquels la TVA serait nulle : 7 milliards d’euros en moins dans les caisses de l’Etat. Plus généralement, le parti aimerait faire baisser, à l’issue de « deux quinquennats », le montant des prélèvements obligatoires à 40 % du PIB – en fonction des modes de calcul, il se situait, en 2023, entre 43 % et 46 %.

A ces manques à gagner, le RN prévoit toujours d’ajouter des dépenses supplémentaires dans la défense, la justice ou la police, d’abord en respectant les lois de programmation pluriannuelle votées ces dernières années. Le calcul est simple : s’il respectait l’ensemble de ces promesses, le parti d’extrême droite engloutirait environ la totalité des économies revendiquées plus haut.

Peu de recettes nouvelles

Pour financer ce programme, le RN ne compte pas revenir en arrière sur les baisses de prélèvements obligatoires opérées par Emmanuel Macron, mais plutôt les accélérer. Le prélèvement forfaitaire unique (« flat tax ») ou la suppression de l’impôt sur la fortune, dénoncés à l’époque par Marine Le Pen, ne sont plus remis en cause, pas plus que la baisse de l’impôt sur les sociétés. Il ne souhaite ni toucher aux aides aux entreprises ni mettre à contribution les retraités, ses deux nouvelles cibles électorales.

Tout juste le parti tient-il à sa transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune financière, qui permettrait, selon Jean-Philippe Tanguy, de rapporter 4 milliards d’euros supplémentaires. Un chiffre qui le rapprocherait de l’ancien ISF, mais est sujet à caution, compte tenu des exonérations prévues par cet impôt.

D’autres taxes sur la « rente et la spéculation » seraient instaurées. Une taxe de 33 % sur les rachats d’actions, portant sur la valeur d’achat et non la valeur nominale des actions, potentiellement plus lucrative que celle mise en place par la France en 2024, si toutefois elle était conforme aux traités européens ; une taxe sur les « super dividendes » rapportant moins de 1 milliard d’euros ; et le renforcement de l’« exit tax », qui lutte contre une forme d’exil fiscal, et de la taxe sur les transactions financières. Combinées, ces mesures rapporteraient, selon le contre-budget du RN, quelque 13,5 milliards d’euros.

Le projet de budget du RN est aussi difficile à chiffrer qu’à qualifier »

François Ecalle, spécialiste des finances publiques, estime, dans un entretien au « Monde », que « plusieurs évaluations » du parti d’extrême droite « ne semblent pas raisonnables », notamment le chiffrage des économies potentiellement réalisées sur l’immigration. 

Propos recueillis par 

le 19 octobre 2025 à 09h00, modifié hier à 08h01 https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/10/19/le-projet-de-budget-du-rn-est-aussi-difficile-a-chiffrer-qu-a-qualifier_6648113_823448.html

Temps de Lecture 3 min.

La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, et le député RN, Jean-Philippe Tanguy, à l’Assemblée nationale, le 15 octobre 2025.
La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, et le député RN, Jean-Philippe Tanguy, à l’Assemblée nationale, le 15 octobre 2025.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

François Ecalle, ancien magistrat à la Cour des comptes, est le fondateur de Fipeco.fr, un site d’information sur les finances publiques qui fait référence. Il analyse la faisabilité des mesures budgétaires annoncées par le Rassemblement national, qui constituent la matrice du programme du parti en cas d’élections législatives anticipées et pour la présidentielle de 2027.

Comment qualifier le projet de budget du Rassemblement national ?

C’est un budget aussi difficile à chiffrer qu’à qualifier. Ce projet mêle poursuite de la politique de l’offre d’Emmanuel Macron, utilisation des traditionnelles baguettes magiques budgétaires – immigration et fraudes – et discours destiné à l’électorat populaire sur les baisses de la TVA.

L’essentiel du budget repose sur la baisse des « mauvaises dépenses ». Leurs chiffrages sont-ils pertinents ?

