Les forces politiques qui partagent le souhait du président américain d’affaiblir l’Union européenne (UE) et favorables à ses méthodes radicales sont, en progression en Europe.

L’Europe saisie par le trumpisme

Analyse

Les forces politiques qui approuvent les méthodes radicales du président américain sont en progression sur le Vieux Continent, à l’image du parti populiste d’Andrej Babis en République tchèque, en tête des sondages avant les législatives des 3 et 4 octobre.

Publié le 26 septembre 2025 à 12h00  Temps de Lecture 3 min.

Un nouveau pays d’Europe risque-t-il de basculer dans le camp des démocraties menacées ? « Trumpiste » revendiqué, même s’il a tendance à prendre ses distances avec le président américain depuis son retour à la Maison Blanche, l’ancien premier ministre Andrej Babis est en tout cas le favori des élections législatives organisées vendredi 3 et samedi 4 octobre en République tchèque. Tous les sondages lui promettent depuis des mois un score supérieur à 30 %. S’il arrive à former une coalition, cet allié de Viktor Orban et de Marine Le Pen au Parlement européen pourrait bien revenir au pouvoir à Prague après avoir déjà gouverné entre 2017 et 2021.

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Le premier mandat de ce riche homme d’affaires avait pourtant été marqué par de multiples accusations de corruption et des attaques contre la justice et la presse qui avaient déclenché les plus grandes manifestations observées dans ce pays d’Europe centrale depuis la « révolution de velours », en 1989. Mais, alors que les dérives très trumpistes de M. Babis avaient entraîné sa chute en 2021, quatre ans plus tard, elles lui valent d’avoir le vent en poupe dans ce pays de dix millions d’habitants.

Andrej Babis (à droite, tenant le micro), leader du parti populiste ANO, lors d’un meeting électoral à Liberec, en République tchèque, le 23 septembre 2025.
Andrej Babis (à droite, tenant le micro), leader du parti populiste ANO, lors d’un meeting électoral à Liberec, en République tchèque, le 23 septembre 2025.  DAVID W CERNY / REUTERS

Ce retournement peut certes s’expliquer par une inflation trop peu combattue par le gouvernement pro-européen sortant ou par la fatigue de la guerre en Ukraine, mais il est surtout symptomatique d’un phénomène plus général en Europe. Alors qu’elles étaient en recul lors du premier mandat du président américain, les forces politiques qui partagent le souhait du président américain d’affaiblir l’Union européenne (UE) et entretiennent une forme de fascination pour ses méthodes radicales sont, cette fois-ci, en progression.

Rejet de l’immigration

Déjà au pouvoir en Italie ou en Hongrie, les partis de droite nationalistes ont opéré une percée spectaculaire lors des élections organisées en Roumanie entre fin 2024 et début 2025, puis ont remporté l’élection présidentielle polonaise sur le fil le 1er juin. Ils sont désormais en tête dans les sondages dans des pays aussi différents que la France, le Royaume-Uni, l’Autriche ou la Roumanie, et ils talonnent l’Union chrétienne-démocrate (CDU), parti conservateur, dans les intentions de vote en Allemagne. Si la grande majorité des Européens considère que l’élection de Donald Trump est une mauvaise chose pour leur pays, selon un sondage publié par le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) en juin,cela ne les empêche pas d’apprécier de plus en plus les partis politiques qui admirent sa façon de s’en prendre aux immigrés, à la gauche et aux fonctionnaires.

En Europe de l’Ouest, leur progression reflète souvent un rejet grandissant de l’immigration. Mais le cas des pays d’Europe centrale montre bien que le phénomène est plus complexe. Dans ces Etats, la quasi-totalité des formations politiques rejette déjà toute forme d’immigration extra-européenne, et pourtant les « trumpistes » y progressent aussi, en exploitant le rejet des personnes LGBT+ ou de l’interruption volontaire de grossesse, ou en maniant un dégagisme radical déguisé derrière un message anticorruption, comme en Roumanie.

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Comme le décrit Giuliano da Empoli dans son essai L’Heure des prédateurs (Gallimard, 160 pages, 19 euros), la fascination pour les régimes forts résulte d’un air du temps difficile à contrer. Il emporte avec lui toute une partie de la jeunesse, notamment masculine. Alimentée par des réseaux sociaux qui poussent au clivage, une partie non négligeable de nos sociétés ne croit plus les médias établis, pourtant piliers de nos démocraties, et voit du « wokisme » partout alors qu’il a largement perdu en influence depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Coalitions pro-UE impopulaires

Dans les pays à tradition parlementaire, comme en Roumanie, en Autriche ou en Allemagne, les forces démocratiques ont certes réussi à former des grandes coalitions pro-européennes entre droite et gauche pour éviter que les « trumpistes » n’arrivent au pouvoir. Mais celles-ci se révèlent rapidement impopulaires parce qu’elles doivent opérer des coupes budgétaires pour compenser une croissance mollassonne et des dépenses de défense grandissantes. Même lorsque ces coalitions mènent une politique d’immigration ultra-restrictive comme en Autriche, l’extrême droite continue de progresser et dépasse désormais les 35 % dans les sondages.

Dans ce contexte, l’avenir de l’UE semble bien sombre. Jamais la perspective de lever la très paralysante règle de l’unanimité dans les décisions de politique étrangère n’a semblé aussi inatteignable. Comme Donald Trump, tous ces partis défendent une évolution inverse de celle de l’Union consistant à redonner du pouvoir aux Etats, même s’ils peuvent parfois, comme Giorgia Meloni, se monter conciliants avec Bruxelles pour des raisons financières de court terme.

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Dans son traditionnel discours de rentrée prononcé le 7 septembre, Viktor Orban a prophétisé l’entrée de l’UE dans une« phase de délitement et de fragmentation ». Pour lui, l’heure approche où une majorité d’Etats seront prêts à démanteler les institutions bruxelloises et à abolir les pouvoirs de la Cour européenne des droits de l’homme et ceux de la Cour de justice de l’UE, à commencer par la protection des migrants. Réduite à une forme de coopération lâche entre des Etats, cette Europe des nations ne serait plus qu’un manchon d’UE à la merci des chantages et des menaces extérieures.

Dans une étude publiée mardi 23 septembre, Pawel Zerka, expert à l’ECFR, a appelé les dirigeants européens à réagir à la« guerre culturelle de Trump » avant qu’il ne soit trop tard. « Malgré la polarisation exploitée et aggravée par Trump, presque tous les gouvernements des Etats membres sont encore dirigés par des partis traditionnels et pro-européens », souligne-t-il, en les appelant à ne pas se laisser dicter leur politique par leur peur des réactions du président américain et de ses alliées européens. Paradoxalement, de nombreux électeurs de ces partis rêvent, eux aussi, d’une Europe plus forte que celle d’aujourd’hui.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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