Cet été, les services d’urgence de nos hôpitaux ont été poussés dans leurs derniers retranchements

 

Urgences hospitalières : appel à un sursaut après un été sous tension marqué par de nombreuses heures supplémentaires

Publié le 05/09/2025 à 08:42 https://bulletindescommunes.net/urgences-hospitalieres-appel-a-un-sursaut-apres-un-ete-sous-tension-marque-par-de-nombreuses-heures-supplementaires/

Cet été, les services d’urgence de nos hôpitaux ont été poussés dans leurs derniers retranchements. Une période particulièrement éprouvante où le personnel a dû faire face à un afflux de patients important, entraînant une accumulation massive d’heures supplémentaires. Cette situation soulève des questions sur la qualité des soins et la santé des soignants, nécessitant un vrai coup de pouce pour nos hôpitaux publics.

L’Été A Mis à Rude Épreuve Les Hopitaux

Cet été, nos hôpitaux ont vraiment été poussés dans leurs retranchements. Les services d’urgence, en particulier, ont vu leur charge de travail exploser. On a tous entendu parler de ces longues attentes, de ces couloirs bondés. C’est simple : les effectifs en place n’ont pas suffi à gérer le flux constant de patients. Les équipes ont dû faire face à un afflux d’arrivées qui dépassait largement les prévisions habituelles.

Les Services D’Urgence Subissent Une Pression Accrue

Les urgences sont devenues le point névralgique de cette crise estivale. Les médecins et le personnel soignant ont dû jongler avec un nombre de patients qui ne désemplissait pas. Les cas les plus graves côtoyaient les urgences dites « vitales », créant une situation où chaque minute comptait, mais où les ressources étaient étirées à l’extrême. La capacité d’accueil a été mise à mal, forçant des décisions difficiles quant à la priorisation des soins.

Les Effectifs Sont Dépassés Face à L’Afflux

Le personnel médical et paramédical s’est retrouvé en sous-effectif chronique. Les départs en vacances, même planifiés, ont laissé des postes vacants difficiles à combler. Les remplacements n’ont pas toujours été suffisants pour compenser les absences, même les plus courtes. On a vu des équipes réduites devoir gérer un volume de travail qui aurait normalement nécessité des effectifs bien plus importants. C’est une réalité qui pèse lourd sur le moral et la capacité de travail.

La Fatigue Du Personnel Se Fait Ressentir

Avec cette pression constante et ces effectifs réduits, la fatigue s’est installée. Les journées s’allongent, les repos sont écourtés. Le personnel, déjà éprouvé par des années de travail intense, a dû puiser dans ses réserves. On entend parler de médecins qui enchaînent les gardes, d’infirmiers qui repoussent leurs limites. Cette fatigue n’est pas sans conséquence sur la qualité des soins prodigués, et c’est une préoccupation majeure pour l’avenir.

Les Heures Supplémentaires S’Accumulent Pour Le Personnel

Personnel hospitalier épuisé dans un couloir d'hôpital.

Cet été, les équipes hospitalières ont vraiment été poussées dans leurs retranchements. Les journées s’allongent, et les plannings se remplissent de manière alarmante. On voit bien que le personnel jongle avec des horaires qui dépassent largement le cadre habituel.

Les Médecins Assurent Un Volume Important D’Heures

Les médecins, souvent en première ligne, se retrouvent à cumuler un nombre d’heures impressionnant. Ils enchaînent les gardes, les astreintes, et les consultations non prévues. Leur engagement est indéniable, mais la fatigue s’installe. Il n’est pas rare qu’ils dépassent les 48 heures hebdomadaires, voire bien plus, pour couvrir les besoins des services.

Les Infirmiers Compilent Des Plages Horaires Étendues

Du côté des infirmiers et infirmières, c’est un peu la même chanson. Ils doivent souvent rester plus longtemps que prévu, rattraper des collègues absents, ou gérer des situations imprévues qui monopolisent leur temps. Les plannings sont serrés, et les jours de repos parfois sacrifiés pour assurer la continuité des soins. C’est un vrai casse-tête pour eux de concilier vie pro et vie perso.

Les Aides-Soignants Dépassent Leurs Limites

Les aides-soignants, qui sont au contact direct des patients pour les gestes du quotidien, sont également en première ligne de cette surcharge. Ils font face à un afflux constant de patients, souvent plus dépendants, ce qui demande plus de temps et d’énergie. Les heures supplémentaires s’accumulent pour eux aussi, et on sent bien que la pression est forte. Ils sont essentiels, mais leur charge de travail devient difficile à gérer sur la durée.

Les Conséquences Des Heures Supplémentaires Sur La Qualité Des Soins

Quand le personnel enchaîne les heures, la qualité des soins en prend forcément un coup. C’est une réalité que beaucoup vivent au quotidien.

La Vigilance Diminue Avec La Fatigue

Après des journées et des nuits interminables, la concentration baisse. Il devient plus difficile de rester attentif aux moindres détails. La fatigue accumulée rend le personnel plus susceptible aux erreurs. On voit moins bien, on réfléchit moins vite, et le risque de passer à côté d’un symptôme important augmente.

Les Risques D’Erreurs Médicales Augmentent

Ce manque de vigilance a des répercussions directes. Les erreurs de médication, par exemple, peuvent survenir plus facilement. Oublier une dose, donner le mauvais médicament, ou mal interpréter une prescription, ça arrive quand on est épuisé. Il faut aussi penser aux erreurs de diagnostic, ou à la mauvaise gestion d’une situation d’urgence. C’est un cercle vicieux.

L’Expérience Patient Est Impactée

Au-delà des risques médicaux, l’ambiance générale change. Les patients ressentent cette tension. Le personnel, même s’il fait de son mieux, peut manquer de temps pour écouter, rassurer, ou simplement être présent. Cela peut mener à un sentiment de négligence chez les malades et leurs familles. Les relations humaines, pourtant si importantes dans le soin, se dégradent.

Des Solutions Pour Soulager Les Hopitaux

Face à cette situation tendue, il est clair que des actions concrètes s’imposent pour redonner un peu d’air aux hôpitaux. Il faut absolument trouver des moyens d’alléger la charge qui pèse sur le personnel soignant.

Plusieurs pistes se dessinent pour y parvenir :

Recruter Davantage De Professionnels De Santé

La première étape, et peut-être la plus évidente, consiste à renforcer les équipes. On ne peut pas demander à un effectif déjà réduit de couvrir des besoins croissants. Il faut donc un effort soutenu pour attirer de nouveaux talents dans les hôpitaux publics. Cela passe par des campagnes de recrutement plus agressives, mais aussi par une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers pour faciliter l’intégration des soignants venus d’ailleurs. Il faut aussi penser à former plus de professionnels en France, en augmentant les places dans les écoles d’infirmiers, d’aides-soignants et les facultés de médecine.

Améliorer Les Conditions De Travail

Recruter, c’est bien, mais encore faut-il que les gens aient envie de rester. Les conditions de travail actuelles sont souvent décourageantes. Il faut revoir les plannings pour qu’ils soient plus humains, limiter le recours systématique aux heures supplémentaires non compensées, et offrir de meilleures perspectives d’évolution de carrière. Un environnement de travail plus respectueux, où le personnel se sent écouté et soutenu, fait toute la différence. Penser aussi à des mesures concrètes comme des crèches d’entreprise plus accessibles ou des aides au logement pour le personnel.

Repenser L’Organisation Des Services

Parfois, le problème ne vient pas seulement du manque de personnel, mais aussi de la manière dont les services sont organisés. Il faut peut-être repenser les flux de patients, mieux répartir les tâches entre les différents corps de métier, ou encore utiliser davantage la technologie pour automatiser certaines tâches répétitives. L’idée est de libérer du temps médical et paramédical pour qu’il soit consacré à ce qui compte vraiment : le soin aux patients. On pourrait aussi envisager des équipes pluridisciplinaires plus intégrées, où chacun apporte sa pierre à l’édifice de manière plus fluide.

L’Importance De Soutenir Les Hopitaux Publics

Un couloir d'hôpital faiblement éclairé avec une silhouette épuisée.

Nos hôpitaux publics traversent une période difficile, et il est temps que nous reconnaissions leur valeur. Ils sont le pilier de notre système de santé, et leur bon fonctionnement dépend de notre soutien. Il est impératif d’agir maintenant pour préserver la qualité des soins pour tous.

Reconnaître La Valeur Du Travail Effectué

Le personnel hospitalier, des médecins aux aides-soignants, travaille sans relâche. Ils font face à des conditions souvent précaires et à une charge de travail immense. Il faut leur montrer que leur engagement n’est pas passé inaperçu. Cela passe par une reconnaissance concrète de leurs efforts quotidiens.

Investir Dans L’Avenir Des Soins

Pour que nos hôpitaux puissent continuer à offrir des soins de qualité, des investissements sont nécessaires. Cela signifie :

  • Moderniser les équipements pour rester à la pointe de la technologie.
  • Financer la recherche pour développer de nouvelles approches thérapeutiques.
  • Soutenir la formation continue des professionnels pour maintenir un haut niveau de compétence.

Valoriser Les Carrières Hospitalières

Il faut rendre les carrières dans les hôpitaux publics plus attractives. Cela implique de revoir les salaires, d’améliorer les perspectives d’évolution et de garantir des conditions de travail qui respectent la santé des soignants. Un personnel bien traité et motivé est la clé d’un hôpital performant.

Un été sous tension, un avenir à construire

Cet été a mis nos services d’urgence à rude épreuve. Les équipes ont tenu bon, mais la fatigue se fait sentir. Il faut maintenant trouver des solutions concrètes pour que cela ne se reproduise pas. Les heures supplémentaires ne peuvent pas être la seule réponse. Il est temps de repenser l’organisation et de donner aux soignants les moyens de travailler dans de meilleures conditions. L’hôpital public a besoin de soutien, et vite.

Après un été difficile, les urgentistes appellent à un « sursaut » des pouvoirs publics

Selon le sondage de rentrée de la Fédération hospitalière de France, nombre d’établissements publics expliquent leurs difficultés estivales par des fermetures des services d’urgences d’autres acteurs, notamment privés. A Agen, par exemple, les médecins ont parfois travaillé plus de quatre-vingts heures par semaine. 

Par Mattea Battaglia

Publié le 02 septembre 2025 à 18h28, modifié le 03 septembre 2025 à 07h50 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/09/02/apres-un-ete-difficile-les-urgentistes-appellent-a-un-sursaut-des-pouvoirs-publics_6638462_3224.html

Temps de Lecture 5 min.

Aux urgences du centre hospitalier de Villeurbanne (Rhône), le 15 août 2025.
Aux urgences du centre hospitalier de Villeurbanne (Rhône), le 15 août 2025.  HUGO RIBES POUR « LE MONDE »

Après un été marqué par les habituelles fermetures de lits à l’hôpital, mais aussi par deux épisodes de canicule d’ampleur, et à la veille d’une rentrée sociale qui s’annonce périlleuse, aussi, dans les établissements de santé, l’heure est à « jauger » l’état des services d’urgences, portes d’entrée de l’hôpital en tension. Cela d’autant que des mots d’ordre d’appel à la grève résonnent depuis août, déjà, au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de ses 38 hôpitaux.

La photographie statistique de la situation aux urgences telle que dévoilée par la Fédération hospitalière de France (FHF), mardi 2 septembre, est en demi-teinte : la majorité des 277 sites qui ont répondu à l’« enquête flash » menée en août ont jugé la situation aux urgences, par rapport à l’été 2024, soit stable (50 %), soit en dégradation (30 %), 20 % l’estimant en amélioration, selon la présentation devant la presse. Le nombre de fermetures estivales a été moindre : 12 % des établissements ont dû fermer au moins une fois, contre 18 % en 2024. Interrogés sur leur niveau d’activité, les hôpitaux l’ont majoritairement jugé en hausse (47 %) ou stable (44 %), seulement 9 % l’estimant à la baisse. L’accès aux lits d’hospitalisation est stable pour 57 % des répondants, quand il s’est dégradé pour 25 % d’entre eux, et amélioré pour 18 %.

« Les hôpitaux ont tenu bon, ils sont restés mobilisés », a salué la déléguée générale de la Fédération, Zaynab Riet, en commentant ces résultats. Sans taire les tensions : si la disponibilité en lits d’hospitalisation et les effectifs médicaux, du fait des congés, restent les principales difficultés évoquées par les établissements, la fermeture d’autres services d’urgences est signalée par plus du tiers des répondants. « Trop souvent, ils ont été peu soutenus par les autres acteurs et se sont retrouvés isolés, contraints de composer avec les réductions capacitaires des établissements voisins », a souligné Mme Riet. Façon de dire que nombre de services d’urgences de l’hôpital public ont œuvré en première ligne, quand, autour d’eux, d’autres structures, celles des cliniques privées notamment, fermaient leurs portes.

« Tenir la cadence »

Plutôt que de communiquer sur des chiffres, comme ils le font d’ordinaire en cette période de rentrée, les deux syndicats représentatifs des urgentistes, SAMU-Urgences de France (SUDF) et l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) ont braqué les projecteurs sur un « cas d’école », celui des urgences du centre hospitalier Agen-Nérac (Lot-et-Garonne).

Voilà un service réputé solide, habitué à répondre aux besoins d’un bassin de population de plus de 350 000 habitants, et à venir au secours des services d’urgences voisins, quand les « bras » manquent, qui, en l’espace de quelques mois, s’est épuisé. Au point que l’équipe médicale s’est résignée à annoncer la fin du « volontariat forcé » – un volontariat pour garantir la continuité des soins –, le week-end des 30 et 31 août, faisant planer le risque d’une fermeture des urgences mais aussi des lignes de SMUR et du SAMU, rapporte Laurent Maillard, le chef de service. Une « première », dans un climat de désaccord sur la rémunération du temps de travail additionnel avec la direction. Celle-ci a déclenché, vendredi 29 août, un plan blanc permettant d’assurer un service minimum et de réguler les urgences, rapporte-t-on dans les rangs de l’agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, en expliquant poursuivre les discussions sur les rétributions.

Personne, à Agen, n’a pourtant compté ses heures : pour assurer la continuité des soins, les urgentistes sont allés bien au-delà du temps de travail légal de quarante-huit heures par semaine. « Certains ont accumulé plus de quatre-vingts heures hebdomadaires, enchaînant des gardes, annulant des congés… Il a fallu tenir la cadence, témoigne Jean-François Cibien, qui y exerce comme urgentiste depuis dix ans. Tout autour de nous, dans le Lot-et-Garonne et jusque dans le Tarn-et-Garonne et le Gers, le tissu sanitaire s’est fragilisé cet été beaucoup plus que lors des étés précédents, précise celui qui est aussi à la tête du syndicat Action praticiens hôpital ; nous avons compensé les fermetures ponctuelles des services environnants. »

Plus de cinq mille sept cents heures supplémentaires ont ainsi été réalisées, sur la base du volontariat, entre mai et août à Agen. Sans le soutien ni la reconnaissance attendus, disent ces médecins, en rappelant que le forfait horaire (33,76 euros brut), aujourd’hui en vigueur au-delà de quarante-huit heures travaillées, est inférieur au taux horaire de base d’un praticien hospitalier au premier échelon.

« Les collègues sont en surrégime »

Un premier holà a été mis le 18 août : à cette date, les médecins volontaires ont commencé à manquer pour compléter les plannings. C’est aussi le 18 août que les syndicats ont, sur le plan national, interpellé les autorités de santé. « Les conditions d’exercice et le temps de travail additionnel des urgentistes pour l’été 2025 ne sont plus tenables », ont-ils dénoncé dans un communiqué commun, épinglant, d’une même voix, le fait que « le gouvernement affirme que la situation est sous contrôle ». En déplacement au SAMU de l’hôpital Necker, à Paris, le 22 juillet, le ministre chargé de la santé, Yannick Neuder, avait affirmé que la situation était « plutôt maîtrisée ». Sans convaincre.

Lire aussi |    Tensions aux urgences pendant l’été : « Notre crainte, c’est que ce fonctionnement dégradé se banalise » *

Depuis, l’inquiétude ne retombe pas. « Agen n’est pas un cas isolé, rapporte Marc Noizet, patron de SUDF. Les collègues sont en surrégime, et on voit des services dynamiques perdre leur souffle, parce qu’on a siphonné leur énergie. Cela fait trois étés qu’on le répète, ce fonctionnement dégradé ne peut être pérenne. » Son homologue à l’AMUF, Patrick Pelloux, évoque des tensions en Normandie, dans les Pyrénées-Atlantiques ou encore le Var. « Il faut un sursaut, une remise en cause du discours qui résonne encore, parmi les politiques, et qui voudrait qu’on se rende aux urgences quand on n’en a pas vraiment besoin, pour de la “bobologie”, dit-il. L’accès et l’accueil doivent être garantis ! »

Sur l’avenir des 650 services d’urgences, toutefois, l’unanimité syndicale n’est pas entière : l’AMUF plaide pour la « sanctuarisation » de la carte hospitalière, quand SUDF estime sa « remise à plat » inéluctable, et le maintien de certaines petites structures, compliqué. Le sujet, clivant parmi les médecins, rencontre aussi un fort écho chez les élus, à six mois des élections municipales. Les syndicats se rejoignent sur un autre constat : 30 % des postes d’urgentistes sont vacants, alors que les besoins de la population, qui ne trouve pas toujours de médecin en ville, et encore moins l’été, ne cessent d’augmenter.

« Plus de répit »

A Rennes, où deux structures d’urgences privées ont fermé en même temps cet été, les conditions de la rentrée inquiètent. « On a réussi à tenir, jusqu’à présent, en anticipant mieux la problématique des lits d’hospitalisation, témoigne Louis Soulat, patron des urgences rennaises, mais le nombre de patients à gérer ne diminue pas. Septembre et octobre s’annoncent très difficiles. » A Toulouse aussi, la pression ne retombe pas, avec une activité de 5 % à 10 % supérieure à celle de l’été 2024, rapporte Sandrine Charpentier, cheffe de service. « On a beau être inventifs pour fluidifier l’accueil, c’est tout le système, à l’hôpital et en ville, qui est saturé, estime-t-elle. Eté, hiver… La chronique médiatique le dit : les urgences n’ont plus de répit. »

Lire aussi |    Déserts médicaux : le gouvernement définit 151 zones rouges pour la « mission de solidarité obligatoire » des médecins

Tous les soignants contactés le soulignent : le contexte politique incertain n’aide pas à se projeter. « La valse des ministres, dix en six ans, ne favorise pas la continuité de l’action, affirme Agnès Ricard-Hibon, autre porte-parole de SUDF, qui exerce, elle, dans le Val-d’Oise. En dépit des solutions mises sur la table depuis 2019 [pacte de refondation des urgences] et relancées en 2022 [année de l’adoption du « pack Braun », du nom de l’ancien ministre de la santé François Braun, comprenant notamment la régulation des urgences et le déploiement de services d’accès aux soins], un risque plane : que la résignation l’emporte sur le terrain. »

Mattea Battaglia

*Tensions aux urgences pendant l’été : « Notre crainte, c’est que ce fonctionnement dégradé se banalise »

De nombreux services sont sous forte pression depuis le début des vacances. A Toulon, le premier niveau du plan blanc a été déclenché, tandis que, à Rennes, la régulation par le 15 a été généralisée, une pratique mise en place pour la première fois à Digne-les-Bains et à Manosque. 

Par Mattea Battaglia et Camille StromboniPublié le 24 juillet 2025 à 06h22, modifié le 24 juillet 2025 à 09h49 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/07/24/tensions-aux-urgences-pendant-l-ete-notre-crainte-c-est-que-ce-fonctionnement-degrade-se-banalise_6623328_3224.html

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Une soignante des urgences de l’hôpital de Pontchaillou à Rennes, en décembre 2024.
Une soignante des urgences de l’hôpital de Pontchaillou à Rennes, en décembre 2024.  ESTELLE RUIZ/HANS LUCAS VIA AFP

C’est devenu un exercice saisonnier : identifier, au fil de l’été, les hôpitaux dont les services d’urgences ferment – quelques heures, un jour, une nuit ou plusieurs d’affilée. Comparer avec l’année précédente, mais aussi avec l’avant-Covid, l’après-Covid…

La saison estivale, pour les urgences, est une période tendue, parce que les bras manquent un peu plus, du fait des congés des soignants, et que des lits ferment à tous les étages de l’hôpital. Parce que, dans beaucoup de villes touristiques, aussi, la population s’accroît alors que les températures grimpent.

L’été 2025 n’échappe pas à la règle, avec, depuis plusieurs jours déjà, des services sous forte pression. C’est le cas dans le département du Var, où, le 8 juillet, le premier niveau du plan blanc – ce système de crise permettant aux établissements de se réorganiser, de rappeler des soignants… – a été activé au centre hospitalier intercommunal de Toulon – La Seyne-sur-Mer et au centre hospitalier d’Hyères, deux établissements sous direction commune.

« [En 2024], c’étaient des hôpitaux de l’est du Var qui avaient dû diminuer leur accueil et nous renvoyer des patients, décrit l’urgentiste toulonnaise Muriel Vergne, porte-parole départementale du syndicat SAMU Urgences de France. Cet été, c’est à l’ouest que cela coince, et ça majore notre activité, même avec les heures supplémentaires qu’aucun de nous ne compte plus. »

Lire aussi (2024) |    Tensions aux urgences pendant l’été : « On a fini par s’habituer à fonctionner en mode dégradé »

A la mi-juillet, quelque 220 passages quotidiens étaient décomptés dans son service, contre 140 à 150 à la même période habituellement. Même envol précoce du nombre de sollicitations au SAMU, avec des « volumes d’appels », en vingt-quatre heures, qui dépassent ceux généralement atteints au 15 août. « La situation est fragile, reprend Muriel Vergne. Notre crainte, c’est que ce fonctionnement dégradé se banalise. Qu’on cède à une forme de fatalité. »

« C’est devenu tout le temps très dur »

A ce jour, des tensions sont signalées dans le Var, mais aussi dans le Morbihan, le Cher, le Nord ou encore en Mayenne. Avec, certains jours, « zéro ligne de SMUR » dans ce dernier département, de source syndicale. C’est l’un des points les plus alarmants d’une crise qui s’éternise : la fermeture, ponctuelle, de ces services mobiles d’urgence et de réanimation, envoyés pour répondre aux urgences vitales, intervient dans plusieurs départements depuis au moins deux étés.

« La problématique des ressources humaines médicales est toujours aussi aiguë à l’échelle nationale, observe Marc Noizet, président du syndicat SAMU Urgences de France. Sur le terrain, on a l’impression de se répéter, on est en surchauffe. C’est devenu tout le temps très dur ; parfois, c’est juste un peu moins dur… »

Le syndicat préconise de revoir la carte des urgences, en concentrant au mieux les forces médicales, quitte à fermer de petits services en grande difficulté. « La répartition de nos 700 services a été dessinée il y a plus de vingt-cinq ans,rappelle Marc Noizet. Depuis, les difficultés de recrutement se sont généralisées, et on en reste, toujours, à 700 services, sans oser remettre en question le maillage territorial. L’enjeu politique est celui-là. »

Lire aussi (2022) :   A l’entrée des services d’urgences, la régulation par le SAMU s’étend sur le territoire

Au ministère de la santé, on l’assure : « La situation est globalement identique, à date, à celle de [2024] », annonce-t-on dans l’entourage du ministre, Yannick Neuder, mercredi 23 juillet, sans communiquer sur le nombre de services fermés ou les plans blancs activés. « Les tensions estivales que connaît chaque année notre système de santé nécessitent des ajustements et ont été anticipées », ajoute-t-on Avenue de Ségur. La veille, le 22 juillet, en déplacement au SAMU de l’hôpital Necker, à Paris, Yannick Neuder s’est voulu rassurant : « La situation actuelle est plutôt maîtrisée », a-t-il dit.

Un message politique qui revient, été après été, depuis le déploiement du « pack Braun », soit ces 40 mesures décidées par le gouvernement et portées par l’ex-ministre de la santé François Braun (2022-2023), dans l’urgence, en juillet 2022, face à la crise, et pérennisées depuis. Les années passent et les leviers restent les mêmes, telle la possibilité de recourir à une régulation (ou filtrage) à l’entrée des urgences par un appel au 15. Ou encore le déploiement des services d’accès aux soins qui permettent aux SAMU de mieux s’organiser avec les médecins libéraux pour répondre aux urgences non vitales.

« Antenne de médecine urgence »

A 800 kilomètres à vol d’oiseau de Toulon, Louis Soulat, patron des urgences rennaises et membre du même syndicat, se plie lui aussi à l’exercice de comparaison. « Ce mois d’août s’annonce sans doute plus compliqué qu’il y a un an », dit-il. Avec deux évolutions désormais actées : une généralisation à la plupart des sites de la régulation, par le biais de l’appel au 15, la nuit – pour éviter aux patients de trouver porte close. Et l’expérimentation à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) dans un hôpital privé, depuis le 20 juillet, d’une « antenne de médecine urgence », avec une amplitude horaire réduite à une douzaine d’heures par jour, contre, théoriquement, une ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre précédemment. « Le flux des passages, sur les différents établissements, n’a pas baissé de tout le mois de juillet, relève-t-il encore, et les sollicitations du SAMU et du service d’accès aux soins ont bondi. Cela n’augure rien de bon. »

A Digne-les-Bains et à Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le passage par le 15 a été décidé, pour la première fois, pour accéder aux urgences. « Le système fonctionne à l’entrée de nos deux services depuis juillet », rapporte Hugues Breton, délégué syndical de l’Association des médecins urgentistes de France. La situation est, pour lui, bien pire qu’en 2024 : « Nous sommes encore moins de médecins à Digne, en raison d’arrêts maladie, de congés maternité et de départs. » Cet été-là, déjà, des soignants s’étaient mis en grève – symboliquement, puisqu’ils sont assignés à travailler – pour alerter sur la situation.

Cette régulation n’empêche pas, pour autant, des fermetures au fil de l’eau. « Il arrive régulièrement la nuit que Digne soit le seul service ouvert du département. Avec deux médecins de garde, comment croire qu’on peut maintenir une prise en charge de qualité sur l’ensemble de notre territoire ? », questionne l’urgentiste. Et de citer des moments extrêmes, telle la fermeture, durant une nuit en juillet, des trois services du département (Digne, Manosque et Sisteron) en même temps. « On se raconte que l’hôpital tient… La question n’est pas de savoir si une mort évitable ou une complication va arriver, mais quand. »

Même dans d’autres hôpitaux où les plannings sont complets et tous les postes d’urgentistes pourvus, la pression s’avère très forte. « On a atteint 15 % de passages supplémentaires, depuis un mois », rapporte Pierre-Marie Tardieux, chef du pôle des urgences à Nice, l’un des plus gros services de France, où quelque 300 patients défilent au quotidien actuellement. « Chaque jour, on se retrouve avec une centaine de patients qui restent sur des brancards, nous n’avions jamais atteint ce chiffre, décrit l’urgentiste. La vraie difficulté, c’est de trouver des lits d’hospitalisation. Et on n’est encore qu’au milieu de l’été. »

Mattea Battaglia et  Camille Stromboni

Voir aussi:

Commentaire Dr Jean SCHEFFER:

Fin Juillet le Monde reprenaitles paroles de l’urgentiste toulonnaise Muriel Vergne, porte-parole départementale du syndicat SAMU Urgences de Franc« Notre crainte, c’est que ce fonctionnement dégradé se banalise »

C’est exactement ce qui s’est passé, et même au sein de la Fédération Hospitalière de France qui au début du mois parlait d’une légère amélioration alors que la situation était aussi catastrophique que lors de l’été 2024: « le malade est loin d’être tiré d’affaire mais son état se stabilise, voire il montrerait les premiers signes d’amélioration » “Des signaux encourageants” : l’hôpital public sur la voie de la guérison ?  » « on note une baisse significative des fermetures de services d’urgence dans les hôpitaux publics (12 % contre 18 % en 2024) » « Quant au personnel soignant, l’embellie amorcée en 2023 se poursuit en 2024, avec une baisse significative des difficultés de recrutement (9 % des établissements répondants vs. 25 % en 2023), même si les métiers infirmiers restent sous tension. La poursuite du recul de l’absentéisme, au plus près de son niveau d’avant-covid, constitue un autre signal très positif. »

Devant ces propos, la réaction des praticiens hospitaliers de Action Praticien Hopital (APH) a été immédiate: « la canicule aura certainement bon dos pour expliquer une surmortalité comme ce fut le cas pour le mois de juillet avec 480 morts de plus qu’en 2024. Il conviendra également de se demander un jour s’il n’existe pas d’autres facteurs de risque autre que la canicule pour expliquer cette surmortalité. Le facteur majeur que les urgentistes ont identifié est lié à la surmortalité des malades dits brancards qui passent des heures voire des jours dans les urgences en attente d’un lit d’hospitalisation. » « Nous ne pouvons plus laisser dire que la situation est stable ou pire qu’elle s’améliore dans les hôpitaux et dans le médico-social.« 

Les chiffres de fermetures de services d’urgences et de lignes SMUR, les temps d’attente sur un brancard sont tout aussi alarmants qu’en 2024.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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