Le centre de spécialités médicales Odon-Vallet qui vient d’ouvrir ses portes à Paris (13e) présente deux originalités : il est composé de professeurs et praticiens hospitaliers retraités et il offre des soins spécialisés en secteur 1

Des spécialistes retraités renfilent la blouse dans un centre de santé parisien

Christophe Gattuso

13 mars 2025

Le centre de spécialités médicales Odon-Vallet qui vient d’ouvrir ses portes à Paris (13e) présente deux originalités : il est composé de professeurs et praticiens hospitaliers retraités et il offre des soins spécialisés en secteur 1. Reportage sur place.

Jérémy Renard, cofondateur du CSMOV, avec la directrice du centre Sadia Benhamou Kaddouri, Nefeli Tavares, chargée d’accueil et le Pr Frédéric Lioté, rhumatologue

Jeudi 13 février, c’est l’effervescence au 19 rue Ponscarme, dans le 13e arrondissement de Paris. Les journalistes sont exceptionnellement aussi nombreux que les patients dans le bâtiment situé en rez-de-chaussée, à quelques encablures du métro Olympiades. Bienvenue au centre de spécialités médicales Odon-Vallet. La structure, qui a ouvert le 7 janvier, est en effet insolite. Ici, tous les médecins ont des cheveux blancs et sont pour la plupart septuagénaires. Tous sont des professeurs (PU-PH) ou des praticiens hospitaliers retraités, ayant accepté de reprendre des vacations un jour par semaine.

L’excellence au service de la solidaritéDevise du centre

Le projet a germé il y a cinq ans dans l’esprit du Dr Dipak Mandjee, gynécologue-obstétricien, et du Pr Yvon Calmus, hépato gastroentérologue, ancien président du centre de transplantation hépatique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Après cinq ans de démarches administratives pour trouver un local et décrocher les autorisations, le projet de ce centre de santé, peaufiné avec Jérémy Renard, entrepreneur, a enfin obtenu l’autorisation d’ouvrir par l’ARS d’Ile-de-France.

La « crème de la crème » en secteur 1

« A l’heure où la désertification médicale touche aussi Paris, notre ambition est d’offrir un accès à des soins spécialisés de second recours de qualité sans dépassement d’honoraires », explique Jérémy Renard. Les médecins du centre, qui ont entre 40 et 45 ans d’expérience, sont « la crème de la crème ». Tous ont servi dans le service public toute leur vie et ont été mis sur la touche, une fois atteinte la limite d’âge. Or, ils n’avaient pas forcément envie de ranger définitivement la blouse.

« Nous avons mené une enquête auprès de spécialistes hospitaliers qui montrait que 80% d’entre eux avaient envie de continuer d’exercer, explique Jérémy Renard. Nous avons donc créé une structure pour leur permettre de poursuivre une activité. » Le centre a recruté en novembre une directrice expérimentée, Sadia Benhamou Kaddouri, qui a dirigé plusieurs centres de santé municipaux en banlieue parisienne. « Mon objectif est de faciliter la vie des médecins, de préparer les contrats, paramétrer les logiciels, gérer les achats et la logistique, bref de mettre de l’huile dans les rouages », confie-t-elle.

Des contrats à la carte

Les médecins vétérans, cadres au forfait jour, sont salariés par le centre 400 euros brut par jour. Ils signent un contrat dans lequel ils s’engagent à travailler à la carte 40, 60 ou 80 jours par an.

Dr Marc Espié, oncologue spécialiste des cancers du sein

Si ces retraités reprennent du service, ce n’est pas par appât du gain. « Ce projet m’a séduit car je voulais poursuivre une petite activité et me rendre utile, explique le Dr Marc Espié, 73 ans dans un mois, qui a travaillé comme oncologue, spécialiste du cancer du sein à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). Je ne me voyais pas débuter une activité en libéral. Et puis, nous sommes tous des médecins expérimentés, nous pouvons encore rendre service. » L’accès à la médecine spécialisée demeure parfois problématique, même dans la capitale. Et l’accès à des tarifs opposables est une chance pour les patients qui ne peuvent pas payer les dépassements d’honoraires. « Nous avons tenu à rester en secteur I car c’est dans notre ADN », résume le Pr Yvon Calmus. Le centre en a d’ailleurs fait sa devise : « L’excellence au service de la solidarité. »

Une viabilité financière à conquérir

Ouvert officiellement le 7 janvier, le Centre a vu le jour grâce au mécénat de la Fondation Odon-Vallet à hauteur de 600 000 euros, de la mairie de Paris (180 000 euros) et de la région Ile-de-France (100 000 euros). Mais sera-t-il économiquement viable ? Un rapport de l’IGAS, publié le 11 février, a une nouvelle fois mis en lumière les difficultés de financement des centres de santé pluriprofessionnels, accessibles uniquement en secteur 1. Les centres de santé doivent notamment faire face à une envolée de leurs charges d’exploitation (+80% en 5 ans). L’IGAS relève que seul un tiers des 586 centres étudiés ont dégagé un résultat d’exploitation excédentaire, et pointe la « moindre productivité » des médecins des centres par rapport à leurs confrères libéraux.

Jérémy Renard est conscient du pari qui attend la structure et partage les indicateurs-clés qu’il faudra atteindre. « Il faudra que le centre compte rapidement 70 à 80 médecins, arrive à 85% ou 90% de taux d’occupation des locaux, et réalise 30 à 35 000 consultations par an pour être bénéficiaire. »

Le but n’est pas de mourir sur scène comme Molière mais je peux encore rendre service Pr Lioté

Cheville ouvrière du projet, le Pr Calmus reconnaît également que le modèle économique d’une structure en secteur 1, qui plus est à Paris, n’est pas évident. « Il faut louer les locaux, payer les salaires du personnel : la directrice, une chargée d’accueil et les médecins. Nous verrons d’ici deux à trois ans si le modèle et viable. » L’avenir du centre dépendra bien évidemment des rentrées fournies par les consultations.

Une aubaine pour les patients

En secteur 1, la consultation spécialisée est à 32,50 euros. Mais un avis ponctuel de consultant (APC), après adressage par le médecin traitant est à 60 euros – 74 euros si la consultation est réalisée par un professeur (APU).

Des spécialistes retraités renfilent la blouse dans un centre de santé parisien

Christophe Gattuso

13 mars 2025

Le Pr Frédéric Lioté, rhumatologue de 69 ans, l’un des « juniors » du centre

Les médecins, qui reçoivent deux patients par heure, pourraient-ils accepter d’en recevoir trois voire plus si nécessaire ? Le Pr Frédéric Lioté, rhumatologue (69 ans), qui retrouve dans le centre le Dr Mandjee 52 ans après leur première année de médecine, ne souhaite pas « tomber dans l’abattage ». La veille, il a passé une heure et quart avec une patiente étrangère de plus de 80 ans qui a nécessité le recours à une traductrice pour une consultation complexe (diagnostic de coxarthrose) ayant rapporté au centre 37,50 euros. Après avoir suivi 1500 patients par an à Lariboisière, il n’imaginait pas cesser brutalement toute activité. « Le but n’est pas de mourir sur scène comme Molière mais je peux encore rendre service », précise le praticien dont le planning est déjà rempli jusqu’en avril.

Je suis très heureuse d’avoir obtenu un rendez-vous ici, chez un médecin que je n’aurais pas pu consulter aussi vite à l’hôpital. Christine, patiente

Christine, 65 ans, qui habite dans le 14e arrondissement, se réjouit de l’ouverture du centre qu’elle a découverte dans la presse. « Ce n’est pas évident de trouver certains spécialistes, confie-t-elle. Je suis très heureuse d’avoir obtenu un rendez-vous ici, chez un médecin que je n’aurais pas pu consulter aussi vite à l’hôpital. »

Premier objectif : recruter !

Le premier challenge du centre sera de recruter rapidement de nouveaux médecins spécialistes. « Nous n’aurons pas que des professeurs mais nous voulons des praticiens compétents », relate le Pr Calmus, « sergent recruteur » du CSMOV, qui fait jouer son réseau et celui de ses confrères. Après la diffusion de plusieurs reportages, les candidats se bousculent. Vendredi 14 février, les responsables du centre ont rencontré une dizaine de candidats, après examen de leur CV.

Disposant à ce jour d’une offre en diabétologie, gastroentérologie, gynécologie, sénologie, rhumatologie et pneumologie, le centre Odon-Vallet va recruter une généraliste (dont la présence est obligatoire dans un centre de santé) et proposera très rapidement des consultations en dermatologie, cardiologie, néphrologie, pédiatrie, psychiatrie et pédopsychiatrie…

Les nouveaux locaux dans lesquels le Centre Odon-Vallet doit emménager en juin prochain dans des locaux voisins flambants neufs, boulevard du Général d’armée Jean Simon, dans le 13e arrondissement, (8 salles de consultation), ne seront donc pas de trop pour accueillir tous ces praticiens.

Si le projet s’adresse avant tout aux spécialistes vétérans, il ne leur est cependant pas exclusivement réservé, assure le Pr Calmus : « Si des juniors veulent nous rejoindre, il n’y a pas d’oukase, ils peuvent venir ! »

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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