Le Crédit Coopératif ferme le compte bancaire de l’Union Juive pour la Paix
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Le Crédit Coopératif, en dépit de sa proclamation de valeurs humanistes, a fermé sans explication le compte bancaire qu’y détenait l’UJFP depuis plus de vingt ans.
Le Crédit Coopératif, en dépit de sa proclamation de valeurs humanistes, a fermé sans explication le compte bancaire qu’y détenait l’UJFP depuis plus de vingt ans.
Seraient-ce ses actions de soutien à la population civile de Gaza, qui se sont intensifiées depuis 21 mois, qui sont en cause ? Et ce malgré la manière dont notre représentant à Gaza rend compte de l’usage des fonds envoyés par l’UJFP ? Depuis 2016, l’UJFP soutient financièrement les actions proposées par notre représentant à Gaza. Et depuis 21 mois, nous publions quotidiennement sur notre site les comptes rendus d’actions et les analyses de notre représentant.
L’UJFP tient à rassurer le mouvement de solidarité. D’abord, elle a un nouveau compte bancaire tout à fait opérationnel qui lui permet de poursuivre son activité militante et d’assurer le fonctionnement normal de l’association.
Ce n’est pas la première fois que l’on crée des difficultés à l’UJFP pour ses positions antiracistes.
Ce n’est pas la première fois que l’on crée des difficultés à l’UJFP pour son aide à Gaza.
Mais nous avons toujours su résoudre les problèmes rencontrés.
La collecte de l’UJFP pour Gaza rencontre un très grand succès. Succès qui vient en très grande partie du courage incroyable de l’équipe de l’UJFP à Gaza qui continue, dans les pires circonstances, à assurer la survie de plusieurs camps de réfugiés. La popularisation quotidienne de son action et ses analyses prouve l’importance de cette collecte.
N’interrompez surtout pas la collecte. L’UJFP sera en mesure de rétablir très prochainement l’aide financière à notre équipe à Gaza.
La complicité du système bancaire avec les génocidaires sera mise en échec.
On ne lâche rien !
La Coordination nationale de l’UJFP, le 11 août 2025
L’UJFP, association juive « antisioniste », voit ses comptes au Crédit coopératif fermés
La banque explique ne pouvoir légalement détailler les raisons de la clôture des comptes de l’organisation, qui finance des projets humanitaires à Gaza. L’un des membres de l’association est visé par une plainte pour « apologie du terrorisme ».
C’est la fin d’une « relation vieille de vingt ans », comme le soulignent les deux parties : au cœur de l’été, le Crédit coopératif a fermé les comptes bancaires de l’Union juive française pour la paix (UJFP), une association dite « antisioniste », fondée en 1994, qui dénonce le « génocide » en cours à Gaza et y mène des actions humanitaires.
Effective au 31 juillet, la décision remonte au mois de novembre 2024. La banque a ensuite laissé plusieurs mois de « sursis » à l’association, indique son président, Pierre Stambul. L’UJFP aurait aujourd’hui trouvé une nouvelle banque, qu’elle ne souhaite pas nommer, ainsi qu’un moyen de poursuivre son activité à Gaza.
Traditionnellement orientée vers le soutien aux paysans du territoire palestinien (financement d’un château d’eau, de canalisations, de pépinières…), cette action a été redirigée, après le début de l’offensive israélienne contre le Hamas à la suite des attaques terroristes du 7 octobre 2023, vers une réponse humanitaire d’urgence – livraison de tentes et de repas, soutien à la scolarisation…
Selon Pierre Stambul, 700 000 euros auraient ainsi transité des comptes français de l’association, depuis décembre 2023, vers l’enclave palestinienne. Un correspondant local, un certain « Abu Amir », étant chargé de superviser la distribution de ces fonds – un homme « très facile à identifier, qui n’a aucune tendresse pour le Hamas, mais que nous préférons ne pas exposer », affirme le président de l’UJFP, qui renvoie aussi aux comptes rendus réguliers détaillant l’utilisation des fonds.
« Criminaliser le mouvement »
Ces transferts ont-ils inquiété la banque française, membre du groupe BPCE (Banque populaire Caisses d’épargne), créée il y a plus de cent trente ans et qui compte plus de 420 000 clients ? L’UJFP le croit, tout en dénonçant « une décision politique, prise à un niveau plus élevé ». « Il s’agit de criminaliser le mouvement de solidarité avec Gaza, avance Pierre Stambul. D’autres organisations ont ainsi été dissoutes, comme le Collectif Palestine vaincra. Si les virements seuls posaient problème, ils auraient simplement été bloqués… »
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Du côté du Crédit coopératif, on dément « toute intervention extérieure ou toute décision politique ». La banque, qui se présente comme une institution « engagée et solidaire », et compte de nombreux acteurs associatifs parmi ses clients, « continue d’accompagner des associations actives sur la Palestine ou qui y envoient des fonds », souligne son directeur général, Pascal Pouyet, qui regrette par ailleurs une campagne la désignant comme un « soutien du génocide ». La banque et son directeur général ont reçu des menaces.
Les explications du Crédit coopératif ne suffisent toutefois pas à dissiper le flou entourant cette décision, pour la bonne raison qu’il se dit tenu à la discrétion. « Nous n’avons pas d’autre choix que de respecter la loi, avec une extrême vigilance », indique Pascal Pouyet, se disant « coincé ». « Et ce cadre légal ne me permet pas non plus de donner les raisons de cette décision », ajoute-t-il.
« Personne ne peut nous dire de quoi on est accusés, déplore Pierre Stambul. Dans la pratique, les banques s’abstiennent de donner des justifications à la fermeture d’un compte dans les cas où il y a suspicion de blanchiment ou de terrorisme. »
« Mesures de vigilance »
Le nom de l’UJFP est bien cité dans une affaire d’apologie du terrorisme : le directeur de la publication de son site Internet, Daniel Lévyne, a été entendu à deux reprises par la justice, en juin 2024, à la suite d’une plainte de l’association Jeunesse française juive. Celle-ci visait un texte publié par l’UJFP le 7 octobre 2023, jour de l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, dans lequel l’association juive clamait son soutien à « la résistance du peuple palestinien face à l’occupation ».
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Le Crédit coopératif dispose-t-il d’autres informations sur les activités de l’UJFP ? Comme tous les établissements bancaires, il est tenu de prendre des « mesures de vigilance » en application des obligations réglementaires de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La réglementation permet aux banques soit de refuser l’ouverture d’un compte, soit de restreindre temporairement ou définitivement les opérations qu’un client est autorisé à effectuer depuis son compte, soit encore de rompre toute relation commerciale, en clair de fermer le compte bancaire concerné.
Dans un rapport publié en mai, la présidente du Comité consultatif du secteur financier (qui réunit entre autres des représentants du secteur bancaire et des associations de consommateurs) évoque les « irritants » liés à la mauvaise compréhension par les clients des exigences en matière de blanchiment et de financement du terrorisme, ajoutant que « les insatisfactions, voire difficultés, les plus marquées semblent concentrées sur les clientèles professionnelles, les associations, notamment celles exerçant des activités de solidarité internationale » ainsi que « les personnes politiquement exposées » et les Français de l’étranger.