Mercure, cadmium, dioxyde de titane dans l’alimentation : les alertes se multiplient
Stéphanie LavaudAUTEURS ET DÉCLARATIONS
2 septembre 2025 https://francais.medscape.com/voirarticle/3613290?ecd=mkm_ret_250903_mscpmrk-FR_ExcNews_etid7687290&uac=39940PJ&impID=7687290
Mercure, cadmium, dioxyde de titane…Lourds ou légers, les métaux sont devenus ubiquitaires dans notre alimentation. A la suite d’alertes émises par des chercheurs, des médecins, des ONG, et des associations de défense des consommateurs, des citoyens appliquent le principe de précautions en interdisant certains aliments dans les cantines pour protéger les plus jeunes.
Mercure dans le thon
Trop de mercure ! Huit villes ont annoncé le retrait du thon des cantines scolaires et enjoignent le gouvernement et les parlementaires français à réviser la limite maximale de mercure autorisée dans ce poisson, en l’alignant sur le seuil le plus protecteur pour cette espèce donnée.
Dans un communiqué de presse collectif [1], les villes de Bègles, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Mouans-Sartoux, Paris et Rennes ont annoncé le retrait du thon des cantines scolaires jusqu’à ce que la norme sanitaire soit suffisamment protectrice de la santé humaine. Cette décision fait suite la mobilisation des ONG BLOOM et Foodwatch en octobre 2024. Ces dernières avaient en effet alerté sur le fait que le thon est l’une des espèces les plus contaminées au mercure, regrettant que la Commission européenne et les États membres avaient fixé les limites maximales de mercure dans ce produit bien au-delà des limites pour les autres espèces de poisson.
Près d’un an après la publication de cette enquête, « aucune mesure n’a été prise par les responsables politiques nationaux et européens et l’industrie du thon pour protéger les consommateurs, en particulier les enfants », déplorent les huit villes concernées.
Elles ont donc « décidé de ne pas servir de produits à base de thon dans les menus scolaires ». « Cette mesure ne pourra être revue sans que la limite maximale de mercure autorisée dans le thon ne soit abaissée à la teneur la plus stricte existant pour le poisson, à savoir 0,3 mg/kg », précisent-elles dans ce communiqué signé par les maires ou adjoints aux maires en charge de l’alimentation.
Pour les ONG Bloom et Foodwatch, l’engagement pris par ces huit villes « est d’autant plus important que, là où les responsables politiques nationaux tardent à agir, les industriels redoublent d’efforts pour préserver leurs parts de marché. Et ce sans avoir adopté de nouveaux seuils plus protecteurs dans leurs produits ». Les ONG pointent du doigt la marque Petit Navire qui « a par exemple lancé durant l’été une campagne de communication massive pour promouvoir ses produits, y compris auprès des jeunes ».
Du cadmium dans le chocolat
Le mercure n’est pas le seul de ces métaux lourds présent dans notre environnement proche et susceptible de nous contaminer. Le 24 juin dernier, reprenant le communiqué des Unions régionales des médecins libéraux , l’UFC Que Choisir alertait sur la présence de cadmium dans l’alimentation, et en particulier dans les produits à base de cacao.
Les tests réalisés en 2021 par l’association de défense des consommateurs sur des tablettes de chocolat noir confirmaient leur contamination généralisée, dans des proportions qui variaient de 1 à 20 avec des teneurs mesurées allaient de 0,022 à 0,458 mg de cadmium par kg de chocolat. Comble de l’ironie : les références bios affichaient les plus mauvais résultats – tout en respectant les normes – de même que les tablettes provenant d’Amérique latine.
