Direction du CH d’Aurillac: une politique managériale « violente »

Gestion

La crise au CH d’Aurillac débouche sur le départ volontaire de sa directrice

Publié le 20/08/25 – 17h01 https://abonnes.hospimedia.fr/articles/20250820-gestion-la-crise-au-ch-d-aurillac-debouche?at_campaign=EDITION_QUOTIDIENNE&at_medium=Email&at_source=SFMC

Dans un communiqué diffusé ce 19 août, la directrice du CH Henri-Mondor d’Aurillac annonce quitter son poste à compter du 1er septembre. Face à la crise, elle pointe le rôle des syndicats. Ces derniers rétorquent et militent pour un climat apaisé.

Après la polémique autour de la diffusion début juillet d’un rapport d’expertise mettant en cause la politique managériale au sein du CH Henri-Mondor d’Aurillac (Cantal), la directrice de l’établissement, Christine Wilhelm, a annoncé ce 19 août son départ volontaire. Dans un communiqué transmis par le service communication de l’établissement, celle qui est restée presque trois ans à la tête de l’établissement et de la direction commune du groupement hospitalier de territoire (GHT) indique avoir pris sa décision. Elle quittera ses fonctions à compter du 1er septembre prochain. Une décision « mûrement réfléchie qui intervient dans un contexte où les pressions syndicales [devenaient] quotidiennes et [face à] une campagne de dénigrement relayée dans la presse locale et certains médias spécialisés nationaux« . Ces conditions ne permettent plus à la directrice « d’exercer[sa] mission avec la sérénité indispensable« , écrit-elle.

Des « faiblesses méthodologiques » selon la directrice

Pour mémoire, un rapport d’expertise de 160 pages a été réalisé sur demande des représentants du personnel et à la suite d’une demande formelle de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail pour risque grave relatif à l’exposition des personnels à des risques psychosociaux au travail. Ses conclusions sont sévères et décrivent une exposition « forte » aux risques psychosociaux (lire notre article). Ce 19 août, Christine Wilhelm dénonce à nouveau « de sérieuses faiblesses méthodologiques » dans ce rapport ainsi « qu’une orientation manifestement à charge, reposant sur une vision syndicale unilatérale et une stratégie syndicale de mise en cause personnelle« . La directrice pointe explicitement « le diktat imposé par la CGT et par la section départementale de la CFDT« .

Un bilan « largement négatif » selon les syndicats

Ce 20 août, l’intersyndicale — composée de la CFDT, de la CGT, de FO et de Sud — lui répond par voie de communiqué. « Le diktat prétendument imposé par l’intersyndicale n’est autre que la demande des agents de voir la réglementation respectée« , soulignent les syndicats. Ils estiment que « l’abandon pur et simple par la direction de toute démarche de prévention, en termes de risques professionnels constitue bien un délit« . À leur sens, les pressions syndicales quotidiennes » mentionnées par la direction ne sont que le reflet de [leur] volonté de retrouver des conditions de travail dignes et respectueuses pour tous les agents« . Et l’intersyndicale de résumer : « Au total, le bilan du passage de cette directrice générale dans l’établissement est largement négatif. » Elle liste, entre autres, un déficit budgétaire « abyssal« , une activité en baisse, de nombreux départs de professionnels ou encore un dialogue social « problématique » et des relations « compliquées » avec les membres du GHT.

De son côté, s’inquiétant pour l’image de l’établissement, la directrice rappelle que les « difficultés actuelles » du CH relèvent d’un passif ancien. « Depuis2022, la direction a engagé une stratégie claire d’amélioration, reposant sur la concertation, le renforcement des moyens humains et matériels ainsi que sur la modernisation des outils« , détaille-t-elle. Les syndicats rétorquent en s’appuyant sur le rapport d’expertise. Ils constatent pour leur part que « si tout n’est pas de son fait et que des difficultés structurelles existent, le management vertical par la terreur mis en place n’a fait que les accentuer« . Autant de constats qui conduisent les syndicats à considérer le départ de la directrice comme « nécessaire et inéluctable« .

Une solution d’intérim en cours de travail

Après avoir salué ses soutiens — notamment le président de la commission médicale d’établissement (CME), la communauté médicale et l’équipe de direction —, la directrice indique quitter ses fonctions en vue « de préserver la dynamique engagée, de favoriser un dialogue social apaisé et de protéger[sa santé]. Mais aussi avec lucidité et avec la conviction d’avoir servi au mieux l’intérêt général« . Christine Wilhelm adresse enfin un message de courage à toutes les équipes « qui devront affronter les temps incertains qui se dessinent« . Contacté par Hospimedia, le président de la CME, le Dr Mathieu Kuentz ne souhaite pas quant à lui commenter ce départ. Il indique avoir pu, ces dernières années et sous la direction actuelle, faire avancer de nombreux dossiers, comme la modernisation des systèmes d’information et le déploiement du dossier patient informatisé. Il précise en outre se concentrer sur ses missions de président de CME, « c’est-à-dire le maintien de l’offre de soins de qualité pour tous les habitants du territoire et le développement de projets tournés vers l’avenir« . Une CME extraordinaire est d’ailleurs organisée ce 5 septembre. Elle réunira l’ensemble des praticiens du CH et traitera exclusivement de la situation.

Quelle suite désormais pour la gestion de l’établissement ? Contactée ce 20 août par Hospimedia, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes prend acte de cette décision personnelle de la directrice du CH d’Aurillac. « Le rôle de l’ARS est d’assurer la continuité du pilotage de l’établissement dans les prochains mois« , souligne l’agence. Elle confirme que le poste sera publié et que dans l’attente de l’arrivée d’un nouveau directeur une solution d’intérim « est en train d’être travaillée« . Enfin, l’intersyndicale, dans son communiqué, fait part de sa volonté de travailler avec ce successeur pour permettre aux agents de remplir à nouveau leur mission de service public dans un « climat apaisé« . Le CH doit « recouvrer toute sa place afin d’assurer une prise en charge optimale de la population« , conclut-elle.

Clémence Nayrac

Écrire à l’auteur • Suivre sur Twitter

Les informations publiées par Hospimedia sont réservées au seul usage de ses abonnés. Pour toute demande de droits de reproduction et de diffusion, contactez Hospimedia (copyright@hospimedia.fr). Plus d’informations sur le copyright et le droit d’auteur appliqués aux contenus publiés par Hospimedia dans la rubrique droits de reproduction.

Vos réactions (1)

Frédéric VEZILIER – Le 21/08/2025 à 12h11

Arque-boutée sur des convictions, il ne peut y avoir de remise en cause, les intervenants dans l’expertise de la méthodologie de la gestion du personnel sont des experts mandatés, 160 pages pour décrire des risques psychosociaux importants sont suffisants pour caractérisés les faits.
Le personnel ne peut être une variable d’ajustement comptable, on peut s’interroger fort justement du contenu de l’enseignement conduit à L’École des hautes études en santé publique (EHESP), située à Rennes, ce cas n’est pas unique mais révélateur d’un système abscon qu’il faut faire disparaître.

Le centre hospitalier d’Aurillac s’enfonce dans une crise interne d’ampleur

Publié le 29/07/25 – 16h34 https://abonnes.hospimedia.fr/articles/20250728-ressources-humaines-le-centre-hospitalier-d-aurillac-s

L’audit commandé par les syndicats du CH d’Aurillac fait état d’une politique managériale « violente » et de personnel évoluant dans un environnement « toxique ». Les représentants du personnel disent ne plus vouloir travailler avec l’actuelle direction.

D’abord révélé dans les colonnes du journal régional La Montagne, l’audit a fait grand bruit. Présenté le 10 juillet dernier devant les équipes du centre hospitalier Henri-Mondor d’Aurillac (Cantal), Hospimedia a pu consulter le rapport d’expertise de 160 pages réalisé sur demande des représentants du personnel. Réalisé à la suite d’une demande formelle de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (F3SCT*) pour risque grave relatif à l’exposition des personnels à des risques psychosociaux au travail, il aboutit à des conclusions sévères. Les auteurs, du cabinet Altep, ont recueilli plus de 1 000 questionnaires et réalisé plus de 100 entretiens. Ils décrivent une exposition « forte » aux risques psychosociaux. 

