En Finlande, la dette publique progresse malgré l’austérité
Depuis son entrée en fonctions, en juin 2023, la majorité de droite et d’extrême droite multiplie les coupes dans le budget de l’Etat, sans parvenir à réduire l’endettement, tandis que le chômage et la pauvreté progressent.

La France n’est pas seule à se débattre avec son endettement. En Finlande, le gouvernement de droite et d’extrême droite, dirigé par le conservateur Petteri Orpo depuis juin 2023, a fait de la réduction des dépenses publiques sa priorité. Objectif à long terme : ramener la dette publique, qui devrait atteindre 86 % du produit intérieur brut (PIB) en 2025 (contre 75,5 % en 2023), au niveau de celle de ses voisins suédois et danois, soit autour de 30 % du PIB. Mais les coupes sévères dans le budget de l’Etat commencent à avoir de graves conséquences, sans pour autant réduire le niveau d’endettement.
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Dans une étude publiée le 25 août, des chercheurs de l’Institut finlandais de la santé et du bien-être estiment que la politique d’austérité menée par la coalition gouvernementale en 2024 et 2025 va faire basculer 110 000 personnes, dont 27 000 enfants, sous le seuil de pauvreté. Ce chiffre est deux fois plus élevé que ce que les chercheurs avaient initialement anticipé.
« Nous avons surestimé l’impact de l’aide sociale, en pensant que beaucoup plus de gens, étant affecté par les coupes dans le budget de la sécurité sociale, pourraient y avoir accès, ce qui n’est pas le cas », explique Joonas Ollonqvist, un des auteurs de l’étude, qui rappelle que la quasi-totalité des prestations sociales ont subi des coups de rabot ces deux dernières années. « Il faut sans doute remonter au début des années 1990 pour voir des coupes aussi drastiques », dit-il.
Nouvelles restrictions budgétaires
Dans son programme présenté en juin 2023, le gouvernement annonçait son ambition de réduire de 9 milliards d’euros le budget de l’Etat sur huit ans, dont 6 milliards d’ici à 2027. En plus de créer 100 000 emplois, la droite et l’extrême droite espéraient que la réforme du marché du travail, qui a mené à la réduction de nombreux droits sociaux, permettrait de dégager 2 milliards d’euros, tandis que les dépenses publiques seraient réduites de 4 milliards.
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Mais, en avril 2024, la coalition a estimé que ce ne serait pas suffisant pour maintenir la dette en dessous de 90 % du PIB, et présenté 3 milliards de réductions supplémentaires des dépenses publiques à l’horizon 2028. « L’objectif est d’empêcher l’économie finlandaise de déraper, et la Finlande de déclencher la procédure de déficit excessif de l’Union européenne », expliquait alors le ministère des finances, dirigé par la cheffe de file des Vrais Finlandais (extrême droite), Riikka Purra.
Celle-ci ne compte visiblement pas s’arrêter là. Le 6 août, elle a présenté un projet de loi prévoyant 873 millions d’euros de nouvelles restrictions budgétaires en 2026 et 1 milliard d’euros en 2027. Parmi les mesures proposées : la baisse de l’aide au développement, la suspension de l’accueil des réfugiés dans le cadre des accords avec l’ONU et des programmes d’intégration, mais aussi la réduction des subventions aux collectivités locales, et le gel du budget des universités.
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Tentant de désamorcer la colère des syndicats et de nombreuses organisations visées par les coupes, alors même que le taux de chômage a atteint 9,3 % en juin (soit le deuxième chiffre le plus élevé de l’Union européenne, selon Eurostat), le premier ministre a assuré qu’un débat aurait lieu début septembre entre les partenaires de la coalition.
L’explosion du budget de la défense
Ces nouvelles restrictions budgétaires passent d’autant plus mal que le gouvernement a annoncé, en avril, une baisse du taux marginal d’imposition, qui va coûter 400 millions d’euros à l’Etat et devrait profiter aux « 2 % des Finlandais les plus aisés, dont le revenu annuel est supérieur à 100 000 euros », d’après un rapport du groupe de réflexion social-démocrate Kalevi Sorsa Foundation, publié mardi 26 août.
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La dette, elle, alimentée par l’explosion du budget de la défense en raison de la menace russe, continue de grimper. L’économiste Antti Ronkainen explique : « Le problème est que notre croissance économique n’est plus basée sur nos exportations, comme à l’époque de Nokia, mais dépend de la demande intérieure. Or, la politique d’austérité, combinée à la stagnation du secteur du bâtiment, due aux taux d’intérêt élevés, n’a fait qu’aggraver les choses, en empêchant l’économie de croître, tandis que la dette continue d’augmenter. »
Plutôt que de revoir sa copie, la coalition gouvernementale plaide pour la mise en place d’un dispositif de « frein à la dette », pour réduire l’endettement. Mais « l’idée qu’on pourra seulement faire baisser la dette par des mesures d’austérité budgétaire est un rêve », réagit M. Ronkainen, qui estime que l’adoption d’une telle loi aurait pour conséquence de « condamner la Finlande » à des décennies de politique de rigueur.