Nucléaire : Gravelines « du mieux mais doit encore mieux faire », selon le gendarme du nucléaire

Écrit parEmmanuel Pall
Publié le23/06/2022 à 16h56 https://france3-regions.franceinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/gravelines/nucleaire-gravelines-du-mieux-mais-doit-encore-mieux-faire-selon-le-gendarme-du-nucleaire-2569160.html
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« Du mieux, mais doit encore mieux faire », « En queue de peloton mais pas encore décroché ». Telle est en substance le bilan de l’ASN, le gendarme du nucléaire, qui épingle une nouvelle fois la centrale de Gravelines, dans le Nord. après une série de contrôles en 2021 de la centrale nucléaire de Gravelines.
En 2021, l’Autorité de Sûreté Nucléaire considère que les performances de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus puissante d’Europe occidentale, sont en retrait en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Et ce pour la deuxième année consécutive.
« Cela faisait trois ou quatre ans que les résultats ne s’amélioraient pas. La direction a mis en place un plan d’action mais les résultats ne remontent pas pour le moment », assure Rémy Zmyslony, chef de la division Lille-ASN, « même si des effets positifs de ce plan » se font aujourd’hui sentir.
En revanche, les performances de la centrale quant à la protection de l’environnement, également jugées insatisfaisantes par l’ASN l’année dernière, rejoignent cette fois l’appréciation générale.
Un manque de rigueur qui se répète
« Les performances en matière de sûreté nucléaire ne se sont pas améliorées en 2021, notamment en matière de rigueur d’intervention », précise l’ASN, pointant des « pratiques ou comportements inadaptés » dans cette centrale, dont les six réacteurs de 900 MW ont été mis en service entre 1980 et 1985.
Elle cite l’exemple d’un agent ayant coché par anticipation sa visite dans un local mais n’y étant pas allé. Un début de fuite avait lieu dans ce local et n’a donc été constaté que le lendemain, entraînant la mise à l’arrêt d’un réacteur. L’exemple a été constaté à l’été 2021.
Un agent qui coche les cases en les validant avant même d’entrer vérifier dans le local que c’est bien le cas. Bilan : un début de fuite et l’obligation le lendemain de couper le réacteurRémy Zmyslony, ASN Lille
Autre exemple en 2021 toujours : « des automaticiens sont allés réaliser des mesures neutroniques autour de la cuve alors qu’une barre contenant du bore (espèce de freinage d’urgence du réacteur) était restée coincée et n’était pas descendue dans le combustible ».
Niveau de radioprotection insuffisant
Pour la radioprotection, l’ASN juge que « la situation reste dégradée et que le site ne parvient toujours pas à rétablir un niveau satisfaisant« .
En 2021, l’autorité de contrôle a recensé 11 événements significatifs, classés au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires, dont un en matière de radioprotection.
L’ASN constate aussi que 2021 a été marquée par « des prolongations importantes des durées d’arrêt pour maintenance et renouvellement en combustible des réacteurs« .
Toutefois, dans ces différents domaines, une inspection renforcée menée en 2022 a montré que « des voyants passaient au vert« , grâce à de meilleures connections entre la direction et le terrain.
Le niveau d’exigence que demande l’ANS est élevé: ce n’est pas parce que les résultats sont sous la moyenne que la centrale n’est pas sure (Rémy Zmyslony, ASN Lille)
Mais Rémy Zmyslony tempère : si le « plan rigueur » de la direction, souhaité il y a quelques années, a mis du temps à être appliqué, des effets se font désormais sentir. Les remontées des agents et les directives de la direction passent désormais de façon « plus fluide ». En d’autres termes, un « travail de communication » a été réalisé, améliorant le climat individuel et collectif.
« Gravelines est plutôt en fin de peloton mais n’a pas décroché« , a souligné Rémy Zmyslony, chef de la division de Lille de l’ASN. « Le niveau d’exigence que demande l’ANS est élevé: ce n’est pas parce que les résultats sont sous la moyenne que la centrale n’est pas sure« .
Actuellement le réacteur 3 est à l’arrêt pour sa VD4 (visite décennale numéro 4). Le réacteur 1 l’a été en 2021, le 2 le sera en 2023, le 4 en 2024, le 5 en 2027 et le 6 en 2028. Pour rappel, Gravelines est la plus grosse centrale nucléaire de France et la plus grosse d’Europe de l’ouest avec ses six réacteurs de 900 mégawatts.
EPR2 à Gravelines : EDF face à un terrain trop meuble pour ses réacteurs nucléaires
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La centrale EDF de Gravelines en 2011. – WIkimedia / CC BY-SA 3.0 / Oserge
octobre 2025 à 14h48 https://reporterre.net/EPR2-a-Gravelines-EDF-face-a-un-terrain-trop-meuble-pour-ses-reacteurs-nucleaires
EDF va devoir revoir sa copie concernant son projet d’EPR2 à Gravelines (Nord). Dans un avis daté du 23 juillet rendu public le 16 octobre, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) alerte que le projet de renforcement du sol du site de Gravelines, indispensable pour accueillir les deux réacteurs, n’est pour l’heure « pas satisfaisant ».
Pour l’ONG Greenpeace, cet avis « accablant » « remet en cause les EPR2 ». En 2024, elle avait déjà publié un rapportalertant sur le risque de submersion de la centrale.
EDF est confronté à un double problème : le sol de Gravelines est « meuble sur une forte épaisseur » avec des « caractéristiques mécaniques médiocres », et les EPR2 sont presque deux fois plus denses que leurs ancêtres. Avec en conséquence, un risque de « tassements importants sous les ouvrages, incompatibles avec l’exploitation des futurs réacteurs », voire d’enfoncement et d’effondrement des structures.
L’ASNR n’est pas convaincue par l’association de techniques de renforcement envisagées par EDF [1], qu’elle juge « d’une ampleur sans précédent, d’une grande complexité et sans retour d’expérience représentatif en France et à l’international ».
Pire, la tenue de ce dispositif n’est pour l’heure pas garantie dans la durée et surtout en cas de séisme. « Le comportement sismique d’un sol renforcé par un système aussi dense et complexe que celui prévu reste aujourd’hui largement inconnu et relève encore de la recherche », a ainsi expliqué l’ASNR au Monde.
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Notes
[1] Des « casiers de Soil-Mixing3 (SM) avec plateforme de transfert des charges (PTC) pour les bâtiments légers, une solution combinée d’Inclusions Rigides4 (IR) flottantes disposées au centre de casiers de Soil-Mixing (IRSM) avec plateforme de transfert des charges pour les bâtiments lourds, enfin une solution de remblais traités pour les bâtiments légers dont la sous-face du radier est située au-dessus de la cote de terrassement généralisé », cf. avis de l’ASNR.
Nucléaire : à Gravelines, EDF confronté à un « défi majeur » pour construire des réacteurs sur un sol « aux caractéristiques mécaniques médiocres »
Un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection souligne « la grande complexité » et le manque de robustesse du plan de l’électricien pour renforcer le sol sur lequel doivent voir le jour deux EPR2.
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Après Penly, en Seine-Maritime, c’est la centrale nucléaire de Gravelines, dans le Nord, qui devrait accueillir une paire de nouveaux réacteurs de type EPR2 au cours de la décennie 2040. Mais pour qu’ils puissent voir le jour, EDF devra d’abord démontrer la « robustesse » de son plan visant à renforcer le sol sur lequel seront posées les installations : dans un avis du 23 juillet, rendu public jeudi 16 octobre, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) estime que les propositions faites jusqu’à présent par l’électricien ne sont pas satisfaisantes. « Le renforcement envisagé du sol du site de Gravelines constitue un défi technique majeur », écrit le gendarme du nucléaire, qui ajoute qu’EDF « pourrait examiner la pertinence d’autres solutions d’amélioration du sol ».
Situé en bord de mer, le site de Gravelines se caractérise par « un sol meuble sur une forte épaisseur », dont certaines couches présentent « des caractéristiques mécaniques médiocres ». Or, les EPR qui pourraient y être construits seront presque deux fois plus denses que les réacteurs actuellement en fonctionnement dans la centrale, en raison notamment de leur très forte puissance. Résultat, EDF doit mettre en place un système de renforcement du sol afin d’éviter des tassements et des déformations trop importants, incompatibles avec l’exploitation de ces nouvelles unités.
Si l’électricien n’a pas encore déposé de demande d’autorisation de création pour les EPR de Gravelines, l’ASNR a examiné de manière anticipée sa proposition sur ce sujet, qui consiste à associer plusieurs techniques (barrettes en béton armé, mélanges mécaniques du sol avec un liant hydraulique…). Sur différents aspects, l’autorité estime que l’approche retenue n’est « pas suffisamment robuste » et soulève des points de vigilance.
« Cumul de dispositifs »
Le système de renforcement du sol proposé est « d’une ampleur sans précédent, d’une grande complexité et sans retour d’expérience représentatif en France et à l’international », écrivent les experts. Ils affirment que les exemples fournis par EDF pour appuyer sa proposition, concernant des réservoirs méthaniers au Koweït ou le pont Rion-Antirion, en Grèce, « correspondent à des configurations de renforcement différentes de celle envisagée pour les futurs EPR2 » de Gravelines, et ne présentant pas « les mêmes enjeux de sûreté ».
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« EDF a proposé une solution avec de multiples composants, précise Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASNR. Chacun a déjà été mis en œuvre de manière isolée mais ce qui est compliqué, c’est le cumul de ces dispositifs qui interagissent entre eux. »
L’avis souligne qu’en cas de séisme, le risque de liquéfaction – un phénomène par lequel un sol saturé en eau perd brutalement une partie ou la totalité de sa portance, pouvant conduire à l’enfoncement ou l’effondrement des constructions – n’est pas totalement écarté. « Le comportement sismique d’un sol renforcé par un système aussi dense et complexe que celui prévu reste aujourd’hui largement inconnu et relève encore de la recherche », indique le gendarme du nucléaire. Une autre interrogation porte sur la durabilité des dispositifs, constitués de divers matériaux et qui seront en interaction avec du sable et de l’eau de mer. Comment garantir qu’ils fonctionneront tout au long de la durée de vie des réacteurs ?
« Foncer tête baissée »
Dans un courrier adressé à EDF jeudi, l’ASNR appelle l’entreprise à définir des exigences de performance pour son système de renforcement du sol et à démontrer qu’elle peut y répondre. « C’est un sujet à enjeux en termes de coûts et de calendrier, c’est pour cela qu’il a été identifié en amont » de la demande d’autorisation de création, qui devrait être déposée dans les prochains mois, ajoute Julien Collet. Interrogé, le groupe EDF se contente d’indiquer qu’il « étudie plusieurs options possibles » et que les échanges avec l’ASNR se poursuivront.
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L’ONG Greenpeace estime de son côté que « cet avis accablant remet en cause » les EPR2. Il est « une nouvelle preuve que les critères de choix des sites de construction de nouveaux réacteurs sont largement questionnables » et démontre « la précipitation d’EDF qui fonce tête baissée dans ses projets » à Gravelines, a réagi Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire.
La relance de l’atome, avec la construction d’au moins six EPR2, a été annoncée en 2022 par le président Emmanuel Macron. Elle est inscrite dans le projet de nouvelle feuille de route énergétique de la France (la programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE3), qui n’est toujours pas publiée.