Zoom sur trois initiatives collectives pour améliorer l’accès aux soins
Christophe Gattuso
Si le gouvernement semble miser sur la solidarité territoriale et maintenant sur les 5 000 maisons « France Santé », les médecins, sur le terrain, multiplient les initiatives, plus ou moins couronnées de succès, pour améliorer l’accès aux soins de la population. Medscape présente les projets lancés par trois communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour aider les patients à retrouver un médecin traitant et répondre aux épisodes de soins aigus ne nécessitant pas un recours aux urgences.
En Vendée, une liste d’attente pour aider les patients à retrouver un médecin traitant
En juin dernier, la CPTS de Centre-Vendée a lancé une liste d’attente pour permettre aux patients du territoire sans médecin traitant de se faire connaître. La centaine de médecins généralistes qui exercent dans les 46 communes du territoire peuvent ainsi contacter en priorité les patients qui nécessitent un suivi urgent, ou qui habitent à proximité.
« Le constat est simple, explique le Dr Romain Bossis, médecin généraliste à la maison de santé pluriprofessionnelle des Forges, à La Roche-sur-Yon (85), et ancien président de la CPTS, qui a initié ce projet. 15% des 186 000 patients du territoire sont sans médecin traitant et la plupart des cabinets n’acceptent plus de nouveaux patients. » Or, les statistiques de l’Assurance maladie ne sont pas toujours actualisées. « J’ai reçu il y a quelques jours un jeune patient qui venait de s’installer dans la région en provenance de Paris et avait, administrativement, un médecin traitant mais… à Paris ! Notre objectif est d’avoir une analyse en temps réel des besoins du territoire. »
La CPTS veut permettre au plus grand nombre de patients en ALD, notamment les patients diabétiques qui ont besoin d’avoir un suivi médical dans la durée, de retrouver un médecin traitant. « Les praticiens et les cabinets du territoire sont submergés d’appels et de courriers, y compris de gens qui ne sont pas du secteur, pour savoir si les généralistes peuvent les prendre en tant que médecin traitant. Le recensement, en quelques clics, sur notre site Internet, permet à tout le monde de gagner du temps, aux patients, comme aux secrétaires des cabinets ou aux médecins eux-mêmes », explique le Dr Bossis.
L’initiative, encore récente, n’a pas permis d’un coup de baguette magique, de trouver une solution pour tout le monde, loin s’en faut. « Nous avons enregistré en quelques semaines environ 3800 inscriptions de patients sans médecin traitant », souligne Lila Parodi, chargée de mission pour l’accès aux soins à la CPTS Centre-Vendée. La moitié des inscrits se sont fait connaître après le départ à la retraite de leur médecin traitant, l’autre vient d’emménager dans la région. « 70 patients ont pour l’instant retrouvé un médecin traitant. » Peu de généralistes sont aujourd’hui prêts à accepter de nouveaux patients, étant déjà surchargés, mais le Dr Bossis veut croire que les futurs médecins de famille qui s’installeront sur le territoire, désireux de se constituer une patientèle, utiliseront cette liste. A terme, le Dr Bossis souhaite que les 7 CPTS de Vendée adoptent la même liste d’attente, permettant d’apporter une réponse au niveau du département.
Tout le monde se rend compte que chacun dans son coin ne peut pas s’en sortir seul, la CPTS permet d’apporter une réponse collective
Dr Charles Pauly
En Charente, un recensement et bientôt une cartographie des patients sans médecin traitant
Afin d’évaluer l’ampleur des besoins en soins sur son territoire, la toute jeune CPTS Val de Tardoire, en Charente, créée il y a un an et qui doit encore signer son ACI (accord conventionnel interprofessionnel), a lancé un recensement en ligne des patients sans médecin traitant en les invitant à remplir un formulaire.
« Nous avons diffusé de mars à juin dernier un questionnaire avec le concours de municipalités sur notre territoire et 800 personnes ont répondu ne pas avoir de médecin traitant », détaille le Dr Charles Pauly, médecin généraliste à La Rochefoucauld (16), qui préside la CPTS Val de Tardoire, rassemblant environ 22 000 habitants.
Nous travaillons déjà à flux tendu, nous verrons dans quelle mesure chaque médecin pourra prendre des patients dans son secteur
Dr Pauly
« Dès que la CPTS aura signé son ACI, nous allons rappeler les gens pour trouver des solutions, en priorité pour les patients en ALD, les patients en situation de précarité sociale ou en situation de handicap, ou toute personne signalée par un élu ou un professionnel sur le territoire, explique le Dr Pauly. L’idée est de mettre en place une liste d’attente et que les médecins, en fonction de leur capacité et de leur zone géographique, puissent prendre de nouveaux patients. » A ce jour, 12 des 16 médecins généralistes du territoire adhèrent à la CPTS. « Tout le monde se rend compte que chacun dans son coin ne peut pas s’en sortir seul, la CPTS permet d’apporter une réponse collective, souligne le Dr Pauly. La CPTS Val de Tardoire prépare une cartographie pour permettre d’apporter une réponse de proximité. « Nous travaillons déjà à flux tendu, nous verrons dans quelle mesure chaque médecin pourra prendre des patients dans son secteur », conclut le Dr Pauly.
Nous recevons 6000 appels par an et chaque jour, les 72 créneaux de consultation de soins non programmés sont pourvus
Dr Latifa Miqyass
Dans le Loiret, des soins non programmés et un centre d’urgence dentaire
Depuis cinq ans, la CPTS Beauce-Gâtinais (Loiret, 45) a mis en place une organisation pour permettre à au moins un médecin généraliste du territoire de proposer chaque jour un créneau de soins non programmés et permettre ainsi aux 80 000 habitants du territoire (dont 25 000 n’ont pas de médecin traitant) d’avoir accès à une consultation dans les 24 à 48 heures pour les petites urgences. Les patients peuvent accéder à un créneau, après régulation téléphonique lors de l’appel au 02 47 45 64 91.
Des lieux dédiés ont par ailleurs été mis en place dans un local dédié à Pithiviers, à Malesherbes, à Puiseaux et Beaune-la-Rolande, en plus des cabinets des médecins généralistes volontaires.
Ce système permet de limiter la casse pour les patients mais aussi pour les médecins car cela leur permet d’avoir une solution lorsqu’ils sont en congés
Dr Miqyass
« Nous recevons 6000 appels par an et chaque jour, les 72 créneaux de consultation de soins non programmés sont pourvus, précise le Dr Latifa Miqyass, généraliste à Bazoches Les Gallerandes et présidente de la CPTS Beauce-Gâtinais. Les 16 généralistes de la CPTS jouent le jeu. Ce système permet de limiter la casse pour les patients mais aussi pour les médecins car cela leur permet d’avoir une solution lorsqu’ils sont en congés. »
La CPTS a par ailleurs lancé récemment un centre d’urgence dentaire, mis en place avec l’hôpital de Pithiviers et l’Ordre départemental des chirurgiens-dentistes, qui permet de proposer une solution rapide aux patients qui ont besoin de voir un dentiste en urgence. Environ 60 consultations par mois sont réalisées dans ce cadre. « Nous avons aussi mis en place un bus dentaire qui va sillonner le territoire et proposer des créneaux pour les urgences dentaires et nous allons essayer de passer dans les Ehpad », souligne le Dr Miqyass.
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Comment les CPTS tentent d’aider les patients sans médecin traitant
Créées en 2017, les CPTS sont tenues de remplir plusieurs missions de service public, la principale consistant à « faciliter l’accès aux soins, notamment celui des patients sans médecin traitant, pour améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville » et ainsi réduire les passages inappropriés aux urgences. Il leur est également demandé de mettre en place des parcours de soins répondant aux besoins des territoires pour renforcer le suivi des patients, éviter les ruptures de parcours et favoriser le maintien à domicile de patients complexes, handicapés, âgés… Dans la dernière enquête nationale qu’elle a menée en mars 2025, la Fédération nationale des CPTS a relevé « un engagement fort des CPTS sur l’organisation territoriale des soins non-programmés avec 69 % des CPTS qui avaient mis en place une organisation de soins non-programmés et 18,7% en ayant le projet. » Sur les 197 CPTS ayant mis en place des actions pour améliorer l’accès aux soins, 70% participent à l’orientation des patients sans médecin traitant vers une offre existante localement et 45% établissent des listes de patients sans médecin traitant et 18% ont élaboré des programmes de coopération pluriprofessionnelle (bilans préparatoires réalisés par d’autres professions de santé, protocoles de coopération…). Les CPTS proposent aussi pour les publics isolés des téléconsultation assistées au domicile du patient ou dans un local tiers, l’accès à une permanence délocalisée ou à un médicobus. Interrogées sur les freins à la réalisation des actions pour améliorer l’accès aux soins, les promoteurs des CPTS relevaient le difficile contexte démographique des professionnels de santé mais aussi leur manque de temps pour se mobiliser.
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Citer cet article: Zoom sur trois initiatives collectives pour améliorer l’accès aux soins – Medscape – 13 octobre 2025.
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