Un jeune sur deux aspire à un monde sans Internet (British Standards Institution)

Dépression : un quart des 15-29 ans disent être atteints, selon un sondage

Les résultats d’une enquête, menée par l’Institut Montaigne, la Mutualité française et l’Institut Terram auprès de 5 600 jeunes, confirment ceux d’autres études et notent de fortes fragilités, touchant davantage les jeunes femmes et ceux qui rencontrent des difficultés économiques et sociales. 

Par  et Publié hier à 06h00, modifié hier à 11h22 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/09/02/sante-mentale-un-quart-des-jeunes-serait-atteint-de-depression-selon-une-enquete-de-l-institut-montaigne_6638098_3224.html

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La question de la santé mentale, érigée en grande cause nationale en 2025, s’est imposée dans le débat public. Notamment celle des jeunes, ceux dont la sortie de l’enfance a coïncidé avec la crise sanitaire. On ne compte plus les alertes du monde médical, les enquêtes de santé publique concernant cette génération du Covid-19, également marquée par un contexte géopolitique et environnemental très anxiogène.

Mais que disent les jeunes eux-mêmes de leur état moral et psychique ? Comment évaluent-ils leurs symptômes, leurs souffrances ? A qui en parlent-ils ? Quels soutiens escomptent-ils ? L’enquête rendue publique mercredi 3 septembre par l’Institut Montaigne, la Mutualité française et l’Institut Terram (un groupe de réflexion centré sur les territoires) entend apporter des réponses en valorisant le constat des intéressés : quelque 5 633 jeunes de 15 à 29 ans ont été sondés par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne du 14 au 30 avril (panel Ipsos).

Habitudes quotidiennes, ressenti par rapport aux études ou au travail, capacité – ou incapacité – à se projeter, avenir souhaité ou redouté… : 23 questions leur ont été soumises, complétées par un questionnaire standardisé souvent utilisé pour évaluer les épisodes dépressifs (le Patient Health Questionnaire, PHQ-9), mais laissé, ici, à la main des répondants. Une évaluation subjective, donc, mais qui donne à voir une souffrance mentale répandue.

« Pic » autour de 22-25 ans

Car si près des deux tiers (64 %) des jeunes jugent leur santé mentale « assez bonne » (42 %) ou « très bonne » (22 %), la fréquence et la nature des symptômes qu’ils évoquent, dans le même temps, nuancent fortement le tableau général : plus de 8 sur 10 affirment par exemple avoir ressenti une fatigue persistante ou un manque d’énergie au cours des deux semaines précédant l’enquête ; près des trois quarts, des troubles du sommeil ; plus de 6 sur 10, un sentiment de tristesse, de déprime… « Penser qu’il vaudrait mieux mourir ou envisager de se faire du mal » est évoqué par 31 % des répondants.

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Un chiffre interpelle : 25 % des 15-29 seraient atteints de dépression, selon cette autoévaluation, avec de fortes disparités selon les régions. Les ratios oscillent ainsi de 19 % en Bourgogne-Franche-Comté, à 28 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur comme en Corse, un point de plus qu’en Ile-de-France (27 %). Les statistiques s’envolent en outre-mer, de 37 % à la Guadeloupe à 52 % en Guyane. Des chiffres supérieurs à ceux issus des baromètres, antérieurs, de Santé publique France : 20,8 % des 18-24 ans étaient concernés par la dépression en 2021, contre 11,7 % en 2017, selon l’enquête de référence.

La dépression atteindrait, selon ce nouveau sondage, un « pic » autour de 22-25 ans, et toucherait davantage de jeunes femmes (27 %) que de jeunes hommes (22 %). Un constat chiffré qui appelle toutefois à la prudence, car si le questionnaire PHQ-9 est fréquemment utilisé, un diagnostic de dépression ne peut être posé que par un professionnel, après un entretien et en évaluant l’effet du mal-être sur le fonctionnement au quotidien.

A l’encontre des idées reçues

Comment expliquer que « seulement » 14 % des jeunes « considèrent aller mal » ? Ces données « révèlent un décalage entre la perception globale de l’état psychique et le vécu symptomatique », font valoir Margaux Tellier-Poulain (Institut Montaigne) et Victor Delage (Institut Terram), deux des auteurs de cette enquête. Autrement dit, le mal-être ressenti n’est pas forcément mis en avant ou mis en mots. Et d’autres chiffres en attestent : si près de sept jeunes sur dix déclarent avoir déjà évoqué leur santé mentale avec quelqu’un (amis ou famille), ils sont moins de quatre sur dix à l’avoir fait avec un professionnel.

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Sans surprise, le sondage met en avant une surreprésentation des jeunes en difficultés économiques et sociales parmi ceux qui vont mal. « La santé mentale ne peut être pensée sans une attention très fine portée aux inégalités sociales et spatiales d’exposition et d’accompagnement », lit-on dans le document.

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En revanche, l’opposition villes-campagnes va à l’encontre des idées reçues : les jeunes vivant en zone rurale semblent en effet plus protégés, avec 11 % se déclarant en mauvaise santé mentale, contre 17 % dans les métropoles. En guise d’explications, les auteurs évoquent pêle-mêle un cadre « plus protecteur »« plus familial » en zone rurale, et à l’inverse un « isolement plus fort », des « vulnérabilités économiques plus fréquentes » dans les métropoles, notamment pour les étudiants. Et ce, même si les jeunes ruraux expriment plus fréquemment leur insatisfaction à l’égard de l’offre de services locale (loisirs, transports, etc.), et subissent pour certains une « immobilité contrainte » identifiée comme une « source de mal-être ».

« Poison silencieux »

Au centre des préoccupations sur ses possibles conséquences sur la santé mentale, la question de l’omniprésence des écrans occupe une large place. Sur ce sujet aussi, les résultats du sondage interpellent : plus l’usage des réseaux sociaux est prolongé, plus le bien-être déclaré se détériore. Or, 44 % des jeunes interrogés déclarent y passer entre une heure et trois heures par jour et 30 % entre 3 heures et 5 heures.

Il n’est toutefois pas toujours simple de savoir si un usage intensif est la cause du mal-être psychique ou une manifestation de difficultés psychiques déjà présentes. « Les réseaux sociaux ne sont sans doute pas à l’origine exclusive du mal-être mais ils en sont potentiellement le miroir, le catalyseur et parfois le poison silencieux », note le document. Dans le même temps, ces réseaux sociaux et les influenceurs sont devenus, pour 31 % des sondés, une source d’information sur leur santé mentale, après les proches (43 %).

Le recours aux professionnels est un enjeu particulier dans cette tranche d’âge : quatre jeunes sur dix déclarent ne jamais l’avoir fait et n’en avoir jamais ressenti le besoin. « Les jeunes qui ont déjà été diagnostiqués de divers troubles ne représentent “que” 14 % de l’ensemble des répondants », souligne le compte rendu du sondage. Manque de professionnels, délais d’attente très longs pour les rendez-vous, coûts… les difficultés de prise en charge sont grandes. Interrogés sur leurs attentes, les jeunes évoquent d’ailleurs, parmi leurs demandes prioritaires, un meilleur accès aux soins et à l’information.

Malgré l’usage massif des réseaux sociaux, les sondés sont nombreux à aspirer à un monde plus réel. Les auteurs mentionnent, sur ce point, une étude de l’organisme britannique British Standards Institution, publiée en mai, indiquant qu’un jeune sur deux aspire à un monde sans Internet.

Suicide : un numéro d’urgence au 31 14

Des services d’écoute, anonymes, existent, si vous avez besoin d’aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d’un membre de votre entourage. La ligne de prévention du suicide est joignable 24h/24 et 7j/7 au 31 14.

Une ligne d’écoute (0 800 235 236) dédiée aux jeunes est accessible 7 jours sur 7 de 9 heures à 23 heures (service et appel anonyme et gratuit).

D’autres informations sont disponibles sur le site du numéro national de prévention du suicide :

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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