Les émissions de gaz à effet de serre des 50 sites les plus polluants n’ont baissé que de 1,4 % en 2024

Le trop lent démarrage de la décarbonation industrielle en France

Les émissions de gaz à effet de serre des 50 sites les plus polluants n’ont baissé que de 1,4 % en 2024, selon un rapport des associations Réseau Action Climat et France Nature Environnement, publié jeudi 18 septembre. Une diminution largement insuffisante pour tenir les engagements climatiques de la France pour 2030 et 2050. 

Par Bastien BonnefousPublié aujourd’hui à 06h00, modifié à 08h57 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/09/18/en-france-le-trop-lent-demarrage-de-la-decarbonation-industrielle_6641615_3234.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=a_la_une&lmd_send_date=20250918&lmd_link=tempsforts-link&M_BT=53496897516380

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A Toulouse, le 14 janvier 2025.
A Toulouse, le 14 janvier 2025.  LIONEL BONAVENTURE/AFP

L’alerte prend de l’ampleur. Après la Cour des comptes, mardi 16 septembre, et le Haut Conseil pour le climat en juillet, c’est au tour des associations Réseau Action Climat (RAC) et France Nature Environnement d’appeler l’Etat à accélérer la mise en œuvre de sa politique climatique. Les deux ONG publient, jeudi 18 septembre, leur troisième rapport annuel sur la décarbonation industrielle dans le pays.

Après une baisse marquée en 2023 (– 7,8 %), les émissions industrielles n’ont reculé que de 1,4 % en 2024. Une diminution largement insuffisante, qui confirme les difficultés du monde industriel à se décarboner, déjà soulevées en juin par l’Insee dans sa note de conjoncture. D’autant que ; dans le détail, cette baisse est principalement due à la chute de la production dans plusieurs secteurs en crise plus qu’à de réelles transformations structurelles des procédés de production.

L’industrie reste le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France, après les transports et l’agriculture, avec 62 millions de tonnes équivalent CO2 par an, soit près de 17 % des émissions nationales.

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En 2022, le gouvernement a lancé un plan de décarbonation pour les cinquante sites industriels les plus émetteurs : cimenteries, aciéries, raffineries… qui représentent, à elles seules, plus de la moitié (55 %) des émissions industrielles en France et 7 % des émissions nationales. En novembre 2023, ces industriels ont signé trente-deux « contrats de transition écologique » avec l’Etat, afin de détailler leurs programmes de décarbonation aux horizons 2030 et 2050.

« Flou budgétaire »

Deux ans plus tard, « les efforts engagés restent, dans l’ensemble, encore trop partiels pour constituer une décarbonation structurelle et durable », estiment le RAC et France Nature Environnement dans leur rapport. Dans le secteur de la construction, la baisse des émissions de GES est certes importante (– 5,9 %) mais elle s’explique essentiellement par la chute de la production liée à celle de la demande. A l’inverse, la métallurgie (+ 1,6 % pour l’acier et + 4,4 % pour l’aluminium) comme la chimie (+ 0,94 %) sont reparties à la hausse, en raison notamment du report de plusieurs projets de décarbonation jugés trop coûteux face à la concurrence étrangère, en particulier asiatique.

Ce bilan décevant s’explique par deux raisons principales, selon les associations. La première est l’instabilité politique en cours dans le pays depuis trois ans. Celle-ci provoque un « flou budgétaire » qui constitue « un frein majeur à l’investissement des industriels qui ont besoin de garanties claires sur le soutien public à moyen et long termes ».

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Le plan d’investissement France 2030, lancé en 2021, avait fléché 5,6 milliards d’euros pour la décarbonation industrielle, ramenés à 4,5 milliards en 2023. A ce jour, 1,54 milliard a été déboursé pour financer 368 projets sur l’ensemble du territoire. Bien trop peu au regard des besoins chiffrés à 22 milliards d’euros d’ici à 2030 par la direction générale des entreprises, au ministère de l’économie.

Le rapport préconise la création d’une loi de programmation des finances vertes pour « donner de la visibilité aux entreprises », et la mise en place d’un « observatoire consacré aux sites industriels les plus émetteurs » afin de mieux contrôler la répartition et l’utilisation des aides publiques distribuées. « Il est aujourd’hui impossible d’avoir une vision claire de l’efficacité réelle des aides publiques », regrettent le RAC et France Nature Environnement.

« Stop and go réglementaire »

La seconde raison avancée est le lobbying exercé par certains grands groupes industriels pour affaiblir les politiques de transition. Détricotage de la législation sur l’artificialisation des sols, simplification des normes européennes de contrôle, prérogatives de la commission nationale du débat public revues à la baisse… les exemples récents sont nombreux d’un retour en arrière.

En France, cette pression exercée pour lever ou amoindrir les normes, soutenue par la droite, l’extrême droite et une partie du camp macroniste, contribue, selon le rapport du RAC et de France Nature Environnement, à une « instabilité réglementaire délétère pour les investissements nécessaires » et nourrit le sentiment que la décarbonation industrielle n’est qu’une priorité de façade, sans cesse reportée.

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Dernier exemple en date, la non-publication par le gouvernement de la programmation annuelle de l’énergie, sans cesse repoussée depuis 2023, participe à ce « stop and go réglementaire » qui entretient « un climat d’incertitudes ».

Pour y faire face, une réelle « planification industrielle » est nécessaire selon les deux ONG, à l’image de la planification écologique mise en œuvre depuis 2022 par le gouvernement. « L’Etat doit aller plus loin que son simple rôle de réduire les risques financiers des projets d’investissement de décarbonation industrielle les plus coûteux », estime Aurélie Brunstein, responsable industrie lourde au RAC et coautrice du rapport.

Cette planification centralisée permettrait de mieux « coordonner les investissements entre filières, de faire le lien avec la planification énergétique, de mettre en place une vraie économie circulaire et de définir une vision globale de l’industrie que veut avoir la France dans les prochaines décennies ». Sans cela, « on laisse les industriels faire seuls leur stratégie de décarbonation dans leur coin, au risque qu’ils ne retiennent qu’une logique de coût financier sans efficacité réelle à terme sur le climat », estime Mme Braustein.

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Bastien Bonnefous

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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