Comment ne pas reporter sur les générations futures le coût de la dépendance liée au vieillissement?

« La dépendance liée à l’âge devrait être financée par un dispositif similaire à la Sécurité sociale »

Tribune

Véronique FournierMédecinEmmanuèle Jeandet-MengualHaut fonctionnaireAndré MassonEconomiste

Dans une tribune au « Monde », trois spécialistes du grand âge venus de disciplines différentes exposent leurs propositions pour rendre plus soutenable, et ne pas reporter sur les générations à venir, le coût de la dépendance liée au vieillissement.

Publié le 17 octobre 2025 à 10h00, modifié le 17 octobre 2025 à 17h47  https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/17/la-dependance-liee-a-l-age-devrait-etre-financee-par-un-dispositif-similaire-a-la-securite-sociale_6647722_3232.html

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La charge économique que représente la dépendance liée au vieillissement explique sans doute qu’un véritable projet de loi grand âge se fasse attendre depuis bientôt vingt ans. Il convient donc de savoir si ce nouveau risque peut être évité d’une part, si l’on peut en
réduire le coût lorsqu’il survient, d’autre part. Sur le premier point, il est probablement possible d’en reculer un peul’échéance grâce à la prévention. Mais l’allongement de
l’espérance de vie, s’il se poursuit au même rythme qu’aujourd’hui, ne fera que repousser le problème. Sur le deuxième point, soulignons que ce coût de la dépendance est souvent amalgamé avec les autres coûts de la vie au grand âge, ce qui augmente artificiellement la facture. Les coûts de l’habitat et de la vie ordinaire ne doivent pas y être intégrés, puisqu’ils relèvent de ce qu’a toujours financé pour elle-même la personne devenue dépendante.

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Il en va de même des coûts en soins médicaux, qu’assume comme pour tout un chacun l’Assurance-maladie, y compris les prestations de prévention. Le vrai coût de la dépendance liée à l’âge se résume au financement de la présence humaine nécessaire auprès de la personne concernée, dès lors qu’elle doit être aidée pour continuer de vivre décemment et en sécurité, au sein de la communauté qui est la nôtre – et non, comme trop souvent, en marge de la vie commune.

Pourtant, même réduit à ce juste enjeu, ce coût dépasse largement les possibilités de financement public qu’il est prévu d’y allouer, si l’on veut assurer à l’ensemble de ceux qui le requièrent l’accompagnement de qualité qu’ils méritent, au vrai niveau de leurs besoins. Il y a peu de chances en effet que les priorités financières du pays évoluent en faveur des générations vieilles. On peut d’autant mieux l’admettre qu’elles ne sont pas aujourd’hui, au sein de la population, celles qui souffrent le plus en termes de ressources, quand bien même les inégalités persistent, voire s’aggravent parmi elles.

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Assurance sociale obligatoire

Par ailleurs, il y a peu à attendre du marché en la matière. Du côté de l’offre d’abord, parce que ce risque de la grande dépendance liée à l’âge est difficile à apprécier avec précision. Du côté de la demande ensuite, du fait des assurés potentiels qui ont tendance à parier qu’ils y échapperont.

C’est pourquoi il nous apparaît que la meilleure solution serait une assurance sociale obligatoire, visant à mutualiser entre personnes âgées ce nouveau risque de la vie. Ce type d’assurance est en effet connu pour être la réponse la mieux adaptée aux situations comme celles-ci, de risque limité – 10 % à 20 % seulement de dépendance lourde au-delà de 80 ans – mais aux conséquences pouvant être dramatiques pour les familles touchées. Ces dernières font face à une pénible double peine : elles doivent non seulement accompagner au quotidien, parfois pendant des années, leur proche atteint, mais aussi sacrifier pour cet accompagnement une grande partie, si ce n’est la totalité de leur patrimoine familial. Ce mécanisme assurantiel s’inscrirait par ailleurs dans la logique de notre tradition nationale de solidarité publique.

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Pour nous, la dépendance liée à l’âge devrait en effet être financée par un dispositif similaire à la Sécurité sociale, afin que cela ne soit pas aux générations suivantes d’en porter le poids. C’était du reste le sens de la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale en 2021, restée depuis une coquille vide, car non abondée financièrement.

Cotisation payé par les retraités

Notre idée ne correspond pas à un impôt supplémentaire, mais à une cotisation obligatoire, gérée par une caisse idoine, tenue par les partenaires contributeurs, comme l’est aujourd’hui l’Assurance-maladie. Cette cotisation serait prélevée sur les revenus ou mieux encore sur le patrimoine de tous les retraités au-delà d’un certain seuil. Les avantages d’une telle assurance solidaire seraient nombreux et bienvenus : redistribution intragénérationnelle, entre personnes âgées, des retraités les plus riches vers les moins riches ; aide aux familles touchées ; pas d’incidence sur le coût du travail ; diminution des tensions entre générations ; diminution des comportements d’épargne des personnes âgées devenus rassurées quant à leur avenir…

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Nous ne prétendons pas représenter toutes les personnes concernées, jeunes retraités, vieilles et vieux plus confirmés, voire très confirmés ! Mais nous souhaitons mettre cette proposition sur la table du débat public, à partir des travaux que nous avons menés entre personnes âgées se voulant responsables et force de proposition au profit de leur propre avenir, ainsi que de celui de tous ceux qui suivront. Pour qu’il ne soit pas dit que nous, les boomeurs, ne prenons pas notre destin en main et ne savons pas être inventifs, sans tout attendre des pouvoirs publics. Rien pour les vieux sans les vieux.

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Véronique Fournier est médecin, fondatrice de l’association La Vie vieille, cofondatrice du Conseil national autoproclamé de la vieillesse (CNaV). Dernier ouvrage paru : « L’Argent et les vieux » (Michalon, 208 p., 18 €) ; Emmanuèle Jeandet-Mengual est haut fonctionnaire et a réalisé toute sa carrière à la Santé Publique, elle est par ailleurs membre du CNaV ; André Masson est économiste, directeur de recherche émérite au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, ingénieur de l’Ecole polytechnique et membre de l’Ecole d’économie de Paris. Dernier ouvrage paru : « L’Héritage au XXIe siècle » (éd. Odile Jacob, 336 p., 25,90 €).

Véronique Fournier (Médecin),  Emmanuèle Jeandet-Mengual (Haut fonctionnaire) et  André Masson (Economiste)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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