Le rapport de l’Assemblée Nationale sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins (3 Juillet 2025)

Ce rapport récent de l’Assemblée Nationale est à lire en entier. On est surpris d’y trouver des propositions réellement novatrices. Je n’ai relevé que des extraits d’un document de 111 pages sans compter une très riche bibliographie.

Tome 1 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cesoins/l17b1671-ti_rapport-enquete

Tome 2 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cesoins/l17b1671-tii_rapport-enquete

J’attire l’attention sur:

– un questionnement à propos de la poursuite de fermeture des petites maternités (p 132)

-les difficultés dans l’application de l’élargissement du « Numerus Apertus » (p 19-21)

-la note sur les centres de santé et les maisons de santé (31-33)

-les déserts médicaux (58-66)

-le cas des médecins étrangers PADHUE (121-124)

Les inconvénients de l’intérim médical (154-155)

hôpitaux la crise et la perte d’attractivité (88-89) (137) réforme de la gouvernance (89) (134-136) Décentralisation de la prise de décision, l’intéressement collectif –les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) (90-91) actualiser le cadre des GHT pour revoir leur périmètre et intégrer des établissements privés participant au service public hospitalier -les établissements privés à but lucratif: une activité concentrée sur un faible nombre d’actes et des soins programmés, ces structures se concentrent sur des actes techniques planifiés avec peu d’aléas et réalisés en semaine et en journée. La nécessité d’une régulation pour garantir une répartition équitable des charges,(92-96)

– crise des urgences hospitalières, le financement des urgences (150-153) Renforcer la régulation des urgences (140-143)

les Services d’Accès aux Soins (SAS) pour les soins non programmés (141-143)

la permanence des soins dans les hôpitaux publics et privés (143-146)

centres de soins non programmés (137-140)

la remise en cause des ARS (111-115)

territorialisation du service public de santé avec décentralisation et déconcentration (111-114), régulation des cabinets d’expertise extérieurs (Mc Insey) (115-117). Le contrat local de santé, principal outil de décentralisation (118-120) Proposition relative à la création du sous-préfet à l’accès aux soins.

– la proposition de grande sécu ou vrai 100% santé (124-125)

la démocratie sanitaire: « les ARS consultent mais « n’entendent pas » les demandes et recommandations des usagers » (49-51)

Extraits sur le sujets qui nous préoccupent prioritairement

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L17B1671-tI.html

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cesoins/l17b1671-ti_rapport-enquete.pdf

A Fermetures des petites maternités:

SANTÉ PÉRINATALE ET FERMETURE DES MATERNITÉS : UN

ÉQUILIBRE ENTRE SÉCURITÉ ET PROXIMITÉ

1. Sortir des logiques de seuils pour privilégier la sécurité des soins

Le rapport d’Yves Ville publié par l’Académie de médecine appelait en 2023 à une réforme structurelle urgente des maternités, constatant « la saturation des maternités de type 2 et 3 ; la raréfaction de l’offre privée à but lucratif ; la crise d’attractivité des métiers de la périnatalité ; l’accélération de la fermeture des plus petites structures, voire des structures moyennes (de 1000 à 2000 accouchements) ; (…) le retentissement sur l’offre de soins et sur l’activité chirurgicale desétablissements supprimant leur activité obstétricale » (4)

La transformation de l’offre de soins doit affronter dans le même mouvement deux défis qu’elle ne peut éviter : d’une part, le décrochage de sécurité et de qualité des soins par une inadéquation de l’offre aux risques ; d’autre part, la raréfaction durable de la ressource médicale et paramédicale.

Selon Mme Margaux Creutz-Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), pour remédier à ces problèmes, « la réalisation de diagnostics territoriaux partagés avec les ARS permettrait d’établir les véritables besoins du territoire, d’identifier les solutions possibles, en gardant en tête les indicateurs de périnatalité, et de sécuriser les maternités essentielles » (1)

Recommandation n° 30 : Réaliser un audit de l’offre de soins périnatale territoire par territoire.

● La révision des décrets de 1998 est également considérée comme indispensable par l’ensemble des acteurs entendus par le rapporteur. Selon M. Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, « cette activité soumise à autorisation estla seule dont la réglementation n’a pas été revue depuis 1998 ! » (2) Pourtant, les décrets de 1998 visaient à renforcer la sécurisation des maternités. En dépit de progrès notables, cet objectif n’a pas été totalement atteint, la Cour des comptes constatant en 2015 que « les résultats médiocres de la France en matière de périnatalité s’expliquent en partie par le respect encore très inégal, malgré des progrès, des normes instituées par les décrets du 9 octobre 1998 » (3)

.La sûreté de l’exercice d’une maternité semble davantage liée à l’organisation de la structure et au niveau d’encadrement présent qu’au nombre de naissances selon la littérature scientifique – bien que la pratique semble davantage risquée en-deçà d’un certain nombre d’actes par an. En effet, selon M. Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, « c’est à ce titre que le seuil de 300 accouchements – soit moins d’un accouchement par jour – est critique.

Comment voulez-vous qu’une équipe soit performante vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept si elle effectue moins d’un acte par jour ? » (4)

.Votre rapporteur refuse pour autant de retenir un nouveau seuil de naissances annuel comme seul indicateur de viabilité d’une structure. Ce paramètre numérique, qu’il s’agisse d’un seuil de 300 ou de 1 000 accouchements par an, doit s’accompagner de critères qualitatifs et sécuritaires afin de mieux prendre en compte l’évolution des situations et du profil des patientes de même que certains impératifs comme l’isolement géographique ou l’intégration à un réseau de structures. Les sociétés savantes des professionnels de santé périnatale ont d’ailleurs formulé depuis 2018 plusieurs propositions de renforcement des seuils minimaux par catégories de soignants, notamment pour les infirmières au sein des unités d’obstétrique et de néonatologie.

S’il est illusoire de redéployer un maillage serré de petites maternités sur tout le territoire, il convient d’anticiper les effets que pourraient avoir la réorganisation des activités de maternité sur l’ensemble des activités des établissements. La Cour des comptes pointait déjà ces effets en 2014, soulignant que « les implications possibles de ces restructurations sur le maintien des autres activités chirurgicales de l’établissement, gynécologiques ou plus générales, doivent être examinées à l’échelle de l’offre de soins territoriale » (1)

Recommandation n° 31 : Étudier l’opportunité de réviser les décrets de 1998 afin de supprimer les seuils quantitatifs de naissances au profit d’indicateurs moins standardisésportant sur la stabilité et la qualité des équipes.

2. Revaloriser le métier de sage-femme

● Face à une crise d’attractivité de la profession de sage-femme, il apparaît impératif d’œuvrer pour une meilleure considération à travers la reconnaissance du statut de praticien hospitalier pour les sages-femmes hospitalières, comme le réclame le Conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF). En effet, les maïeuticiens demeurent administrativement assimilés à des professionnels non médicaux, malgré des responsabilités autonomes de haut niveau, les empêchant de prétendre à une gratification à la hauteur de leurs compétences. Ce statut permettrait aux praticiens de développer l’exercice mixte, aujourd’hui limité à seulement trois ans d’exercice, et améliorerait l’offre de soins disponible tant en structures hospitalières qu’en libéral.

Recommandation n° 32 : Assurer la reconnaissance du statut de praticien hospitalier aux sages-femmes hospitalières.

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(1) Recommandation du Comité consultatif du secteur financier, 24 janvier 2024. (2) Article 199 quindecies du code général des impôts. (3) Conseil d’analyse économique, Quelles politiques publiques pour la dépendance, n° 35, octobre 2016. (4) Académie de médecine, « Planification d’une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.— 133 —

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B Le bilan du numerus apertus 4 ans après

Le principal apport du numerus apertus résidait donc dans la mise en place d’une évaluation concertée des besoins de santé, en lieu et place de la logique de verticalité qui prévalait avant 2021.

Un retard de calendrier

● Néanmoins, quatre ans après l’entrée en vigueur du dispositif, force est de constater que le choc d’attractivité promis n’a pas eu lieu. En effet, la part des étudiants en santé admis en deuxième année a augmenté de 18 % pour les filières de médecine et d’odontologie mais s’est réduite pour les étudiants en pharmacie et maïeutique ([18]). De plus, la hausse du nombre d’étudiants en médecine ne s’explique pas du seul fait de la suppression du numerus clausus. La Drees note, sur ce point, une augmentation de 30 % du nombre d’étudiants en médecine entre 2014 et 2024. En conséquence, la suppression du « totem » du numerus clausus n’a fait qu’entériner une tendance de plus long terme à l’assouplissement des conditions d’accès aux études de santé ([19]).

La Cour des comptes estime – toutes filières confondues – que la hausse du nombre d’étudiants en formation en santé serait plutôt de quatre points inférieure au chiffre indiqué par l’ONDPS, soit 11 % au lieu de 15 % ([21]).

Un manque de moyens dédiés.

En outre, votre rapporteur note qu’à ce retard de calendrier, s’ajoutent des défauts réels de pilotage de la politique de planification et ce du fait du manque de moyens dédiés.

Enfin, et ce point a été porté à l’attention de la commission d’enquête à l’occasion de l’audition des doyens d’université ([23])l’augmentation des capacités de formation en santé demeure, en définitive, une question financière, dans un contexte où les études de santé sont parmi les formations les plus coûteuses.

À cet égard votre rapporteur note qu’aucun chiffrage consolidé du coût des formations n’est, à ce jour, disponible. Sur la base d’une simple division à partir de données de la Drees, il a estimé le coût des formations à hauteur de 9 960 euros par étudiant ([24]). Il relève toutefois que cette estimation présente des limites du fait de la disparité des formations concernées.

Le coût d’un étudiant en médecine est, en effet, probablement bien supérieur à cette estimation. Si le Professeur Philippe Pomar, doyen de la faculté de médecine de Toulouse, le situe entre 10 000 et 15 000 euros par an et par étudiant ([25]), un ancien doyen de faculté de médecine a même fait mention d’un coût unitaire de 27 000 euros par étudiant, par an, durant les six premières années d’études ([26]).

La trajectoire d’évolution du nombre d’étudiants formés – en médecine notamment – prévue par le Gouvernement au mois d’avril 2024 n’est pas tenable en l’état des crédits votés au bénéfice des établissements d’enseignement supérieur.

Une faible diversification sociale et de nombreux départs l’étranger

Le constat d’une trop faible diversification des profils des étudiants en santé demeure, particulièrement pour ceux inscrits en études de médecine. À titre d’exemple, la conférence des doyens de faculté de médecine a relevé que près des deux-tiers des parents des étudiants inscrits en médecine appartenaient aux « catégories socio-professionnelles supérieures » ([28]).

Les départs à l’étranger, l’abandon d’études et le développement de pratiques médicales « de niches » aggravent la crise de l’offre de soins; un tiers des médecins généralistes ne pratiquaient plus, à ce jour, la « médecine générale traditionnelle 

– C Le développement et l’évolution de la médecine ambulatoire (Centres de santé et maisons de santé)

Les évolutions de la médecine de ville un ensemble hétérogène

 Le déploiement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des centres de santé, des centres de santé participatifs améliore la couverture des soins primaires :

– les centres de santé ont ainsi renforcé l’accès aux soins dans les territoires les plus fragiles avec un taux de présence de l’ordre de 20 % dans les quartiers relevant de la politique de la ville (QPV) et de 58 % en zone d’intervention prioritaire (ZIP), soit les zones concernées au premier chef par la désertification médicale ([54]).

– les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) permettent, quant à elles, de lier les exigences de coordination du parcours de soins avec la préservation de l’exercice libéral. Constituées dans les conditions prévues par l’article L. 6 323-3 du code de la santé publique, elles sont dotées de la personnalité morale et donnent lieu à la création d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). Le revenu des praticiens qui y exercent augmente, en moyenne, plus vite – toutes rémunérations confondues ([55]) – que celui des médecins généralistes n’y exerçant pas ([56]). Enfin, leur file active est plus importante, en moyenne de 10 % ([57]) et leur présence tend à renforcer la probabilité d’installation des jeunes praticiens ([58]).

 En l’absence d’un véritable service public des soins de proximité capable d’organiser la territorialisation des structures, votre rapporteur considère que leur développement est susceptible d’alimenter une concurrence entre territoires dans l’accès aux professionnels.

L’effet limité de certains modèles sur le temps médical disponible. Ainsi, un médecin salarié en centre de santé réalise, en moyenne, 36 % d’actes en moins qu’un médecin installé en libéral et la « file active » d’un médecin généraliste est inférieure de 325 patients par rapport à celle d’un médecin installé en libéral ([60]).

Certaines structures coordonnées souffrent de modèles de financement complexes qui ne permettent pas, à ce stade, d’assurer leur pérennité. L’inspection générale des affaires sociales a ainsi relevé que deux-tiers des centres de santé dégageaient un résultat d’exploitation négatif ou nul ([61]).

Un état des lieux du développement des centres de santé et des maisons de santé pluriprofessionnelles

Les centres de santé représentent une part marginale (1,2 %) des dépenses de soins de ville en 2024. Toutefois leur développement est marqué d’un dynamisme réel avec une croissance de près de 169 % du nombre de centres de santé médicaux depuis 2016 (1).

À date, les centres de santé recouvrent 586 structures, soit un total de 10 614 médecins salariés dont 5 933 médecins généralistes (2).

Les maisons de santé pluriprofessionnelles regroupent près de 40 000 professionnels, dont 29 % d’infirmiers et 23 % de médecins généralistes (3). Ils sont répartis dans 2 758 structures (4) bien qu’un plan spécifique visant le déploiement de 4 000 maison de santé pluriprofessionnelles a été initié au mois de juin 2023 (5).

(1)    Dr Hélène Colombani, présidente de la fédération nationale des centres de santé (FNCS), audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 3 juin 2025.

(2)    M. Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 3 juin 2025.

(3)    Mme Emmanuelle Barlerin, présidente d’AVECsanté, réponse au questionnaire du rapporteur de la commission d’enquête, p. 4, 30 mai 2025.

(4)    Mme. Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins, réponses aux questionnaires du rapporteur, p. 18, mars 2025

(5)    Ministère de la santé et de la prévention, « Plan d’action 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles », p. 2, Juin 2023.

Le modèle de rémunération des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des centres de santé

À l’instar d’autres structures de santé, les maisons de santé et les centres de santé bénéficient d’un modèle de financement double qui associe rémunération à l’activité(«  la file active ») et rémunération forfaitaire, le plus souvent sur la base d’indicateurs de santé publique ou relatifs à la coordination des soins.

Cette rémunération forfaitaire est déterminée de la manière suivante :

– pour les MSP : celles-ci peuvent bénéficier d’une rémunération spécifique en adhérant à l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles de 2017 et ce sous réserve du respect d’une série d’indicateurs socles (1) ;

– pour les centres de santé : ils peuvent choisir d’adhérer à l’accord susmentionné ou à l’accord national des centres de santé de 2015 qui leur donne également accès à une rémunération forfaitaire spécifique ;

Pour ce qui concerne le montant de la rémunération prévue par l’ACI relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles, celui-ci est calculé selon différents critères liés à la taille de la structure, au niveau de précarité des patients, au volume d’activité ou encore à la date d’adhésion à l’ACI. Chaque indicateur va donner lieu à un calcul de points – chaque point étant valorisé à raison de sept euros par point – des ajustements de dotation pouvant être réalisés.

Enfin, le versement de la rémunération intervient en deux temps avec, en premier lieu, une avance de 60 % du montant au printemps puis, dans un second temps, le paiement d’un solde de 40 % en fin d’année, une fois l’évaluation des indicateurs réalisée.

En ce qui concerne l’accord national des centres de santé, le modèle de rémunération est similaire avec une déclinaison des indicateurs par catégorie de profession. Il permet, en sus, aux professionnels de bénéficier du forfait patientèle médecin traitant qui sera remplacé, à partir du 1er janvier 2026, par le forfait médecin traitant (2).

(1)    Arrêté du 24 juillet 2017 portant approbation de l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles.

(2)    Arrêté du 20 juin 2024 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, article 21, p. 22.

-D Les déserts médicaux

La répartition territoriale de l’offre de soins se révèle fortement inégale et accentue les difficultés d’accès aux soins primaires. 30,7 % des médecins généralistes en activité ont plus de 60 ans en 2024, contre seulement 24 % en 2018 Selon un rapport d’information du Sénat ([155])14 départements présentent des fragilités significatives en cumulant, pour l’accès à trois spécialités au moins (dermatologie, ophtalmologies et cardiologie) des délais médians deux fois supérieurs aux chiffres obtenus à l’échelle national. Au-delà des infirmiers, l’ensemble des professions paramédicales est concerné par ces tendances lourdes d’inégalités d’accessibilité La France a perdu 4 000 officines de pharmacie entre 2007 et 2023, soit un rythme de 25 fermetures par mois

Le zonage médical au sein des QPV

Les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’actions complémentaires (ZAC), deux dispositifs concourant à faciliter l’installation de praticiens, ont été complétées par une « zone de vigilance » dans laquelle les professionnels de santé sont non éligibles aux aides mais peuvent bénéficier d’un accompagnement dans la mise en place d’exercice coordonné pluriprofessionnel.

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont le périmètre a été révisé en décembre 2023, constituent une unité géographique à part entière dans l’élaboration du zonage « médecine générale ». Les QPV étant par essence dans une situation de grande précarité, ceux-ci sont systématiquement catégorisés a minima en « ZAC » par les ARS, qui ont la possibilité de classer le QPV indépendamment de son territoire d’appartenance. Enfin, la convention médicale de 2024 prévoit que les aides conventionnelles à l’installation et au maintien en « ZIP » s’appliquent également aux QPV, permettant ainsi d’y renforcer l’accès aux soins.

Source : réponses de la DGOS aux questionnaires du rapporteur.

Le cumul des deux zonages atteint presque 75 % de la population française alors que la population qui connaît un problème caractérisé d’accès aux soins de premier recours représente entre 6 % et 20 % de la population ([169]).

Ces zonages sont accusés de rigidifier l’offre de soins et de ne pas s’adapter à l’évolution des besoins locaux.« les zonages actuels offrent une vision biaisée de la réalité territoriale. Une véritable territorialisation nécessite une identification directe des besoins sur le terrain et une mise en relation efficace avec les professionnels de santé » ([170]). « Les zonages actuels offrent une vision biaisée de la réalité territoriale. Une véritable territorialisation nécessite une identification directe des besoins sur le terrain et une mise en relation efficace avec les professionnels de santé » ([170]). On observe en, sur le long terme, une progression de la proportion de patients sans médecin traitant, passée de 10,2 % de la population fin 2014 à 11,3 % fin 2023.

Recommandation n° 1 : resserrer le champ des bénéficiaires des aides à l’installation afin d’en améliorer l’efficience sur les zones les plus sous-dotées. Recommandation n° 2 : mettre en place une actualisation annuelle des zonages par les ARS et généraliser un dialogue étroit avec l’association départementale des maires pour leur élaboration.

RÉPONDRE À LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE PAR LA MOBILISATION DE RESSOURCES MÉDICALES ENCORE INEXPLOITÉES

1.  Le développement nécessaire des assistants médicaux Libérer les médecins et les professionnels de santé des activités administratives chronophages qui font perdre du temps médical est l’un des leviers qui semblent le plus nécessaire d’actionner à court terme. Plusieurs initiatives législatives ont entendu œuvrer en faveur d’une simplification administrativepour libérer du temps médical.

Pourtant, la mission Albertini-Franzoni ([275]) a constaté un écart important entre ce qu’impose la réglementation concernant la délivrance d’un certificat médical et les demandes issues des organisations et structures (associations sportives, lieux d’accueil des jeunes enfants…) en la matière. À cet effet, plusieurs mesures, ont été prises pour réduire la production de certificats médicaux ([276]).

Votre rapporteur entend accélérer cette dynamique en proposant d’abroger les dispositions légales instituant des obligations injustifiées de certificats médicaux.

Recommandation n° 22 : en cohérence avec les dispositions de la proposition de loi déposée par le président Mouiller, supprimer par voie législative les certificats médicaux considérés comme non essentiels.

2. IPA : renforcer l’accès en ville et l’attractivité du métier

Une deuxième piste de travail concerne le développement de la pratique avancée. À cet égard, l’IGAS encourageait le déploiement des IPA, eu égard à  « l’impact très positif de l’installation des premières IPA en matière de qualité de suivi et de soins des patients comme d’amélioration des conditions d’exercice des médecins impliqués » ([277]).

Pourtant, cette réforme ne porte pas encore pleinement ses fruits. L’IGAS soulignait que l’essor de la pratique avancée a été « contrarié à la fois par la dépendance au médecin qu’elle instaure pour l’accès à la patientèle, et un modèle économique inadapté et sous-dimensionné » ([278]).

La loi transpartisane sur la profession d’infirmier, récemment adoptée par le Parlement ([279]), a entendu faciliter l’évolution des IPA, qui pourront désormais exercer dans de nouveaux secteurs : dans les services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire, d’aide sociale à l’enfance (ASE) ou d’accueil du jeune enfant. Les infirmiers de spécialité (anesthésie, bloc opératoire, puériculture) pourront eux-aussi exercer en pratique avancée tout en conservant leur spécialité. Enfin, une procédure facultative de reprise d’activité est mise en place pour les infirmiers et les IPA ayant interrompu leur carrière pendant plus de six ans.

Il faut accélérer leur déploiement afin de répondre aux besoins de soins exprimés dans les territoires. Le législateur avait estimé qu’ils pouvaient concerner entre 1 % et 3 % des infirmiers recensés. Une telle proportion reviendrait aujourd’hui à disposer d’environ 6 000 à 18 000 IPA, en retenant le nombre actuel d’infirmiers en exercice. Le déploiement des IPA est largement inférieur aux objectifs qui avaient été fixés. Le « Ségur de la santé » visait 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à la fin de 2022. Afin d’atteindre les objectifs fixés, votre rapporteur invite les pouvoirs publics à accélérer le déploiement des IPA. À cet égard, il préconise un maintien partiel de rémunération pour les infirmiers libéraux en formation pour exercer en pratique avancée d’une part, et une refonte du modèle économique de l’exercice libéral en pratique avancée d’autre part.

Si les dernières évolutions législatives ont permis de surmonter certains freins au déploiement de la pratique avancée, il apparaît nécessaire d’aller encore plus loin car les retours d’expérience des professionnels sur ce dispositif sont très encourageants. À cet égard, pour le rapporteur, la redéfinition du cadre d’exercice des IPA doit aller vers la reconnaissance du caractère « intermédiaire » de la profession, entre le médecin et l’IDE, afin de renforcer sa place dans le parcours de soins. Le champ des prérogatives des IPA doit être étendu, notamment en matière de prescription médicamenteuse dans le cadre de pathologies stabilisées ou en prévention, afin d’éviter des consultations médicales de routine. L’accès direct doit être renforcé pour les activités d’orientation, d’éducation, de prévention, et de dépistage. Par ailleurs, les protocoles d’organisation doivent être assouplis et les modalités d’adressage du patient doivent être simplifiées afin de favoriser la mise en œuvre d’un exercice coordonné entre praticiens.

Recommandation n° 23 : Assurer une revalorisation de l’indemnité des infirmiers de pratique avancée. Recommandation n° 24 : Assouplir les protocoles d’organisation et simplifier les modalités d’adressage du patient afin de mieux coordonner l’exercice des praticiens. Étendre le champ des prérogatives et renforcer l’accès direct aux IPA pour les activités d’orientation, d’éducation, de prévention et de dépistage.

3. Le cas des PADHUE : des examens pratiques à entamer

Les PADHUE constituent une opportunité, voire une nécessité pour le système hospitalier, face à la désertification médicale et à la baisse de la densité des praticiens. Le statut de « praticien associé à diplôme hors Union européenne » a été créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a entendu rénover la procédure de droit commun d’autorisation d’exercice afin de sécuriser le parcours de ces praticiens et d’améliorer leur accueil en établissement. Aujourd’hui, le nombre de médecins étrangers (dont les médecins diplômés en Union européenne) disposant du plein exercice en activité et inscrits au tableau du Cnom est de 30 961, soit deux fois plus qu’en 2010. Ils représentent désormais 13,1 % des médecins en activité, contre 7,1 % en 2010 ([280]). Ces médecins sont inégalement répartis sur le territoire et sont majoritairement présents dans les départements d’Île-de-France, qui comptabilisent près de 30 % des médecins diplômés à l’étranger. Pour autant, le Cnom remarque que les médecins étrangers sont davantage présents en proportion dans les départements où la densité médicale est faible. Dès lors, les Padhue contribuent pleinement au maintien de l’offre de soins et permettent de répondre aux besoins importants de recrutement des établissements de santé. Au 1erjanvier 2024, 17 619 PADHUE exerçaient en France, dont 3 430 médecins généraux, 1 528 psychiatres et 1 413 anesthésistes-réanimateurs. Après cinq ans d’exercice, 50 % des PADHUE exercent toujours en milieu hospitalier et 17,6 % exercent en libéral. Les difficultés de recrutement sont les plus marquées, telles que la psychiatrie, la médecine d’urgence, la pédiatrie, la médecine générale et la gériatrie ou encore la gynécologie-obstétrique Les épreuves de validation des compétences, communes à tous les médecins étrangers, apparaissent mal calibrées, ne prenant pas en compte l’expérience pratique des praticiens ayant exercé en France et favorisant les médecins tout juste sortis de formation. Il apparaît nécessaire de créer des épreuves spécifiques de validation des compétences mieux adaptées aux praticiens ayant une expérience préalable de deux ans au sein d’une structure de santé.

Recommandation n° 25 : Confier aux présidents de CME en lien avec le conseil de l’Ordre le soin de titulariser au cas par cas les PADHUE qui justifient d’une durée minimale d’exercice en France.

-E Les hôpitaux

LES ETABLISSEMENTS PUBLICS

Le couple Directeur Président de CME, un duo à renforcer qui souffre de « l’absence d’une véritable formation au management et au travail en équipe, y compris pluridisciplinaire, durant les études » (2). Il convient, dès lors, de renforcer l’effectivité du couple PCME – directeur afin de lutter contre les critiques d’une commission médicale d’établissement, considérée comme une simple « chambre d’enregistrement ».

(1) DREES, Les établissements de santé en 2023, édition 2025. (2) M. Thierry Godeau, président de la Conférence nationale des présidents de CME de centres hospitaliers, audition de la commission d’enquête.

Les Groupes Homogènes de Territoire (GHT): mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient grâce à un projet médical partagé, d’autre part assurer la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. Il existe aujourd’hui 136 GHT sur le territoire national. Il est majoritairement mis en œuvre à ce jour selon une logique de coopération, qui n’aboutit que rarement à une véritable restructuration de l’offre de soins publique sur le territoire (1). Votre rapporteur propose de revoir le périmètre de certains GHT pour en améliorer l’efficience et la coopération territoriale, en y intégrant notamment les établissements privés participant au service public hospitalier. (1) Cour des comptes, Chapitre IV Les groupements hospitaliers de territoire : un bilan en demi-teinte, un réforme à poursuivre, octobre 2020.

La perte d’attractivité

À l’hôpital public, ce décrochage se caractérise par un taux de départ significatif des personnels et un recours plus régulier à l’intérim médical et paramédical. En moyenne, une infirmière hospitalière sur deux a ainsi quitté l’hôpital public ou changé de métier après dix ans de carrière, notamment du fait de conditions de travail marquées par des sujétions plus importantes ([63]). En réponse à ce phénomène votre rapporteur constate une dynamique haussière du recours à l’intérim médical qui, en dépit de sa proportion marginale dans l’emploi hospitalier global, a plus que doublé depuis 2021 ([64]).

Au-delà de l’amélioration des conditions de travail (cf. infra), votre rapporteur propose une régionalisation des recrutements de praticiens hospitaliers. En effet, en raison des transformations socioculturelles, les jeunes générations ne souhaitent plus être affectées au sein d’un seul établissement mais aspirent à plus de fluidité dans leurs parcours professionnels. L’option d’une régionalisation des recrutements à la sortie des études permettrait de s’orienter dans cette direction tout en permettant aux hôpitaux d’avoir un volant de recrutements plus souple.

Cette tendance de perte d’attractivité des emplois hospitaliers trouve notamment racine dans un « effet Covid » dont le rapporteur note qu’il n’a pas été encore parfaitement étudié.

Néanmoins, le constat demeure que les mesures du « Ségur de la santé » n’ont manifestement pas permis de fidéliser les personnels hospitaliers. En effet, 68 % des personnes mobilisées dans les services dits « Covid » ont connu des périodes inhabituelles de surcharge de travail. Pourtant, 80 % des personnels interrogés considèrent qu’ils « ne ressentent pas plus de reconnaissance envers leur travail qu’avant la crise » ([65]).

La gouvernance hospitalière souffre d’un modèle hiérarchique pyramidal et a un besoin d’un pilotage équilibré.

Les établissements publics supportent l’essentiel de la charge de continuité des soins, tandis que les établissements de santé privés à but lucratif bénéficient des avantages économiques d’un fonctionnement optimisé, sans assumer les sujétions associées à la permanence des soins. 

Décentralisation de la prise de décision pour les directeurs

« le centre national de gestion ne peut plus gérer efficacement toutes les situations individuelles. Une réflexion sur la régionalisation de certaines compétences s’impose, tout en maintenant la gestion de certains aspects au niveau des établissements, y compris pour les médecins et les directeurs » ([299]). Les commissions régionales paritaires, où les syndicats sont présents, offrent donc une alternative qui permettrait de garantir les droits de la défense.

Recommandation n° 33 : Décentraliser les procédures disciplinaires médicales à l’échelle de l’établissement pour les fautes comportementales et à l’échelle des commissions régionales de l’Ordre des médecins pour les fautes liées à l’exercice de l’art.

Étudier dans cette perspective l’opportunité de supprimer le centre national de gestion et de confier ses compétences de formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

L’intéressement collectif apparait comme un élément de motivation important, 

Votre rapporteur préconise un mécanisme d’intéressement collectif sous la forme d’une enveloppe annuelle à la main des pôles, dans le respect des orientations fixées par le projet d’établissement.

Recommandation n° 34 : Créer une prime variable dans la rémunération des personnels soignants attribuée sur la base d’indicateurs RH et de qualité de l’offre de soins.

Construire une culture commune de la gouvernance auprès des praticiens et des directeurs administratifs

Votre rapporteur préconise une intégration renforcée de praticiens dans les équipes de direction qui, dans certains établissements, pourrait utilement contribuer à un enrichissement mutuel des approches au sein des équipes de direction. Favoriser une diversification des profils en s’ouvrant davantage aux soignants, aux ingénieurs, aux formations en sciences humaines et sociales et aux médecins. Le concours de recrutement, actuellement géré par le CNG, pourrait être confié à l’EHESP afin d’assurer une meilleure adéquation avec l’évolution du contenu de la formation

Recommandation n° 35 : Favoriser la diversification des profils au concours de recrutement de l’EHESP, en créant une voie interne pour les professionnels hospitaliers.

Le financement des établissements: UN RETOUR PARTIEL À LA DOTATION ET UNE REVALORISATION DU MODÈLE DE FINANCEMENT « À LA QUALITÉ

Votre rapporteur estime nécessaire d’accélérer la transition du modèle de financement de l’activité hospitalière pour adopter un « mix de financement » composé à la fois d’une tarification à l’acte, d’une dotation populationnelle liée aux besoins de santé identifiés pour le territoire et sa population, et enfin d’un financement à la qualité encore marginal. La montée en charge d’une dotation populationnelle, au cœur des modèles retenus pour le financement de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR), a vocation à constituer un socle de financement adapté à la situation de l’établissement, à ses contraintes et aux missions dont il a la charge dans le territoire où il est situé. Evaluer les besoins liés au profil de la population selon son âge, la prévalence de certaines pathologies, les enjeux particuliers de santé publique mais aussi l’offre de soins disponible sur le territoire, tant en ville qu’en établissements de santé, quand les lacunes de celles-ci se répercutent souvent sur l’hôpital. Une approche territoriale doit être retenue pour faire correspondre le diagnostic des besoins, les documents de planification et les dotations attribuées aux établissements. Il apparaît que le pilotage des ARS doit être favorisé, sur la base de critères objectifs.

La situation des urgences

Une réforme du financement des urgences est donc intervenue en loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([323]). Les structures d’urgence sont désormais soumises à un mode de financement mixte comprenant ([324]) : – une dotation populationnelle qui représente 53 % de l’enveloppe nationale, dont l’attribution aux établissements est individualisée par les ARS, et qui est censée couvrir les frais fixes des structures des urgences au regard des besoins de la population concernée ; – des recettes liées à l’activité dont l’enveloppe nationale représente 45 % du coût attendu de l’activité des urgences et qui repose sur la facturation des forfaits « urgences » pour les passages non suivis d’hospitalisation ; cette part prend en compte les différences au sein de l’éventail des cas médicaux et chirurgicaux traités selon l’intensité de la prise en charge et la gravité de l’état des patients ; – une dotation qualité complémentaire qui représente 2 % du financement prévisionnel des urgences au niveau national, versée en fonction d’indicateurs fixés chaque année par le ministère de la santé. La part attribuée en fonction de la qualité du service rendu est particulièrement modeste : 2 % théoriquement à l’échelle nationale, 1 % dans les faits en 2023, selon la Cour des comptes ([325]). Les financements à la qualité sont souvent perçus comme « trop peu lisibles, insuffisamment porteurs pour les professionnels et ayant des procédures d’évaluation excessivement décalées dans le temps ou déconnectées des efforts réels » selon un rapport sénatorial ([328]). Le rapport de l’IGAS postule dès lors le principe selon lequel « toute réforme du financement à la qualité devrait se donner pour objectif principal de donner des incitations porteuses de sens pour les soignants, au sein d’une politique qualité dont la cohérence d’ensemble serait lisible pour eux » ([331]). Les contraintes associées aux obligations de service au cours du travail de nuit, paraissent d’autant plus fortes que les médecins libéraux n’ont plus l’obligation de participer à la permanence des soins depuis septembre 2003. Dans ces conditions,

Recommandation n° 38 : Revaloriser l’indemnité compensatrice de travail de nuit pour le personnel hospitalier.

Les inconvénients de l’intérim médical

Malgré de récents mécanismes de régulation de l’intérim médical, notamment via le plafonnement des rémunérations applicables, des stratégies de contournement ont été observées, notamment par une hausse du nombre des contrats de vacataires ([338]). Les établissements ayant régulièrement recours à des emplois temporaires font état de difficultés à intégrer dans des démarches qualité et de gestion des risques de long terme des intérimaires ([340]). Le renforcement du turn-over constitue un des facteurs explicatifs de la hausse des évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ([341]). De même, la Cour des comptes constate un recours excessif à l’intérim paramédical dans les établissements de santé. En 2023, l’intérim paramédical a ainsi représenté une dépense de 825 millions d’euros, dont 472 millions d’euros pour les hôpitaux publics, soit une augmentation de 600 % en 10 ans. Votre rapporteur s’inquiète de cette dérive et appelle à une régulation renforcée en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.

Recommandation n° 39 : Renforcer la régulation en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.

La crise des urgences hospitalières

La préservation des ressources humaines hospitalières est une condition essentielle pour la survie des urgences. La crise actuelle des urgences hospitalières résulte de deux dynamiques conjointes : une augmentation continue et non régulée de la demande, et une érosion préoccupante des effectifs soignants. La pénurie de médecins urgentistes, déjà structurelle, est accentuée par la perte d’attractivité de cette spécialité. Celle-ci s’explique à la fois par la pénibilité propre à l’activité (intensité, horaires, permanence des soins) et par un environnement de travail de plus en plus dégradé, marqué par la saturation des services, les difficultés à trouver des lits d’aval, mais aussi la montée des incivilités et des violences à l’encontre du personnel.

Le système de soins non programmés fonctionne mal. Malgré le SAS et une permanence des soins ambulatoires couvrant presque tout le territoire, 30 à 40 % des passages aux urgences pourraient être évités, notamment du fait d’une prise en charge trop tardive. Le réflexe du « tout urgence » reste trop ancré dans la population. » ([3. Dans son rapport annuel de 2019, la Cour des comptes relevait « un sous-effectif médical générateur de tension dans un nombre croissant d’établissements », une profonde modification des modes d’exercice, avec plus des trois-quarts des médecins travaillant à temps partiel, des « difficultés de recrutement de personnels médicaux », « une hausse exponentielle du recours à l’intérim », « un besoin supplémentaire d’ETP d’urgentistes de l’ordre de 20 %» ([307]) .

Les services d’accès aux soins

Une plateforme permettant aux personnes d’accéder à toute heure de la journée à un professionnel de santé, qui peut notamment l’orienter vers une consultation sans rendez-vous en médecine de ville ou vers un service d’urgence.

Le service d’accès aux soins (SAS), proposé en 2019 est encore en cours de déploiement mais couvre d’ores et déjà presque 96 % de la population grâce à 93 SAS qui fonctionnent dans 95 départements en mars 2025 selon la DGOS. L’objectif du SAS est de favoriser la coopération entre la médecine de ville et les services d’urgences pour le traitement des soins non programmés. Il a pour objet « d’évaluer le besoin en santé de toute personne qui le sollicite, de délivrer à celle-ci les conseils adaptés et de faire assurer les soins appropriés à son état » ([309]). Il fonctionne avec 2 filières: d’une part, la régulation médicale de l’aide médicale urgente (SAMU), et d’autre part, une régulation de médecine générale en journée pour les soins non programmés, mise en place avec des associations de médecins libéraux du territoire pour répondre aux besoins de soins non programmés pendant la semaine de 8 à 20 heures et le samedi matin. Il est prévu que le SAS s’ouvre dans un second temps vers les spécialités.

Votre rapporteur souhaite renforcer le rôle de la régulation médicale téléphonique qui permet de faire « tomber » entre 50 % et 70 % de la demande de soins sur seul conseil médical et élargir les régulateurs et effecteurs des soins non programmés en impliquant les infirmiers, les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes.

Recommandation n° 36 : Poursuivre la clarification des règles et la revalorisation des incitations et majorations tarifaires liées à la participation à la PDSA ou au SAS.

Permanence des soins en établissements de santé publics et privés

Elle révèle aujourd’hui un déséquilibre profond avec le secteur privé lucratif. En effet, 82 % des gardes sont assumées par les hôpitaux publics contre seulement 13 % pour les cliniques privées à but lucratif. Les directeurs généraux des ARS ne disposent aujourd’hui d’aucun levier réellement efficace pour répondre aux situations de fragilité, voire de carence, en matière de permanence des soins, c’est un processus de concertation et de désignation sans véritable levier coercitif. Le principe de responsabilité est affirmé pour le Directeur de l’ARS, la capacité d’organisation est encadrée, mais la défaillance n’est que peu, voire pas, sanctionnée.

Recommandation n° 37 : sanctionner les carences des établissements de santé en matière de permanence des soins par l’application d’un malus sur les dotations forfaitaires.

LES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS À BUT LUCRATIF DANS L’OFFRE DE SOINS : UN POSITIONNEMENT RENTABLE QUI REPOSE SUR UNE FORME D’INIQUITÉ PAR RAPPORT AU SECTEUR PUBLIC

Une qualité des soins expliquée par une activité concentrée sur un faible nombre d’actes et des soins programmés

Cette situation pose la question de la complémentarité entre les secteurspublic et privé, mais aussi de la régulation nécessaire pour garantir une répartition équitable des charges, des missions et des financements. Les patients accueillis dans le secteur privé sont plus jeunes, en meilleure santé, et hospitalisés pour des actes programmés de courte durée. Ils nécessitent moins de coordination complexe et de soins intensifs, et présentent un risque réduit de complications. À l’inverse, les hôpitaux publics assurent une prise en charge globale et complexe, avec des pathologies multiples, des états de dépendance, des interventions en urgence, et une dimension sociale souvent lourde (isolement, précarité, troubles mentaux, etc.). Ces conditions rendent la satisfaction plus difficile à atteindre, non pas à cause d’un défaut de qualité intrinsèque, mais en raison de la complexité du contexte. Dans ce contexte, les établissements privés à but lucratif ont développé une stratégie de rentabilité fondée sur une spécialisation dans les actes programmés, à faible complexité médicale, à faible variabilité clinique et à haut rendement économique. Le choix stratégique des établissements privés à but lucratif permet de maximiser les marges bénéficiaires tout en limitant les coûts fixes liés aux imprévus médicaux.  La programmation des soins permet une gestion plus efficiente des blocs opératoires, du personnel médical et des équipements. Les séjours sont plus courts, souvent limités à quelques heures, ce qui réduit les dépenses d’hébergement, de restauration, ou encore d’assistance médicale lourde. Les actes réalisés – tels que la chirurgie de la cataracte, les arthroscopies ou certaines opérations orthopédiques – présentent des protocoles standardisés, un taux de complications faible et une récupération rapide des patients. L’une des inégalités structurelles majeures réside dans la répartitiondes obligations entre les secteurs public et privé. Alors que les hôpitaux publics doivent assurer la continuité du service public – gardes, astreintes, prises en charge en urgence, soins palliatifs, réanimation, etc. – les cliniques privées ne participent pas, pour l’essentiel, au service public hospitalier. Cela leur permet de concentrer leurs ressources sur les actes les plus rentables et de réduire leur masse salariale. Aussi, cette division structurelle déséquilibrée du travail hospitalier, favorable aux établissements privés à but lucratif, est accentuée par la répartition territoriale : les cliniques privées sont concentrées dans les zones urbaines et attractives, tandis que certaines régions rurales sont principalement couvertes par le secteur public.

Une politique des ressources humaines attractive qui masque une concurrence vis-à-vis du secteur hospitalier

En effet, les établissements privés à but lucratif bénéficient de modalités de recrutement plus souples et attractives que les hôpitaux publics. Contrairement à ces derniers, soumis à des règles de concours et de statut, les cliniques peuvent conclure des CDI ou des contrats d’exercice libéral immédiatement, sans contrainte réglementaire. Les revenus très élevés tirés des honoraires créent un appel d’air favorable au privé lucratif. En 2023, selon l’enquête SOLEN, 82 % des gardes et 77 % des astreintes sont assurées par le secteur public, contre seulement 13 % et 18 % respectivement pour les cliniques privées lucratives (1)  Les établissements privés lorsqu’ils disposent d’une autorisation pour accueillir les urgences contribuent également de manière notable. Dans certaines grandes agglomérations comme Marseille, Lyon, Reims ou Strasbourg, des opérateurs privés participent de manière significative à cette activité durant le week-end, tout en étant confrontés à de fortes contraintes pour constituer et stabiliser leurs équipes soignantes.

La PDSES, dans son fonctionnement actuel, fragilise l’égal accès aux soins sur le territoire. Elle menace aussi la soutenabilité du système de santé, particulièrement en période estivale ou de fêtes, où la raréfaction du personnel rend la situation critique.

Cette organisation « à la carte » crée une situation de concurrence déséquilibrée entre les établissements privés à but lucratif et les hôpitaux publics. En effet, les établissements publics, en tant que parties prenantes du service public hospitalier, imposent à leurs praticiens de garantir la continuité et la permanence des soins.

À l’inverse, les établissements privés, pourtant responsables à titre collectif de la permanence des soins, ne s’estiment généralement pas tenus à cette obligation, comme votre rapporteur a pu le constater lors de son déplacement au CHU de Nancy.

.(1) IGAS, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, juin 2023, p. 5. (2) DREES, Les établissements de santé en 2022 – Édition 2024, 18 juillet 2024, p. 139.

-F La remise en cause des ARS

Les relations entre les ARS et les élus : chronique d’un malentendu

Force est de constater que l’affirmation croissante des collectivités territoriales dans la lutte contre la désertification médicale s’est heurtée à une absence de reconnaissance de la part des services des agences régionales de santé. On note une amélioration, mais votre rapporteur a néanmoins observé la persistance de certaines pratiques. Certaines agences avaient, par le passé, édicté pour consigne de ne pas répondre aux sollicitations des élus ([139]).

Un tel sentiment est d’ailleurs renforcé pour les élus issus des territoires ruraux qui sont confrontés, avec une acuité particulière, à la désertification médicale ([140]). L’institut de sondage Ipsos relevait, sur ce point, qu’une majorité d’élus (68 %) souhaitait que les ARS adaptent plus efficacement leurs actions aux besoins de santé des territoires, notamment ruraux ([141]).

La crise sanitaire de la Covid-19 a témoigné, en ce sens, de la transmission très imparfaite des informations entre services et collectivités. Ainsi, 58 % des élus interrogés alors estimaient que la qualité des informations communiquées pendant la crise par les ARS était « faible » voire « très faible » ([142]). Les résultats de ce sondage retiennent d’autant plus l’attention de votre rapporteur, que les élus locaux constituent, bien souvent, « la première ligne » vers laquelle se tournent les citoyens en période de crise.

 Des agences régionales de santé aux compétences trop larges en comparaison de leurs moyens

Leur création n’a pas, aux dires des acteurs, contribué à renforcer une gestion « en proximité » des problématiques de santé. Votre rapporteur note, sur ce point, les grandes difficultés qu’il a pu rencontrer, dans son département des Vosges, pour échanger avec la directrice départementale compétente de l’ARS.

La logique de décloisonnement des compétences des services de l’État n’a pas été pleinement concrétisée. Ainsi, la critique d’une organisation du système de soins marquée par la prééminence du « tout à l’hôpital » perdure et les actions de coordination ville-hôpital sont encore marquées par de réelles difficultés, notamment dans la gestion des soins non programmés ([90]).
Si la régionalisation des politiques de santé produite par la création des ARS a pu conduire à un éloignement de l’échelon de prise de décision, cet effet a été largement accentué par la réforme territoriale opérée par loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ([91].

De façon concomitante, les ARS se sont vues concurrencées dans l’exercice de certaines de leurs compétences par un échelon encore plus centralisé, celui de la caisse nationale de l’assurance maladie. En ce sens, de nombreuses associations de patients, d’élus et de professionnels regrettent que les politiques de zonages relevant, en principe, de la compétence des agences soient, en pratique, élaborées par la Cnam et ce sans dialogue approfondi avec les territoires ([92]).

La faiblesse des moyens alloués aux agences régionales de santé (ARS) et la qualité relative des personnels qui y sont affectés contribuent également à ce bilan « en demi-teinte » de l’action des agences, plus de dix ans après leur création. La secrétaire générale des ministères sociaux, Sophie Lebret, reconnaissait, à ce titre, qu’il était « impératif de faire évoluer le profil des agents » ([93]) positionnés à l’échelle des directions départementales.
La faible attractivité des carrières en agence, que ce soit à un échelon départemental ou régional. La région Occitanie, présente un taux d’emplois vacants pour les postes de médecins inspecteurs de la santé publique (MISP) estimé à 42 % 
L’évaluation de l’action des ARS relève principalement d’actions de contrôle administratif peu structurantes. Le contrôle de la mise en œuvre de la politique de santé par les ARS n’apparaît pas, non plus, adéquat. À cet égard, votre rapporteur insiste sur la nécessité de définir un modèle qui puisse garantir un contrôle politique renforcé de ce champ crucial de l’action publique. Le conseil d’administration des agences – chargé d’approuver le compte financier de l’agence et d’émettre un avis sur le projet régional de santé et sur le contrat d’objectifs et de moyens – fonctionne moins comme une instance de contrôle que comme une « chambre d’enregistrement » et ce malgré le renforcement de la présence des élus en son sein ([97])

Des indicateurs essentiels relatifs à la qualité des soins ou au renoncement aux soins (nombre d’évènements indésirables graves, part de patients pris en charge relevant de la protection universelle maladie, taux de participation à la permanence des soins) ne figuraient pas dans le suivi de l’action des ARS.

Si les défauts de gouvernance des ARS alimentent les défaillances d’organisation de l’offre de soins, votre rapporteur considère, plus largement, que la politique publique de santé souffre d’une « suradministration ».

Un éclatement des structures de planification

– la stratégie nationale de santé qui constitue la feuille de route interministérielle en matière de santé pour une durée de cinq ans ([101]) ;

– le projet régional de santé qui décline les orientations – notamment à travers une série d’autorisations d’exercice – de la stratégie sur une période de cinq ans. Il est lui-même constitué à partir d’un cadre d’orientation stratégique chargé de fixer les orientations décennales de la politique publique ([102]). Le programme régional de prévention et relatif à l’accès aux soins des personnes démunies en constitue la traduction sur le public spécifique des personnes précaires ;

– les projets territoriaux de santé assurent, quant à eux, la déclinaison départementale des PRS et constituent, se faisant, le cadre d’action des directions départementales de chaque ARS ([103]) ;

– le diagnostic territorial partagé arrêté par les agences régionales de santé avec la participation des conseils territoriaux de santé correspond à une étude des besoins de santé, sociaux et médico-sociaux du territoire ([104]) ;

– les contrats locaux de santé, signés généralement à l’échelon intercommunal avec les ARS et qui permettent de mutualiser les moyens des collectivités afin de répondre aux besoins de santé à un niveau infra-départemental ([105]) ;

– les contrats territoriaux de santé qui constituent le cadre d’action général des ARS et de leurs partenaires à l’échelle départementale ([106]) ;

– le projet médical partagé enfin, qui traduit la stratégie médicale des groupements hospitaliers de territoires (GHT) et, in fine, la territorialisation du service public hospitalier ([107

Transformer les ARS : une reprise en main par les services préfectoraux

Le modèle cible visé par le rapporteur entend assurer une profonde réorganisation de la gouvernance des agences régionales de santé au bénéfice du corps préfectoral. Dans cette perspective, la loi sera modifiée afin de supprimer l’établissement public administratif « agence régionale de santé », au profit de la création d’une « direction régionale à l’accès aux soins ». Les directions départementales des agences, dont l’existence relève aujourd’hui du champ réglementaire, seront intégrées aux services de l’État dans le département (1) . Un « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » sera nommé en conseil des ministres afin de coordonner l’action des services de l’État dans le domaine de la santé et d’assurer, dans le respect des compétences des intercommunalités, l’organisation du service public des soins de premier recours. Les personnels départementaux de l’agence seront placés sous l’autorité conjointe du secrétaire général de la préfecture et du « sous-préfet à l’accès aux soins ». En matière de gouvernance régionale, le préfet de région aura autorité sur les services de la direction régionale et rendra compte de son action au conseil national de pilotagepour ce qui relève de son action stratégique, et dans le cadre du dialogue de gestion, pour ce qui relève de l’exécution budgétaire.

(1)    Cons. const. Décision n° 2015-260-L du 19 novembre 2015 et article L.1 432 -2 du code de la santé publique.

Recommandation n° 13 : mener une restructuration des « agences régionales de santé » et transférer leurs compétences aux directions régionales à l’accès aux soins, sous réserve de la répartition des autres compétences tel que proposée dans le présent rapport. Recommandation n° 14 : créer une nouvelle catégorie de « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » en lieu et place des directeurs départementaux. Confier la tutelle de la direction régionale à l’accès aux soins au préfet de région. Recommandation n° 15 : maintenir le rôle de contrôle stratégique de l’action en santé des services de l’État et notamment le conseil national de pilotage.

Si les propositions du rapporteur impliquent une profonde réorganisation de l’action de l’État en santé, elle présente des avantages significatifs. En premier lieu, la création d’un service public des soins de premier recours donnera enfin aux intercommunalités la base juridique leur permettant de répondre, à leur échelle, aux problématiques locales d’accès aux soins.

En outre, la réintégration des compétences des ARS au sein des services de l’État facilitera la gestion de leur masse salariale et permettra un pilotage allégé de leur action. En effet, le format de l’établissement public impliquant une certaine autonomie, les impulsions de politique publique peinent à être pleinement transmises aux agences. À cet égard, votre rapporteur observe que le contrat d’objectifs de moyens et de performance est un instrument à la gestion lourde et qui ne constitue pas le support d’un dialogue stratégique suffisant.

Enfin, le choix de revaloriser – par la création d’une catégorie spécifique de sous-préfet « à mission » – les carrières au sein des services de l’État en charge de la santé permettra, selon votre rapporteur, de résoudre la problématique de qualité de la ressource humaine relevée au cours des auditions.

Concernant l’exigence de proximité, votre rapporteur estime que la réorganisation de la gouvernance territoriale des politiques de santé pourrait s’accompagner d’une déconcentration plus forte des moyens financiers, en cohérence avec les orientations données par le président de la République, en 2024, à l’occasion de la « conférence managériale de l’État » ([263]).

Sur ce point, il convient d’observer que les agences régionales de santé ont, d’ores et déjà, initié de tels changements en déléguant une partie de la gestion des crédits relevant du fonds d’intervention régional (FIR) à leurs directions départementales respectives. Néanmoins, l’intensité de ces délégations est variable selon les régions, l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur ayant, à titre d’exemple, délégué à peine 5 % de son enveloppe contre plus du double pour la région Grand Est (14 %) ([264]).

En conséquence, votre rapporteur juge nécessaire de consolider une doctrine commune à chaque agence, ou « direction régionale de l’accès aux soins »nouvellement créée, afin d’entériner le principe d’une délégation systématique d’une fraction des crédits relevant du FIR à l’échelle départementale.

Recommandation n° 16 : modifier les articles L. 1 438-8 et L. 1 438-10 du code de la santé publique afin d’assurer une délégation de la gestion à l’échelle départementale d’au moins un tiers des crédits des enveloppes budgétaires régionales des FIR.

Pour un contrat local de santé au cœur de l’organisation des soins de premier niveau

Si les propositions du rapporteur impliquent une profonde réorganisation de l’action de l’État en santé, elle présente des avantages significatifs. En premier lieu, la création d’un service public des soins de premier recours donnera enfin aux intercommunalités la base juridique leur permettant de répondre, à leur échelle, aux problématiques locales d’accès aux soins. En outre, la réintégration des compétences des ARS au sein des services de l’État facilitera la gestion de leur masse salariale et permettra un pilotage allégé de leur action. En effet, le format de l’établissement public impliquant une certaine autonomie, les impulsions de politique publique peinent à être pleinement transmises aux agences. À cet égard, votre rapporteur observe que le contrat d’objectifs de moyens et de performance est un instrument à la gestion lourde et qui ne constitue pas le support d’un dialogue stratégique suffisant. Enfin, le choix de revaloriser – par la création d’une catégorie spécifique de sous-préfet « à mission » – les carrières au sein des services de l’État en charge de la santé permettra, selon votre rapporteur, de résoudre la problématique de qualité de la ressource humaine relevée au cours des auditions. Concernant l’exigence de proximité, votre rapporteur estime que la réorganisation de la gouvernance territoriale des politiques de santé pourrait s’accompagner d’une déconcentration plus forte des moyens financiers, en cohérence avec les orientations données par le président de la République, en 2024, à l’occasion de la « conférence managériale de l’État » ([263]). Sur ce point, il convient d’observer que les agences régionales de santé ont, d’ores et déjà, initié de tels changements en déléguant une partie de la gestion des crédits relevant du fonds d’intervention régional (FIR) à leurs directions départementales respectives. Néanmoins, l’intensité de ces délégations est variable selon les régions, l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur ayant, à titre d’exemple, délégué à peine 5 % de son enveloppe contre plus du double pour la région Grand Est (14 %) ([264]). En conséquence, votre rapporteur juge nécessaire de consolider une doctrine commune à chaque agence, ou « direction régionale de l’accès aux soins »nouvellement créée, afin d’entériner le principe d’une délégation systématique d’une fraction des crédits relevant du FIR à l’échelle départementale.

En cohérence avec les recommandations précédentes relatives à la création d’un service public des soins de premier recours, votre rapporteur estime nécessaire d’acter une décentralisation concertée de ce pan des politiques de santé.

À cet égard, il considère que les contrats locaux de santé – négociés et signés avec les services de l’État – doivent constituer le principal outil de territorialisation de ce nouveau service public, en lieu et place des dispositifs existants. Cette conviction est d’ailleurs partagée par un certain nombre d’auditionnés qui considèrent le CLS comme la maille adéquate d’organisation des soins de ville. Ainsi, selon Jean-François Moreul, président de la fédération des communautés professionnelles territoriales de santé : « Les contrats locaux de santé jouent également un rôle important. Il est particulièrement intéressant de faire collaborer les professionnels de santé et les élus dans ce cadre » ([272]).

Un CLS comporte – de façon obligatoire – des actions relevant du champ de la santé mentale, en coordination avec les dispositions du projet territorial correspondant. En outre, il sert de cadre d’orientation à l’action des communautés professionnelles territoriales en santé qui doivent, en présence d’un CLS, s’appuyer sur leurs actions pour concevoir et exécuter leur projet de santé. Enfin, sur un plan territorial, la conclusion des CLS, si elle ne constitue pas une obligation, doit intervenir prioritairement dans les zones marquées par des difficultés d’accès aux soins.

Le développement de plans santé au sein des collectivités du bloc communal relève moins, selon votre rapporteur, d’une planification déclinée à l’échelle de la commune que du constat d’une incapacité de l’État à soutenir une politique publique qui relève pourtant de sa compétence.

Dès lors, il convient d’intégrer l’ensemble des contractualisations existantes au sein de cet outil unique afin d’en renforcer la portée. Dans cette perspective, une modification législative devrait être conduite afin de fusionner le contrat territorial de santé – dont la définition apparaît d’ailleurs très large – dans le contrat local de santé.

Recommandation n° 19 : fusionner les contrats territoriaux de santé au sein des contrats locaux de santé, en cohérence avec la proposition relative à la création du sous-préfet à l’accès aux soins.

En outre, toutes les structures de prise en charge en soins de ville doivent être associées à la définition de cette politique des soins de premier recours à l’échelle locale. Si des instances de consultation existent, à l’instar du conseil territorial de santé, son positionnement institutionnel reste fragile, pour bon nombre d’acteurs ( leur positionnement institutionnel demeure flou » ([273])).

La suppression de cette instance du CTS en lui substituant, intercommunalité par intercommunalité, le CLS comme principal instrument du dialogue constitue, pour votre rapporteur, une option crédible.

Toutefois, celle-ci ne serait possible et souhaitable qu’à la condition d’associer obligatoirement toutes les structures de coordination en santé à la signature du CLS (CPTS, équipes de soins de premier recours, URPS, plateformes territoriales d’appui).

Recommandation n° 20 : étudier la possibilité de supprimer les CTS au profit de l’élargissement du nombre de signataires des contrats locaux de santé.

G- Une démocratie sanitaire plus théorique que réelle

Le concept de « démocratie sanitaire » a donc alimenté une certaine production législative sans, pour autant, que ces dispositions légales trouvent toujours une application, en pratique. Pendant le covid, un recours quasi-inexistant aux instances de démocratie en santé en période d’état d’urgence sanitaire. Les associations d’usagers relèvent régulièrement la faiblesse du dialogue qu’elles entretiennent avec les agences régionales de santé. La présidente de la « coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité », Michèle Leflon, relevait, par exemple, que les ARS consultent mais « n’entendent pas » les demandes et recommandations des usagers ([114]) . Certaines associations, à l’instar « d’APF France handicap », ont même intenté des actions en justice à l’endroit des agences, preuve manifeste des défaillances des instances de concertation dans le domaine du soin ([115]).

H- Implication des départements et des communes

Le département au croisement des politiques d’accès aux soins d’action sociale et de prise en charge de la dépendance

De façon historique, l’échelon départemental a été tenu à l’écart de la définition et de l’organisation des politiques de santé, au sens strict. Néanmoins, l’intensification des problématiques d’accès aux soins, au fil des années, a incité les départements à investir, bien que de façon indirecte, le champ sanitaire.

Sous réserve de la justification d’un « intérêt public local », l’usage de la clause permettait à ces collectivités de proposer des actions spécifiques de prévention en santé ou visant à renforcer l’accès aux soins des publics précaires ([118]) .

Ce sont près de 60 départements qui ont fait le choix de présenter un plan santé ([122]). Cette situation constitue, pour votre rapporteur, la preuve d’un décalage manifeste entre la répartition des compétences en matière de santé et la pratique de terrain d’acteurs soumis, bien souvent, à une obligation de résultats en matière d’accès aux soins.

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite « 3DS ») a entériné cet activisme départemental, en donnant aux départements la compétence nécessaire à la promotion de « l’accès aux soins de proximité sur le territoire départemental » ([124]).

Implication des communes dans les soins de proximité

Bloc communal et accès aux soins : le risque d’une compétition désorganisant l’accès à un médecin en ville

Les aides à l’installation des jeunes professionnels.  Il n’est, en effet, pas rare que les communes proposent à des jeunes professionnels une série d’aides complémentaires du droit commun. Le conseil de surveillance de l’établissement public de santé de la commune peut, au moyen de la « clause de compétence générale », intervenir dans le financement de certaines structures, comme l’illustre l’exemple « La Place santé » à Saint-Denis.

Le développement d’aides à l’installation à l’échelle des territoires relève, selon votre rapporteur, d’une forme de concurrence déloyale susceptible d’alimenter – au frais des contribuables locaux – d’importantes rivalités entre des collectivités qui n’ont pas toutes les mêmes potentiels financiers. Il est d’ailleurs rejoint dans cette analyse par M. Gilles Noël, vice-président en charge de la santé de l’AMRF qui appelle, purement et simplement, à « mettre un terme à la logique de concurrence financière entre collectivités pour attirer les professionnels de santé » ([137]).

Démunies face à des problématiques d’accès aux soins grandissantes, certaines communes font le choix d’enjoindre, par le biais d’arrêtés, l’État à mettre en œuvre un plan d’urgence pour assurer un accès équitable à la santé ([138]). Sans véritable portée contentieuse, ces actions sont néanmoins révélatrices, selon votre rapporteur, d’une inadéquation entre l’échelon de responsabilité mis en cause, le plus souvent localet celui, national, détenteur de la compétence.

Les centres communaux d’action sociale,

administrés à l’échelle des communes, participent à l’orientation dans le parcours de santé au travers du registre des personnes fragiles qu’ils complètent ou de l’évaluation des besoins sociaux qu’ils conduisent pour chaque bénéficiaire. De façon plus secondaire, les CCAS peuvent également être amenés à produire du soin – par le biais d’un prestataire le plus souvent – au sein des établissements d’hébergement pour personnes dépendantes qu’ils administrent (11 % du nombre total d’EHPAD sont administrés par des CCAS) ([134]).

-I La nécessité de créer un véritable service public des soins de premier recours

 La nécessité de créer un véritable service public des soins de premier recours, doté d’un chef de file clairement identifié.

L’assurance d’une plus grande proximité dans la gestion de l’organisation des soins, l’échelon régional des agences n’étant manifestement pas adapté pour territorialiser de façon adéquate les politiques de santé.

Votre rapporteur estime indispensable d’inscrire dans le droit la création d’un service public des soins de premiers recours en charge de l’exercice des missions qui suivent : – l’assurance d’une répartition équilibrée des professionnels de santé sur le territoire ; – la prise en charge en soins de ville des patients dans le cadre d’un parcours de soins coordonné ; – les actions de prévention en santé de premier niveau, y compris en santé mentale ou sexuelle ; – le diagnostic et le traitement d’affections ne nécessitant pas des plateaux techniques hospitaliers. Dans cette perspective, la gestion de ce nouveau service public pourrait être confiée aux intercommunalités sous réserve d’une contractualisation avec les services de l’État, représentés par un « sous-préfet délégué à l’accès aux soins ». Cette nouvelle catégorie de sous-préfet dit « à mission » serait créée dans le cadre d’une restructuration des services des agences régionales de santé. Lesdits sous-préfets seront placés sous la tutelle hiérarchique du ministère de l’intérieur et fonctionnelle du ministère de la santé.
Chargé de coordonner les politiques d’accès à la santé dans le département, le « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » se verra attribuer le pouvoir d’organisation des services départementaux dans le domaine de la santé.

En outre, il rendra compte, à raison d’une fois par trimestre, de son action au niveau régional lors d’un « comité d’administration régionale » en santé, spécifiquement créé à cet effet. Enfin, le préfet de région reprendra la tutelle des services régionaux en santé. Il pourra, dans les conditions de droit commun, déléguer les pouvoirs qu’il tire de sa fonction au « sous-préfet délégué à l’accès aux soins », présent auprès de lui au sein de la préfecture de région.

J- Remise en cause des cabinets de consultants extérieurs (affaire Mc Kinsey et Macron)

Le développement du conseil interne et l’encadrement des conditions d’accès aux prestataires extérieurs n’ont pas permis d’enrayer le recours aux cabinets privés

L’encadrement de l’accès à des prestataires extérieurs dans le domaine de la santé s’est matérialisé, au même titre que pour d’autres pans de l’action publique, par un encadrement des conditions de recours, d’une part, et par le développement des métiers du conseil interne au sein de l’État et des administrations publiques, d’autre part.

Concernant les dispositifs de régulation, le Gouvernement a, dès 2022, donné pour consigne de justifier chaque demande de prestation intellectuelle ou de conseil par l’insuffisance des ressources disponibles en interne (1). Enfin, en 2023, un plafonnement du montant des missions, à hauteur de deux millions d’euros par mission, a été acté.

En matière de développement des métiers de l’accompagnement, la création de l’agence de conseil interne au sein de la délégation interministérielle à la transformation publique, en 2018, a contribué à renforcer les capacités de l’État pour soutenir les opérateurs, notamment dans le domaine de la santé. La DITP a ainsi conduit, pour le compte de l’assurance maladie et de la délégation au numérique en santé, une étude visant à développer les parcours de prévention en santé au moyen des plateformes numériques (2).

Plus spécifiquement dans le champ des agences relevant de la tutelle des ministères sociaux, l’agence nationale de l’appui à la performance (Anap) propose, depuis 2009, un large répertoire de services à destination des opérateurs du monde de la santé.

Financée sur la base d’une dotation de l’assurance maladie et d’enveloppes fléchées, elle met à disposition – sous la forme d’appuis collectifs ou individuels – des pratiques et guides à destination des établissements de santé, administrations ou communautés de professionnelles.

En termes chiffrés, l’Anap a, par exemple, accompagné près d’un tiers des hôpitaux de proximité dans le développement de leur activité et la définition de leur projet médical. En matière de transport sanitaire, elle a également conduit un appui collectif auprès de 110 établissements, dont cinq CHUafin de moderniser leur fonction de transport sanitaire et de répondre au mieux à la demande des usagers (3).

(1)    Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022, précisée par la circulaire n° 6391 SG du 7 février 2023 relative aux prestations intellectuelles informatiques. (2)    Délégation interministérielle à la transformation publique, étude : « Développer les parcours de prévention en santé via les plateformes numériques », 18 juillet 2023.(3)    M. Stéphane Pardoux, réponses aux questionnaires du rapporteur, p. 6, 12 mai 2025.

En conséquence, il propose, en cohérence avec le rapport de la Cour des comptes portant sur ce thème, de limiter encore plus fortement le recours aux prestataires extérieurs par une sensibilisation renforcée des administrations ([270]). À cet effet, votre rapporteur recommande une modification du code de la commande publique afin de soumettre tout recours à un prestataire privé pour des missions relevant du pilotage stratégique de la politique de santé à une analyse de besoins préalable conduite par les agences et corps d’inspection compétents.

Recommandation n° 17 : modifier le code de la commande publique afin de soumettre à une analyse de besoins préalable le choix de recourir à un prestataire privé pour la conduite de missions relevant de la gouvernance de la politique de santé.

K- La grande sécu

À cet égard, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) a publié un rapport en janvier 2022 sur l’évolution de l’articulation entre la sécurité sociale et l’assurance maladie complémentaire. Le HCAAM rappelle que 4 % des Français ne bénéficient pas d’une assurance maladie complémentaire (AMC), et ce taux monte d’ailleurs à 13 % pour les chômeurs. Pour les frais de gestion des complémentaires, la France se place au deuxième rang de l’OCDE et les taux d’effort des ménages pour leurs dépenses restent importants. Le 100% santé n’a profité qu’aux salariés du privé et a créé un effet d’éviction en particulier pour les retraités âgés.

Le scénario 3 du HCAAM prévoit d’augmenter les taux de remboursement de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et de supprimer les tickets modérateurs, en contrepartie d’une réduction du champ d’intervention des assurances complémentaires aux seules dépenses de santé non comprises dans le panier de soins de l’AMO (dentaire, optique, audioprothèse, etc.) et aux dépassements d’honoraires.  la mise en œuvre de ce scénario entraînerait une augmentation des remboursements de l’AMO de près de 19 milliards d’euros par an, 7,6 milliards de frais de gestion économisés par la réforme, avec un coût total pour les finances publiques évalué à 22,5 milliards d’euros. Une telle réforme induirait des gains pour toutes les catégories d’assurés (jusqu’à 260 euros par an pour les retraités) et une baisse des primes croissante avec l’âge (jusqu’à 1 100 euros par an pour les plus de 80 ans).

Recommandation n° 26 : Étudier la possibilité de créer une « Grande Sécurité sociale ».

L- Les soins non programmés: une expansion rapide et anarchique des centres de soins non programmés (CSNP) et un morcellement du suivi médical

On distingue la permanence des soins en établissement (PDSES), qui donne lieu à des engagements formalisés de chaque établissement avec l’ARS, de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), fondée sur le volontariat des praticiens libéraux. Les centres de soins non-programmés (CSNP) ont comblé un vide, en créant toutefois de nouveaux déséquilibres. Leur essor, souvent déconnecté de l’organisation territoriale existante (absence de participation à la permanence des soins ambulatoires, manque de coordination avec les hôpitaux ou les maisons médicales de garde), peut produire des effets contre-productifs. Alors qu’il en existait moins d’une vingtaine en 2018, 93 CSNP ont été recensés fin 2022 par l’Observatoire régional des urgences d’Occitanie ([301]) Ces structures ne remplissent pas le rôle de médecin traitant. En facilitant un recours ponctuel et opportuniste aux soins, elles peuvent encourager une forme de consumérisme médical, au détriment du suivi global du patient. Les CSNP absorbent une part croissante de l’activité de soins urgents « légers », laissant aux structures hospitalières les cas complexes, chronophages et moins rentables, sans compensation en ressources humaines. Cela accentue la pression sur les équipes hospitalières.  Certains établissements – comme les CHU de Lille, d’Orléans et le CH du Puy-en-Velay – constatent le départ de médecins urgentistes de leur service d’urgences pour exercer dans ces structures, attirés par des conditions de travail plus confortables (absence de travail de nuit, meilleure rémunération, etc.) ([303]). Ces CSNP sont source de tensions avec les maisons médicales de garde voisines, dont ils fragilisent parfois l’équilibre économique et organisationnel. Leur développement anarchique met aujourd’hui en péril la permanence des soins, la qualité des parcours, et l’équilibre des ressources humaines dans le système de santé. Il conviendrait de réglementer les CSNP pour préserver la cohérence de l’offre de soins et prévenir les départs de personnel médical et paramédical. Le développement rapide des CNSP a participé à la fragmentation des parcours de soins. L’absence de lien obligatoire entre les CSNP et les dispositifs de coordination territoriale (CPTS, SAS, PDSA) engendre un morcellement du suivi médical. La qualité du soin s’en ressent, tout comme la pertinence des actes effectués.

Ainsi, le développement rapide et non régulé de ces structures – souvent à l’initiative d’acteurs privés lucratifs – a entraîné une désorganisation territoriale et un phénomène préoccupant de captation des professionnels de santé.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 procède à une régulation de l’implantation des CSNP. Ces structures devront obligatoirement se déclarer à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et à l’agence régionale de santé (ARS) compétentes. De plus, elles sont tenues de participer au service d’accès aux soins (SAS) et à la permanence des soins ambulatoire (PDSA). Il conviendrait que le régime d’autorisation spécifique soit renforcé par une autorisation préalable d’ouverture délivrée par le directeur de l’ARS, fondée sur une analyse territoriale des besoins et par l’exclusion de l’installation dans les zones à offre sur-dotée, pour préserver les zones en tension.

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Les recommandations du rapport

Recommandation n° 1 : restructurer les « agences régionales de santé » et transférer leurs compétences aux directions régionales à l’accès aux soins, sous réserve de la répartition des autres compétences tel que proposé dans le présent rapport.

Recommandation n° 2 : sanctionner les carences des établissements de santé en matière de permanence des soins par l’application d’un malus sur les dotations forfaitaires.

Recommandation n° 3 : réduire la durée des études de médecine à 8 ans en compressant la durée du premier cycle et en ajournant la réforme créant la quatrième année de médecine générale.

Recommandation n° 4 : permettre aux étudiants de redoubler la première année des études de santé, quelle que soit leur voie d’accès.

Recommandation n° 5 : créer une loi de programmation des besoins d’investissement en santé dotée d’un horizon pluriannuel de cinq ans.

Recommandation n° 6 : resserrer le champ des bénéficiaires des aides à l’installation afin d’en améliorer l’efficience sur les zones particulièrement sous-dotées.

Recommandation n° 7 : inscrire dans le code de la santé publique la définition d’un service public des soins de premier recours et en confier la gestion aux intercommunalités dans le cadre de la conclusion des contrats locaux de santé.

Recommandation n° 8 : créer une nouvelle catégorie de sous-préfet délégué à « l’accès aux soins » en lieu et place des directeurs départementaux. Confier la tutelle de la direction régionale à l’accès aux soins au préfet de région.

Recommandation n° 9 : modifier le code de l’action sociale et des familles afin de supprimer la double-tutelle administrative des ARS et des départements sur les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévoir la compensation de la charge financière ainsi créée au profit des départements.

Recommandation n° 10 : mettre en place une actualisation annuelle des zonages par les ARS et généraliser un dialogue étroit avec l’association départementale des maires pour leur élaboration.

Recommandation n° 11 : conduire une révision des maquettes pédagogiques des études de santé afin d’inclure des enseignements en sciences sociales ou de gestion.

Recommandation n° 12 : créer une voie de formation en alternance à partir de la fin de la deuxième année de médecine, sous réserve de la réduction de la durée d’études de premier cycle de trois à deux ans.

Recommandation n° 13 : étudier la possibilité de substituer un système d’examen au concours existant à la fin de la première année.

Recommandation n° 14 : supprimer l’étape d’étude du dossier pour les candidats à la voie « passerelle » titulaires du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée depuis au moins deux ans

Recommandation n° 15 : revaloriser le montant de l’indemnité associée au contrat d’engagement de service public pour les auxiliaires médicaux issus des voies passerelles d’accès aux études de médecine.

Recommandation n° 16 : fusionner les contrats territoriaux de santé au sein des contrats locaux de santé, en cohérence avec la proposition relative à la création du sous-préfet à « l’accès aux soins ».

Recommandation n° 17 : assurer une revalorisation de l’indemnité des infirmiers de pratique avancée.

Recommandation n° 18 : donner au directeur la capacité de sanctionner les fautes disciplinaires ne relevant pas de l’exercice de la médecine.

Recommandation n° 19 : décentraliser les procédures disciplinaires médicales à l’échelle de l’établissement pour les fautes comportementales et à l’échelle des commissions régionales de l’Ordre des médecins pour les fautes liées à l’exercice de l’art. Étudier dans cette perspective l’opportunité de supprimer le centre national de gestion et de confier ses compétences de formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Recommandation n° 20 : créer une prime variable dans la rémunération des personnels soignants attribuée sur la base d’indicateurs RH et de qualité de l’offre de soins.

Recommandation n° 21 : poursuivre la clarification des règles et la revalorisation des incitations et majorations tarifaires liées à la participation à la PDSA ou au SAS.

Recommandation n° 22 : revaloriser l’indemnité compensatrice de travail de nuit pour le personnel hospitalier.

Recommandation n° 23 : renforcer la régulation en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.

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Sommaire:

TOME 1 – RAPPORT

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT
INTRODUCTION DU RAPPORTEUR

PREMIÈRE PARTIE : LES RACINES DE LA CRISE DU SYSTÈME DE SANTÉ : DES DÉCISIONS PRÉJUDICIABLES ET UNE TENDANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DÉFAVORABLE

I. LES CAUSES DE LA DIMINUTION DE L’OFFRE DE SOINS DISPONIBLE : LES MUTATIONS DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL DES MÉDECINS ET LES CARENCES DU SYSTÈME DE FORMATION
A. UNE RÉFORME DES ÉTUDES DE SANTÉ AUX EFFETS ENCORE TIMIDES, UNE DÉPERDITION DES ÉTUDIANTS EN SANTÉ
1. Le numerus clausus : la source de la désertification médicale
2. Une réforme des études de santé qui peine à produire ses effets et une trajectoire d’augmentation du nombre de professionnels intenable en l’état
3. Les départs à l’étranger, l’abandon d’études et le développement de pratiques médicales « de niches » aggravent la crise de l’offre de soins
B. UNE MUTATION DE L’EXERCICE LIBÉRAL QUI CONDUIT À LA RÉDUCTION DU TEMPS MÉDICAL DISPONIBLE
1. Un exercice libéral en mutation
2. Les structures de coordination des professionnels : des modèles différents
3. Le temps médical : un décrochage bien réel
C. DES UNITÉS DE FORMATION ET DE RECHERCHE (UFR) EN MÉDECINE QUI PEINENT À RELEVER LES ENJEUX DE TERRITORIALISATION DE L’OFFRE DE SOINS
1. Une offre de formation en santé encore largement concentrée dans les territoires urbains et métropolitains
2. Pourtant la nécessité d’assurer l’ancrage territorial des professionnels de santé demeure

II. UNE GOUVERNANCE DU SYSTÈME DE SOINS LOINTAINE, PARFOIS OPAQUE ET QUI BRIDE LES NÉCESSAIRES RÉFORMES DU SYSTÈME DE SANTÉ
A. LA PLANIFICATION SANITAIRE : UNE ACTION RÉGALIENNE QUI PEINE À S’AFFIRMER
1. Des agences régionales de santé aux compétences trop larges en comparaison de leurs moyens
2. Des contractualisations et des supports administratifs qui contribuent à la complexification du pilotage de la politique publique
3. La « démocratie sanitaire » : une ambition louable, une mise en œuvre difficile
B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI S’AFFIRMENT EN RÉPONSE À L’EXTENSION DE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE
1. Le département au croisement des politiques d’accès aux soins d’action sociale et de prise en charge de la dépendance
2. Bloc communal et accès aux soins : le risque d’une compétition désorganisant l’accès à un médecin en ville
3. Les relations entre les ARS et les élus : chronique d’un malentendu

III. LE CONSTAT D’UNE HAUSSE DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES D’ACCÈS AUX SOINS
A. UNE DÉSERTIFICATION MÉDICALE QUI SE POURSUIT, UNE PERTE DE CHANCE QUI S’ACCENTUE EN DÉPIT D’INITIATIVES SOLIDAIRES ET INNOVANTES
1. La réduction de l’offre de soins est préjudiciable pour l’accès aux soins primaires et source d’inégalités d’accès aux généralistes, spécialistes et paramédicaux
2. Le zonage actuel des aides financières à l’installation contribue à rigidifier l’offre de soins
3. Le dépassement d’honoraires, le ticket modérateur : des outils à simplifier pour assurer une juste participation des usagers
B. MALGRÉ DES INITIATIVES INNOVANTES ET LA MONTÉE EN COMPÉTENCES DE CERTAINES PROFESSIONS, LE TEMPS MÉDICAL DISPONIBLE DEMEURE INSUFFISANT
1. Une nécessité de libérer les praticiens des tâches administratives
2. La vague de délégation de compétences reste insuffisante
3. Un statut d’IPA encore fragile et insuffisamment articulé avec les autres professionnels de santé
C. LA PERSISTANCE DES RISQUES RÉCURRENTS LIÉS À LA PRISE EN CHARGE DE PUBLICS FRAGILES
1. Une gestion de la dépendance et du virage ambulatoire qui n’a pas été anticipée
2. La périnatalité et la tension entre proximité et qualité des soins produits
3. La prise en charge psychiatrique : « cause nationale », moyens modestes

IV. LA CRISE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÈ : UN MANAGEMENT INADAPTÉ À UN MARCHÉ MARQUÉ PAR DES DÉFAILLANCES CONCURRENTIELLES
A. LA CRISE À L’HÔPITAL PUBLIC, ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
1. Le binôme directeur – président de la CME : un duo à renforcer
2. Le GHT critiqué pour son manque de moyens et sa fragmentation
B. LES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS À BUT LUCRATIF DANS L’OFFRE DE SOINS : UN POSITIONNEMENT RENTABLE QUI REPOSE SUR UNE FORME D’INIQUITÉ PAR RAPPORT AU SECTEUR PUBLIC
1. Une qualité des soins expliquée par une activité concentrée sur un faible nombre d’actes et des soins programmés
2. Une politique des ressources humaines attractive qui masque une concurrence vis-à-vis du secteur hospitalier
3. Une permanence des soins « à la carte » en attendant la réforme de la PDSES
C. LES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS À BUT NON-LUCRATIF, UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE INSUFFISAMMENT ARTICULÉ AVEC LE SECTEUR PUBLIC HOSPITALIER
1. Une spécialisation des établissements souvent révélatrice d’un champ d’activité restreint
2. Un dialogue social singulier « administratif – personnel médical » au sein des établissements FEHAP
3. Des modalités de financement qui fragilisent leur participation au service public hospitalier

DEUXIÈME PARTIE : AFFIRMER UN SERVICE PUBLIC DE LA SANTÉ CONTINU ET COHÉRENT DE LA FORMATION JUSQU’À LA PRISE EN CHARGE

I. PARACHEVER LA RÉFORME DES ÉTUDES DE SANTÉ, DONNER LA PRIMAUTÉ AUX FORMATIONS PRATIQUES
A. PASSER D’UNE LOGIQUE DE SÉLECTION À UN PROCESSUS DE FORMATION DES PROFESSIONNELS, AU PLUS PRÈS DU TERRAIN
1. Revenir sur l’obsession du concours et renforcer la qualité de la formation, théorique et pratique, des professionnels
2. Développer l’alternance, réduire la durée des études, favoriser le redoublement
B. DÉVELOPPER MASSIVEMENT LA FORMATION CONTINUE AFIN DE PALLIER LES CARENCES DU SYSTÈME DE FORMATION INITIALE
1. Consolider le développement de passerelles pour les professions médicales : un enjeu d’efficacité, une exigence méritocratique
2. Renforcer le taux de recours aux voies internes par l’amélioration des conditions d’études

II. ASSUMER UNE TERRITORIALISATION MARQUÉE DU SERVICE PUBLIC EN SANTÉ PAR UNE DÉCENTRALISATION RENFORCÉE ET UNE DÉCONCENTRATION ADAPTÉE
A. RECENTRER L’ÉTAT ET SES ÉTABLISSEMENTS SUR LA PLANIFICATION DE L’OFFRE DE SOINS
1. Clarifier la chaîne de décision, renforcer la déconcentration des moyens
2. Internaliser les compétences de gestion et de planification sanitaire par une régulation renforcée du recours aux prestataires extérieurs
3. Réaffirmer le pilotage politique de l’administration en santé
B. ACTER LA DÉCENTRALISATION D’UN SERVICE PUBLIC DES SOINS DE PREMIER RECOURS, RENFORCER L’ÉCHELON DÉPARTEMENTAL DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE
1. Pour un contrat local de santé au cœur de l’organisation des soins de premier niveau
2. L’échelon départemental : affirmer une tutelle de principe sur le secteur médico-social avec un soutien de l’État pour pallier les risques de carences

IV. SOIGNER MIEUX PARTOUT : LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES D’ACCÈS AUX SOINS
A. RÉPONDRE À LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE PAR LA MOBILISATION DE RESSOURCES MÉDICALES ENCORE INEXPLOITÉES
1. Le développement nécessaire des assistants médicaux
2. IPA : renforcer l’accès en ville et l’attractivité du métier
3. Le cas des PADHUE : des examens pratiques à entamer
B. METTRE UN TERME AU RENONCEMENT AUX SOINS SOUS TOUTES SES FORMES
1. « La Grande Sécurité sociale » : assurer une meilleure couverture aux publics précaires, soulager les finances de la branche maladie
2. La médiation en santé et les centres de soins participatifs : renforcer et pérenniser leurs financements
C. LES GAINS DE LA PRÉVENTION
1. Les collectivités territoriales : une contractualisation obligatoire sur les grands thèmes de prévention
2. Approfondir la stratégie décennale de lutte contre le cancer
3. Le « sport santé » : une nouvelle stratégie nationale à déployer dans l’après J.O.P
D. FINANCER LA DÉPENDANCE : UN POSTE DE DÉPENSES À ACCROÎTRE POUR NOS AÎNÉS
1. Accompagner le « virage domiciliaire » : le développement des équipes mobiles dans la lignée de l’hospitalisation à domicile
2. Maîtriser l’évolution du reste à charge en cas de dépendance lourde : la création d’une assurance dépendance obligatoire
E. SANTÉ PÉRINATALE ET FERMETURE DES MATERNITÉS : UN ÉQUILIBRE ENTRE SÉCURITÉ ET PROXIMITÉ
1. Sortir des logiques de seuils pour privilégier la sécurité des soins
2. Revaloriser le métier de sage-femme

V. HÔPITAUX PUBLICS ET ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ PRIVÉS : PASSER D’UNE CONCURRENCE DÉFAILLANTE À UNE SOLIDARITÉ RÉELLE
A. GOUVERNANCE HOSPITALIÈRE : CRÉER LES DYNAMIQUES DE TERRITOIRES PAR UNE DÉCONCENTRATION DE LA PRISE DE DÉCISION
1. Pouvoir de sanction et capacité d’intéressement : les enjeux d’un renforcement du pouvoir de chef d’établissement
2. Construire une culture commune de la gouvernance auprès des praticiens et des directeurs administratifs
3. Renforcer l’attractivité de l’hôpital public
B. SOINS NON-PROGRAMMÉS : PASSER DE L’URGENCE À LA PERMANENCE
1. Réglementer les centres de soins non-programmés pour prévenir les départs de personnel
2. Renforcer la régulation des urgences
3. Permanence des soins en établissements de santé publics et privés : sanctionner les carences
C. FINANCER LE « CARE » PAR UN RETOUR PARTIEL À LA DOTATION ET UNE REVALORISATION DU MODÈLE DE FINANCEMENT « À LA QUALITÉ »
1. La psychiatrie et les urgences : renforcer l’impact des dotations populationnelles
2. Lutter contre la souffrance au travail par un modèle de financement qui valorise la qualité du soin et le travail en équipe

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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