Une forte consommation d’aliments ultra-transformés augmente de 41 % le risque de cancer du poumon,

Quand l’alimentation industrielle nourrit le cancer du poumon

Dr Bernard-Alex Gauzere| 03 Septembre 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/quand-lalimentation-industrielle-nourrit-cancer-du-poumon-2025a1000n9k

Une étude américaine portant sur plus de 100 000 personnes suggère qu’une forte consommation d’aliments ultra-transformés augmente de 41 % le risque de cancer du poumon, indépendamment du tabagisme.

Le cancer du poumon est le cancer le plus fréquent et l’une des principales causes de décès par cancer dans le monde. Les processus physiopathologiques conduisant à ce cancer commencent plusieurs années avant l’apparition de symptômes cliniquement identifiables. Bien que le tabagisme joue un rôle prépondérant dans son développement, l’alimentation est largement reconnue comme un facteur déterminant dans diverses maladies chroniques. 

Aliments ultra-transformés et santé

Les aliments ultra-transformés (AUT) sont des produits industriels obtenus par transformation poussée de composants alimentaires ou par synthèse chimique, contenant peu ou pas d’aliments entiers. Ils représentent désormais jusqu’à 60 % de l’apport énergétique quotidien dans les pays occidentaux, constituant un élément central de l’alimentation moderne. 

Ce processus de transformation industrielle appauvrit la qualité nutritionnelle des aliments : il élimine les nutriments bénéfiques et les composés bioactifs naturels, introduit de nombreux additifs alimentaires et modifie la structure physique originelle des aliments. Ces modifications peuvent perturber l’absorption des nutriments dans l’intestin grêle et favoriser une inflammation chronique de faible grade, délétère pour la santé.null

Dans des études observationnelles, la consommation d’AUT a été associée à un risque plus élevé de maladies cérébrovasculaires, de dyslipidémie, d’obésité, d’hypertension, de diabète et de cancer. Des études de cohorte ont montré qu’une adhésion plus importante au régime alimentaire occidental, caractérisé par une consommation élevée d’AUT, était associée à un risque accru de cancer du poumon. En revanche, l’étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) a montré que la consommation de viande transformée n’était pas associée au risque de cancer du poumon. nullnull

Cependant, peu d’études ont examiné le rôle des AUT dans le cancer du poumon et ses sous-types dans la population générale. Cette étude a donc cherché à évaluer si la consommation d’AUT était associée au risque de cancer du poumon à petites cellules (CPPC) et de cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC). 

Une cohorte de plus de 100 000 participants

Les données des participants à cette étude ont été recueillies dans le cadre de l’essai PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial) qui a recruté environ 155 000 participants entre novembre 1993 et ​​juillet 2001. Les apports alimentaires ont été évalués à l’aide d’un questionnaire validé. Ces aliments ont été classés selon la classification NOVA en fonction de leur degré de transformation. Tous les cas de cancer du poumon incident ont été vérifiés sur le plan pathologique. Une régression multivariée de Cox a été utilisée pour évaluer l’association entre la consommation d’AUT et le cancer du poumon après ajustement pour divers facteurs de confusion potentiels, notamment les principaux facteurs de risque liés au cancer du poumon et la qualité globale de l’alimentation.null

L’âge moyen à l’inclusion était de 62,5 ans (écart-type ET : 5,3) et la consommation moyenne d’aliments ultra-transformés ajustée en fonction de l’apport énergétique était de 2,8 portions par jour (ET : 2,4), les quartiles inférieurs et supérieurs étant respectivement de 0,5 portion (ET : 0,4) et 6,0 portions (ET : 2,1). Les trois types d’aliments ayant la proportion la plus élevée sont la charcuterie (11,1 %), les boissons gazeuses (diététiques/caféinées) (7,3 %) et les boissons gazeuses (diététiques/décaféinées) (6,6 %). 

Davantage de cancers du poumon chez les consommateurs d’aliments ultra-transformés

Au total, 1 706 cas de cancer du poumon, dont 1 473 cas de CPNPC et 233 cas de CPPC, ont été diagnostiqués au cours d’un suivi moyen de 12,2 ans parmi 101 732 adultes (âge moyen 62,5 ans, 50 187 hommes et 51 545 femmes). Après ajustements multivariables, les personnes appartenant au quartile supérieur de consommation de boissons gazeuses sans alcool présentaient un risque plus élevé de cancer du poumon (HR = 1,41 [IC à 95 % : 1,22 à 1,60]), de CPNPC (HR = 1,37, IC à 95 % : 1,20 à 1,58) et de CPPC (HR = 1,44 [1,03 à 2,10]) que ceux du quartile le plus bas. Ces résultats sont restés statistiquement significatifs après une large gamme d’analyses de sous-groupes et de sensibilité.

Forces et limites de cette étude

Les principaux points forts de cette étude sont notamment sa conception multicentrique à grande échelle, ses méthodes standardisées d’évaluation de l’apport alimentaire et des résultats, l’ajustement pour divers facteurs de confusion potentiels et ses analyses de sensibilité robustes. 

Toutefois, il existe certaines limites.Tout d’abord, en raison de la conception observationnelle, la causalité ne peut être démontrée et il n’est pas possible d’exclure la présence de facteurs de confusion résiduels liés à des facteurs de risque non mesurés du cancer du poumon ou à l’imprécision dans la mesure des covariables. En particulier, des ajustements ont été effectués pour le statut tabagique, mais pas pour l’intensité du tabagisme. De plus, les biais inhérents au questionnaire diététique auto-déclaré pourraient avoir influencé ces résultats, notamment les erreurs de mesure et les biais de classification, qui pourraient avoir biaisé les résultats vers la nullité. C’est pourquoi la consommation alimentaire ajustée en fonction de l’apport énergétique a été utilisée. Enfin, la majorité des participants étaient des Blancs non hispaniques et la généralisation des conclusions à des sujets d’autre origine ethnique est limitée. 

Ces résultats doivent être confirmés par d’autres études longitudinales à grande échelle. 

Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces résultats

La mauvaise qualité nutritionnelle des AUT pourrait être à l’origine directe et indirecte de cette association. Les participants ayant une consommation élevée d’aliments ultra-transformés avaient une mauvaise alimentation. De plus, une faible consommation d’aliments peu transformés tels que les fruits, les légumes, le poisson et les céréales complètes était associée à un risque accru de cancer du poumon.

Les AUT affecteraient le contrôle de la satiété et les réponses glycémiques. Cependant, les associations entre la consommation d’AUT et le risque de cancer du poumon sont restées fortes même après ajustement en fonction de l’apport énergétique et de l’IMC, ce qui suggère que d’autres composés bioactifs présents dans ces aliments pourraient également jouer un rôle.

Une large gamme d’additifs est utilisée dans les AUT. Le glutamate dérégulé pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse du cancer du poumon. Le carraghénane, un additif alimentaire épaississant, peut provoquer une inflammation intestinale dans les cellules et les modèles animaux, entraînant des troubles gastro-intestinaux et, en cas de dysbiose intestinale, pourrait contribuer au cancer du poumon. 

La transformation industrielle modifie la matrice alimentaire, affectant la disponibilité et l’absorption des nutriments, tout en générant des contaminants nocifs. L’acroléine, présente dans les saucisses grillées et les bonbons au caramel, est un composant toxique présent dans la fumée de cigarette qui contribue au cancer du poumon en endommageant l’ADN mitochondrial, en induisant la fission mitochondriale et en favorisant la mitophagie dans les cellules pulmonaires humaines.

Enfin, les AUT peuvent être contaminés par des matériaux d’emballage, tels que les polychlorobiphényles, qui peuvent influer sur le risque de cancer du poumon. 


References 

Wang K, Zhao J, Yang D, et al. Association between ultra-processed food consumption and lung cancer risk: a population-based cohort study. Thorax. 2025 Jul 29:thorax-2024-222100. doi: 10.1136/thorax-2024-222100.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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