Plus de 20 anciens parlementaires ont été nommés à la tête d’agences publiques ou de missions interministérielles à la suite de leur défaite aux élections.

« L’État Macron » : ces députés perdants que le président a recasés à des postes clés

Plus de 20 anciens parlementaires ont été nommés à la tête d’agences publiques ou de missions interministérielles à la suite de leur défaite aux élections, d’après un décompte de Mediapart. Entre volonté de remercier des fidèles et possibilité de verrouiller l’appareil d’État.

Clément Rabu et Antton Rouget

25 août 2025 à 08h47 https://www.mediapart.fr/journal/france/250825/l-etat-macron-ces-deputes-perdants-que-le-president-recases-des-postes-cles?utm_source=quotidienne-20250827-173459&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250827-173459&M_BT=115359655566

Depuis des décennies, l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) était dirigé par des hauts fonctionnaires. Du préfet Marcel Blanc, déporté résistant nommé à la tête de cet opérateur public en 1986, à Rose-Marie Antoine, administratrice civile hors classe en fonction de 2014 à 2019, en passant par une longue liste de grands commis de l’État, aux parcours tous plus saillants les uns que les autres. Jusqu’à la rupture, brutale, le 15 novembre 2023. 

Ce jour-là, un décret publié au Journal officiel annonce le remplacement de Véronique Peaucelle-Delelis, cadre du ministère de la défense qui dirigeait alors l’office, par un profil plus qu’inattendu. Marie-Christine Verdier-Jouclas, 60 ans, avait jusque-là fait toute sa carrière dans le privé – elle était directrice d’une agence du Crédit agricole à Albi, dans le Tarn –, en dehors d’un passage par l’Assemblée nationale, où elle avait été élue en 2017 dans le sillage de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, grâce à qui elle a fait son entrée en politique. En 2020, la députée est même propulsée porte-parole du groupe La République en marche (LREM), avant que cette parenthèse ne se referme, deux ans plus tard, par une défaite lors des législatives 2022.

Lorsqu’elle siégeait au Palais-Bourbon, Marie-Christine Verdier-Jouclas était secrétaire de la commission des finances. Elle n’a jamais été particulièrement identifiée sur les sujets liés aux ancien·nes combattant·es et blessé·es de guerre, se contentant de quelques interventions banales en faveur de la loi de reconnaissance envers les harkis, qui concerne son propre père. Sur son blog de députée, l’élue a aussi fait état de ses participations régulières aux assemblées générales de la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie (Fnaca), en publiant d’ailleurs d’une année sur l’autre le même discours, format copier-coller (ici en 2017,  en 2018). Elle y relate l’histoire de sa « famille revenue en France du fait de cette guerre »

Ces quelques prises de position peuvent-elles expliquer, à elles seules, sa nomination à la tête d’un établissement public national, qui emploie plus de 750 agent·es et dispose d’un budget annuel supérieur à 100 millions d’euros ? Pendant son passage à l’Assemblée, Marie-Christine Verdier-Jouclas s’est aussi liée d’amitié avec sa collègue de l’Hérault, Patricia Mirallès. La même Patricia Mirallès a ensuite été promue ministre déléguée aux anciens combattants : c’est elle qui a proposé le nom de sa copine à la tête de l’ONaCVG puis a cosigné son décret de nomination, en novembre 2023.

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Marie-Christine Verdier-Jouclas, députée du Tarn, en janvier 2019 à Albi.  © Photo Franck Lodi / Sipa

Interrogé sur cette situation, le cabinet de la ministre n’a pas voulu commenter la relation entre les deux femmes mais a contesté tout passe-droit dans ce recrutement hors du commun. En effet, a-t-il expliqué, le mandat de la précédente directrice générale de l’Office, Véronique Peaucelle-Delelis, arrivait à échéance en 2023, et « aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que cette fonction soit réservée à un profil particulier, par exemple à un haut fonctionnaire ».

Si aucune offre publique n’a été diffusée pour ce poste, « d’autres candidats » auraient été « sondés », a aussi justifié le ministère, sans donner plus de détails. Tout juste sait-on que « deux préfets » auraient décliné la proposition, avant que Marie-Christine Verdier-Jouclas ne soit finalement « approchée ».

À aucun moment « Mme Mirallès n’a pris part ni aux échanges ni aux vérifications » portant sur l’examen du dossier de son amie, a encore précisé son cabinet, soucieux de tenir la ministre le plus éloignée possible de ce choix surprenant. En revanche, le ministère ne nous a pas indiqué pour quelle raison, malgré la proximité personnelle avec cette candidate, Patricia Mirallès ne s’était tout simplement pas déportée de cette nomination. Également interrogé, le cabinet du ministre des armées Sébastien Lecornu, auquel Patricia Mirallès est rattachée, ne nous a pas répondu sur les conditions de sélection de l’ancienne députée.

Un « État Macron »

Le cas de Marie-Christine Verdier-Jouclas, macroniste battue aux élections recasée à la tête d’une agence de l’État sans justifier du CV de ses prédécesseurs, n’est pas une exception. Depuis la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, en 2022, au terme duquel plus de cent cinquante élus du camp présidentiel avaient perdu leur poste lors des législatives de juin, un vaste mouvement de nominations à la tête d’opérateurs publics s’est enclenché. D’après un décompte réalisé par Mediapart, plus de vingt anciens parlementaires ont ainsi été recasés en trois ans (voir le tableau en fin d’article)

Certaines de ces promotions paraissent, au regard de la carrière et des compétences des personnalités concernées, moins extravagantes que la nomination de Mme Verdier-Jouclas à la tête de l’ONaCVG. C’est par exemple le cas de Célia de Lavergne, nommée directrice de l’eau et de la biodiversité en conseil des ministres le 17 juillet 2023. Avant d’être députée (2017-2022), cette quadragénaire était en effet ingénieure (diplômée de Polytechnique et des Ponts et chaussées) et directrice générale de l’Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement (ASTEE).

Mais, en dehors de leurs particularités, tous ces mouvements à la tête d’agences et opérateurs publics dessinent dans leur globalité la constitution d’un « État Macron », processus qui s’accélère à moins de deux ans de la fin du second et dernier quinquennat de l’actuel président.

Sollicité par Mediapart, l’Élysée n’a pas répondu à notre demande d’entretien sur le sujet. Il pourra arguer que « le phénomène d’appropriation des principaux rouages de fonctionnement d’une société n’est ni propre à la France ni nouveau », comme le rappelait le journaliste Yves Agnès, dans une enquête parue dans Le Monde Dimanche… le 3 mars 1980.

Le reporter s’intéressait alors, un an avant l’élection présidentielle, à la constitution d’un « État-Giscard » entretenant la « confusion entre service de l’État et service du pouvoir en place ». Quatre décennies avant la présidence Macron, Le Monde insistait sur le « paradoxe permanent du giscardisme ». Un phénomène marqué – déjà – par le « décalage » entre le « discours libéral » du président et sa « pratique autoritaire » du pouvoir.

On peut s’intéresser aux outre-mer sans être forcément ultramarin ou habiter dans les outre-mer.

Aude Luquet, coordonnatrice interministérielle pour l’égalité entre les femmes et les hommes en outre-mer

En mai 1972, le lieutenant de Valéry Giscard d’Estaing, Michel Poniatowski, avait pourtant promis de « purger certaines allées politiques des copains et des coquins ». Dans son livre-programme Révolution (XO éditions, 2016), Emmanuel Macron ne disait pas autre chose, en dénonçant le « copinage » qui régnait au sein de la haute administration. Le candidat faisait alors part de sa volonté d’attirer des « profils d’exception » pour « moderniser » le pays.

Deux quinquennats plus tard, le constat est sans appel : les « profils d’exception » sont tous macronistes. Être un soutien du président et avoir perdu aux élections est même incontournable pour accéder à certaines fonctions. Il en est ainsi pour le poste de « coordinatrice interministérielle aux droits des femmes en outre-mer ». La fonction fut spécialement créée en juin 2023 pour offrir un point de chute à l’ancienne députée MoDem de Guadeloupe Justine Benin (2017-2022), malgré ses mises en cause pour des pratiques clientélistes et du harcèlement moral

Débarquée de son siège un an et demi plus tard, Justine Benin a été remplacée le 6 janvier 2025 par une autre ancienne députée, elle aussi du MoDem, Aude Luquet, qui venait de perdre son siège lors des législatives anticipées de juin 2024. Lors de sa prise de fonctions, l’ex-parlementaire de Seine-et-Marne a justifié sa nomination surprise par un argument imparable : « On peut s’intéresser aux outre-mer sans être forcément ultramarin ou habiter dans les outre-mer. »

Auprès de Mediapart, l’ancienne députée réfute tout recasage et intervention politique. « Si je n’avais pas postulé, on ne m’aurait pas proposée. On ne peut pas vouloir servir l’État en restant à la maison,défend Aude Luquet. Il y a une vraie réalité derrière cette mission, j’ai voulu y prendre toute ma part. »

À l’agriculture, une rémunération en dehors des référentiels

Les outre-mer représentaient un territoire tout aussi inconnu pour Olivier Damaisin lorsqu’il fut bombardé « référent pour la Guyane » auprès du ministère de l’agriculture, en décembre 2022. Six mois plus tôt, quand l’ancien député a été défait dans sa circonscription du Lot-et-Garonne, Emmanuel Macron lui avait demandé où il souhaitait rebondir.

Les envies de l’élu, qui était « responsable commercial » dans une société de nautisme avant de rejoindre l’Assemblée, se sont alors portées sur deux options : le comité d’organisation de la Coupe du monde 2023 de rugby – un sport dont il est fan – ou les questions agricoles, auxquelles il a consacré une grande partie de son mandat parlementaire, faisant le lien entre l’Élysée et des figures de la contestation rurale.

C’est finalement le rôle de « coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être agricole » qui lui fut réservé, en remplacement du titulaire du poste, alors occupé par un ingénieur agronome de renom, Daniel Lenoir. Dans l’attente du départ à la retraite de ce dernier, Olivier Damaisin a patienté sur sa mission Guyane, spécialement créée pour lui moyennant un salaire net de 5 800 euros par mois. Soit ce qu’il touchait lorsqu’il était député.

Questionné par Mediapart, Olivier Damaisin explique que son recrutement a sonné comme une « évidence » dès lors qu’il avait été le rédacteur d’un rapport parlementaire sur la prévention du suicide chez les agriculteurs. En Guyane, où il s’est rendu en décembre 2022, le référent explique avoir été « bien accueilli » par tous les acteurs, institutionnels comme professionnels, qui travaillaient déjà ensemble au sein d’un comité de pilotage local.

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Olivier Damaisin, député membre du parti La République en Marche (REM), à l’Assemblée nationale à Paris, le 27 juillet 2017.  © Photo Jacques Demarthon / AFP

Olivier Damaison a remis un rapport de fin de mission au ministre, le 15 mars 2023. Ce document n’offre pas une plus-value évidente : il reprend surtout des données collectées auprès d’autres organismes, sans forcément les référencer comme sources, et décline les préconisations nationales au contexte guyanais. Mais, pour l’ancien élu, l’essentiel de sa mission était centrée sur les « relations humaines »« Il fallait remettre tout le monde autour de la table et éviter que quelqu’un saute sur le préfet et l’attrape par la cravate », illustre-t-il, en rappelant qu’il intervenait dans un contexte sensible marqué par les suicides de plusieurs agriculteurs sur place.

L’ancien élu a finalement quitté sa mission Guyane sans être remplacé pour accéder au poste de coordinateur national, le 1er avril 2023, avec une lettre de mission signée plus d’un mois plus tard. En mars 2025, le directeur de cabinet de la ministre de l’agriculture Annie Genevard lui a annoncé qu’il serait reconduit pour deux années supplémentaires, en bénéficiant là encore d’une « rémunération supérieure aux référentiels du ministère », ce qui lui fut confirmé le 29 juillet. « Je ne compte pas mes heures, je suis en mission, c’est un combat très engageant », justifie Olivier Damaison. 

N’ayant jamais réussi à s’implanter dans les collectivités territoriales, le pouvoir ne dispose que de peu de leviers pour recaser ses soutiens.

