A peine de retour au pouvoir, Donald Trump a supprimé les mesures en faveur de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion (DEI), selon lui discriminatoires envers les hommes blancs

Comment le « ressentiment blanc » aux Etats-Unis a profité de la discrimination positive pour prospérer

Par Publié hier à 06h00, modifié hier à 12h35 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/09/27/comment-le-ressentiment-blanc-s-est-nourri-des-politiques-americaines-antidiscrimination_6643134_3232.html

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Enquête

A peine de retour au pouvoir, Donald Trump a supprimé les mesures en faveur de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion (DEI), selon lui discriminatoires envers les hommes blancs. Une rupture brutale dans l’histoire des droits civiques.

C’est par un prodigieux retournement de sens que le nouveau martyr de la droite américaine, Charlie Kirk, passe désormais pour le « Martin Luther King de droite ». Pas seulement parce qu’il a été, comme lui, assassiné en public. Mais aussi parce qu’il se considérait lui-même comme un « militant des droits civiques », le porte-parole d’un groupe opprimé : les Blancs.

Cette prétendue « oppression », dans la rhétorique empruntée par la droite américaine, trouve paradoxalement son origine dans la loi sur les droits civiques de 1964, que Kirk considérait comme « une erreur ». Parmi les combats de Turning Point USA, le plus grand mouvement de jeunesse MAGA (Make America Great Again), qu’il avait cofondé en 2012, figure la lutte contre les politiques de « diversity, equity and inclusion », perçues comme une excroissance désastreuse du mouvement pour les droits civiques.

Ces trois principes accolés donnent leur nom – abrégé en DEI – à un ensemble informel de mesures et de programmes destinés à soutenir la lutte contre les discriminations des groupes historiquement désavantagés (minorités ethniques ou religieuses, femmes, LGBT +, personnes porteuses de handicap) dans les entreprises, les universités, les hôpitaux, l’armée ou l’administration. Elles visent à créer des environnements de travail et des opportunités de carrière plus justes, grâce à des dispositifs de formation, des programmes de mentorat et des politiques de recrutement spécifiques, pour remédier aux écarts de revenus persistants. Pour n’en donner qu’un exemple : un foyer blanc est en moyenne dix fois plus riche qu’un foyer noir.

Elles ont progressivement amené les entreprises à se doter de départements particuliers, de services de conseil, d’audit, d’équipes juridiques, le tout formant une industrie gigantesque, estimée à 10 milliards de dollars en 2022. A mesure qu’elles enflaient, les politiques DEI sont devenues l’obsession de la droite, le symptôme pour elle de la « tyrannie woke », la cause d’une méritocratie dévoyée, l’origine de la frustration des classes populaires blanches.

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Au cœur du discours du président Donald Trump figure en effet l’idée que les mesures DEI sont « illégales »« immorales » et discriminatoires envers les hommes blancs. Peu importe qu’un bon nombre des responsables de l’administration Trump doivent moins leur nomination à des compétences indéniables qu’à des carrières à la télé et/ou à leur allégeance au prince.

Darren Beattie, le futur sous-secrétaire d’Etat chargé de la diplomatie publique et des affaires publiques, le disait tout haut sur le réseau social X, en octobre 2024 : « Si vous voulez que les choses fonctionnent, ce sont des hommes blancs compétents qui doivent être aux commandes. Malheureusement, toute notre idéologie nationale repose sur le fait de surprotégrer les sentiments des femmes et des minorités, et de démoraliser les hommes blancs compétents. » « DEI must DIE » (DEI doit MOURIR)twittait, pour sa part, Elon Musk, en décembre 2023.

« Traitement préférentiel »

Ces politiques sont désormais bien mortes. En trois décrets publiés le jour même et le lendemain de son investiture, Donald Trump en a terminé avec soixante ans d’affirmative action (« discrimination positive »). « Nous avons mis fin à la tyrannie des politiques dites de diversité, d’équité et d’inclusion dans l’ensemble du gouvernement fédéral, mais aussi dans le secteur privé et dans notre armée », dira-t-il, le 4 mars devant le Congrès, avant de proclamer avec grandiloquence : « Our country shall not be woke ! » (« notre pays ne sera plus woke ! »). Il s’agit, selon l’essayiste Christopher Caldwell, membre du think tank conservateur Claremont Institute, du « changement politique le plus important de ce siècle ».

Selon l’analyste ultraconservateur Mike Gonzales, non seulement Donald Trump s’est « clairement engagé dans une démolition systématique du régime de diversité, d’équité et d’inclusion de [Joe] Biden depuis son retour au bureau Ovale », mais il va « encore plus loin. Il est également en guerre contre le radicalisme des années 1960 », se réjouit-il dans un article publié par la Heritage Foundation, fabrique à idées du mouvement MAGA.

Trump, sous couvert de s’en prendre aux programmes DEI qui avaient récemment crû au point d’agacer bien au-delà de la droite, détruit avec eux toute l’infrastructure héritée du mouvement pour les droits civiques. Son troisième décret invoque ainsi le « devoir solennel » de faire respecter « les lois fédérales de longue date en matière de droits civils », mentionnant la loi sur les droits civiques de 1964, le Civil Rights Act.

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C’est au nom « des Américains qui travaillent dur et qui méritent d’avoir une chance de réaliser le rêve américain [et qui] ne devraient pas être stigmatisés, rabaissés ou privés d’opportunités en raison de leur race ou de leur sexe » – autrement dit, les hommes blancs – que Trump justifie le démantèlement de l’édifice juridique construit pour conduire la société américaine vers une égalité de fait.

Cette vision de l’égalité comme dommageable aux Blancs, qui triomphe aujourd’hui, vient de loin. La toute première loi sur les droits civiques, en 1866, pose que tous les citoyens des Etats-Unis auraient désormais les mêmes droits civils « sans distinction de race, de couleur ou de condition antérieure d’esclavage ou de servitude involontaire ». Mais elle fut rejetée par le président Andrew Johnson (1865-1869), qui succéda à Abraham Lincoln. Cette loi accorde « une protection des Noirs discriminatoire », avait-il déclaré, ajoutant que les Blancs n’avaient jamais bénéficié d’une loi fédérale les protégeant contre la discrimination. Et pour cause : l’esclavage n’était aboli que depuis un an.

Mais « le spectre obsédant du “traitement préférentiel” était déjà là », souligne Randall Kennedy, professeur de droit à Harvard. Le Congrès adoptera cette loi malgré le veto de Johnson. « Mais à chaque fois que, dans l’histoire des Etats-Unis, des mesures ont été prises pour améliorer le sort des Noirs, des racistes blancs ont crié au scandale, affirmant qu’il s’agissait d’une injustice, d’une discrimination inversée, d’un traitement préférentiel. C’était vrai en 1866. C’était vrai en 1964 », insiste Randall Kennedy.

En 1964, la loi sur les droits civiques interdit la discrimination basée sur « la race, la couleur de peau, la religion, le sexe et la nationalité ». Elle est, dans la lettre, « colorblind » : elle ne vise aucun groupe explicitement. Quelques républicains des Etats du Sud, où s’appliquaient les lois de ségrégation dites « Jim Crow », s’y opposent, mais comme le dira leur chef au Sénat, Everett McKinley Dirksen, citant Victor Hugo : « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue. » Une écrasante majorité de républicains au Congrès la soutient. L’heure de l’égalité de tous les Américains devant la loi est, semble-t-il, venue.

Réparer l’injustice de l’esclavage

Jusque-là, l’histoire faisait peu ou prou consensus : sauf à défendre le retour des lois ségrégationnistes, difficile de contester cet héritage politique majeur qui, pour la première fois, rend possible la démocratie promise par les Pères fondateurs. Pendant soixante ans, l’histoire paraissait réaliser, quoique de façon imparfaite, la croyance de Martin Luther King selon laquelle « l’arc moral de l’univers » tendait vers la justice.

Le souvenir du leader du mouvement des droits civiques, Prix Nobel de la paix en 1964, assassiné quatre ans plus tard, faisait l’unanimité : les progressistes pouvaient se revendiquer de son rêve égalitaire et les conservateurs de son rêve « colorblind », dans lequel les citoyens « ne seraient pas jugés par la couleur de leur peau, mais par leur caractère ».

Mais, dans l’année qui suit l’adoption de la loi de 1964, le président Lyndon Johnson (1963-1969) prononce un discours qui marque un tournant. Devant les étudiants de Howard, la plus prestigieuse des universités noires du pays, le chef de l’Etat expose la vision au fondement de l’idée d’affirmative action : « On ne peut pas prendre une personne qui, pendant des années, a été entravée par des chaînes, la libérer, l’amener sur la ligne de départ d’une course et lui dire : “Vous êtes libre de concourir avec tous les autres”, tout en continuant à croire que l’on a été complètement juste. » Johnson reconnaît là que la simple égalité de droit ne saurait réaliser l’« égalité des chances », selon le langage employé alors.

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Comment donc réparer l’injustice de l’esclavage, au fondement de l’histoire et de la puissance américaines ? Comment s’assurer que ceux qui ont été discriminés dans le passé – un passé si proche – ne le soient pas dans le futur ? Le décret 11 246, publié par Johnson en 1965, marque le début de la discrimination positive, en obligeant les entreprises attributaires des marchés publics à mettre en place des affirmative actions pour garantir que les candidats soient embauchés et les employés traités sans distinction de race.

Ce décret est depuis lors un pilier juridique de la politique américaine en matière d’égalité. Mais, pour l’essayiste du Claremont Institute Christopher Caldwell, il marque aussi le début d’un « régime des droits civiques » – dont l’élection de Trump un demi-siècle plus tard est, à ses yeux, une conséquence directe. Ce régime des droits civiques, ou de l’affirmative action, se serait progressivement doté d’une Constitution alternative, « rivale » de celle de 1787, et sans sa légitimité.

« Une grande partie de ce que nous avons appelé ces dernières années “polarisation” ou “incivilité” est en réalité quelque chose de plus grave : c’est un désaccord sur quelle Constitution doit prévaloir», analyse-t-il dans The Age of Entitlement, paru en 2020 (« l’ère des droits acquis », Simon & Schuster, non traduit). « Christopher Caldwell a changé les termes du débat avec son livre », écrit en avril, dans sa newsletter, Christopher Rufo, activiste trumpiste à l’avant-poste du combat anti-DEI.

L’essai de Caldwell a fourni un cadre argumentaire à une nouvelle droite désinhibée sur la question raciale. Ce « régime »qu’il décrit repose sur toute l’ingénierie sociale grandissante qui doit permettre d’aider les entreprises et les institutions à respecter la loi de 1964. Comme la Commission pour l’égalité des perspectives d’emploi, qui traite, depuis 1965, les plaintes des salariés qui s’estiment discriminés.

Ou bien encore les mesures sur l’« impact disparate » – une des doctrines centrales des droits civiques : dans une décision historique, la Cour suprême décide en 1971 que des politiques de recrutement pouvaient être contestées sur la seule base des résultats injustes qu’elles entraînent pour un groupe, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’intention discriminatoire. En l’espèce : des tests de QI inutiles favorisant mécaniquement les candidats blancs, en raison de leur meilleur niveau d’éducation. L’impact disparate sera utilisé pour lutter contre des discriminations en matière d’embauche, de santé et de logement.

Or, rappelle l’ultraconservateur Mike Gonzalez, « les promoteurs du Civil Rights Act de 1964, et des droits civiques en général, avaient juré sur des piles de bibles que cela ne dégénérerait jamais en embauche et en promotion fondées sur la race ». Devant une décision aux conséquences telles, les critiques abondent : les entreprises redoutent l’énorme responsabilité que la mesure fait porter sur eux ; les conservateurs affirment que la règle contredit l’intention « colorblind » de la loi de 1964, et reprochent à la doctrine de l’impact disparate d’instituer des quotas de fait. Mais, comme le dit George Shultz, le ministre du travail (1969-1970) de Richard Nixon, pendant des centaines d’années, les Etats-Unis ont appliqué un quota racial. Il était de zéro.

L’argument de la diversité

L’affirmative action n’a cessé d’être débattue et modifiée au gré des compromis avec l’opposition, au premier rang desquels sa traduction en termes de « diversité ». Car, après avoir été conçue comme une forme de réparation due aux descendants d’esclaves, l’affirmative action est reformulée en 1978, à la suite d’un arrêt de la Cour suprême : celui-ci met fin aux quotas à l’université, mais autorise la prise en compte de la race comme la garantie d’une « diversité » qui serait bénéfique au corps étudiant dans son ensemble, un moyen d’exposer les futurs dirigeants de la nation « aux idées et aux mœurs d’étudiants aussi divers que cette nation aux multiples peuples ».

Envelopper des règles préférentielles d’admission à l’université dans l’argument de la « diversité » était une idée destinée à faire pencher une Cour suprême divisée entre démocrates et républicains. « Ça a été très utile, reconnaît Randall Kennedy. La notion de diversité, extrêmement malléable, permettait de parler de réformes sans avoir à porter un regard accusateur sur les injustices raciales du passé. Elle permettait de résoudre la quadrature du cercle racial en Amérique. »Ce nouveau récit fait de l’identité raciale une force, quelque chose qu’on apporte au groupe, plutôt que le signe d’un retard, d’un déficit. Il permet aussi de concilier le principe de non-discrimination raciale contenu dans la loi de 1964 avec celui d’affirmative action, qui demande de prendre en considération la race.

Mais, en dissimulant son objectif véritable – aider les descendants d’esclaves –, il a rendu la notion vulnérable. « L’une des faiblesses de la stratégie de la diversité est qu’elle n’était pas tout à fait honnête, poursuit Randall Kennedy. Tout le monde savait que quand on parlait de diversité, on faisait en réalité référence aux personnes historiquement marginalisées. C’était une demi-vérité. Et les tribunaux n’aiment pas les demi-vérités. » En clair, face à des Blancs qui portent plainte pour discrimination, la justice ne peut pas arguer des inégalités raciales persistantes en termes d’éducation et d’accès à l’emploi.

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Il n’empêche : le mot « diversité » fait son entrée dans la grammaire morale américaine. Le concept fait également florès dans le monde de l’entreprise. Pas seulement par crainte des litiges. Avec le temps, le monde se globalise, l’Amérique biraciale est devenue « multiculturelle ». La « diversité » ne concerne plus seulement les Noirs américains. Elle s’impose comme une évidence, une opportunité. Lorsque le président Ronald Reagan (1981-1989) s’opposera à l’affirmative action pendant son premier mandat, il se heurtera non seulement aux républicains plus libéraux, mais aussi aux entreprises, qui en ont fait une valeur cardinale, et un business grandissant.

La diversité telle qu’elle a imprégné le monde du travail emmène loin de l’argument moral clairement exposé par Johnson dans son adresse aux étudiants de Howard. Bien qu’il n’y ait jamais eu de limite explicite à la durée de l’affirmative action dans le temps, la question s’est posée de façon de plus en plus pressante : quels progrès pour les descendants d’esclaves ?

« La question factuelle de savoir ce qui se passe réellement à la suite des politiques de discrimination positive reçoit remarquablement peu d’attention », écrit l’économiste conservateur Thomas Sowell, dans Affirmative Action Around the World. An Empirical Study (« la discrimination positive dans le monde, une étude empirique », Yale University Press, 2004, non traduit). Très critique des politiques d’affirmative action, l’auteur leur a toujours reproché, entre autres, d’attribuer faussement l’émergence d’une classe moyenne noire à « la générosité blanche ». Or, démontre-t-il, l’ascension économique des Noirs américains précède l’essor de la discrimination positive.

Nombre d’autres intellectuels noirs y voient une condescendance, la reconduction d’une vision racialiste de la société, au coût social trop élevé pour le groupe qu’elle est censée aider. Le sujet a nourri une vaste littérature critique. Les penseurs de tradition marxiste reprochent à l’affirmative action d’écraser la question de la classe sociale. Angela Davis, figure des droits civiques, qualifiait par exemple dans un discours en 2013 les politiques DEI de « stratégie d’entreprise », de « différence qui ne fait aucune différence ».

Instrument de délégitimation

Du point de vue des conservateurs, la diversité est perçue comme une idéologie, qui met en péril l’idée qu’ils se font de la méritocratie, de l’excellence et de la culture. Elle est considérée comme fondamentalement « antiaméricaine », en ce qu’elle pense au groupe plus qu’à l’individu. Depuis qu’elle est décrite, sous la plume navrée du philosophe Allan Bloom, dans son essai L’Ame désarmée (1987, traduit en 2018 aux Belles Lettres), comme une prétendue ouverture cachant un dogmatisme débilitant, la diversité est devenue, pour les conservateurs, l’autre nom d’un affaissement.

En 1996, Peter Thiel, futur fondateur de PayPal, alors encore étudiant à Stanford, en fait le sujet de son premier livre, coécrit avec David Sacks, The Diversity Myth (« le mythe de la diversité », Independent Institute, non traduit). Devenu un véhicule du « politiquement correct », un agent d’uniformisation de la pensée, l’argument de la diversité se trouve, soutiennent-ils, vidé de son sens initial. « Je continue de penser que presque tous les arguments que nous avons avancés étaient justes, assure en 2023, dans la revue conservatrice New Criterioncelui qui est devenu l’un des soutiens les plus fervents de TrumpA l’époque, le “multiculturalisme” était le terme fourre-tout utilisé pour désigner cette idéologie vague et monstrueuse. Aujourd’hui, elle se nomme “woke” et lutte pour “la diversité, l’équité et l’inclusion”. Le problème n’a fait que s’aggraver. »

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Dans The College Scam (« l’arnaque universitaire », Winning Team Publishing, 2022, non traduit), Charlie Kirk la voyait comme une stratégie d’endoctrinement « woke » des étudiants déployée par les universités. Traduits dans le langage brutal MAGA, les arguments anti-affirmative action sont devenus des insultes, des instruments de délégitimation des Noirs, transformés en usurpateurs de privilèges et de pouvoirs indus. « Si je vois un pilote noir, je me dis : bon sang, j’espère qu’il est qualifié », disait ainsi Charlie Kirk. Qu’ils soient admis dans des universités d’élite, élus maire d’une grande ville, candidate à la présidence ou pilotes d’avion, ils sont, par un retournement de sens pervers, frappés du soupçon d’imposture.

La discrimination positive portait-elle en elle le germe du ressentiment blanc ? Représenter la majorité blanche comme la principale victime d’une discrimination raciale systémique, comme le fait Trump, n’est étayé par aucune preuve, pas même les déclarations des Blancs eux-mêmes. Il est par ailleurs impossible de prouver ce qu’elle « coûterait » à un individu blanc : les critères d’embauche, de promotion ou d’admission à l’université sont trop nombreux pour pouvoir assurer qu’une personne a « pris la place » d’une autre.

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Il n’empêche : « L’une des conséquences imprévues des droits civiques a été de créer une conscience blanche », juge Christopher Caldwell. Ce fut vrai tout au long de l’histoire. Le soutien à l’affirmative action n’a jamais été massif dans la société américaine. Les programmes ont perduré par volonté politique, malgré une popularité mitigée. Or l’expérience a montré que lorsque les programmes de discrimination positive sont supprimés, la part des minorités diminue. La diversité ne va pas de soi : c’est un choix. Le pouvoir actuel en a fait un autre.

Il suffit aux Américains d’avoir un peu plus de 60 ans pour avoir connu de leur vivant le passage des lois Jim Crow à une société égalitaire en droit. Voyant l’histoire se défaire sous leurs yeux, ils vivent désormais dans un monde où la loi qui a mis fin à la ségrégation est considérée comme raciste, où l’on restaure les monuments à la mémoire des confédérés et où « l’arc moral de l’univers » semble ne plus tendre vers la justice.

Valentine Faure

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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