Plusieurs évaluations ne me semblent pas raisonnables. En matière d’immigration, un rapport du Conseil d’analyse économique avait estimé en 2021 que l’impact de l’immigration sur les finances publiques se situait entre une perte de 0,5 % du PIB (– 15 milliards d’euros) et un gain de 0,5 % du PIB (+ 15 milliards d’euros). Même en retenant l’analyse la plus pessimiste (un coût net de 15 milliards), je ne vois pas comment arriver à un gain net de 25 milliards d’euros.

S’agissant des fraudes, les recettes tirées du contrôle fiscal ont augmenté d’environ 3 milliards d’euros par an en dix ans, en donnant plus de moyens juridiques et techniques aux contrôleurs. Augmenter de 5 nouveaux milliards en cinq ans est très ambitieux. Pour les recettes tirées de la lutte contre la fraude sociale, elles s’élèvent aujourd’hui à 3 milliards d’euros ; les tripler est irréaliste.

Lire aussi |    Le programme budgétaire du Rassemblement national ou le mystère des « 100 milliards » d’économies

Est-il commun de présenter un budget en partie conditionné à une révision de la Constitution ou de nos engagements européens ?

Classiquement, non : un gouvernement présente en général un budget dont il considère qu’il ne contrevient pas à la Constitution. La situation est différente pour les oppositions. On le voit actuellement avec la taxe Zucman, réclamée par la gauche, dont certains considèrent qu’elle serait censurée par le Conseil constitutionnel.

Concernant l’Union européenne, la contribution annuelle est le résultat d’une négociation dans laquelle chaque pays essaie de limiter son montant ; pas sûr qu’on fasse mieux que les autres. Avant d’aller à l’épreuve de force avec les autres pays européens, il faut avoir en tête que la Banque centrale européenne [BCE] nous protège d’une crise des finances publiques. Si la France commence à adopter des mesures antieuropéennes, la BCE pourrait hésiter à intervenir [pour nous aider] en cas de coup de torchon sur les marchés.

En matière d’impôts, le RN promet de réduire de 46 % à 40 % la part des prélèvements obligatoires dans le PIB. Cet objectif vous paraît-il atteignable ?

La baisse d’impôts ne paraît pas plus possible aujourd’hui avec le gouvernement de Sébastien Lecornu que demain si le RN accédait au pouvoir. Nous ne disposons tout simplement pas des marges financières suffisantes pour baisser les impôts, comme pour créer de nouvelles dépenses. Reprendre le contrôle de la dette publique ne peut se faire qu’en répondant à deux questions : quelles économies ? Quelles hausses d’impôts ? Je suis partisan de faire peser l’ensemble de l’effort de réduction du déficit public sur la réduction de la dépense publique. Mais cette démarche ne peut, en l’état, s’accompagner d’une baisse d’impôts. Cet objectif de réduction de la part fiscale dans le PIB empêcherait d’atteindre celui de réduire à 2,7 % le déficit public [comme promis par le RN à l’horizon de cinq ans].

Considérez-vous donc que l’Etat n’est plus en mesure de réduire les impôts de production ?

Dans l’absolu, oui, il faudrait réduire les impôts sur les sociétés et les impôts de production car la France fait face à de réels problèmes de productivité. Mais ce type de mesures ne s’autofinance pas ; on ne peut les envisager sans réduire sérieusement les dépenses publiques. Je ne plaide pas pour une augmentation des impôts de production, qui affecterait la compétitivité des entreprises. Les nouvelles recettes fiscales se trouveraient plutôt du côté des ménages les plus aisés.

Les nouvelles recettes fiscales du RN [via son impôt sur la fortune financière, ses taxes sur les rachats d’actions et diverses taxes sur la spéculation] portent sur les revenus et le stock de capital, avec des risques de réduction du financement des entreprises par les « riches » au détriment de l’investissement (problème général posé par ce type d’impôts). En outre, un rendement de 13 milliards d’euros pour ces dispositifs me semble très optimiste.

Leur réforme des retraites est-elle opportune dans un programme visant à réduire le déficit public ?

