Les trains de nuit Paris-Berlin et Paris-Vienne menacés faute de subvention de l’Etat
Avec la décision du gouvernement de mettre fin aux aides financières, ces deux lignes déficitaires devraient s’arrêter d’ici à la fin de l’année 2025.

Personne, ni au ministère des transports ni à la SNCF, ne veut le confirmer officiellement, mais c’est la fin pour les trains de nuit qui reliaient Paris à Berlin et Paris à Vienne. La liaison Paris-Berlin avait été relancée en grande pompe il y a moins de deux ans, vantée comme un symbole du renouveau de ce mode de transport sobre et lent. Celle entre Paris et Vienne l’avait été deux ans plus tôt. Elles n’auront pas survécu aux coupes budgétaires et à l’arrêt des aides financières du ministère décidé ces dernières semaines. Et à l’absence de rentabilité.
Ces deux lignes étaient déficitaires. Comme le sont d’ailleurs les autres trains de nuit, les Intercités ou les TER. C’est l’Etat ou les régions qui compensent, selon des modalités diverses, la différence entre les recettes de billets et le coût pour les exploitants. En l’occurrence, la SNCF, alliée à ses partenaires allemand et autrichien, respectivement la Deutsch Bahn et ÖBB – cette dernière fournissant les trains de nuit, une denrée devenue rare en Europe.
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Ces trains sont par essence extrêmement difficiles à rentabiliser pour les exploitants ferroviaires, qui font valoir qu’ils ne peuvent faire rouler leur matériel qu’une fois par vingt-quatre heures – contre plus de quatre fois en moyenne pour un TGV – et qu’il y a moins de place à vendre que dans un train classique, pour des coûts d’exploitation supérieurs.
Pour esquiver cette difficulté tout en restant dans les clous du droit européen en matière d’aides d’Etat, le gouvernement avait octroyé une aide au démarrage pour un an, renouvelable deux fois. Elle fut donc renouvelée en 2024, mais ne le sera pas une seconde fois. Selon une source au ministère des transports, la décision a été prise au début de l’été « au niveau du cabinet du ministre », après que le ministère a reçu de Matignon sa « lettre plafond », qui fixe le maximum des dépenses pour l’année à venir.
« Un beau symbole », mais à perte
Selon nos informations, cette aide s’élevait entre 5 millions et 10 millions d’euros par an. En son absence, c’est un manque à gagner certain pour la SNCF, mais pas de quoi mettre en péril l’entreprise ferroviaire qui a dégagé de copieux bénéfices ces dernières années.
« L’Etat actionnaire nous demande d’être rentables et nous ne le sommes qu’au prix d’efforts considérables, il ne peut pas nous demander d’assurer des dessertes à perte pour le symbole, même si c’était un beau symbole », se désole une source au sein de l’entreprise publique.
Du côté des services de l’Etat, on reproche à la SNCF et à ses partenaires de ne pas avoir respecté l’engagement qui avait été pris de faire un aller-retour quotidien, comme c’était initialement prévu – seulement trois allers-retours hebdomadairesétaient jusqu’ici disponibles. Voire de ne pas avoir tout fait pour la réussite des trains de nuit et, enfin, d’avoir concentré les efforts sur la liaison Paris-Berlin en TGV, lancée en décembre 2024, et qui est bien plus rentable.
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L’information s’ébruitant à la faveur de communications d’associations environnementales ou de défense des trains de nuit, la SNCF et le ministère se sont empressés de ne rien confirmer officiellement pour ne pas être les premiers à endosser la responsabilité de l’arrêt de cette ligne symbolique. « Nous n’allons pas nous exprimer sur ce dossier à ce stade », a répondu la direction de SNCF Voyageurs à nos demandes de précisions. Echo similaire au ministère qui ne « fera pas de commentaire sur ce sujet ».
« Une fréquentation élevée »
A moins d’un improbable revirement de l’un des protagonistes, la liaison s’arrêtera donc le 12 décembre 2025. En 2024, 36 000 passagers avaient emprunté le train de nuit jusqu’à Vienne et 30 000 celui de Berlin. « C’est une fréquentation élevée pour une première année d’exploitation, qui a été en plus marquée par une interruption de treize semaines en raison de travaux », regrette Nicolas Forien, du collectif Oui au train de nuit.
Dans une étude publiée en mai, l’ONG Réseau Action Climat avait souligné l’engouement des Français pour les trains de nuit, en compilant les données issues des comités de suivi de chacune de ces lignes. Malgré les problèmes opérationnels, les retards, les annulations et l’offre famélique, plus d’un million de voyageurs ont pris un train de nuit en 2024 en France.
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« Les trains de nuit internationaux sont en 2025 dans la même situation que les trains de nuit nationaux en 2015 : la SNCF saborde le service et encourage ainsi l’Etat à s’en débarrasser, sur fond d’un cadre réglementaire mal adapté », déplore, dans un communiqué, le collectif qui souligne également l’évolution nécessaire du droit européen afin d’« autoriser plus clairement les subventions aux trains de nuit internationaux » alors que, dans le transport aérien, « le kérosène reste défiscalisé ».
Le collectif Oui au train de nuit organise une « pyjama party », vendredi 26 septembre, à la gare de l’Est, à Paris, au départ des Paris-Vienne et Paris-Berlin. L’un des derniers avant l’interruption du service.