Pour la Cour des Comptes, le coût de l’inaction est supérieur à celui de la transition.

La Cour des comptes vole au secours de la transition écologique

Dans son premier rapport annuel consacré à la transition écologique, la rue Cambon rappelle que le coût de l’inaction est supérieur à celui de la transition. Elle recommande de doubler le montant des investissements qui lui sont consacrés. 

Gouvernance  |  16.09.2025  | https://www.actu-environnement.com/ae/news/cour-des-comptes-transition-ecologique-rapport-annuel-46783.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8Mzg0OQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

 L. Radisson

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La Cour des comptes vole au secours de la transition écologique

« Ce rapport n’est pas un tract », s’est défendu Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, en présentant à la presse, ce mardi 16 septembre, son premier rapport annuel (1) consacré à la transition écologique. Il faut dire que ses conclusions rejoignent celles des militants écologistes, et l’ancien ministre de l’Économie a tenu à préciser qu’elles n’entraient pas en contradiction avec une saine gestion des finances publiques.

Le message le plus important, transmis par les magistrats financiers à travers cette analyse, est celui de l’urgence à agir face aux dommages occasionnés par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. « Ces dérèglements environnementaux ont entraîné, selon les estimations produites par les grands réassureurs mondiaux, des coûts économiques directs évalués autour de 300 Md€ en 2024 à l’échelle mondiale, un chiffre en progression constante depuis 2015 », rappelle la Cour.

110 Md€ nécessaires chaque année

« Ce que j’aimerais souligner devant vous est simple, a déclaré Pierre Moscovici aux journalistes : même si le montant des investissements nécessaires impressionne, il reste bien inférieur à ce que nous coûterait la poursuite des politiques présentes. » Ce montant est en effet estimé à environ 110 milliards d’euros (Md€) supplémentaires chaque année d’ici à 2030, principalement dans le bâtiment et les transports.

Pour le situer, cette somme représente plus du double de l’effort proposé (44 Md€) par le gouvernement Bayrou dans le projet de budget qui a occasionné sa chute, même si ce n’est sans doute pas tant le montant de l’effort demandé qui a suscité le vote de défiance que ceux à qui il a été réclamé. Ce qui pose la question sous-jacente de mettre à contribution les plus grosses fortunes pour financer la transition écologique. Une question que la Cour évacue. « Les outils ne sont pas que budgétaires, mais aussi réglementaires et de gouvernance. Et il ne nous appartient pas de prendre une position qui relève de l’exécutif », se défausse une magistrate. Pourtant, dans le même temps, le rapport préconise de porter une attention particulière aux ménages modestes dans le choix des leviers à mobiliser, notamment par rapport au reste à charge souvent trop élevé.“ Même si le montant des investissements nécessaires impressionne, il reste bien inférieur à ce que nous coûterait la poursuite des politiques présentes ”Pierre Moscovici, président de la cour des Comptes

La Cour fait ressortir par ailleurs que les investissements préconisés ne doivent pas être constitués de dépenses publiques uniquement. Aujourd’hui, les acteurs privés assurent 74 % des 102 Md€ dépensés pour la transition écologique en 2024. « Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, la mise en œuvre de la planification écologique devra largement reposer sur des investissements privés supplémentaires, dans tous les secteurs d’activité : bâtiment, transports, énergie… », estime Pierre Moscovici, tout en soulignant que le désinvestissement public en la matière n’est pas concevable. L’ancien ministre de l’Économie voit d’ailleurs dans la nécessité d’investir dans la transition écologique une raison de plus de réduire notre dette financière. « La dépense publique la plus stupide est le remboursement de la dette financière, en passe de devenir le premier budget de la Nation », pointe l’ancien locataire de Bercy.

Une facture qui s’alourdit avec le différé des actions

Mais surtout, la Banque de France, dans son rapport sur la stabilité financière publié en juin dernier, estime qu’un scénario de statu quo des politiques menées face au changement climatique entraînerait à l’horizon 2050 une perte de 11,4 points de PIB. À l’inverse, des politiques qui visent la neutralité carbone permettraient de limiter cette perte à 6,5 points, incluant le coût de la transition. Ce qui montre l’intérêt d’une dépense publique bien calibrée.

« Ces évaluations macroéconomiques confirment une évidence : plus l’action est différée, plus la facture s’alourdit », souligne Pierre Moscovici. Et de l’illustrer avec la hausse des prix des hydrocarbures entre 2022 et 2024 : majoration de 22 Md€ nets/an de la facture française d’importation d’énergie, 19,6 Md€ de dépenses de l’État pour financer le bouclier tarifaire, sans effet bénéfique autre que celui de soulager le porte-monnaie des Français à court terme. « À titre de comparaison, vante le président de la Cour, le soutien public à l’installation d’énergies renouvelables sur la période 2018-2023 a coûté un montant équivalent, mais il a permis de mettre en place 22 GW supplémentaires, soit la moitié de la puissance totale installée depuis 2000 en éolien et solaire. »

Consolider les outils disponibles

Pour piloter l’effort financier supplémentaire demandé par la Cour, celle-ci préconise de consolider les outils existants, avec, en premier lieu, la Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique (Spafte) dont la première édition a été publiée à l’automne 2024, suggérant de la transmettre au Parlement dès le printemps en amont du débat budgétaire. Celle-ci pourra s’appuyer sur les budgets verts que l’État expérimente depuis 2020 et les collectivités depuis 2024.

Mais le levier financier n’est pas le seul. Il doit être articulé de manière cohérente avec la réglementation, la fiscalité ou la programmation des dépenses, souligne la Cour. C’est pourquoi elle recommande de conforter, au niveau central, le rôle du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui, depuis 2022, a permis de produire une feuille de route bas carbone et de coordonner l’action interministérielle, mais qui a ensuite perdu beaucoup de son influence. Elle demande à cet égard de partager les données du SGPE avec les collectivités. La rue Cambon recommande également de fixer des objectifs chiffrés de réduction de l’empreinte carbone dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), afin de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre importés, qui sont en augmentation.

Les auteurs du rapport préconisent d’ancrer par ailleurs la transition écologique dans les territoires via des outils financiers pluriannuels, mais également une meilleure articulation des instruments de planification. C’est le cas des Sraddet à l’échelle des régions, qui doivent intégrer les orientations nationales fixées par la SNBC et par le Plan d’adaptation au changement climatique (Pnac), et doivent eux-mêmes donner une cohérences aux plans locaux (PCAET élaborés par les intercommunalités). Cet ancrage doit également passer par les COP régionales, lancées en 2023, dont « l’efficacité dépendra de leur articulation avec les autres instruments existants », souligne Pierre Moscovici.

« Vous l’aurez compris, le statu quo n’est pas une option. L’action, rapide, ordonnée et planifiée, constitue le seul chemin rationnel, conclut ce dernier. En définitive, investir dans la transition écologique, c’est éviter des pertes économiques, sociales et humaines bien plus lourdes. C’est aussi un impératif de justice entre générations : ce que nous n’engageons pas aujourd’hui, nos enfants devront le payer demain, au prix fort. »1. Télécharger le rapport de la Cour des comptes
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-46783-rapport-cour-des-comptes-transition-ecologique.pdf

Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef de Droit de l’Environnement

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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