Dans la situation actuelle des finances publiques, une des mesures les plus efficaces est, au contraire, le recul de l’âge légal de départ à la retraite. L’intérêt essentiel de cette réforme en cours serait d’augmenter la population active, donc l’emploi, l’activité économique, et ainsi l’ensemble des recettes. Il s’agit même de l’un des rares moyens pour réduire le déficit tout en relançant l’activité. A choisir ensuite le paramètre à faire évoluer : l’âge de départ ou la durée de cotisation ?

Les atermoiements du RN pour taxer les ultrariches, à rebours des promesses de « justice sociale »

Des cadres du Rassemblement national tergiversent sur la mise à contribution des patrimoines les plus aisés et remettent en cause des mesures d’imposition officiellement toujours au programme. 

Par  et Publié le 18 septembre 2025 à 06h00, modifié le 18 septembre 2025 à 12h29 https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/09/18/les-atermoiements-du-rassemblement-national-pour-taxer-les-ultrariches_6641614_823448.html

Temps de Lecture 3 min.

Lors des « Estivales du RN », à Bordeaux, le 14 septembre 2025.
Lors des « Estivales du RN », à Bordeaux, le 14 septembre 2025.  CYRIL BITTON/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

Marine Le Pen s’accommoderait-elle désormais de « l’oligarchie » et des « puissances de l’argent » ? Soucieuse d’amadouer les milieux économiques dans sa quête du pouvoir, la cheffe de file de l’extrême droite a, depuis longtemps, renoncé à faire rendre gorge aux « faux patrons », ces grandes fortunes qu’elle accusait naguère de confisquer l’argent des travailleurs français et des petits chefs d’entreprise, ceux qui, selon Marine Le Pen, représenteraient le « vrai » patronat. Rarement pourtant le Rassemblement national (RN) n’a autant douté sur la nécessité – et les moyens – de mettre à contribution les plus riches, au moment même où la crise budgétaire et financière impose à l’Etat de trouver de nouvelles sources de revenus.

Après avoir tergiversé, les lepénistes n’hésitent plus : ils sont contre l’instauration de la taxe Zucman de 2 %, visant les patrimoines de plus de 100 millions d’euros ; un impôt « pour amuser la galerie gauchiste et ne rien rapporter », balaie en privé la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale. Mais la polarisation du débat politique sur cette mesure – portée par la gauche et moquée par la droite – les oblige à clarifier les contours de cette « justice sociale » qui dicterait leur programme et orienterait leurs actions. « Je pense qu’il n’est pas anormal que ceux qui sont les plus riches dans notre pays participent au règlement des difficultés, a encore dit Marine Le Pen mardi 16 septembre sur CNews. Ce n’est pas un totem d’immunité quand même d’avoir une très grosse fortune. » Ses rares mesures à destination des plus aisés divisent pourtant aujourd’hui jusque dans son propre camp.

Depuis 2022 et sa dernière campagne présidentielle, l’effort qu’elle réclame aux fortunés se résume essentiellement en trois lettres : IFF, pour « impôt sur la fortune financière », ciblant les actifs financiers et exonérant le « patrimoine enraciné » – résidence principale ou « unique », biens professionnels et autres œuvres d’art détenues depuis plus de dix ans.

Broutille

Les préposés aux finances du parti reconnaissent eux-mêmes que ce nouveau prélèvement ne rapporterait au mieux que quelques milliards de plus que l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI). Moins encore ? Sébastien Chenu, vice-président du groupe RN à l’Assemblée nationale, a expliqué mercredi sur France 5 que l’IFF aurait « à peu près la même rentabilité » que l’IFI. Une broutille pour des ménages assis sur des fortunes démultipliées ces dix dernières années et proportionnellement moins taxés que la plupart des contribuables. Mais « un symbole » au RN pour tempérer les œillades adressées par ailleurs aux entrepreneurs – sans plus distinguer les « vrais » des « faux ». Officiellement en tout cas.

