La clinique psychiatrique de La Borde poursuit son aventure hors-norme, malgré les pressions des politiques de santé actuelles

Haut lieu de la psychothérapie institutionnelle, la clinique psychiatrique de La Borde, près de Blois (Loir-et-Cher), continue à mettre en œuvre depuis plus de soixante-dix ans les principes d’une psychiatrie humaniste, malgré les pressions administratives et les politiques de santé actuelles. 

Créé en 1953 par le Dr Jean Oury, la clinique psychiatrique de La Borde poursuit son aventure hors-norme, malgré les pressions des politiques de santé actuelles ©Radio France – Charlotte Perry

Créé en 1953 par le Dr Jean Oury, la clinique psychiatrique de La Borde poursuit son aventure hors-norme, malgré les pressions des politiques de santé actuelles ©Radio France - Charlotte Perry

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C’est une aventure hors-normes qui se poursuit à La Borde depuis plus de soixante-dix ans.

Depuis qu’en avril 1953, le Dr Jean Oury, médecin psychiatre formé auprès du Dr François Tosquelles à l’hôpital psychiatrique de St Alban, en Lozère, y a posé ses valises accompagné d’une vingtaine de ses patients pour y mettre en œuvre les principes de ce que l’on appelle la psychothérapie institutionnelle. Une doctrine née au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale qui repose sur une vision humaniste de la prise en charge des malades mentaux.

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Le château de La Borde que le Dr J.Oury a acquis en 1953 pour y héberger ses patients et y mettre en oeuvre les principes de la psychothérapie institutionnelle
Le château de La Borde que le Dr J.Oury a acquis en 1953 pour y héberger ses patients et y mettre en oeuvre les principes de la psychothérapie institutionnelle © Radio France – Charlotte Perry

A La Borde, il n’y pas de quartiers d’isolement, pas de contention, pas de quartiers d’agités, mais une liberté  de circulation totale. Il n’y a ni murs d’enceinte, ni barrières, les soignants – que l’on appelle ici des moniteurs – ne portent pas de blouses blanches et la vie sociale y est organisée par le Club thérapeutique, une instance indépendante à laquelle appartiennent tous les pensionnaires.

La réunion hebdomadaire du Club dans la grande salle du château. Moniteurs et pensionnaires se réunissent pour parler de l'organisation des ateliers
La réunion hebdomadaire du Club dans la grande salle du château. Moniteurs et pensionnaires se réunissent pour parler de l’organisation des ateliers © Radio France – Charlotte Perry

C’est le Club qui a en charge de gérer la quarantaine d’ateliers dont les pensionnaires sont responsables: les chauffes – ces navettes qui effectuent les trajets entre la clinique et l’extérieur, conduites par les patients – le tabac, le bar, la poterie, le dessin, le poulailler, les écuries, les ruches, la publication du journal hebdomadaire, la bibliothèque et tant d’autres.

Le jardin de La Borde, où l'on cultive des légumes bio vendus aux moniteurs et aux patients de l'hôpital de jour
Le jardin de La Borde, où l’on cultive des légumes bio vendus aux moniteurs et aux patients de l’hôpital de jour © Radio France – Charlotte Perry

La parole aussi circule, à l’occasion des nombreuses réunions qui jalonnent la journée: l’Orange Accueil, le matin, qui réunit les pensionnaires d’un même secteur pour parler de l’ambiance et de la journée à venir; le RAIL, en début d’après-midi, pour rappeler les ateliers qui vont avoir lieu; la réunion du Club, tous les mardi après-midi, pour faire un point sur l’organisation des ateliers etc.

Récapitulatif d'une journée à La Borde.
Récapitulatif d’une journée à La Borde. © Radio France – Charlotte Perry

De même, les pensionnaires sont entièrement parties prenantes à l’organisation de la vie quotidienne, qu’il s’agisse du ménage ou d’aller à la lingerie, et participent à la vie de la clinique aussi bien dans les bureaux administratifs qu’à la pharmacie ou en cuisine.

Le principe est de rendre les gens responsables et d’instaurer de la circulation pour lutter contre l’isolement intérieur.

Leila, Gwen et Francis ramènent le linge propre de la lingerie
Leila, Gwen et Francis ramènent le linge propre de la lingerie © Radio France – Charlotte Perry

La Borde, c’est un véritable éco-système: on y compte 107 pensionnaires, en grande partie schizophrènes ou psychotiques, 30 places en hôpital de jour, et une centaine de membres du personnel (psychiatres et moniteurs, mais aussi jardiniers, cuisiniers, femmes de ménage, standardistes, personnel administratif etc.)

Dans les années 70, Felix Guattari, grand ami de Jean Oury, y a attiré de nombreux d’intellectuels. Françoise Dolto y a pensé la garderie pour les enfants du personnel. La Borde avait le vent en poupe.

Evelyne jouant du piano dans la grande salle du château
Evelyne jouant du piano dans la grande salle du château © Radio France – Charlotte Perry

Aujourd’hui, le regard sur la folie a bien changé, mais La Borde résiste. Et malgré le décès de Jean Oury en 2014, l’aventure continue à contre-vent de la vision dominante.

Mais c’est un véritable exercice d’équilibriste pour Marino Pulliero, l’actuel directeur de la clinique, et Flore Pulliero-Vittez, la petite fille de Jean Oury, que de réussir à concilier l’esprit de La Borde avec les exigences normatives de l’administration et les politiques de santé actuelles, aux antipodes de la vision prônée par la psychothérapie institutionnelle.

Le vaisseau pirate d'Albator, construit en atelier.
Le vaisseau pirate d’Albator, construit en atelier. © Radio France – Charlotte Perry

« Je dois dire que je suis très pessimiste: l’état de la psychiatrie aujourd’hui en France est déplorable. On attache de plus en plus les gens, on les fait sortir alors qu’ils ne sont absolument pas en état de sortir. Les gens se retrouvent dans la rue, surtout les gens pauvres, on les retrouve en prison aussi. C’est un effet d’une société qui déconne! » Yannick Oury, psychanaliste, fille aîné de Jean Oury.

Programmation musicale :

  • Brigitte Fontaine et Areski : Vous et nous
  • Les Elles : La bulle

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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