Accord sur la décarbonation des transports maritimes repoussé d’une année

Décarbonation des navires : un accord historique reporté sous pression des États-Unis

20 octobre 2025 à 10h58

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Décarbonation des navires : un accord historique reporté sous pression des États-Unis

La décarbonation des cargos devra encore attendre. Vendredi 17 octobre, les pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont repoussé d’un an l’adoption du plan mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre des navires de commerce.

Ce report, qualifié de « regrettable » par une porte-parole de la Commission européenne, a été soutenu par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, et les États-Unis de Donald Trump. Ces derniers ont tout fait pour enterrer ce texte lors de la semaine de négociations, à Londres, allant jusqu’à menacer les pays favorables de sanctions économiques.

Approuvé en avril, ce plan stipulait que les gros navires — dont la capacité dépasse les 5 000 tonnes — devraient, d’ici 2028, soit réduire l’intensité carbone de leurs carburants, soit payer des pénalités. À l’époque, les ONGenvironnementales avaient regretté le manque d’ambition de ce cadre. Quoique « historique », il ne serait, selon leurs estimations, pas parvenu à décarboner le secteur d’ici le mitan du siècle — tel que l’avaient promis les États membres de l’OMI en 2023.

« Une guerre contre le multilatéralisme et la diplomatie climatique »

« Grâce à son leadership, les États-Unis ont empêché une augmentation massive des taxes imposées par l’ONU aux consommateurs américains, qui aurait servi à financer des projets climatiques progressistes », a commenté Marco Rubio, le chef de la diplomatie américaine.

« Les États-Unis mènent une guerre contre le multilatéralisme, la diplomatie onusienne et la diplomatie climatique », a réagi Faïg Abbasov, directeur du programme maritime de l’ONG européenne Transport & Environment. Un « hiver froid » s’est emparé des instances de négociations internationales, regrette-t-il. L’expert appelle l’Europe à ne pas abandonner pour autant toute politique climatique, en mettant en place « une mosaïque bien conçue et coordonnée d’actions nationales et régionales ».

L’accord mondial sur la décarbonation du transport maritime, qui représente 3 % des émissions mondiales de CO2, repoussé sous la pression des Etats-Unis

L’accord, qui concerne les navires ayant une jauge brute supérieure à 5 000 tonnes, est en suspens à la suite des pressions exercées par Washington et plusieurs pays producteurs d’hydrocarbures, dont l’Arabie saoudite. 

Par Léa Sanchez

Publié le 17 octobre 2025 à 20h30, modifié le 18 octobre 2025 à 08h45 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/10/17/transport-maritime-l-adoption-de-l-accord-mondial-sur-la-decarbonation-repoussee-sous-la-pression-des-etats-unis_6647817_3244.html

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 Un cargo entre dans le port de Qingdao (Shandong, Chine), le 13 octobre 2025.
Un cargo entre dans le port de Qingdao (Shandong, Chine), le 13 octobre 2025.  – / AFP

Serait-ce le signe d’une diplomatie climatique qui vacille ? Le mécanisme de tarification du carbone de l’Organisation maritime internationale (OMI) ne verra peut-être finalement pas le jour ou, en tout cas, pas tout de suite. Cette institution spécialisée des Nations unies devait adopter, vendredi 17 octobre, à son siège de Londres un accord visant à décarboner le transport maritime, qui représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Le principe de cette réglementation, aussi appelée « cadre net zéro » en référence à l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé le secteur à l’horizon 2050, avait été approuvé par une large majorité d’Etats en avril, lors d’une précédente réunion de l’OMI. Mais, in extremis et à la suite des pressions exercées par les Etats-Unis et plusieurs pays producteurs d’hydrocarbures dont l’Arabie saoudite, les discussions portant sur cet ensemble de mesures économiques ont été repoussées d’un an. Cinquante-sept Etats se sont prononcés en faveur de ce report, trois de plus que le seuil requis, et 49 s’y sont opposés, dont la France et de nombreux membres de l’Union européenne.