Lire aussi |    Impôt sur la fortune immobilière (IFI) : qui paie combien ?

Comme tout parti aspirant à gouverner, le RN ne peut plus faire fi de la dette abyssale et des déficits budgétaires à la chaîne. A défaut de chiffrer précisément des pistes d’économies très optimistes, ses dirigeants veulent afficher une juste répartition des efforts à consentir pour redresser les finances publiques. Dans le sillage de Jean-Philippe Tanguy, poisson-pilote économique de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, ses députés portent dans l’Hémicycle les mesures qui, sur le papier, sont toujours au programme : outre l’IFF, plusieurs amendements ont été déposés pour taxer les surdividendes (supérieurs de 20 % à la moyenne des dix dernières années) et les rachats d’actions.

Refusant de laisser à la gauche le « monopole de la justice fiscale », les députés RN ont même permis, en février, l’adoption symbolique par l’Assemblée de la taxe Zucman grâce à leur abstention. Ces gages de bonne volonté en matière d’équité devant l’impôt ne font cependant plus l’unanimité au parti.

Lire aussi |  L’extrême droite, un moindre mal pour les milieux d’affaires français, à en croire le livre « Collaborations »

Plus à l’aise avec les accents pro-business entonnés par le président du parti, Jordan Bardella, plusieurs cadres doutent de l’efficacité de ces dispositifs visant les ultrariches. Ils craignent que le RN perde plus – électoralement – qu’il ne gagne – économiquement – à vouloir faire payer les plus privilégiés. Même à la marge. Les critiques se font à bas bruits, pour ne pas braquer Marine Le Pen ni accréditer l’idée d’un mouvement sans colonne idéologique – la lutte contre l’immigration mise à part. Mais leur multiplication témoigne du dilemme électoral contraignant chaque décision stratégique du parti : amadouer des catégories encore réticentes (classes supérieures, milieux économiques, retraités) sans trahir les aspirations de son électorat populaire, peu amène à l’égard de dirigeants du CAC 40 autrefois honnies par les chefs frontistes.

Scepticisme

Les dubitatifs de l’IFF se disent sourds aux réseaux sociaux et aux tenants de la droite libérale qui, du parti Les Républicains aux zemmouristes, y singent Marine Le Pen en « socialiste ». Ils sont davantage sensibles aux coups de semonces de patrons allergiques à toute forme de taxation, auxquels Jordan Bardella prête une oreille très attentive.

Un scepticisme relayé depuis plusieurs années par François Durvye, proche collaborateur du milliardaire ultraconservateur Pierre-Edouard Stérin, et partagé en coulisses par le nouveau conseiller économique du président du RN, Charles-Henri Gallois, ancien cadre financier chez LVMH, eurosceptique mais d’inspiration libérale. Tout en respectant la hiérarchie frontiste, et la mainmise de Marine Le Pen sur le programme du RN, ils questionnent l’opportunité de braquer une population, minoritaire mais influente, pour quelques milliards pas toujours documentés.

Lire aussi |   Le double discours du RN sur le pouvoir, revendiqué et redouté

A défaut d’obtenir son abandon, plusieurs cadres plaident pour ajourner l’IFF en cas d’accession au pouvoir, et de ne l’instaurer que dans l’hypothèse de réductions des dépenses insuffisantes pour résorber les déficits. « Il ne faut pas s’interdire de ne pas la faire », euphémise un proche de Jordan Bardella, perplexe à l’égard d’« un impôt qui ne changera rien à la face du budget ». Les taxes sur les rachats d’actions et les surdividendes, qui nourrissaient le dernier contre-budget, seraient sur la sellette. Au candidat à l’élection présidentielle de choisir le « symbole » de son prochain programme économique, entre un effort marginalement partagé et des fortunés durablement préservés.

Entre tronçonneuse et baguette magique, le RN présente son contre-budget

Le parti d’extrême droite propose une baisse massive des dépenses de l’État, qu’il considère « inutiles », et cible l’immigration, les associations et les collectivités territoriales pour compenser les cadeaux fiscaux qu’il destine aux entreprises.

