La gestion des maux du quotidien confiée aux pharmaciens chagrine les syndicats d’ infirmières et des généralistes.

Petits maux : grande bataille entre pharmaciens et infirmières

Quentin Haroche | 03 Octobre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/petits-maux-grande-bataille-entre-pharmaciens-et-2025a1000qme?ecd=wnl_all_251012_jim_jim-pro_etid7787186&uac=368069PV&impID=7787186&sso=true

Les syndicats d’infirmières s’offusquent de la décision du gouvernement de généraliser le dispositif OSyS, qui confie aux pharmaciens la gestion des maux du quotidien.

Il n’est pas toujours facile de contenter tout le monde et le Premier Ministre Sébastien Lecornu est en train de l’apprendre à ses dépens. Le chef du gouvernement pensait avoir mis fin à la colère des pharmaciens en signant un accord avec les principaux syndicats d’officinaux (FSPF et USPO) le 24 septembre dernier. Le compromis prévoit la suspension pour trois mois du très décrié arrêté du 4 août, qui entérinait une baisse progressive du plafond des remises consenties par les laboratoires aux pharmaciens sur les génériques. 

Si les syndicats de pharmaciens se sont surtout attardés sur ce point majeur, ils ont également obtenu la généralisation du dispositif OSyS (Orientation dans le Système de Soins). Expérimenté depuis 2021 en Bretagne puis dans trois autres régions françaises, ce mécanisme confie aux pharmaciens la prise en charge en premier recours de six maux du quotidien : plaies simples, piqûres de tiques, cystites, brûlures du 1er degré, douleurs pharyngées et conjonctivites. Selon un rapport d’évaluation de 2023, ce dispositif aurait permis d’éviter de nombreux passages aux urgences inutiles. Sa généralisation était déjà dans les tuyaux, puisqu’elle est inscrite dans la proposition de loi Mouiller adoptée par le Sénat en première lecture le 13 mai dernier

« Les pharmaciens ne sont pas des médecins »

La signature de l’accord a grandement satisfait les syndicats de pharmaciens, qui ont immédiatement suspendu leur mouvement de grève. Mais comme souvent lorsqu’il s’agit de partage des compétences des soignants, le bonheur des uns fait le malheur des autres. La généralisation du dispositif OSyS a ainsi été immédiatement dénoncée par les autres professionnels de santé. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, a ainsi accusé les pharmaciens de « voler des actes aux médecins ». « Les pharmaciens ne sont pas des médecins, ils n’ont pas été formés à l’interrogatoire, à l’examen et au suivi des patients, ils n’ont pas été formés au diagnostic » a ajouté le généraliste.

Mais ce sont les syndicats d’infirmières qui se montrent le plus critique vis-à-vis de cette extension des compétences des pharmaciens. Ils y voient une remise en cause de leurs attributions et une mise en concurrence des professionnels de santé entre eux. La possibilité que les pharmaciens puissent prendre en charge les plaies superficielles et poser des pansements inquiète ainsi particulièrement les infirmières. 

« Laisser penser qu’une formation de 7h suffirait à assurer la prise en charge des plaies en première intention est réducteur et inadapté » dénonce ainsi le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux français (SNIIL) dans un communiqué publié ce lundi. Evoquant un « signal de mépris » à l’égard des infirmières, le syndicat regrette que la décision ait été prise sans que les principales intéressées soient consultées et demande « la suspension du projet de généralisation ».

PUBLICITÉ

« Un non-sens sanitaire » pour Convergence Infirmière

Encore plus remonté contre la décision du Premier Ministre, Convergence infirmière appelle au boycott des pharmaciens participant au dispositif OSyS. « Prendre aux infirmières pour donner aux pharmaciens, c’est non seulement un non-sens sanitaire, mais aussi un mépris total de la profession infirmière » enrage le syndicat dans son communiqué de vendredi dernier. « Un pansement, ce n’est pas un simple geste technique. C’est une évaluation clinique, un suivi, une expertise. Confier ces actes aux pharmaciens, dont ce n’est ni la formation ni la mission, c’est exposer les patients à des risques inacceptables. Chaque métier a ses compétences, ses responsabilités et son utilité propre ».

Un peu plus mesurée, la Fédération nationale des infirmières (FNI) dit craindre une « concurrence déloyale envers les IDEL » et espère que les pharmaciens ne dépasseront pas les missions qui leurs sont confiées dans le dispositif OSyS. « Les infirmiers ne sont ni les exécutants ni les employés des pharmaciens, chacun son job à la place qui est la sienne selon ses compétences propres » plaide le syndicat dans son communiqué de ce jeudi

La polémique sur la généralisation de l’OSyS illustre encore une fois combien il est difficile de remettre en cause les champs de compétences des professionnels de santé et met en lumière les tensions qui existent entre les différentes professions. Rappelons que l’UFML, la FSPF, l’USPO, ainsi que plusieurs syndicats d’infirmières doivent en principe défiler ensemble ce samedi à Paris lors de la marche blanche pour la santé. Ils n’ont plus que 24 heures pour mettre leurs différents de côté. 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire