L’adaptation au changement climatique constitue-t-elle toujours un angle mort des politiques publiques nationales malgré la publication récente du Pnacc 3 ?

Dérèglement climatique : les lacunes de la France en matière d’adaptation

L’adaptation au changement climatique constitue-t-elle toujours un angle mort des politiques publiques nationales malgré la publication récente du Pnacc 3 ? Deux rapports parlementaires publiés en juin et en juillet semblent le suggérer.

Gouvernance  |  19.08.2025  |  https://www.actu-environnement.com/ae/news/rapports-Assemblee-nationale-Pnacc3-46641.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzgyOQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

N. Gorbatko

Dérèglement climatique : les lacunes de la France en matière d'adaptation

© MathieuLes incendies de cet été viennent rappeler la nécessité de mettre en œuvre de sérieuses mesures d’adaptation au changement climatique pour les territoires et les infrastructures.

Inondations, tempêtes, glissements de terrain, vagues de chaleur ou incendies : depuis le début de l’année 2025, et encore plus cet été, la France assiste, médusée, aux ravages provoqués par le dérèglement du climat. Sans parler des dégâts que son réchauffement occasionne plus silencieusement, comme le retrait-gonflement de l’argile, le recul du trait de côte ou le dépérissement des forêts. De quoi confirmer la nécessité de mettre enfin en œuvre de sérieuses mesures d’adaptation pour les territoires et les infrastructures.

C’est précisément l’objet du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc 3), publié le 10 mars dernier, avec près d’un an et demi de retard sur la date initialement prévue. Mais celui-ci permettra-t-il réellement de passer de la théorie à l’action ? Centrés sur l’aménagement du territoire et sur les moyens disponibles, deux rapports d’information de l’Assemblée nationale respectivement adoptés, le 5 juin, par la commission du développement durable et, le 2 juillet, par la commission des finances, permettent d’en douter.

Une budgétisation obscure

Par manque de budgets clairement définis, tout d’abord. Certes, l’évaluation des enveloppes nécessaires à l’adaptation au changement climatique est complexe et il n’existe pas de chiffrage exhaustif des besoins, reconnaissent Tristan Lahais et Eva Sas (groupe Écologiste et Social), les deux corapporteurs de la commission des finances. Mais les 52 mesures du Pnacc 3 auraient néanmoins dû faire l’objet d’un tel exercice et d’une programmation pluriannuelle, estiment-ils, ce qui n’a pas été le cas. Alors que l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) évalue à 2,3 milliards d’euros par an les sommes additionnelles nécessaires aux seules mesures prioritaires du Pnacc, les députés n’identifient pas aujourd’hui de moyens supplémentaires consentis, hors redéploiement de fonds existants, comme le Fonds Barnier ou le Fonds vert.

Or, ces deux fonds s’avèrent particulièrement précaires. Entre la loi de finances 2024 et les autorisations finales d’engagement, les subsides du Fonds vert sont passés de 2,5 à 1,6 milliard d’euros, par exemple. La loi de finances initiale pour 2025 ne lui accorde que 1,15 milliard d’euros, amputé ensuite par décret de 63 millions d’euros. Le Fonds Barnier, de son côté, a bien été augmenté. Mais l’État s’arroge une partie des recettes de la surprime Cat-Nat, prélevée sur les primes pour les actions de prévention. « La mise en œuvre du Pnacc 3 se fait donc à moyens constants, constatent les députés, fragilisant son effectivité et son déploiement rapide. »

Pas assez de ressources humaines

S’ajoute à cela une insuffisance de moyens humains, également soulignée par les rapporteurs de la commission développement durable, Philippe Fait (groupe Horizons & Indépendants) et Fabrice Barusseau (groupe socialistes et apparentés). Tristan Lahais et Eva Sas relèvent ainsi une baisse significative des effectifs des opérateurs de l’État comme Météo-France ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), ainsi que ceux du pôle ministériel chargé de l’écologie et de l’aménagement du territoire.“ Malgré l’urgence de la situation, on peut légitimement s’interroger sur la capacité des services de l’État et des opérateurs à mettre en œuvre le Pnacc 3 ”Tristan Lahais et Eva Sas, députés, corapporteurs de la commission des finances

Malgré leur importance « capitale pour l’expertise et la mise en œuvre de mesures pour l’adaptation », Météo-France et le Cerema ont respectivement perdu 19 % et 18 % de leurs effectifs en dix ans, entre 2014 et 2024, indiquent-ils. Conséquence : alors que la ministre de l’Écologie, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncé au mois de mars un déploiement rapide de l’accompagnement des collectivités locales via la Mission adaptation, « après un premier bilan en mai », seules quelque 130 collectivités en ont bénéficié, soit seulement 30 de plus de les 100 premiers pilotes.

Les députés de la commission développement durable considèrent cette faiblesse dans l’accompagnement des élus territoriaux comme un obstacle majeur dans la mise en œuvre des politiques d’adaptation. « Malgré l’urgence de la situation, on peut légitimement s’interroger sur la capacité des services de l’État et des opérateurs à mettre en œuvre le Pnacc 3 », s’inquiètent leurs collègues Tristan Lahais et Eva Sas.

Des recommandations à foison

Dans leurs recommandations, ces derniers préconisent donc d’améliorer sérieusement le volet financier de l’adaptation par le biais de plusieurs mesures : estimation précise et actualisée du coût de l’inaction et de l’action face au changement climatique, inscription des moyens en faveur de l’adaptation dans une programmation pluriannuelle ou encore élaboration d’un plan de financement complet pour le Pnacc, décliné par acteurs, État, collectivités et privé.

Les députés attendent aussi des avancées dans le cadre de la loi de finances 2026 : renforcement des moyens humains des opérateurs participant à la Mission adaptation, affectation de la totalité du prélèvement Cat-Nat aux politiques de prévention des risques naturels, mise en œuvre effective du fonds en faveur de la prévention des risques de retrait-gonflement des argiles (RGA) dès cette année, à hauteur de 50 millions d’euros, création d’un fonds d’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte.

D’accord sur ce point avec leurs collègues de la commission du développement durable, ils insistent par ailleurs sur la nécessité d’inscrire la trajectoire d’adaptation au changement climatique (Tracc) comme une priorité nationale dans le code de l’environnement. Cet ajout devra préciser les niveaux de réchauffement climatique attendus sur l’ensemble du territoire, révisés tous les cinq ans après consultation du Haut Conseil pour le climat (HCC). « La Tracc devra alors être prise en compte lors de toute politique publique, analyse de vulnérabilité et évaluation environnementale de projets », soulignent-ils, mais aussi s’imposer aux documents stratégiques locaux (plans locaux d’urbanisme, schémas de cohérence territoriale).

Une culture en jachère

Les corapporteurs de la commission durable souhaiteraient la même procédure pour le Pnacc, en insistant sur l’importance de développer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques publiques. De quoi intégrer ces enjeux dans les décisions d’investissement, dans la passation des marchés publics et dans l’ensemble des documents stratégiques, dont la Stratégie nationale bas carbone et la Programmation pluriannuelle de l’énergie. Tous militent également pour une clarification de la gouvernance du Pnacc, de la répartition des rôles et des actions à mettre en œuvre par l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, les établissements publics et les citoyens.

Philippe Fait et Fabrice Barusseau appellent notamment à une meilleure coordination entre les collectivités locales et l’État. « En effet, s’il est essentiel que l’État s’empare de l’enjeu de l’adaptation et encourage les différents acteurs à s’en emparer, adapter l’aménagement des territoires doit rester une politique locale », plaident-ils. Pour ces députés, l’État doit surtout apporter son appui financier et technique aux collectivités en assurant une péréquation entre elles pour limiter les déséquilibres d’adaptation entre territoires.

Afin de développer la culture de l’adaptation, leur rapport propose par ailleurs une formation obligatoire des élus en la matière, en début de mandat, et une labellisation des bureaux d’études. Avant de recueillir les fruits de ses améliorations, pour peu qu’elles soient adoptées, le parcours risque toutefois d’être long. « Au fil des auditions, nous avons acquis la conviction que les réponses actuelles sont insuffisantes, que les coûts de l’inaction s’alourdissent, que les politiques publiques peinent à traduire l’urgence climatique en actions concrètes et que l’adaptation au changement climatique constitue l’angle mort des politiques publiques nationales », explique le président de la mission d’information de la commission du développement durable Vincent Descœur (Droite républicaine).

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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