Comme le « référent Guyane » du ministère de l’agriculture, au moins un autre poste paraît avoir été créé sur mesure pour un des premiers soutiens du président. C’est le cas de celui de haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire, dont avait hérité le candidat malheureux aux législatives à Lille Christophe Itier, en septembre 2017. Trois ans plus tard, le haut-commissaire était écarté de son poste – sans être remplacé – au terme d’un mandat peu reluisant, comme l’avait raconté Mediacités. Il a été reclassé dans l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Ces recasages illustrent plusieurs facettes du pouvoir actuel. N’ayant jamais réussi à s’implanter dans les collectivités territoriales, il ne dispose que de peu de leviers pour recaser ses soutiens, ce qui peut expliquer cette surreprésentation dans des établissements nationaux et missions interministérielles. Les cadres macronistes, élus à partir de 2017 après l’interdiction du cumul des mandats, ne disposent également pas pour la plupart de filet en cas de défaite électorale.

À ce contexte s’ajoute aussi une plus grande défiance qu’auparavant du secteur privé vis-à-vis du recrutement d’anciens politiques, d’après Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS. « Le parcours classique du pantouflage, c’est public-privé. Un ancien ministre finit directeur général d’une grande entreprise par exemple », rappelle le chercheur, avant de noter que, « ces quinze dernières années, les entreprises, surtout les grandes ou les banques d’affaires, ont développé des politiques de ressources humaines qui sont quand même élaborées. Ils choisissent leur personnel en fonction de leurs compétences ». En d’autres termes, dans nombre d’entreprises « l’étiquette politique ne suffit plus », estime Luc Rouban, ce qui peut renforcer les logiques de « pantouflage dans le public ».

« Mélange des genres compliqué »

Mais certaines nominations peuvent aussi mettre en évidence la volonté de l’Élysée de verrouiller certains enjeux politiques sensibles. Comme avec Clément Beaune, ancien ministre défait à Paris lors des législatives 2024, propulsé à la tête du haut-commissariat à la stratégie et au plan, fusion du haut-commissariat au plan (créé sur mesure pour François Bayrou) mais surtout de France Stratégie, organisme qui participe à l’évaluation des politiques publiques.

En interne, on s’inquiète qu’un tel profil traduise un « mélange des genres compliqué »« Une administration ce n’est pas un ministère. Ce sont des impératifs de gestion et des règles : on doit séparer nos positions politiques de notre travail. Et ce n’est pas toujours fait »,souffle, sous couvert d’anonymat, une source interne à l’institution.

Interrogé, Clément Beaune assume être un « profil plus politique »,comme il « en a existé d’autres ». En avril 2025, un mois après son arrivée, il a d’ailleurs nommé un rapporteur général du haut-commissariat également marqué politiquement, en la personne du conseiller d’État Clément Tonon, un proche d’Édouard Phillipe chargé de bâtir son programme pour 2027.

Après avoir perdu son mandat de député en juin 2024, Clément Beaune avait échangé avec Emmanuel Macron, dont il a aussi été le conseiller à l’Élysée, sur les « postes de responsabilité dans le secteur public » qui auraient pu lui convenir. « Plusieurs options ont été discutées », précise l’ex-député, avant que le choix ne s’arrête sur celle de haut-commissaire.

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Le nouveau Haut-Commissaire à la planification de France, Clément Beaune, serre la main du Premier ministre français François Bayrou lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à l’Hôtel Matignon à Paris, le 6 mars 2025.  © Photo Jeanne Accorsini / Sipa

« J’avais envie de continuer à travailler dans le secteur public », explique le fonctionnaire de profession. « Quand on va dans le privé, on nous critique en disant qu’on va gagner plein d’argent. Quand c’est le public, on nous dit que c’est du recasage, ou une planque. C’est quoi la bonne solution ? », interroge-t-il à haute voix, en demandant à être « jugé sur pièces ».

Une autre ancienne ministre, Nadia Hai, qui a perdu aux législatives en 2024, est devenue déléguée interministérielle à la Méditerranée en juin 2025. Pour décrocher ce poste d’ambassadrice, cette ancienne conseillère en gestion de patrimoine chez HSBC puis à la banque Barclays assume avoir été contactée par le ministre des affaires étrangères, Jean-Nöel Barrot, qui était son voisin de circonscription. « Nous nous connaissons suffisamment bien pour savoir quels sont nos engagements respectifs et nos sujets d’intérêt commun », explique-t-elle à Mediapart, considérant sa nomination « totalement légitime »« Quand on a été ministre de la République, on a travaillé au cœur de l’appareil de l’État, on sait comment ça fonctionne. » 

À l’inverse, l’ancien député Loïc Dombreval réfute toute décision politique derrière sa nomination à l’Inspection générale de l’administration du développement durable au tour extérieur« J’ai été recruté par le président de l’inspection générale de l’environnement après un entretien d’évaluation à l’issue duquel j’ai obtenu l’unanimité du jury », se défend ce vétérinaire de formation, ancien rapporteur général de la loi contre la maltraitance animale.

