Les rejets carbonés mondiaux croissent toujours

Les émissions de gaz à effet de serre mondiales continuent leur progression, malgré une baisse en Chine

Les rejets carbonés mondiaux croissent toujours. Mais, contrairement aux dernières années, les émissions de gaz à effet de serre sont en hausse au premier semestre dans l’Union européenne et aux Etats-Unis, tandis qu’elles baissent en Chine. 

Par Audrey Garric

Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 08h16 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/09/01/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-continuent-leur-progression-malgre-les-bons-chiffres-chinois_6637986_3244.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=a_la_une&lmd_send_date=20250901&lmd_link=autrestitres-link&M_BT=53496897516380

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Vue aérienne d’une centrale photovoltaïque hybride, dans la province d’Anhui (Chine), le 23 juillet 2025.
Vue aérienne d’une centrale photovoltaïque hybride, dans la province d’Anhui (Chine), le 23 juillet 2025. CFOTO/NURPHOTO VIA AFP

Le déchaînement de catastrophes climatiques durant l’été, entre les canicules et les incendies en Europe et la mousson meurtrière au Pakistan et en Inde, va-t-il déboucher sur une accélération de l’action climatique ? Les dernières données sur les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement, ne laissent rien présager de tel. Elles auraient augmenté de 0,7 % au premier semestre, comparativement à la même période en 2024, selon les chiffres provisoires du consortium international de scientifiques Carbon Monitor.

« Nous ne sommes pas surpris de cette progression globale des émissions, qui est conforme au rythme des dernières années – mais moindre que lors de la décennie précédente. Le monde continue de consommer davantage d’énergies fossiles », réagit Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement et l’un des membres du consortium. Selon ces chercheurs, les rejets carbonés avaient déjà progressé de 0,9 % en 2024.

Les évolutions régionales du premier semestre sont en revanche « étonnantes », poursuit le climatologue. Les résultats de Carbon Monitor révèlent une inversion de tendances entre les principaux émetteurs. Contrairement aux dernières années, où l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis apparaissaient comme les bons élèves, désormais, les émissions seraient en hausse dans l’UE (+ 4,6 %) et outre-Atlantique (+ 4,2 %) et en baisse en Chine (− 2,7 %), ainsi qu’en Inde (− 2,2 %). Le cercle de réflexion Climate Trace, soutenu par l’ancien vice-président américain Al Gore, donne les mêmes tendances (avec des valeurs différentes), à l’exception de l’Inde, dont les émissions augmenteraient.

Le recul chinois se révèle, quant à lui, bien établi et significatif, venant du premier pollueur de la planète (avec environ un tiers des émissions mondiales). « Cette baisse poursuit une tendance entamée en mars 2024 », rappelle Lauri Myllyvirta, analyste au Centre pour la recherche sur l’énergie et la propreté de l’air (CREA) et à l’Institut Asia Society Policy, qui a de son côté compilé des chiffres quelque peu inférieurs : − 1 % au premier semestre, dont − 3 % pour la production d’énergie. Il anticipe également une réduction des émissions chinoises sur l’ensemble de l’année.

Hausse des énergies propres

Ces relativement bons résultats sont à mettre sur le compte de la hausse « massive » des énergies « propres », essentiellement du solaire, mais aussi de l’éolien et du nucléaire, depuis 2023. Les capacités photovoltaïques installées au premier semestre, qui se sont établies à des niveaux record (212 gigawatts, le double du premier semestre 2024), ont permis à elles seules de répondre à la forte hausse de la demande électrique – équivalente à la production d’électricité de toute la Turquie. En mai, avant un changement de politique sur les prix, 100 panneaux étaient installés chaque seconde dans le pays !

Ce boom des énergies « propres » a entraîné une baisse de l’usage du charbon dans le secteur énergétique chinois (− 3,4 %), selon l’analyse de Lauri Myllyvirta publiée sur le site Carbon Brief. Les secteurs des matériaux de construction et de la métallurgie sont également en retrait, en raison d’une contraction du BTP. Mais, dans le même temps, la Chine continue de construire des centrales à charbon à tour de bras. Un record de 80 à 100 gigawatts de nouvelles capacités est attendu en 2025 « pour garantir une production d’électricité suffisante et contrôlable pendant les pics de consommation, même si la Chine pourrait faire autrement », explique Lauri Myllyvirta.

La baisse des émissions va-t-elle se poursuivre en 2026, signifiant que la Chine aurait rempli son objectif d’atteindre le pic de ses rejets avant 2030 ? « La grande question est de savoir si la croissance des énergies propres se poursuivra aux taux record de 2023-2025. Ce niveau est suffisant pour couvrir l’ensemble de la croissance de la demande énergétique et donc pour réduire l’utilisation des combustibles fossiles », assure l’expert.

Mauvaise passe américaine

A l’opposé, le principal rival économique de la Chine, les Etats-Unis, deuxième émetteur mondial, a relâché ses efforts. L’administration Trump, ouvertement climatosceptique, n’a de cesse de détricoter les réglementations environnementales, de favoriser les énergies fossiles et d’entraver les renouvelables. Résultat : le recours au charbon et au gaz a progressé au premier semestre. L’agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) anticipe désormais une hausse des émissions américaines de 1,6 % sur l’ensemble de l’année, soit la deuxième plus forte progression depuis dix ans, hors rebond dû au Covid-19.

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Cette mauvaise passe pourrait prendre fin dès 2026, alors qu’une baisse des émissions de 1,1 % est attendue par l’EIA en 2026. « Le charbon n’est pas compétitif face au solaire, qui continue sa forte progression, explique Rachel Cleetus, de l’organisation Union of Concerned Scientists. Mais même une seule année de hausse des émissions est alarmante, alors que le changement climatique est un problème d’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. »

Autre point noir : les émissions de l’Union européenne. Les dernières données d’Eurostat montrent également une hausse de 3,4 % au premier trimestre, comparativement à la même période en 2024. Cette tendance s’observe dans 20 Etats membres, dont six ont vu leurs rejets carbonés croître de plus de 5 % (notamment la Bulgarie, la République tchèque, Chypre et la Pologne). En France, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique a noté une très légère hausse (+ 0,2 %).

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Selon le CREA, cette hausse est essentiellement liée à des températures plus fraîches en février et mars par rapport à 2024. La production de charbon a aussi augmenté au premier trimestre. Ces chiffres « inquiétants » soulignent la nécessité d’accélérer la décarbonation des transports et des modes de chauffage à travers le Vieux Continent et d’accroître la production de renouvelables, plaide Sven Harmeling, chargé du climat au Climate Action Network Europe. « On s’attend tout de même à une baisse des émissions européennes sur l’ensemble de l’année », indique Philippe Ciais.

Le cas indien est plus complexe à analyser. Les résultats de Carbon Monitor (une baisse de 2,2 % en raison d’une moindre consommation dans le secteur résidentiel, pour le chauffage et la climatisation) sont très incertains. Le CREA, de son côté, s’attend à une diminution des émissions du secteur énergétique, grâce à « une réduction de la croissance de la demande et à un ajout record d’énergies propres », mais pas à une baisse des rejets de l’ensemble du pays, indique Lauri Myllyvirta.

Les pays doivent présenter de nouveaux plans pour le climat, plus ambitieux, d’ici à la COP30, qui se tiendra en novembre à Belem, au Brésil. Dans l’immédiat, seulement 29 l’ont fait. Manquent à l’appel nombre de grands émetteurs, dont la Chine et l’UE. Il y a pourtant urgence, alors que 2025 s’annonce comme l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées.

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Audrey Garric

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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