Et là encore, les enfants sont en première ligne car les goûters et petits-déjeuners contiennent souvent des quantités non négligeables de chocolat…
Dioxyde de titane dans le lait
Enfin, last but not least, des scientifiques français ont détecté du dioxyde de titane – qui ne fait pas partie des métaux lourds mais est néanmoins cancérigène (voir encadré) – dans le lait [2]. « L’analyse des échantillons révèle la présence de ces nanoparticules de titane dans « 100% des laits animaux (frais ou en poudre, issus de vaches, d’ânesses ou de chèvres, en agriculture biologique ou conventionnelle) et dans 83% des laits infantiles analysés (issus du commerce, du 1er au 3e âge, en agriculture biologique ou conventionnelle) écrivent les chercheurs dans leur communiqué. Une fois de plus, les plus jeunes – ici dès la naissance via la consommation de lait – sont exposés. Mais ils pourraient même l’être dès après la conception, au stade fœtal, puisque de précédents travaux avaient mis en évidence que « des nanoparticules de dioxyde de titane consommé pendant la grossesse étaient retrouvées dans le placenta ».
De quoi s’inquiéter.
Dioxyde de titane inhalé : la justice européenne retoque son classement cancérogène
La Cour de justice de l’Union européenne, basée à Luxembourg, a jugé en appel que la Commission européenne avait eu tort d’adopter en 2019 un règlement classant le dioxyde de titane (TiO2) comme substance cancérogène pour l’homme « par inhalation, sous forme de poudre contenant au moins 1% de particules ≤ 10 micromètres ». Elle a ainsi confirmé un premier arrêt du Tribunal de l’Union européenne, le 23 novembre 2022, estimant que la Commission « avait commis une erreur manifeste » en jugeant fiable une étude scientifique sur laquelle se fondait la classification cancérogène. Cette décision est un revers pour la France et la Commission européenne, qui s’étaient pourvues en appel fin 2022, indique le site NovEthic. Dans l’alimentaire, l’interdiction du dioxyde de titane, connu sous le nom de colorant E171, demeure. Elle date de 2022 au niveau européen et 2020 en France, alors qu’il était auparavant largement utilisé comme colorant blanc dans les confiseries, plats cuisinés ou la charcuterie, indique NovEtic. Néanmoins, comme indiqué ci-dessus, des travaux récents de l’Inrae et du CNRS ont montré que cette substance passe la barrière de la glande mammaire, en le détectant dans le lait vendu dans le commerce mais aussi humain.
Trop de mercure dans le thon alertent BLOOM et Foodwatch
Stéphanie Lavaud
30 octobre 2024 https://francais.medscape.com/voirarticle/3612085
Après avoir analysé près de 150 conserves de thon prélevées dans cinq pays européens, l’association BLOOM montre que toutes présentent une contamination au mercure. Plus d’une boîte testée sur deux (57%) dépasse la limite maximale en mercure la plus stricte définie pour les poissons. De fait BLOOM s’associe avec foodwatch, une ONG de protection des consommateur·ices, pour dénoncer et mettre un terme à un « scandale de santé publique », couvert par les lobbys du thon.
Poids des lobbys thoniers
Association de loi 1901 à but non lucratif entièrement dévouée aux océans et à ceux qui en vivent, BLOOM, s’est penchée sur la concentration en mercure – un métal lourd potentiellement toxique – retrouvée dans le thon en boîte. En effet, le thon, en tant que prédateur situé au sommet de la chaîne alimentaire, accumule les métaux lourds de ses proies et présente ainsi une contamination décuplée en mercure par rapport à de plus petites espèces. Sachant que le thon est le poisson le plus vendu en Europe – on en consomme en France en moyenne 4,9 kg par personne par an – « l’ingestion régulière de méthylmercure représente pourtant – même en faibles quantités – un grave danger pour la santé, en particulier (mais pas uniquement) pour le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants (voir encadré) » considère l’association [1].
Le mercure est « l’une des dix substances les plus préoccupantes au monde, comme l’amiante ou l’arsenic » parce que son dérivé, le méthylmercure, est classé comme « cancérogène possible par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) », ajoutent les deux organisations.
Pour réaliser son enquête, BLOOM a sélectionné aléatoirement 148 boîtes de conserve dans cinq pays européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) et les a fait tester par un laboratoire indépendant. Résultat : 100% des boîtes sont contaminées au mercure et plus d’une boîte testée sur deux (57%) dépasse la limite maximale en mercure la plus stricte définie pour les poissons (0,3 mg/kg).
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