A l’ONU, des dirigeants du monde entier répondent à Trump et montrent qu’ils poursuivent la bataille climatique
A l’issue du sommet climat organisé par l’ONU, plus de 100 pays, dont la Chine, ont publié, ou ont promis de le faire d’ici à la COP30, de nouveaux engagements de réduction de CO₂. Un tour de force dans un monde fracturé par les guerres et les conflits commerciaux.

Ils ont utilisé l’une des plus nobles enceintes, celle de l’ONU, pour montrer qu’ils poursuivent la bataille climatique, malgré les vents contraires. Ils ont martelé que le dérèglement climatique non seulement existe mais tue, quoi qu’en dise Donald Trump. Au président américain, climatosceptique, qui le qualifiait, à la même tribune, mardi 23 septembre, « de plus grosse escroquerie jamais menée contre le monde », ils ont opposé une « question de survie », de « sécurité », de « prospérité ».
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Plus de 100 représentants de pays, dont une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, se sont succédé à la tribune pour sonner l’alarme, lors d’un sommet climat organisé par l’ONU, mercredi 24 septembre. Un tour de force dans un monde fracturé par les guerres et les conflits commerciaux, qui voit le climat relégué au second plan. Une preuve que le multilatéralisme climatique survit, à cinquante jours de la conférence mondiale sur le climat (COP30), qui se tiendra à Belem (Brésil), et alors que l’accord de Paris va fêter ses 10 ans.
Montée des eaux, intensification des tempêtes, disparition des glaciers : les dirigeants ont témoigné de la « réalité brutale » de la crise climatique dans leur pays, qui arrache des vies et détruit des récoltes. « Personne n’est épargné par les conséquences du changement climatique. Les murs aux frontières n’arrêteront pas les sécheresses et les inondations », a rappelé le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, taclant, à l’unisson de nombre de ses homologues, le « déni »du président américain – sans jamais le nommer. Le climat et la biodiversité ne sont pas « affaire d’opinion, a appuyé le président français, Emmanuel Macron. Continuons à baser nos décisions sur la science ».

Tour à tour, les chefs d’Etat et de gouvernement ont réitéré leur « engagement » envers l’accord de Paris et son objectif le plus ambitieux : limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C – une limite que certains scientifiques considèrent désormais comme hors d’atteinte. Ils ont également rappelé la nécessité et les bénéfices de la transition énergétique, à rebours d’un Donald Trump qualifiant les énergies renouvelables de « blague ».
Surtout, ils ont voulu montrer qu’ils arrivent à Belem en « ayant fait [leurs] devoirs », pour reprendre les mots de Lula. Les pays doivent présenter, en 2025, de nouveaux plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre – à l’horizon 2035 –, plus ambitieux, comme le prévoit l’accord de Paris tous les cinq ans. Ils sont censés rendre leur copie avant le 30 septembre, afin qu’elles soient prises en compte dans la synthèse que l’ONU effectuera fin octobre. Mardi, seuls 47 Etats étaient au rendez-vous.
« Elan mondial »
A l’issue du sommet, plus de 100 pays ont publié, ou ont promis de le faire d’ici à la COP30, leurs nouvelles contributions déterminées au niveau national, comme on les appelle dans le jargon onusien (NDC, en anglais). « Il y a maintenant un élan mondial. Ces Etats représentent 66 % des émissions mondiales », s’est félicitée Amina Mohammed, la vice-secrétaire générale de l’ONU.
Le plan chinois était le plus attendu. Dans un message enregistré, le président Xi Jinping a annoncé que son pays, premier pollueur mondial, allait réduire ses émissions de 7 % à 10 % d’ici à 2035 par rapport au niveau de leur pic (soit un plafond avant une décrue). Ce dernier n’est pas encore connu mais pourrait être atteint en 2025, selon les analystes. C’est la première fois que Pékin s’engage à un chiffre précis de réduction des rejets carbonés.

Cette feuille de route climatique, considérée comme insuffisante et décevante par nombre d’observateurs, constitue malgré tout un « signal crucial » que la Chine « reste engagée » dans la transition verte, note Belinda Schäpe, analyste au Centre pour la recherche sur l’énergie et la propreté de l’air. La prudence de Pékin reflète la « volatilité géopolitique » et les « incertitudes économiques ». Cette superpuissance dans les technologies propres, si elle poursuit ses tendances actuelles, pourrait atteindre une baisse de 30 % de ses émissions d’ici à 2035, qui serait alignée avec l’accord de Paris, estime l’experte.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a, elle aussi, cherché à donner des gages de bonne volonté. L’Union européenne (UE) n’a toujours pas transmis sa NDC, en raison de divisions internes, mais elle le fera à temps pour la COP30, a-t-elle affirmé. Elle a rappelé la « déclaration d’intention » des Vingt-Sept : une réduction de 66,25 % à 72,5 % des émissions comparé à 1990. « Le monde peut compter sur l’UE », a assuré Ursula von der Leyen, alors que nombre de pays regrettent le manque de leadership européen. « Nous ne pouvons pas nous satisfaire de promesse partielle ou de lettre d’intention », a rétorqué, à la tribune, le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra.
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Malgré l’abondante moisson de feuilles de route climatiques, huit membres du G20 – le groupe des principales économies et les plus grands pollueurs – n’ont pas annoncé de nouveau plan. Manquent à l’appel l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Arabie saoudite et la Russie. Les Etats-Unis, quant à eux, ont déposé une NDC juste avant le départ de Joe Biden de la Maison Blanche, que Donald Trump ne compte pas respecter.
Ces plans ne sont pourtant pas optionnels, mais obligatoires, ont rappelé nombre de pays en développement, se basant sur un récent avis de la Cour internationale de justice, qui ouvre la voie à des poursuites judiciaires. « L’inaction n’est pas seulement immorale, elle est aussi illégale », a appuyé le premier ministre de Tuvalu, Feleti Teo.
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« Nous sommes confiants que près de 190 pays présentent leur NDC d’ici à la fin de l’année », indique Pablo Vieira Samper, directeur mondial du Partenariat NDC, une coalition d’Etats et d’institutions qui aide financièrement près de 110 pays en développement à élaborer leur plan.
Le Nord rappelé à sa responsabilité
Quel que soit leur nombre, il est d’ores et déjà acquis que les nouveaux engagements mondiaux ne permettront pas de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, ni même probablement à 2 °C. Les politiques actuelles mènent la planète vers + 3,1 °C à la fin du siècle. De fait, les NDC abordent peu, voire pas, l’enjeu majeur : comment mener la transition hors des énergies fossiles ? Parmi les pays qui utilisent encore du charbon, seule une moitié mentionne un plan pour en sortir et aucun Etat ne s’est fixé d’objectif chiffré de réduction de la production de pétrole et de gaz, selon une analyse du cercle de réflexion E3G.
Les Etats se divisent sur la suite à donner à ces lacunes. Certains, comme les petites îles, poussent pour intégrer à l’ordre du jour de la COP30 un dialogue permettant de réfléchir à comment redresser la barre. Mais d’autres, comme la Chine, l’Inde ou l’Arabie saoudite, rejettent cette discussion.
« Plus encore que l’ambition des plans climat, le principal enjeu est leur manque de mise en œuvre, rappelle Pablo Vieira Samper, alors que nombre de pays ne remplissent pas leurs objectifs. Si la finance n’est pas au rendez-vous, on n’y parviendra pas. » En 2024, à la COP29, les pays développés s’étaient accordés à verser 300 milliards de dollars (255 milliards d’euros) par an d’aides financières aux pays en développement pour financer leur transition climatique à l’horizon 2035, une somme bien en deçà des besoins, qui avait suscité la colère de pays du Sud.
A l’ONU, mercredi, ils n’ont cessé de rappeler le Nord à sa responsabilité de pollueur historique, lui demandant plus de financements. A Belem, les Etats sont appelés à adopter une enveloppe de 1 300 milliards de dollars par an de ressources publiques et privées. La tâche est ardue, mais elle sera plus révélatrice du degré de volontarisme des pays que les discours de leurs dirigeants.
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