Chevreuils, cerfs et sangliers mettraient en péril la gestion durable des forêts.

Le renouvellement forestier serait compromis par la surdensité des ongulés

Dans un rapport d’évaluation du contrat liant l’ONF à l’État, des hauts fonctionnaires préconisent un « choc de rétablissement de l’équilibre forêts-ongulés ». Chevreuils, cerfs et sangliers mettraient en péril la gestion durable des forêts.

Biodiversité  |  01.10.2025  |  https://www.actu-environnement.com/mon-environnement/notifications.php?id=QUIxNDEzNjdAQmlvZGl2ZXJzaXTpOzs0Njg1NQ==#xtor=EPR-50

L. Radisson

Le renouvellement forestier serait compromis par la surdensité des ongulés

© AUFORT JéromeLes ongulés étaient en surnombre dans la moitié des forêts domaniales en 2024.

« Le renouvellement des peuplements forestiers, objet d’une attention particulière, est compromis par les surpopulations d’ongulés sauvages (1) mettant ainsi en péril la gestion durable de très nombreuses forêts publiques en métropole. » C’est l’avertissement lancé par un rapport (2) des services d’inspection du ministère de la Transition écologique (Igedd) et de l’Agriculture (CGAAER) portant sur l’évaluation du contrat 2021-2025 entre l’État et l’Office national des forêts (ONF) et les perspectives du contrat 2026-2030. Parmi les quatorze recommandations qu’ils formulent, les hauts fonctionnaires demandent aux autorités d’engager « un choc de rétablissement de l’équilibre forêts-ongulés ».

« Le déséquilibre entre la forêt et les ongulés sauvages apparaît aujourd’hui comme un phénomène « hors de contrôle » dans une grande partie des forêts publiques, indique le rapport. Au niveau national, l’ONF estime que la proportion de forêts domaniales en situation de déséquilibre est passée de moins d’un tiers, en 2019, à la moitié, en 2024, alors que l’objectif du plan stratégique de l’ONF pour 2021-2025 était de les réduire de moitié. » Ce qui fait qualifier ce déséquilibre de risque majeur pour la forêt.

Augmentation massive des populations d’ongulés

L’augmentation des surfaces de forêts en déséquilibre, c’est-à-dire celles où la densité des ongulés sauvages empêche la pousse des jeunes arbres, s’explique par une augmentation massive de leur population, favorisée par le réchauffement climatique et par la mise en place de plans de chasse obligatoires en 1978. Cette progression, qui s’est accompagnée d’une expansion géographique des espèces, est reflétée par le nombre de cerfs, sangliers et chevreuils prélevés, qui est passé de 110 000 par an, en 1974, à 1 600 000, en 2024. Elle s’est accompagnée, parallèlement, par la baisse du nombre de chasseurs, passé de 2,2 millions, en 1975, à 963 000, en 2022.“ Le déséquilibre entre la forêt et les ongulés sauvages apparaît comme un phénomène « hors de contrôle » dans une grande partie des forêts publiques ”Le rapport de l’Igedd et du CGAAER

La mission relève que des difficultés récurrentes persistent pour établir des constats et indicateurs partagés entre les parties prenantes, l’expertise technique de l’ONF étant « souvent contestée par les fédérations de chasseurs » et ses demandes d’accroissement des plans de chasse « souvent écartées par les préfets après concertation locale ».

Et les expérimentations de rétablissement de l’équilibre menées jusqu’ici se sont révélées peu concluantes, qu’il s’agisse d’une reprise de lots de chasse en régie par l’ONF, très coûteuse pour l’établissement public, ou de l’accord passé avec la Fédération nationale des chasseurs (FNC) qui prévoit la réduction du montant des baux de chasse en cas de réalisation des plans de chasse.

En outre, les préfets utilisent de façon « hétérogène et parfois insuffisante » les dispositions législatives à leur disposition. C’est-à-dire la possibilité prévue par le code de l’environnement d’ordonner des opérations de destruction d’ongulés pour prévenir les dommages importants en forêt, ou celle offerte par le code forestier d’arrêter un programme d’actions en l’absence de majorité au sein du comité forestiers-chasseurs chargé d’établir un bilan des dégâts de gibier.

Actions d’abattage à court terme

La destruction des jeunes plantations coûte cher à l’État, qui a augmenté significativement ses subventions d’investissement exceptionnelles pour le renouvellement forestier dans le cadre des programmes France Relance (67 M€ en 2020), France 2030 (45 M€ en 2023) et France Nation verte (73 M€ en 2024). Aussi, les hauts fonctionnaires formulent-ils une série de recommandations pour le nouveau contrat État-ONF (2026-2030).

Ils préconisent de définir pour la forêt publique un plan d’action global de régulation des ongulés sur la durée du prochain contrat, en distinguant les forêts en fort déséquilibre des autres. Dans les premières, le « choc de régulation » doit passer par la rédaction de dossiers d’alerte par l’ONF permettant d’objectiver les dégâts. Ensuite, il est demandé aux préfets d’établir des plans d’action de crise comprenant des actions d’abattage à court terme : abattage par des chasseurs après avoir attiré les animaux avec des aliments dans des enclos, battues administratives sans chien avec tir en ligne, tirs de nuit encadrés par des spécialistes avec caméras thermiques réalisés par des lieutenants de louveterie et des agents de l’OFB, etc.

À moyen et long termes, la mission recommande une indemnisation temporaire, notamment par une diminution du prix des baux, des chasseurs concernés par une baisse du nombre d’animaux chassables et la mise en place d’un retour d’expérience en vue d’étendre le rééquilibrage à l’ensemble des forêts nationales. Ces actions, sources d’économies futures, vont nécessiter des financements spéciaux à court terme, relèvent toutefois les auteurs, qui préconisent de les intégrer dans un volet spécifique de la mission d’intérêt général « Adaptation au changement climatique » que l’État confie à l’ONF.

Classement temporaire en Esod

Dans les zones où le déséquilibre forêt-ongulés est moins fort, les hauts fonctionnaires préconisent de développer les concertations avec les parties prenantes (ONF, fédérations de chasseurs, agriculteurs, acteurs de la filière forêt-bois, collectivités, associations, propriétaires forestiers, etc.) à travers le comité technique national forestiers-chasseurs, lancé en avril 2025 sous l’égide de la ministre de la Transition écologique, et les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage. Ils recommandent aussi de décliner localement l’accord national FNC-ONF relatif à la gestion du grand gibier dans les forêts domaniales. Leurs préconisations portent aussi sur le lancement d’une campagne de communication « grand public » destinée à sensibiliser sur la gravité de ce déséquilibre et sur ses conséquences sur la régénération des forêts, mais aussi sur les risques de collision et de développement de la maladie de Lyme.

« Les expérimentations visant à améliorer la réalisation des plans de chasse seront capitalisées et développées », ajoute enfin la mission, proposant notamment, à destination des préfets, une augmentation significative des prélèvements sur les groupes matriarcaux (biches et faons) durant plusieurs saisons, un classement temporaire et localisé des cerfs ou des chevreuils en espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod), malgré les conclusions contraires d’études scientfiiques, ou encore un allègement des sanctions en cas de tir hors quota.

Durant la période couverte par le nouveau contrat État-ONF, l’Igedd et le CGAAER demandent avant tout au ministre de l’Intérieur de s’assurer que les préfets augmentent les planchers et plafonds de bracelets pour que les fédérations départementales de chasseurs fixent des plans de chasse plus ambitieux et des obligations de résultats pour leurs bénéficiaires. Les représentants de l’État devront également veiller au contrôle, par les agents de l’OFB et des services déconcentrés, du respect de l’interdiction d’agrainage et d’affourragement des ongulés dans les secteurs sensibles.

1. Cerfs, chevreuils, sangliers, daims, chamois, isards, mouflons et bouquetins

2 Télécharger le rapport
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-46855-onf-etat-rapport-igedd-cgaaer.pdf

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire