Zones sous-dotées, patients en ALD… les médecins libéraux ont-ils rempli leurs objectifs ?
L’Assurance maladie a mis en ligne, jeudi 25 septembre, les données d’un observatoire de l‘accès aux soins, né avec la dernière convention médicale (2024-2029). Malgré des efforts, les médecins libéraux, en nombre insuffisant, ne sont pas parvenus à respecter les dix objectifs collectifs fixés en contrepartie des revalorisations tarifaires. Medscape édition française fait le point sur chacun des dix indicateurs.
1- Encore 4,2% patients ALD sans médecin traitant
C’était le premier des dix objectifs collectifs et l’un de ceux qui a le plus mobilisé les médecins libéraux, notamment au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). L’Assurance maladie avait affiché pendant les négociations conventionnelles son intention de stabiliser la part de patients en affection longue durée (ALD) sans médecin traitant au seuil de 2 % dès 2025. La convention inscrit même l’ambition de « réduire le nombre de patients en ALD pour tendre vers zéro ». Même si le plan « ALD sans médecin traitant » lancé en 2023 a permis d’infléchir la progression du nombre de malades chroniques sans médecin attitré (ils étaient 5,6% fin 2022), cet objectif est encore très loin d’être atteint. Selon la Cnam, 4,2% des 14 millions de patients en ALD se trouvaient sans médecin traitant au 30 juin 2025. Les médecins moins nombreux n’ont pu faire face à la « hausse de trois millions de personnes en dix ans », analyse la Cnam.
En 2024, le nombre de médecins actifs est reparti à la hausse en France pour la première fois depuis 2010 avec 1 672 praticiens supplémentaires.
2- Plus de primo-installés en médecine générale…
Entre 2012 et 2024, le nombre de médecins généralistes primo-installés sur plus de dix ans est passé de 1 369 en 2012 à 2 361 en 2023, soit près d’un millier installations annuelles supplémentaires sur la période (+72%). Après une forte diminution de 9,8% en 2024 (à 2 130), du fait notamment de la baisse du nombre de postes d’internat en médecine générale, le nombre de primo-installations a grimpé en un an de 3,1% au 30 juin 2025, moins que le 5% par an attendus par la Cnam. Ces résultats doivent par ailleurs être pondérés par les départs à la retraite qui ne sont pas enregistrés par l’Observatoire. Les dernières statistiques de l’Atlas de la démographie médicale de l’Ordre des médecins faisait état d’un solde négatif en 2023 pour la médecine générale (-175 médecins au niveau national), le nombre d’entrées ayant été inférieur aux sorties d’activité régulière. Un espoir cependant : en 2024, le nombre de médecins actifs est reparti à la hausse en France pour la première fois depuis 2010 avec 1 672 praticiens supplémentaires.
3- …mais moins de nouveaux médecins installés en zone sous dotée
L’Assurance maladie voulait que davantage de médecins s’installent en zone sous-denses. Elle avait exprimé le souhait, pendant les négociations avec les syndicats, de les voir augmenter de 7 % par an. Le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Au 30 juin 2025, seules 579 nouvelles installations dans ces zones sous-denses avaient été observées sur douze mois (-1,7%). Le nombre d’installations annuelles de médecins généralistes (hors médecins à exercice particulier) dans ces zones oscillait entre 580 et 640 installations par an de 2020 à 2024. Ce résultat illustre les limites des aides à l’installation des primo-installés inscrites dans la convention (de 10 000 euros en ZIP et de 5 000 euros en ZAC).
4- La patientèle médecin traitant des généralistes a augmenté moitié moins qu’espéré
Les médecins généralistes étaient invités dans la convention à augmenter de 2% en moyenne tous les ans leur patientèle médecin traitant « pour s’assurer que les patients puissent toujours avoir facilement recours à un médecin généraliste et ne se déportent pas excessivement vers d’autres accès (services d’urgence, plateformes de téléconsultation, etc.). » Selon la Cnam, la hausse de patientèle médecin traitant s’est accru de +0,8% en un an au 30 juin 2025. Fin 2024, les médecins généralistes (hors-MEP) étaient médecins traitants de 1 033 patients en moyenne (contre 849 en 2016).
5- La file active des médecins libéraux s’est stabilisée
La file active (nombre de patients uniques vus au moins une fois dans l’année) des médecins généralistes est relativement stable également, puisqu’elle s’établissait à 1 571 patients en 2016, 1 615 en 2024 et 1 621 au 30 juin 2025 (mesuré sur les 12 derniers mois). La Cnam tablait sur une hausse de la file active de 1 % par an.
L’emploi d’un assistant médical s’inscrit ainsi progressivement dans les pratiques des médecins avec 15% des généralistes éligibles y ayant recours aujourd’hui
Assurance maladie
6- Légère amélioration de l’accès aux spécialistes
La convention affichait l’objectif de réduire le délai moyen d’accès aux médecins spécialistes. « L’accès aux médecins spécialistes s’améliore de manière très progressive, avec une évolution mesurée de la file active moyenne sur la période observée », analyse la Cnam. Ce sont 2 403 patients qui ont été vus en moyenne au moins une fois dans l’année au 30 juin 2025 pour l’ensemble des médecins spécialistes contre 2 261 patients en 2016 et 2 385 en 2024.
7- L’objectif des 10 000 assistants médicaux atteint avec un an de retard ?
Emmanuel Macron avait affiché son souhait d’arriver au recrutement de 10 000 assistants médicaux fin 2024, pour permettre aux médecins libéraux de libérer du temps médical et ainsi de prendre en charge davantage de patients. L’objectif est en passe d’être tenu mais avec un an de retard. Selon l’Assurance maladie, 8 558 contrats d’aide à l’emploi d’assistants médicaux avaient été signés par l’ensemble des médecins libéraux (généralistes et spécialistes) au 30 juin 2025.« L’emploi d’un assistant médical s’inscrit ainsi progressivement dans les pratiques des médecins avec 15% des généralistes éligibles y ayant recours aujourd’hui », observe l’Assurance maladie. Elle rappelle que les médecins ayant signé les premiers contrats, entre septembre 2019 et août 2020, ont accru de 19,5 % leur patientèle « médecin traitant », de 4,5% leur file active, et réalisent deux actes de plus par jour en moyenne.
8- Plus de contrats de maîtrise tarifaire… mais aussi de dépassements d’honoraires
54% des médecins de secteur 2 avaient opté au 30 juin 2025 pour une option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM ou OPTAM ACO pour les anesthésistes, chirurgiens et obstétriciens), contre 50% en 2018. Fin 2024, près de 17 300 praticiens étaient ainsi engagés dans ces options de maîtrise des dépassements d’honoraires avec une part d’activité en secteur I. La Cnam tablait sur une hausse de 5% de contrats par an. Les OPTAM n’ont par ailleurs pas empêché, ces dernières années, la hausse en volume des dépassements d’honoraires de l’ensemble des médecins spécialistes. Ceux-ci ont augmenté d’un milliard d’euros en cinq ans pour atteindre 4,5 milliards d’euros en 2024. Selon les derniers chiffres de la Drees,la part des compléments d’honoraires représentait 17,1% des honoraires des médecins spécialistes en 2023 (contre 15% en 2010).
9- 96% du territoire français couvert par la permanence des soins
Les médecins ont été encouragés dans la convention à participer au service d’accès aux soins (SAS) et à la permanence des soins pour couvrir 100 % du territoire. L’objectif est quasiment rempli puisque 96,3% de la population était couverte par un SAS au 30 juin 2025.
10- Un flou sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap
Médecins et CNAM s’étaient mis d’accord dans la convention pour renforcer la prise en charge des patients en situation de handicap et réduire les refus et abandons de soins. L’observatoire ne dispose pas de données permettant d’établir que l’objectif est ou non rempli.
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