Matignon a modifié un passage de la Stratégie alimentation, nutrition et climat évoquant une « réduction » de la consommation de viande,

La feuille de route sur l’alimentation bloquée après une réécriture de Matignon sur la consommation de viande

Selon les informations du « Monde », Matignon a modifié un passage de la Stratégie alimentation, nutrition et climat évoquant une « réduction » de la consommation de viande, malgré un arbitrage rendu en réunion interministérielle mercredi. 

Par Publié le 08 septembre 2025 à 19h45, modifié le 08 septembre 2025 à 20h53 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/09/08/la-feuille-de-route-sur-l-alimentation-bloquee-apres-une-reecriture-de-matignon-sur-la-consommation-de-viande_6640022_3244.html

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Un supermarché Intermarché, à Paris, le 5 septembre 2025.
Un supermarché Intermarché, à Paris, le 5 septembre 2025.  STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

« Réduire » ou « équilibrer » la consommation de viande : certains choix de terme sont lourds de conséquences. Avec plus de deux ans de retard sur le calendrier prévu par la loi Climat et résilience de 2021, la Stratégie nationale pour alimentation, la

nutrition et le climat (Snanc) était prête à être publiée vendredi 5 septembre. Deux jours plus tôt, une réunion interministérielle, à laquelle participaient les ministères de l’agriculture, de la santé, de la transition écologique et Matignon, avait permis mercredi 3 septembre de trancher les derniers points en suspens, notamment sur les sujets sensibles de la consommation de viande et de la régulation du marketing pour les aliments les moins sains. Finalement, cette feuille de route, qui figure parmi les grands documents stratégiques de planification, reste pour l’heure dans les tiroirs.

La raison du blocage ? Un désaccord entre ministères et le cabinet du premier ministre, qui a modifié une partie du texte après les arbitrages rendus en réunion interministérielle. Selon les informations du Monde, la réunion interministérielle avait abouti mercredi à une version évoquant une « évolution des régimes alimentaires caractérisée notamment par une réduction de la consommation de viande, une consommation plus importante de fruits et légumes, de légumineuses et de céréales complètes ».

Mais vendredi, le compte rendu de la réunion interministérielle (le « bleu ») transmis par le cabinet de François Bayrou aux ministères fait disparaître la mention de la « réduction de la consommation de viande » au profit d’une formulation beaucoup moins engageante : « Cette évolution des régimes alimentaires est caractérisée notamment par une consommation de viande équilibrée, une consommation plus importante de fruits et légumes, de légumineuses et de céréales complètes. »

Un changement de terminologie qui modifie substantiellement l’orientation donnée par cette feuille de route. Contactés, les cabinets du premier ministre et des ministères concernés n’ont pas souhaité réagir à cette réécriture et au blocage du texte. Mais des sources gouvernementales évoquent une « initiative unilatérale » du conseiller agriculture de Matignon, Louis de Redon, auprès du premier ministre pour modifier ces lignes. Les ministères de la santé et de la transition écologique ont signifié à la Rue de Varenne que cette réécriture était « inacceptable ».

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La question de la consommation de viande électrise depuis leur début les discussions autour de cette stratégie. Lors des différentes phases de consultation, qui se sont prolongées sur plusieurs années, la Snanc a fait l’objet d’intenses batailles et d’une nette opposition des acteurs agro-industriels pour éviter les formulations les plus contraignantes. Au fil des versions, différents termes ont été discutés : « réduire »« limiter » ou « modérer » la consommation de viande.

Absence de cap

Plusieurs instances consultées – le Conseil national de l’alimentation, le Haut Conseil pour la santé publique, ou encore le Haut Conseil pour le climat – avaient insisté dans leurs recommandations sur l’importance de baisser les niveaux de consommation de viande en France et d’augmenter les apports en protéines végétales. L’élevage est en effet un des plus gros facteurs d’émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole et dans d’autres documents stratégiques, notamment la stratégie nationale bas carbone, figure un objectif de baisse des cheptels (− 12 % pour les bovins et − 10 % pour les porcins). L’absence de cap équivalent pour la consommation fait craindre un report vers les importations, qui représentent déjà un tiers de la viande consommée en France.

La possibilité de fixer un objectif précis de consommation de viande a fait l’objet d’une autre épreuve de force. Selon nos informations, si la réunion interministérielle de mercredi concluait à l’emploi du terme « réduire », il n’était pas question pour autant d’y accoler un objectif chiffré. Devaient en revanche être mentionnés le suivi de la consommation de viande et celui de la consommation de viandes importées.

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Le sujet de la régulation publicitaire était l’autre point très débattu de la stratégie. La mesure figurait dans une version intermédiaire de la Snanc datée de 2024, où il était précisé que le ministère de la culture s’y opposait par crainte d’une baisse des recettes pour l’audiovisuel.

A l’hiver 2024, un rapport de trois inspections générales remis au gouvernement suggérait de réduire les publicités commerciales destinées aux enfants pour les produits affichant un Nutri-Score D ou E (soit les produits les plus sucrés, gras et salés). Réguler la publicité, notamment celles visant les enfants, figure également dans le panel des actions demandées par l’Organisation mondiale de la santé aux Etats pour enrayer l’épidémie d’obésité et de surpoids dans le monde. Au printemps 2025, la stratégie mise en consultation par le gouvernement Bayrou ne contenait pourtant plus de mesure d’encadrement.

Un report « irresponsable »

Avec le blocage du texte et la démission attendue du gouvernement de François Bayrou, la Snanc replonge dans le brouillard. Un vaste éventail d’actions et de secteurs dépendent pourtant de cette stratégie, demandée à l’origine par la convention citoyenne pour le climat de 2020 pour agir sur l’offre alimentaire : la restauration collective, la grande distribution, les filières de production, la lutte contre la précarité alimentaire, l’information au consommateur, la prévention des maladies non transmissibles, etc.

Selon les nombreuses associations environnementales, de lutte contre la précarité et de défense des patients qui se sont impliquées dans l’élaboration de la Snanc, cette feuille de route, malgré ses imperfections, avait pour mérite d’amener de la cohérence dans des politiques publiques jusqu’alors pilotées en ordre dispersé. Pour le Réseau Action Climat, le report de la Snanc est « irresponsable » alors que 16 % de la population déclare ne pas manger à sa faim, que la moitié de la population est en surpoids et que l’alimentation représente 24 % des émissions de gaz à effet de serre.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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