Alexandre Berteau et Youmni Kezzouf

23 octobre 2025 à 16h36 https://www.mediapart.fr/journal/politique/231025/entre-tronconneuse-et-baguette-magique-le-rn-presente-son-contre-budget?utm_source=hebdo-20251024-190007&utm_medium=email&utm_campaign=HEBDO&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[HEBDO]-hebdo-20251024-190007&M_BT=115359655566

23 octobre 2025 à 16h36

Un contre-budget pour « un contexte gravement dégradé ». Le Rassemblement national a présenté jeudi 23 octobre un projet austéritaire, promettant 57 milliards d’euros de baisses et de coupes dans ce qu’il qualifie de « mauvaises dépenses » de l’État. Un gage de « crédibilité » et de « rupture » selon les mots de Jean-Philippe Tanguy, qui a présenté les propositions du Rassemblement national (RN) aux côtés de Marine Le Pen. « Nous assumons une forte baisse des dépenses […] pour apaiser la société française », a revendiqué le député.

Sous cette appellation de « mauvaises dépenses » sont rassemblés des totems chers au parti d’extrême droite, dont la contribution à l’Union européenne, que le RN veut amputer de 8,7 milliards d’euros, et surtout l’immigration. Tout en prétendant que ses propositions se faisaient « à périmètre constitutionnel constant », sans avoir besoin d’être au pouvoir et de modifier la Constitution, Marine Le Pen a annoncé vouloir réaliser 12 milliards d’euros d’économie dans ce domaine, trois fois plus que ce qu’elle promettait l’an passé.

Outre la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en une aide médicale d’urgence, vieille obsession de l’extrême droite, le parti veut imposer aux étrangers cinq ans de travail à temps plein sur le territoire français pour bénéficier de prestations de solidarité. Pour faire des économies, il revendique également l’expulsion des étrangers « n’ayant pas eu d’emploi pendant un an » et la fin des accords de 1968 avec l’Algérie, que le parti proposera dans sa niche parlementaire le 30 octobre.

Illustration 1
Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy lors de la conférence de presse du RN pour la présentation de leur contre budget à Paris, le 23 octobre 2025.  © Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Autre cible récurrente du RN, les associations servent de variable d’ajustement dans la recherche d’économies du parti : l’an passé, les lepénistes promettaient 400 millions d’euros de baisse de subventions aux associations, cette année, c’est 3,2 milliards. Dans le viseur de Marine Le Pen, les associations « ne relevant pas de l’intérêt général », termes fourre-tout qui permettent de cibler les structures d’aide aux migrants et les associations environnementales.

Trancher dans les agences de l’État

« Nous ne sommes pas de gauche, nous n’entendons pas retirer les subventions à ceux qui ne pensent pas comme nous », a assuré la patronne des député·es RN, avant de cibler « les associations dont l’objectif est de violer la loi ou d’aider les gens à violer la loi ».

Impossible en revanche de connaître la liste des associations ciblées par le RN. « La liste, vous l’aurez quand nous serons élus », a balayé la triple candidate à la présidentielle. Le député Matthias Renault s’est chargé de donner quelques détails aux journalistes, confirmant que la mesure visait notamment à supprimer 500 millions d’euros de subventions à celles qui proposent de l’hébergement d’urgence.

Dans une démarche chère à son allié Éric Ciotti, admirateur de la ligne antiétatique du président argentin Javier Milei, le RN se lance également dans une chasse aux économies sur les agences et opérateurs de l’État. L’an passé, le parti revendiquait pouvoir réaliser 3,4 milliards d’euros d’économies en baissant les crédits de diverses agences, de l’agence de l’eau à l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi).

Pour le budget 2026, le RN propose de doubler ces coupes, pour réaliser 7,7 milliards d’euros d’économies, auxquels s’ajoutent 2,3 milliards d’économies sur le budget de l’aide publique au développement, ou 5 milliards de baisse de la dotation pour les régions et les intercommunalités – cinq fois plus que ce qu’il proposait l’an passé. Deux échelons territoriaux que le parti souhaite, à terme, supprimer.

Mesures pro-entreprises

Ces coupes franches dans le budget de l’État sont autant de gages donnés aux milieux économiques, que le Rassemblement national (RN) s’attèle à séduire depuis les législatives de 2024. Tout comme le « choc fiscal positif » que Jordan Bardella a promis aux chefs d’entreprise dans la lettre publique qu’il leur a adressée début septembre. Même si elle vilipende l’« échec total de la maîtrise des dépenses publiques » pendant « huit ans de macronisme », la formation lepéniste a bien l’intention de poursuivre la coûteuse politique de l’offre menée par le chef de l’État.

Dans la lignée de ce que demandent constamment les lobbys économiques depuis trois ans, pas moins de 16,2 milliards de baisses d’impôts de production sont proposées dans le contre-budget du RN présenté mardi, quand ces « mesures en faveur des entrepreneurs » n’atteignaient que 5,35 milliards d’euros dans leur précédente mouture l’an dernier. « Jordan Bardella avait annoncé dans sa lettre aux entrepreneurs que nous étions capables d’aller plus loin », s’est félicité Jean-Philippe Tanguy.

Alors qu’il se contentait en 2025 de maintenir la trajectoire de suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – prévue en 2030 –, le RN propose de le faire dès à présent. Il mettrait également fin à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Autant de coupes qui, si elles étaient mises en œuvre, assécheraient considérablement les finances des bénéficiaires du produit de ces impôts de production : les collectivités locales et le modèle social dans son ensemble.

Baisses de TVA sur l’énergie et les produits de première nécessité

Autre cadeau aux entreprises, et surtout à leurs actionnaires, le RN entend élargir les conditions du pacte Dutreil, qui permettent aux patrons de céder leur entreprise à leurs enfants en payant peu d’impôts. Ce dispositif, s’il bénéficie aussi aux petites entreprises, est surtout défendu à bras-le-corps par les grandes fortunes. C’est l’une des niches fiscales qui entretient la sous-taxation des héritages en France, comme le rappelait le Conseil d’analyse économique (CAE) dans une note publiée fin 2021.

Son inventeur, l’ancien ministre Renaud Dutreil, conseille d’ailleurs Marine Le Pen et Jordan Bardella, selon La Tribune. Il était invité en juin dernier au Sommet des libertés – organisé par les galaxies des milliardaires Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin –, où il a dénoncé le « rouleau compresseur de l’égalité, qui a trouvé son instrument : la fiscalité ».

À LIRE AUSSIÀ peine discuté, déjà rejeté en commission, le budget 2026 s’enlise

23 octobre 2025

Tout en exauçant les souhaits des entreprises, le RN entend aussi contenter les ménages. Sur les 45 milliards d’euros de baisses d’impôts prévues dans le contre-budget du RN, 25 milliards doivent leur bénéficier directement. Soit « un gain de pouvoir d’achat de 25 milliards d’euros », a traduit Jean-Philippe Tanguy. Le RN propose une réduction de 11 milliards d’euros de la TVA sur l’énergie et de 3,5 milliards sur les produits de première nécessité.

Le tournant libéral entamé par le RN ne l’empêche toutefois pas de cibler la finance et les dividendes. Il propose d’augmenter la taxe sur les rachats d’actions à 33 %, ce qui rapporterait 8,4 milliards d’euros, de taxer les superdividendes (1,3 milliard d’euros) et de créer une taxe sur les transactions financières réalisées en moins de vingt-quatre heures, pour lutter contre la spéculation.

Le RN reprend enfin sa proposition de transformer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune financière (IFF), qui rapporterait 4 milliards d’euros et taxerait certes le patrimoine financier des plus aisés, mais exonérerait les riches propriétaires d’immobilier.

Alexandre Berteau et Youmni Kezzouf

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire