Connaître les polluants que nous buvons dans l’eau potable

Une carte interactive pour faciliter l’accès à l’information sur la qualité de l’eau

Eau  |  16.10.2025 https://www.actu-environnement.com/ae/news/dans-mon-eau-generations-futures-data-for-good-carte-donnees-qualite-ars-46939.php4

 |  D. Laperche

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Une carte interactive pour faciliter l'accès à l'information sur la qualité de l'eau

© Rmcarvalhobsb

« Alors que la pollution de l’eau potable est un sujet de préoccupation important pour beaucoup d’entre nous, il est très difficile d’avoir une vision claire de sa qualité. Les données existent, mais elles sont difficilement accessibles, complexes, et surtout illisibles pour le grand public », ont constaté les associations Générations futures et Data For Good. Elles ont décidé de lancer le site « Dans mon eau (1)  » qui rassemble les données disponibles avec des codes couleurs en fonction de la qualité. L’état qualitatif de la ressource est visible à l’échelle nationale, mais aussi par une recherche par adresse ou encore par un bilan des non-conformités par année.Fin août, 87 % des unités de distribution d’eau potable étaient conformes à la réglementation.© Générations futures et Data For Good

Les associations s’appuient pour cela sur les données issues des contrôles sanitaires effectués par les agences régionales de santé. Elles reprennent les analyses réalisées pour des pesticides, les nitrates, le chlorure de vinyle monomère (CVM), le perchlorateou des PFAS (2) . « Nous avons identifié les 5 catégories de polluants les plus problématiques, en raison de fréquences élevées de quantification et de dépassement des limites », expliquent-elles. Les données sont actualisées tous les mois. Les associations veulent que cet outil soit évolutif et elles prévoient l’inclusion de nouveaux polluants.

« De manière générale, la qualité de l’eau est globalement bonne en France, avec plus de 87 % des UDI [unités de distribution d’eau potable, ndlr] conformes à la réglementation et sans dépassement de limites sanitaires. Attention, ce chiffre est toutefois à interpréter avec prudence car il exclut les métabolites de pesticides non pertinents, notent les associations. Nous constatons cependant une grande hétérogénéité sur le territoire. Le nord de la France est particulièrement concerné par la majorité des cas de non-conformités et des recommandations de non-consommation de l’eau. »

La majorité des cas de non-conformité relevés fin août serait liée à la présence de métabolite de pesticides.

1. Consulter le site
https://dansmoneau.fr/

2. Lire « PFAS, une pollution qui redevient visible »
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/PFAS-eau-industries-villes-reach-polluants-eternels-mousses-anti-incendie-vallee-chimie-95

Une carte interactive inédite permet de connaître les polluants présents dans l’eau potable distribuée à chaque adresse

Les associations Générations futures et Data for Good ont intégré dans une même carte interactive les données sur la présence de pesticides, nitrates, PFAS, ou CVM dans l’eau distribuée en France métropolitaine. Elle révèle des inégalités territoriales et des défauts d’information des populations. 

Par  et Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 08h21 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/10/16/une-carte-interactive-inedite-permet-de-connaitre-les-polluants-presents-dans-l-eau-potable-distribuee-a-chaque-adresse_6647091_3244.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=lebriefdumonde&lmd_send_date=20251016&lmd_email_link=_titre_1&M_BT=53496897516380

Temps de Lecture 5 min.

Perchlorate, pesticides et leurs produits de dégradation (métabolites), polluants éternels (PFAS pour per- et polyfluoroalkylées), nitrates ou chlorure de vinyle monomère (CVM) : les Français ne connaissent pas l’état de l’eau potable qu’ils consomment, même si ces polluants sont surveillés par les autorités. La France a été mise en demeure par la Commission européenne, en juillet, de fournir au public « les informations obligatoires » sur la qualité de l’eau du robinet, mais à défaut d’action de l’Etat, ce sont Générations futures et Data for Good qui ont accompli cette tâche. Les deux associations ont réalisé un important travail de collection et d’agrégation des données officielles et publient sur un site dédié, jeudi 16octobre, une carte interactive permettant de rechercher, pour chaque adresse postale, l’état de contamination de l’eau distribuée.

La moitié des réseaux de distribution d’eau potable n’ont pas cherché de PFAS au cours des douze derniers mois

Cette carte montre les résultats des analyses de PFAS disponibles en France, par unité de distribution d’eau potable (UDI).

Naviguez dans la carte pour afficher les détails.

Analyse la plus récente : 29 août 2025. Dans les zones vides, aucune information n’est disponible. Les 20 PFAS réglementés ne sont pas toujours tous recherchés dans les zones pour lesquelles un résultat est disponible.

La carte identifie, pour chaque type de polluant, les zones où les seuils de qualité ou les seuils de sécurité sanitaire ont été dépassés au cours des cinq dernières années, ainsi que par des dernières analyses conduites dans le cadre du contrôle sanitaire officiel. Chaque contaminant est soumis à un système de seuils qui lui est propre. Le dépassement des seuils de qualité, des valeurs réglementaires de précaution censées exclure les risques sanitaires, n’entraîne pas nécessairement d’effets délétères, tandis que le franchissement des seuils sanitaires – souvent bien plus élevés – indique un risque potentiel en cas d’exposition chronique.

Moyennant une dérogation octroyée par le préfet, une collectivité peut distribuer une eau non conforme aux critères de qualité pendant une durée de trois ans. Cette période est reconductible une seule fois : au terme de six années, les contaminants de l’eau doivent revenir dans le giron réglementaire. Quant au franchissement des seuils sanitaires, ils doivent théoriquement s’accompagner de mesures de restrictions de la consommation de l’eau distribuée – au moins pour les personnes sensibles (nourrissons, femmes enceintes, etc.).

Lire aussi (2024) |   Eau potable : des dizaines de métabolites de pesticides échappent à toute surveillance

Les deux associations ont ajouté à leur signalétique – en particulier pour les PFAS –, les seuils recommandés par le Haut Conseil pour la santé publique (HCSP), plus protecteurs que les limites réglementaires de qualité.

Ampleur des inégalités territoriales

Le premier enseignement est l’ampleur des inégalités territoriales. Les Hauts-de-France et le Grand-Est sont les régions les plus touchées par les non-conformités. L’eau distribuée sur les territoires dominés par la culture de la betterave à sucre pâtit fortement de la pollution des nappes souterraines par les métabolites du chloridazone, un herbicide très utilisé par les betteraviers depuis 1970 et interdit en 2020. Ces produits de dégradation, persistants, sont classés « pertinents » (c’est-à-dire susceptibles de représenter un risque pour la santé) et se retrouvent au-dessus du seuil de qualité (0,1 µg/l) dans de nombreuses communes de la Marne, l’Oise, la Somme ou le Pas-de-Calais.

A eux seuls, les métabolites du chloridazone rendent non-conforme l’eau de 5 % des réseaux de distribution de France hexagonale. Une situation à laquelle s’ajoutent les pollutions historiques des nappes phréatiques par les sels de perchlorate, des résidus d’explosifs utilisés pendant la première guerre mondiale et qui contaminent 2 % des réseaux à des niveaux tels que des restrictions de consommation sont nécessaires.

Lire le récit (2024) :   Pollution de l’eau potable : les risques liés à un métabolite de pesticides revus à la baisse

Le travail des deux associations montre aussi que la réglementation n’est parfois pas appliquée et les populations tenues dans l’ignorance de risques sanitaires liés à l’eau qu’elles reçoivent, notamment dans les territoires à faible démographie. Par exemple, les seuils sanitaires de nitrates et de perchlorate sont franchis dans l’eau distribuée à Le Quesnel (Somme) et les communes desservies par le même réseau (soit plusieurs milliers de personnes), et devraient conduire l’agence régionale de santé et la préfecture à prendre des mesures de restrictions de la consommation.

La situation est connue depuis un contrôle du 14 janvier 2025 et s’y ajoute la présence simultanée des métabolites du chloridazone, à un niveau vingt fois supérieur au seuil de qualité. Interrogée, la préfecture dit pourtant ignorer la situation. « A ce jour, nous n’avons pas connaissance de mesures de restriction de la consommation d’eau ayant été mises en place, que ce soit pour Le Quesnel ou pour les autres communes alimentées par la même unité de distribution, au cours des derniers mois », répond au Monde la représentation de l’Etat dans le département.

Ce cas n’est pas isolé. Le Monde a contacté une quinzaine de communes faiblement peuplées, dans la Somme, l’Aisne, la Meurthe-et-Moselle, l’Indre, la Haute-Loire, le Calvados ou encore les Alpes-de-Haute-Provence, toutes concernées par un problème de non-conformité réglementaire ou sanitaire de l’eau distribuée, demandant si des mesures de restrictions ou d’informations auprès des usagers avaient été prises. Une seule réponse de l’un des maires contactés nous est parvenue, précisant qu’une publicité des résultats d’analyses avait été assurée. Le Monde a ensuite sollicité les préfectures et les agences régionales de santé impliquées : la plupart n’ont pas donné suite ou n’étaient pas en mesure de répondre, aucune des rares réponses parvenues au Monde ne faisant état de prises de dérogation préfectorale en vue de poursuivre la distribution d’eau.

A Arrentès-de-Corcieux (Vosges) et les communes desservies par le même réseau, des dépassements des valeurs réglementaires de PFAS ont été mesurés en juin 2025, atteignant plus de trente fois la limite sanitaire recommandée par le HCSP. Les populations n’ont été informées de la situation que le 14 octobre, sous la pression d’une association locale, Vosges Nature Environnement. « Nous n’avons aucun doute sur l’origine de cette contamination : cela fait plusieurs années que nous demandons à ce que les boues d’épandages d’une usine de traitement des textiles de Gerardmer soient mieux testées avant d’être épandues sur les terres agricoles, dit Jean-François Fleck, vice-président de l’association. En vain. »

Lire aussi |    La démocratie de l’eau, une promesse inachevée

Inégalité de gestion des situations problématiques

A ces inégalités territoriales, s’ajoute une inégalité dans la gestion des situations problématiques. En particulier, les métabolites de pesticides classés « non pertinents » par les autorités ne répondent à aucun seuil réglementaire de conformité, ni même de seuil sanitaire. Depuis un décret discrètement publié en décembre 2022, ces métabolites sont gérés sur la foi d’une simple « valeur indicative » de 0,9 µg/l, dont le franchissement n’induit aucune restriction obligatoire sur la distribution ou la consommation d’eau. Le ministère de la santé explique que « la gestion est laissée à l’appréciation des autorités locales ».

Les effets du changement réglementaire sur le chlorothalonil R471811

Cette carte montre les bilans annuels des analyses du chlorothalonil R471811 disponibles en France, par unité de distribution d’eau potable (UDI).

Sélectionnez un bilan en bas à gauche pour comparer les résultats.Bilan 2024Bilan 2025

Analyse la plus récente : 29 août 2025. Le chlorothalonil R471811 était considéré « pertinent » jusqu’en 2024 (valeur limite de 0,1 µg/l). Il a été déclassé ensuite comme « non pertinent », ce qui explique les meilleurs résultats du bilan 2025.
Dans les zones vides, aucune donnée n’est disponible.

L’impact de certains déclassements sur la conformité de l’eau distribuée est considérable. Par exemple, le R471811, un métabolite du chlorothalonil (un fongicide récemment interdit) était considéré en 2024 comme « pertinent » : son seuil de qualité (0,1 µg/l) rendait non conforme l’eau distribuée par plus de 16 % de l’ensemble des réseaux français – probablement beaucoup plus, la moitié des réseaux n’ayant simplement pas recherché cette molécule.

En 2025, son déclassement en métabolite « non pertinent » par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a fait disparaître de la carte toutes les non-conformités liées à cette substance. Elle coule toujours autant au robinet, mais elle est désormais considérée comme n’altérant pas la qualité de l’eau. La carte de Générations futures et Data for Good permet de prendre visuellement la mesure de l’impact de tels déclassements.

Or les procédures permettant à un métabolite « pertinent » de devenir « non pertinent » sont controversées. Interrogée par Le Monde, la toxicologue Laurence Huc, chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), estime par exemple que la méthodologie suivie par le comité d’experts de l’Anses pour rétrograder le R471811 « ne répond pas à des critères scientifiques ».

En 2023, le déclassement d’un autre métabolite, l’ESA-métolachlore, avait remis en conformité l’eau distribuée par 5 % des réseaux. Signe de la fragilité de ce système de classification, le comité d’experts de l’Anses ayant classé « non pertinent », en mars, le principal métabolite du glyphosate (l’AMPA) a vu l’un de ses experts se désolidariser, la conclusion de ses pairs ne lui semblant pas conforme « aux données scientifiques disponibles », peut-on lire dans la lettre qu’il a adressée à la présidente du groupe de travail, annexée au rapport de l’Anses.

Lire aussi (2023) : Les autorités sanitaires interdisent un herbicide majeur

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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