Outre les questions de moyens, ils l’expliquent par « des relations verticales au travail négativement marquées et dans lesquelles est notable l’existence d’agissements managériaux violents« . Les auteurs fondent cette dernière observation sur des témoignages « divers » et « circonstanciés » visant en particulier la direction générale et la coordination générale des soins s’appuyant pour certains sur « des documents transmis ou lus« . Il y est fait par exemple état de « propos écrits virulents« , convocations s’apparentant à un « tribunal » ou encore des rétrogradations jugées « infondées » par les agents concernés.

Les auditeurs notent l’usage d’un vocabulaire particulièrement fort en matière de description des conditions de travail, parfois considérées comme « pesantes« , « épuisantes« , « anxiogènes« , voire « toxiques« . Ils ressortent des questionnaires et entretiens qu' »un management brutal s’applique de manière ciblée, afin de soumettre les professionnels aux décisions de la direction« , mais aussi « un management clivant qui divise les professionnels ». L’audit évoque aussi une « impasse stratégique » dans laquelle se serait retrouvé l’établissement.

Un rapport « pour le moins partial« 

L’intersyndicale, rassemblant les délégués du personnel étiquetés CFDT, CGT, FO et Sud, justifie son alerte auprès d’Hospimedia par le « nombre de personnels sous anxiolytiques ou de pensées suicidaires » remontés les mois ayant précédé le lancement de l’audit. Elle évoque aussi le « mal-être soulevé au moment du passage en force de la direction pour imposer son nouveau règlement intérieur« . Une action qui aurait été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase« .

Sollicitée par Hospimedia, la directrice de l’établissement, Christine Wilhelm, particulièrement visée, a fait parvenir une longue réponse. Elle se dit « très affectée et touchée par les résultats de ce rapport« . Elle estime s’être mobilisée pour améliorer les conditions de travail des équipes et dénonce un rapport « pour le moins partial« . « Je suis d’autant plus déçue que cet outil [l’audit] est censé être bénéfique à tous, destiné à améliorer le bien-être des agents ainsi que leur sécurité« , ajoute-t-elle.

« Je ne nie pas les difficultés rencontrées dans l’hôpital, nous allons travailler avec les partenaires sociaux rapidement pour tenter de résoudre les situations des personnes en grande difficulté« , explique la directrice. D’autant que, selon elle, « un rapport de cette nature, avec les biais qu’il comporte, met par ailleurs à mal les efforts de recrutement, appelés de leurs vœux par la majorité des soignants de l’établissement, en portant atteinte à sa réputation et ce dans un secteur déjà en très forte tension« .

« Dès le mois de septembre, nous ferons une analyse complète des risques professionnels et les cadres de proximité entendront les personnels pour les écouter, mettre en avant les freins et les contraintes concrets auxquels ils font face et qui les impacte au quotidien, sur lesquels nous allons travailler et trouver des solutions pérennes, ensemble« , complète la direction. Or l’intersyndicale ne se dit absolument pas prête à mener ces travaux, pointant du doigt la direction avec laquelle le dialogue est rompu.

Suivi de l’ARS

L’agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes précise de son côté « qu’il n’a pas été mis fin aux fonctions de la directrice du CH d’Aurillac. En revanche, préoccupée par la situation de l’établissement, elle la suit très attentivement et ne souhaite pas s’exprimer davantage à ce stade« .

Une réunion entre la direction générale de l’ARS, le président du conseil de surveillance du CH d’Aurillac et maire de la ville, Pierre Mathonier, et le député de la circonscription, aussi membre du conseil de surveillance de l’établissement, Vincent Descœur, a eu lieu le 25 juillet, selon les informations recueillies par Hospimediapour faire le point sur la situation et ses suites.

  • * ex-comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

Manuel Magrez

Écrire à l’auteur

Vos réactions (1)

FO – Le 30/07/2025 à 13h46

La F3SCT du CH Aunay-Bayeux a voté une résolution d’expertise pour le même genre de conditions de travail et de souffrances. Malgré le constat alarmant partagé avec l’inspecteur du travail, le directeur refuse cette expertise et nous oblige à mener un recours au tribunal administratif. Allez savoir pourquoi !

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire