Maladie d’Alzheimer : la HAS s’oppose à l’accès précoce du Leqembi
L’agence européenne du médicament avait dit oui. La France dit non. La Haute autorité de santé (HAS) s’est prononcée contre l’approbation précoce du lécanémab (Leqembi) aux patients présentant un trouble cognitif léger et de démence au stade léger dus à la maladie d’Alzheimer.
Dans une décision de 3 pages rendue publique mardi 9 septembre, la HAS a estimé, après avis de la commission de la transparence, que l’anticorps monoclonal ciblant le peptide bêta-amyloïde développé par l’américain Biogen et le japonais Eisai, démontrait une « efficacité modeste (…) associée à un profil de tolérance préoccupant ».
Cela l’a amenée à refuser pour le traitement la procédure « d’accès précoce », dispositif qui permet à des patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments non autorisés dans une indication thérapeutique précise.
De possibles effets secondaires graves
Cette décision intervient après des mois de controverse autour de ce nouveau médicament, encensé par ses promoteurs qui affirment qu’il permet de ralentir le déclin cognitif des patients au stade précoce de la maladie d’Alzheimer, approuvé par les Etats-Unis et en novembre dernier par l’Union européenne (pour les patients les moins à risques d’effets graves) mais dont le rapport bénéfices-risques est plus que jamais en question.
Dans sa décision, la HAS pointe une « absence de démonstration formelle d’une corrélation entre les effets pharmacodynamiques en termes de réduction de la charge amyloïde et l’évolution clinique cognitive et fonctionnelle ».
Ce qui signifie que le lien entre la réduction des plaques amyloïdes, considérées comme l’une des causes de la maladie, et un bénéfice clinique tangible n’a pas été clairement établi. La commission de la transparence souligne par ailleurs que le Leqembi dont le coût est très élevé (plusieurs dizaines de milliers de dollars par an aux Etats-Unis) peut entraîner des effets secondaires graves non négligeables – hémorragies et œdèmes cérébraux.
Espoirs déçus
La décision de la HAS met un coup d’arrêt – au moins provisoirement – aux espoirs de disposer d’un traitement contre la maladie d’Alzheimer, devenu un problème majeur de santé public avec 1,2 million de personnes en France touchées, alors que la recherche dans ce domaine est à la peine.
Marion Levy, directrice scientifique de la fondation « Vaincre Alzheimer », a exprimé auprès de France Infoson regret du refus de la HAS d’accorder l’accès précoce au Leqembi alors que l’étude du fabricant montrait un ralentissement de 27% du déclin cognitif chez les patients traités, celui-ci étant retardé de trois à six mois. « Trois à six mois, ce n’est quand même pas négligeable. Actuellement, on a zéro médicament qui permet ce genre d’effet. C’est un immense espoir qui est retiré aux malades et à leurs proches. »
Au sein du monde médical, cette décision a suscité des réactions contrastées. Interrogé par l’AFP, le chercheur Bruno Dubois, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), a exprimé sa « déception » et appelé à ne pas négliger l’intérêt de « quelques mois en plus à pouvoir parler à ses petits-enfants ou aller au théâtre ».
Au contraire, le psychiatre britannique Rob Howard, spécialiste du grand âge à l’University College de Londres, a estimé auprès de l’AFP que « c’est la meilleure décision pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et leurs familles », les données plus récentes confirmant selon lui que Leqembi et Kisunla (donanemab, développé par Eli Lilly) « ne modifient pas réellement la maladie ».
La décision de la HAS ne remet pas en cause la possibilité que le Leqembi puisse être un jour remboursé en France. La HAS se prononcera d’ailleurs d’ici à quelques mois sur l’opportunité d’une procédure normale. Mais cette première décision ne laisse pas présager une évaluation plus favorable
Citer cet article: Maladie d’Alzheimer : la HAS s’oppose à l’accès précoce du Leqembi – Medscape – 11 septembre