L’adoption de l’accord – qui concerne les navires ayant une jauge brute supérieure à 5 000 tonnes, responsables de 85 % des émissions de CO2 du transport maritime international – reste donc en suspens. Les mécanismes qu’il contient devaient inciter le secteur à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, en imposant aux armateurs de régler des pénalités en cas de dépassement de certains seuils. Le dispositif permet aussi d’acheter des crédits issus de navires ayant dépassé leurs objectifs de décarbonation.

Mesures de rétorsion

Avec le report du vote sur ces réglementations, il n’y a « ni gagnants ni perdants », a estimé – avec une pointe d’abattement dans la voix – Arsenio Dominguez, le secrétaire général de l’OMI, demandant aux délégués présents de « ne pas applaudir » à la clôture de la session. Celle-ci a été marquée par de nombreuses tensions, pressions et manœuvres. Les Etats-Unis, qui critiquent ce projet de réglementation jugé « injuste » et avaient déjà boycotté le vote d’avril, ont par exemple tenté de modifier les modalités d’adoption du texte.

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Le 10 octobre, une déclaration conjointe de plusieurs secrétaires d’Etat de Donald Trump menaçait aussi explicitement les partisans de l’accord de mesures de rétorsion – restrictions en matière de visas, sanctions commerciales, hausse des frais portuaires pour les navires battant leur pavillon… L’un de ces trois responsables politiques, le chef de la diplomatie Marco Rubio, s’est félicité sur le réseau social X que son pays ait « empêché une augmentation massive des taxes imposées par l’ONU aux consommateurs américains, qui aurait servi à financer des projets climatiques progressistes ».

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Les organisations de défense du climat s’inquiètent, quant à elles, des conséquences du décalage de l’accord, qui était déjà le fruit d’un compromis et avait été jugé insuffisant en avril. De nombreuses inquiétudes demeurent également quant aux prochaines discussions à l’OMI. « Qui sait si l’adoption de ce texte ne sera pas reportée encore et encore, indéfiniment », s’inquiète Jenny Helle, experte pour la décarbonation du secteur maritime de l’ONG Carbon Market Watch. « Le monde ne peut pas laisser l’intimidation et les intérêts particuliers dicter le rythme de l’action climatique », abonde l’ONG Transport & Environment. Fanny Devaux, sa directrice adjointe du transport maritime, déplore « une forme de manque de courage politique à vouloir attendre une année supplémentaire ».

Différents carburants marins

Même si le « cadre net zéro » est adopté en 2026, son entrée en vigueur – prévue initialement en 2027 – sera elle aussi décalée d’un an, fait savoir l’OMI au Monde. Le travail sur les nombreux aspects opérationnels permettant la mise en œuvre de cet accord, parfois très sensibles politiquement, devrait toutefois se poursuivre comme prévu dans les prochains mois. Il s’agit par exemple de déterminer l’intensité carbone des différents carburants marins, c’est-à-dire la quantité d’émissions par unité d’énergie fournie, en particulier pour les biocarburants. Ceux-ci, d’origine végétale, impliquent en effet une importante utilisation des sols, au risque d’exacerber la déforestation.

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Les modalités de répartition du fonds créé par l’accord, qui devrait permettre de soutenir la transition du secteur et récompenser les acteurs les plus vertueux, sont un autre enjeu crucial. « Ce sont elles qui permettront aux armateurs d’avoir une confiance suffisante dans le mécanisme pour investir aujourd’hui dans des bateaux proches de la neutralité carbone », souligne Marie Fricaudet, chercheuse de l’université de Londres et spécialiste de la décarbonation du transport maritime. Il y a urgence : « Les bateaux ont une durée de vie d’environ vingt-cinq ans. Ceux que l’on construit aujourd’hui, ils seront encore là en 2050. »

Léa Sanchez

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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