200€/jour pour exercer en zone rouge, c’est du mépris de la part du gouvernement ! – 5000 sites « Maisons Santé » on demande à voir.

200 euros par jour pour aller dans un désert : « Ce n’est même pas du bénévolat, c’est de l’esclavage organisé », dénoncent les médecins

Alors que le dispositif de « solidarité territoriale » a été officiellement lancé début septembre, l’indemnisation forfaitaire de 200 euros par jour versée aux médecins volontaires pour se rendre ponctuellement dans des déserts peine à convaincre. Interrogé, 85% des lecteurs d’Egora jugent ce montant insuffisant et déplorent le « mépris » du Gouvernement. 

17/09/2025 https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/200-euros-par-jour-pour-aller-dans-un-desert-cest-meme-pas-du-benevolat

Par Chloé Subileau

colere

Début septembre, le ministre démissionnaire chargé de la Santé, Yannick Neuder, annonçait le lancement du dispositif de « solidarité territoriale » des médecins. Sur la base du volontariat, les praticiens sont invités à se rendre jusqu’à deux jours par mois dans des territoires sous-dotés afin d’y améliorer l’accès aux soins.  En juin dernier, 151 intercommunalités – considérées comme des « zones rouges » – ont été sélectionnées par le ministère de la Santé pour accueillir les premiers praticiens volontaires.

Pour indemniser leurs frais de transport, d’hébergement et de restauration, ces médecins « solidaires » toucheront 200 euros par jour. Un montant auquel s’ajoutera le paiement des consultations réalisées pendant leurs déplacements.

Mais ce montant de 200 euros peine à convaincre les praticiens. Sur 305 professionnels de santé qui se sont exprimés sur notre plateforme de débats, 85% jugent cette indemnité forfaitaire insuffisante. « Ridicule« , « esclavage organisé« , « mépris« … Les médecins ne mâchent pas leurs mots pour dénoncer cette indemnisation.

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« Ça ne couvre même pas les frais de fonctionnement de nos cabinets à la journée. Et une fois les charges, CARMF et URSSAF, ponctionnées, il ne reste … pas grand-chose« , pointe ainsi A.R., généraliste, qui précise que les frais pour les trajets doivent aussi être supportés par les praticiens. « Et ils [les décideurs politiques, NDLR] doivent être persuadés de nous faire un cadeau en plus. Heureusement que le ridicule ne tue pas« , poursuit-il. « On ne fait pas l’aumône !« , s’emporte un autre médecin, Philippe P.

« Quelles sont les conditions, le matériel, la distance, le nombre de consultation[s] surtout… Il y a gros à parier qu’on aura des personnes avec une liste de demandes impossible à examiner en un quart d’heure, le temps correspondant à une consultation à 30 euros« , développe Arielle G. « Et je sens qu’il va y avoir des insatisfaits revendicateurs », prédit la généraliste qui, « au premier mot de travers », n’hésitera pas à s’en aller

Nos politiques marchent sur la tête

Cette indemnisation de 200 euros pourrait être suffisante « si le déplacement [dans les territoires, NDLR] est fait en ‘stop’ et [le] repas un jambon beurre« , ironise, de son côté, le généraliste Patrick S. « Ce n’est même pas du bénévolat, c’est de l’esclavage organisé« , lance Claude G., généraliste. « Comment peut-on proposer des conditions aussi indignes à des bac +8-10 sans rigoler, si cela sert à couvrir les frais de déplacement, l’hébergement, les repas…« , s’interroge le praticien.

D’autres répondants au débat vont plus loin, et remettent en cause l’intérêt même du dispositif de « solidarité territoriale ». « Nos politiques marchent sur la tête, si on veut récupérer du temps médical, il ne faut pas faire se déplacer les médecins !« , pense notamment Florent C, médecin généraliste. « Il faut organiser des charters de patients que l’on amène vers des médecins volontaires à leurs cabinets et que l’on rémunère au moins au prix d’une consultation de soins non programmés à chaque fois !« , propose-t-il.

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Parmi les professionnels interrogés, seuls quelques-uns (15%) ne s’opposent pas à ces 200 euros d’indemnisation forfaitaire. Cette rémunération se « rajoute aux montants des consultations faites pendant les deux jours« , tient à rappeler Robert A., généraliste. « C’est peut-être bien pour les retraités qui veulent faire en plus du tourisme !« , lance-t-il. 

Pour l’heure, le dispositif de « solidarité territoriale » peine à se mettre en place dans les territoires. D’autant que la nomination du nouveau Premier ministre, et de son futur Gouvernement, pourrait encore rebattre les cartes. En déplacement samedi 13 septembre, le nouveau locataire de Matignon, Sébastien Lecornu, a en effet proposé une nouvelle grande mesure pour lutter contre les déserts médicaux en créant un réseau « France santé » de plusieurs milliers de maisons ou sites.

Auteur de l’article

Chloé Subileau

Cheffe de la rubrique étudiants

5000 sites « France santé » : les médecins libéraux demandent à voir

En annonçant vouloir créer d’ici à 2027 un réseau de « 5000 sites France santé », le nouveau Premier ministre a jeté le trouble au sein de la profession. Si les représentants des médecins libéraux saluent sa volonté de faire de la santé une priorité et de « changer de méthode« , ils se montrent dubitatifs sur la concrétisation de cette promesse qui se heurte aux réalités de la démographie médicale. 

17/09/2025 Par Aveline Marques & Louise ClaereboudtENREGISTRER DANS VOS SELECTIONS

magie, question

« Notre objectif est simple : d’ici 2027, un réseau de 5000 sites France santé, pour une offre de soins accessible à tous les Français en 30 minutes dans chaque bassin de vie« , a lancé le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, à l’issue d’un déplacement consacré à la santé en Saône-et-Loire, samedi 13 septembre. Une annonce aussi retentissante que le silence qui a suivi depuis, du côté de Matignon, plongeant la presse et les professionnels de santé dans la perplexité. Une question : de quoi parle-t-on exactement ?

« Quels professionnels mettre dedans ?« , s’interroge la présidente de MG France

200 euros , cela n’a pas de pertinence pour un médecin libéral installé qui a son cabinet , ses patients et ses charges de libéral…Lire plus

« Nous n’en savons pas plus« , a déploré, ce mercredi 17 septembre, la présidente de MG France, la Dre Agnès Giannotti, lors d’une conférence de presse. S’agit-il d' »une offre de soins« , de la « créer là où ça manque ? » « Mais quels professionnels mettre dedans ?« , s’interroge ainsi la cheffe de file des généralistes. Est-ce que cela renvoie à « la fameuse solidarité territoriale » qui se met laborieusement en place dans les 151 « zones rouges » identifiées au début de l’été ? « Ou s’agit-il de guichets d’orientation ? Dans ce cas, comment cela s’articule avec les CPTS, avec les SAS ? Il ne faut pas que ça détruise tout« , met en garde la généraliste. 

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Redoutant une « couche administrative supplémentaire avec rien derrière« , la présidente de MG France plaide pour « une offre de soins de qualité, pas du one shot, pas du soin non programmé ». « Ce dont les gens ont besoin dans les zones désertifiées, c’est un suivi global et dans la durée« , insiste Agnès Giannotti, tout en prévenant : « Ce ne sera pas facile, la démographie étant ce qu’elle est, on n’a pas de baguette magique. »

« Pensées magiques »

« Comme toujours, le politique pense qu’il a la martingale, qu’il va régler le problème de l’accès aux soins avec une solution« , tempête le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, dans une vidéo sur X. « Les solutions on les connaît, mais le politique ne veut pas les appliquer, il préfère user de pensées magiques, et tromper les gens avec des actes de communication qui ne résoudront rien« , tacle le généraliste, rappelant que le doublement des maisons de santé et la généralisation des CPTS – promesses macronistes – n’ont « rien résolu » : « 7 millions de Français sont toujours sans médecin traitant. » De plus, relève le président de l’UFML, « les statistiques de l’Ipsos en 2024 nous montrent que les Français se trouvent en moyenne à 19 minutes des généralistes et à 28 minutes des centres d’urgences. Si on était taquins, on pourrait dire à monsieur Lecornu qu’il veut aggraver les choses…« 

S’ils saluent le « changement de méthode » annoncé par Sébastien Lecornu, les syndicats restent perplexes. « Pour moi, changer de méthode, ça veut dire consulter les corps intermédiaires avant de faire des annonces et de mettre en place des mesures« , grince Agnès Giannotti, qui attend toujours d’être reçue par le chef de l’exécutif. « Il faut construire avec l’Ordre, les syndicats, les associations et ensuite mettre en place une solution, ce n’est pas : ‘Je décide dans mon coin et vous venez discuter.« , appuie Jérôme Marty.

Créer à « grand frais » des centres de santé serait « de la folie furieuse » pour le président de la CSMF

De son côté, le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, s’interroge « sur le choix de faire cette déclaration dans un centre de santé, et sur le positionnement du Premier ministre sur ces structures« . « Les services de Matignon ont-ils lu les rapports de l’Igas et de la Cour des comptes ? La production de soins y est moindre, la moitié d’entre eux sont en déficit, assène-t-il. Si le Premier ministre souhaite créer à grands frais des centres de santé partout, financés par des fonds publics, et ce alors que le pays vit une situation économique inédite, c’est de la folie furieuse. » 

Lire aussi : « La qualité des soins ne s’évalue pas au nombre d’actes réalisés » : la réponse des centres de santé au rapport Igas

Le gastroentérologue apprécie toutefois « que la première sortie du Premier ministre ait concerné la santé« . « Le contraire aurait été très choquant, car il s’agit d’une préoccupation majeure de nos concitoyens« , tempère-t-il. 

Pour Médecins pour demain, « c’est un signal clair : la santé est enfin prise au sérieux au plus haut niveau de l’État, sans défiance inutile à notre égard ». Ces annonces « vont dans le bon sens et témoignent d’un changement de posture, permettant aux acteurs locaux de bonnes volontés de s’organiser », commente l’association dans un communiqué, diffusé mardi 16 septembre. « Ce déplacement a été marqué également par des propos de respect envers les soignants et par l’affirmation de la liberté qui doit rester la règle, par définition, pour les médecins libéraux », salue Médecins pour demain, qui souhaite « participer aux rencontres » promises par Sébastien Lecornu. 

« Foutez-nous la paix, essayez la confiance« , presse Jérôme Marty

« Toutefois, nous le redisons avec conviction : la condition indispensable pour restaurer l’attractivité de la médecine libérale passe par redonner les moyens à la médecine libérale qui garde à ce jour le meilleur rapport coût/efficacité, en revalorisant la consultation à hauteur de la moyenne européenne, soit 50 euros. »

« Libérez les charges, libérez les normes, libérez l’emprise administrative et vous verrez que les libéraux, notamment, qui sont des chefs d’entreprise, sauront très bien aménager le territoire, créer de l’entreprise médicale et la développer, appelle Jérôme Marty. Foutez-nous la paix, essayez la confiance et vous verrez ça marchera bien mieux. » 

Auteurs de l’article

Aveline Marques Rédactrice en chef web

Louise Claereboudt Cheffe de rubrique Rencontres

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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