TotalEnergies contraint de démonter son terminal méthanier au Havre
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La justice administrative ordonne à TotalEnergies de désinstaller le tanker « Cape Ann », un terminal méthanier flottant installé dans le port du Havre.

Par Amélie Laurin
Publié le 19 oct. 2025 à 14:18Mis à jour le 19 oct. 2025 à 17:52 https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/totalenergies-contraint-de-demonter-son-terminal-methanier-au-havre-2193219
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Le géant des mers « Cape Ann » est persona non grata au Havre. Le tribunal administratif de Rouen a demandé vendredi à TotalEnergies de désinstaller son terminal méthanier flottant ancré dans le port de Seine-Maritime, au terme d’une longue bataille judiciaire menée par des associations écologistes.
Le « Cape Ann », un navire doté d’équipements de regazéification, est ancré depuis octobre 2023 au Havre, afin de sécuriser l’approvisionnement du pays en gaz naturel liquéfié (GNL). Son installation avait été décidée en 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine et des craintes de pénuries d’énergie, comme une alternative de plus au gaz russe transporté par gazoduc.
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Au Havre, le terminal méthanier flottant de TotalEnergies mis sur la sellette par la justice
Selon le tribunal administratif de Rouen, la menace grave pesant sur la sécurité énergétique, qui a conduit à la mise en service de cette unité de stockage et de regazéification, n’existe plus aujourd’hui.

Le Cape Ann pourrait bientôt devoir quitter le port du Havre (Seine-Maritime). Mis en service en octobre 2023, ce gigantesque bateau de 283 mètres de longueur, exploité par le groupe français TotalEnergies, avait reçu l’autorisation des pouvoirs publics de rester à quai pendant cinq ans pour réceptionner du gaz naturel liquéfié (GNL) apporté par d’autres navires, le transformer, puis l’injecter dans le réseau de gaz terrestre. Mais le tribunal administratif de Rouen a rendu, jeudi 16 octobre, une décision donnant raison à l’association Ecologie pour Le Havre, qui contestait le maintien de cette installation.
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Au centre de la procédure : l’arrêté fixant les conditions de fonctionnement de ce terminal méthanier, découlant de la loi d’août 2022 sur le pouvoir d’achat. La France avait choisi de se doter de cette unité de stockage et de regazéification par mesure de précaution, alors que la guerre en Ukraine avait provoqué un tarissement des livraisons de gaz russe par gazoduc. « La loi autorisait le terminal, à la condition d’une menace grave sur l’approvisionnement en gaz. Mais aucun signe ne témoigne aujourd’hui d’une telle urgence », explique Pierre Dieulafait, le président de l’association.
De fait, ce gigantesque tanker, propriété de l’armateur norvégien Höegh, paraît largement sous-exploité. Venu s’ajouter à quatre terminaux terrestres, situés à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) pour deux d’entre eux, ainsi qu’à Dunkerque (Nord) et à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), le Cape Ann peut recevoir des volumes représentant jusqu’à 10 % de la consommation annuelle française de gaz naturel. Mais, comme l’observe le tribunal, le bateau n’a été utilisé, entre janvier et novembre 2024, qu’à 15 % de sa capacité. Il n’a même reçu aucune livraison depuis août 2024, selon les données de l’organisation professionnelle européenne Gas Infrastructure Europe.
Multiples recours en justice
Dans l’ensemble, les terminaux méthaniers français sont loin d’être saturés. Leur taux d’utilisation s’est élevé à environ 50 % en 2024, d’après des chiffres du groupe de réflexion international Institute for Energy Economics and Financial Analysis. Sans doute parce que la montée en puissance des capacités de traitement de GNL en France a coïncidé avec une baisse de la demande de gaz : en 2024, celle-ci a reculé de 5,5 %.
Relayant ces arguments, le tribunal administratif de Rouen exhorte le gouvernement à abroger l’arrêté autorisant l’installation du terminal dans un délai de deux mois. Autrement dit, sa décision ouvre la voie à l’arrêt définitif du projet et à son démantèlement. Contacté, TotalEnergies n’a pas réagi. Le groupe comme le ministère chargé de l’énergie conservent la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.
« Mais c’est une très belle victoire obtenue par une toute petite association qui a mené la mobilisation depuis le début », se félicite l’ancien député écologiste de Paris Julien Bayou, son avocat. Le projet a fait l’objet de multiples recours en justice portés par des organisations de défense de l’environnement au nom de la lutte contre les énergies fossiles et leur rôle dans le réchauffement climatique. Dès 2022, M. Bayou et plus d’une centaine d’élus de gauche avaient saisi le Conseil constitutionnel contre le projet de loi sur le pouvoir d’achat dans lequel s’inscrivait la mise en service du méthanier. Les sages avaient donné leur feu vert à cette installation, mais avaient souligné que « la préservation de l’environnement [devait] être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».