A 73 ans, Vladimir Poutine rêve d’immortalité
Sous l’impulsion du président russe, l’Etat a largement augmenté les subventions aux projets scientifiques consacrés à la lutte contre le vieillissement.

Le jour de son 73e anniversaire, mardi 7 octobre, Vladimir Poutine a prévu de travailler comme si de rien n’était, menant une réunion « opérationnelle » du Conseil de sécurité nationale, recevant « plusieurs appels internationaux », selon l’agence TASS, experte dans l’art d’entretenir le mythe du dirigeant sans cesse en action. Un mythe que Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, avait renforcé peu auparavant en révélant que le président n’avait pas pris de vacances cette année. « Son agenda ne prévoit pas de congés complets, ça n’arrive presque jamais. La fonction de chef de l’Etat n’autorise pas les vacances », avait-il déclaré dans une interview à une chaîne Telegram, le 1er août.
Tout à la conduite de son « opération spéciale » en Ukraine, Vladimir Poutine ne craint pas le surmenage. Et ce, malgré son âge, assez avancé au regard des critères nationaux – atteindre 73 ans pour un homme en Russie est plutôt rare, l’espérance moyenne masculine étant de 68 ans, selon des données du service fédéral des statistiques Rosstat de 2024.
Son mandat à la tête du pays est d’ailleurs prévu pour durer. En fonctions depuis mars 2000 (comme président de la Fédération de Russie, avec un intermède comme premier ministre de Dmitri Medvedev de 2008 à 2012), M. Poutine peut, selon les amendements constitutionnels adoptés par référendum en 2020, se faire élire jusqu’en 2036. Il aura alors 83 ans.
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Soucieux de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible, le maître du Kremlin rêve d’immortalité, si l’on en croit l’échange qu’il a eu le 3 septembre, à Pékin, avec son homologue chinois, Xi Jinping, juste avant le défilé militaire organisé ce jour-là pour commémorer la victoire sur le Japon et la fin de la seconde guerre mondiale.
Captée à leur insu par un micro resté malencontreusement allumé, la conversation entre les deux septuagénaires portait sur les perspectives d’augmentation de l’espérance de vie grâce aux technologies médicales modernes. « Autrefois, les gens vivaient rarement jusqu’à 70 ans, or aujourd’hui, à cet âge, vous n’êtes qu’un enfant », dit le président chinois à son homologue russe, alors qu’ils marchent côte à côte vers la tribune. M. Poutine acquiesce, ajoutant, par l’intermédiaire d’un interprète, que « des organes humains peuvent être transplantés en permanence, au point où les gens peuvent devenir plus jeunes, voire immortels ». « D’ici à la fin de ce siècle, les gens pourront vivre cent cinquante ans », conclut Xi Jinping.
Prolonger la vie jusqu’à 150 ans
Diffusée par plusieurs médias, avant d’être censurée à la demande de la partie chinoise, la conversation, qui a duré moins d’une minute, a bien eu lieu. Interrogé à ce sujet lors de la conférence de presse qu’il a donnée à Pékin avant son départ, le numéro un russe l’a reconnu, affirmant qu’il croyait en la possibilité de prolonger la vie humaine jusqu’à 150 ans. « La médecine moderne, notamment les opérations chirurgicales liées au remplacement des organes, permet d’espérer une augmentation significative de l’espérance de vie », a-t-il ajouté.
Sous son impulsion, les projets scientifiques financés par l’Etat dans ce domaine ont été multipliés par six, selon une enquête du site d’information en exil Novaïa Gazeta Europe. De sept projets approuvés entre 2016 et 2022 pour 21 millions de roubles (environ 200 000 euros), on est passé à 43 entre 2021 et 2025, avec une allocation de 172 millions de roubles (environ 2 millions d’euros), selon des estimations partielles citées dans l’enquête de Novaïa Gazeta.
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D’autres programmes de recherche sur le vieillissement ont reçu des fonds cette année, dont celui intitulé « Régulation des processus de renouvellement cellulaire dans le corps, une base fondamentale pour le maintien à long terme de l’activité fonctionnelle des organes et des tissus, de la santé et de la longévité active ». Il est dirigé par Maria Vorontsova, une endocrinologue qui est aussi la fille aînée de Vladimir Poutine. En Russie, les bonnes affaires se font en famille.
Femme d’affaires prospère, surtout depuis que son entreprise, Nomeko, a racheté les cliniques et les centres de recherche de Sogaz – le fonds de pension de Gazprom –, Maria Vorontsova, 40 ans, siège également au conseil d’administration du vaste programme d’Etat – doté de 127 milliards de roubles (plus de 1 milliard d’euros) – destiné à accompagner le développement de la génétique russe. Sa gestion a d’ailleurs été confiée à ami proche du président, Mikhaïl Kovaltchouk, qui dirige l’Institut Kourtchatov, le principal centre de recherche nucléaire du pays. Un choix cohérent, M. Poutine ayant comparé, par le passé, le potentiel du génie génétique à celui d’une « bombe nucléaire ».