France 2030 et ses 50 milliards d’investissements

Sur les questions environnementales, l’Élysée a propulsé pas moins de cinq anciens députés à des fonctions importantes. Outre Célia de Lavergne (directrice de l’eau et de la biodiversité), on retrouve ainsi Sylvain Waserman à la tête de l’Ademe, la puissante Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Barbara Pompili comme « ambassadrice à l’environnement », Anne-Laure Cattelot à la présidence de l’Office national des forêts ou Michel Delpon, « ambassadeur hydrogène vert » pour le plan d’investissement « France 2030 ». 

Ce plan, lancé par Emmanuel Macron en 2021, a aussi été confié à un ancien député, Bruno Bonnell, chargé de piloter le versement de 50 milliards d’euros de fonds publics pour accompagner les entreprises et universités dans leurs programmes d’investissement et de recherches, dans un contexte pour le moins flou. En avril 2025, la Cour des comptes s’est même alarmée de « l’absence d’évaluation robuste et consolidée de l’ensemble des projets »comme l’a révélé La Lettre.

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Bruno Bonnell, candidat du parti « La République en marche » aux prochaines élections législatives dans le département du Rhône, à Villeurbanne, le 8 juin 2017.  © Photo Philippe Desmazes / AFP

Concernant Michel Delpon, ancien député de Dordogne, on ne trouve aucune trace de décret portant sur son rôle pour France 2030, sur lequel il communique allègrement. À Mediapart, l’ancien député explique qu’il exerce cette mission « bénévolement ». Tout en utilisant cette casquette officielle d’« ambassadeur » pour faire la promotion de son propre think tank, le Club vision hydrogène, qu’il a créé au même moment avec le lobbyiste d’une entreprise du secteur.

Ce « Club » est par ailleurs financé par des acteurs privés, à qui Michel Delpon donne de la visibilité, et à qui il propose aussi, dans un mélange des genres peu lisible, de les accompagner dans leurs démarches pour décrocher des financements publics de France 2030, comme il nous l’a confirmé en entretien. Tous les ans, l’ex-député utilise aussi son réseau à l’Assemblée nationale pour organiser au Palais-Bourbon une sorte de cérémonie des César des entreprises de l’hydrogène, toujours avec les adhérents de son think tank.

La situation d’Anne-Laure Cattelot, à la présidence de l’ONF depuis juin 2025, illustre aussi les risques de collusions avec le secteur privé induits par la nomination de profils iconoclastes. Après sa défaite en 2022, l’ancienne députée du Nord avait rejoint la tête du cabinet de lobbying ESL & Network European Affairs, qui compte parmi ses clients la Fédération nationale du bois et qu’elle ne compte pas quitter, comme l’a révélé Politico.

Auprès de Mediapart, Anne-Laure Cattelot confirme s’être « interrogée »sur cette situation, et avoir « par précaution sorti la Fédération nationale du bois de [son] portefeuille de clients ». L’ancienne députée, qui a été directement approchée par le président pour prendre la présidence de l’ONF, déclare toucher 21 000 euros annuels pour ce mandat, raison pour laquelle elle a conservé son travail à côté. 

Dans certains cas, enfin, les nominations prennent un sens troublant au regard de l’actualité. Il en va ainsi de Sarah El Haïry, dont la désignation en tant que haut-commissaire à l’enfance a dû être retardée en raison du scandale Bétharram, dans lequel le patron de son parti, François Bayrou, a été lourdement mis en cause. Ou encore pour le cas moins connu de Frédéric Descrozaille, qui a intégré la Cour des comptes (comme l’ancienne ministre Agnès Buzyn) sur décret présidentiel en janvier 2025. Six mois plus tard, cet ancien député du Val-de-Marne, mis en cause pour son clientélisme lorsqu’il siégeait à l’Assemblée, a été déclaré inéligiblepar le Conseil constitutionnel pendant trois ans pour ne pas avoir déposé son compte de campagnes…

Clément Rabu et Antton Rouget

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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