Les 27 se contentent d’un accord sans garantie sur l’aide humanitaire à Gaza.

Face aux crimes israéliens, l’UE choisit l’inaction et le déshonneur

Le conseil européen des affaires étrangères de l’Union européenne n’a finalement rien statué sur son accord d’association avec Israël, pourtant bafoué. Les 27 se contentent d’un accord sans garantie sur l’aide humanitaire à Gaza.

Clothilde Mraffko

16 juillet 2025 à 07h39 https://www.mediapart.fr/journal/international/160725/face-aux-crimes-israeliens-l-ue-choisit-l-inaction-et-le-deshonneur?utm_source=quotidienne-20250716-181107&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250716-181107&M_BT=115359655566

IsraëlIsraël ne respecte pas l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) en raison des crimes commis à Gaza et en Cisjordanie. Le service diplomatique européen l’atteste dans une note partagée le 23 juin. Mais les 27 ont choisi, mardi 15 juillet, de ne pas sanctionner. La trêve estivale se chargera du reste : le sujet sera probablement enterré au moins pendant quelques semaines.

La cheffe de la diplomatie européenne a justifié cette dérobade par l’accord arraché à Israël le 10 juillet, qui promet un acheminement « à grande échelle » de l’aide humanitaire à Gaza.

« Nous voyons des signes positifs, on a vu que davantage de camions et de provisions ont atteint Gaza, on voit plus de points d’entrée ouverts et on a aussi vu des lignes électriques être réparées. Mais Israël doit prendre davantage de mesures concrètes pour améliorer la situation humanitaire sur le terrain », a déclaré Kaja Kallas en conférence de presse à l’issue de la réunion. Elle assure que l’application de l’accord sera revue toutes les deux semaines.

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Ursula von der Leyen et Benjamin Netanyahu.  © Photomontage Mediapart avec AFP

Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, faisait écho à ce satisfecit avant de rejoindre la réunion du 15 juillet : « Lorsqu’elle s’en donne les moyens, l’Union européenne est capable de faire bouger les lignes. » L’accord du 10 juillet est pourtant sans garantie.

Il ne statue pas sur le point crucial de la distribution de l’aide à Gaza. Les Israéliens veulent conserver le système de la Fondation humanitaire de Gaza qu’ils contrôlent et qui engendre un chaos particulièrement meurtrier. Les Européens poussent pour un retour de la mainmise de l’ONU et des ONG internationales sur le sujet – seul mécanisme qui permet que l’aide atteigne les bénéficiaires qui en ont le plus besoin.

Les raisons de sanctionner

L’accord a permis effectivement l’acheminement de « 150 000 litres de carburant », annonçait le 11 juillet sur X le COGAT, organe de l’armée israélienne qui gère les affaires civiles des Palestinien·nes dans les territoires occupés, et qui contrôle notamment ce qui rentre dans la bande de Gaza.

Mais, comme le rappelle l’ONG Avaaz, « les actions d’Israël à Gaza et en Cisjordanie – y compris la violation de l’article 2 – vont bien au-delà du simple blocage de l’aide. Si l’Union européenne ne donne pas suite à ses propres conclusions juridiques par des mesures supplémentaires, elle risque de compromettre la crédibilité de sa politique étrangère, la cohérence de son droit et son autorité morale ».

Depuis le 2 mars, la bande de Gaza est soumise à un blocus total qui a été très partiellement levé mi-mai. Début mai, le ministre néerlandais des affaires étrangères Caspar Veldkamp a demandé la révision de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, au titre de l’article 2 qui affirme que les relations entre les parties sont fondées sur le respect des droits humains et principes démocratiques.

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Conclu en juin 2000, ce dernier est crucial pour Israël, dont l’Union européenne est le principal partenaire commercial. L’inverse, en revanche, n’est pas vrai : les exportations vers Israël représentent à peine 1 % des ventes des 27 à l’étranger.

Fin juin, une note du Service européen pour l’action extérieure a consigné les violations des droits humains par Israël – des bombardements indiscriminés aux attaques contre le système de santé et déplacements forcés imposés aux civils de l’enclave palestinienne.

« Trahison cruelle et illégale »

Sortir de l’accord d’association paraissait exclu : il faut pour cela l’unanimité des États membres, et l’Allemagne et l’Italie, notamment, s’y opposaient.

Dix options étaient sur la table. Les États membres auraient pu décider, par exemple, d’une suspension partielle des accords de recherche ou de commerce préférentiels – qui nécessite un vote à majorité de 15 pays représentant 65 % de la population européenne –, d’un embargo sur les armes à destination d’Israël ou de la révocation des exemptions de visa pour les Israélien·nes dans la zone Schengen. Aucune n’a engrangé le nombre de voix nécessaires pour être adoptée.

L’absence de sanction vaut approbation de la politique israélienne dans les Territoires palestiniens occupés. Elle est une « trahison cruelle et illégale », a fustigé la secrétaire générale d’Amnesty International Agnès Callamard. « Il ne s’agit pas seulement de lâcheté politique, explique-t-elle. Chaque fois que l’UE refuse d’agir, le risque de complicité avec les actions d’Israël augmente. Cela envoie un message extrêmement dangereux. »

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Plus de 58 000 Palestinien·nes ont été tué·es à Gaza depuis le 7-Octobre. Le 13 juillet, le ministère de la santé local annonçait 134 personnes tuées en vingt-quatre heures dans l’enclave, dont 28 en allant chercher de l’aide humanitaire. Ces six dernières semaines, 875 Gazaoui·es ont été tué·es en tentant de mettre la main sur un peu de nourriture, dont 674 autour des points de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza sponsorisée par les États-Unis et Israël.

D’après le Programme alimentaire mondial, le kilo de farine se négocie autour de 23 euros à Gaza, soit 3 000 fois plus cher qu’avant la guerre. Selon l’organisation onusienne, près d’une personne sur trois « ne mange pas pendant plusieurs jours d’affilée » et quelque 90 000 enfants et femmes ont besoin d’un traitement urgent pour malnutrition. Or, l’aide alimentaire est la seule source de nourriture pour l’enclave dont Israël a systématiquement détruit les moyens de subsistance.

En Cisjordanie, plus de 950 Palestinien·nes ont été tué·es par des soldats ou colons israéliens depuis le 7-Octobre et la colonisation progresse. Le 2 juillet, des députés et ministres du parti du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou lui ont adressé une lettredemandant l’annexion de ce territoire palestinien avant la pause estivale du Parlement israélien, le 27 juillet.

Minimalisme français

La France, elle, défend une position timorée. Elle condamne la colonisation, en faisant notamment savoir qu’elle « s’oppose fermement » à la réactivation du projet de colonisation dit E1, vers Jérusalem. Celui-ci prévoit la construction de logements pour plus de 3 000 colons et couperait la Cisjordanie occupée en deux, rendant encore plus improbable l’établissement d’un État palestinien. La France demande aussi à Israël de débloquer les 2 milliards d’euros de taxes qu’il doit à l’Autorité palestinienne. Et c’est tout. 

La conférence de New York sur l’avenir d’un État palestinien, organisée conjointement avec l’Arabie saoudite et prévue initialement en juin, est programmée pour les 28 et 29 juillet. Au cœur de l’été, Emmanuel Macron n’y assistera pas – il n’y a donc pas d’annonces à en attendre. Jean-Noël Barrot a placé l’objectif assez bas mardi : « cristalliser les engagements déjà pris », notamment par le président palestinien Mahmoud Abbas, et « préparer la reconnaissance de l’État de Palestine par la France », qui est donc reportée sine die.

Côté français, l’impunité d’Israël s’est aussi traduite par celle de son premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui a survolé l’Hexagone pour se rendre à Washington le 7 juillet, malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre lui. Officiellement, la France continue d’exiger un cessez-le-feu immédiat et sans condition à Gaza. Mais elle s’impliquera le moins possible pour cela.

Clothilde Mraffko

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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