C’est officiel : Didier Raoult est bien le meilleur microbiologiste du monde !
Quentin Haroche | 20 Juin 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/c-officiel-didier-raoult-bien-meilleur-microbiologiste-du-2025a1000gii?ecd=mkm_ret_250816_jim_boq_&uac=368069PV&impID=7621713&sso=true
Le Pr Didier Raoult est le premier microbiologiste au monde et le troisième scientifique de France…si l’on se réfère à l’indice h, un outil (controversé) d’évaluation du travail scientifique.
Pas besoin de vérifier la date. Nous ne sommes pas le 1er avril. L’information est bien véridique : le Pr Didier Raoult, devenu un paria du monde scientifique pour ses études scientifiques contestées, interdit d’exercer la médecine par le conseil de l’Ordre, est bien l’un des plus « grands » scientifiques de la planète. Selon le site Research.com, il est ainsi, en 2025, le plus grand microbiologiste du monde, le deuxième plus grand médecin de France et le troisième plus grand scientifique français, toutes disciplines confondues. Et il figure dans les premières places de ces différents classements depuis de nombreuses années.
Celui qui aime à se qualifier de « génie » et d’«élite » de la médecine, envié par tous avait-il raison ? Est-ce la « fin de partie » pour les opposants au scientifique phocéen ? Pas forcément. Car le classement du site Research.com repose sur une méthode extrêmement douteuse : l’indice h.
La quantité plutôt que la qualité
« Inventé » en 2005 par le physicien Jorge Hirsch, l’indice h (d’où son nom) se veut une méthode fiable d’évaluation de la production scientifique des chercheurs, qui est pris très au sérieux par de nombreux instituts de recherche, malgré son manque de fondement scientifique. L’indice h d’un chercheur correspond au nombre d’articles N qu’il a publié qui ont été cités au moins N fois. On voit ici la première limite de l’indice h : un chercheur qui publie 100 articles qui sont cités 20 fois chacun aura le même indice h (20) qu’un confrère qui ne publie que 20 articles cités 20 fois chacun.
Autre limite : l’indice h repose essentiellement sur le nombre d’articles publiés. Or, la quantité n’est pas forcément gage de qualité et une publication dans une grande revue internationale au comité de lecture exigeant a évidemment plus de valeur qu’une autre dans un journal plus confidentiel. Enfin, une citation ne vaut pas adoubement et il n’est pas rare de citer un article justement pour en souligner les limites et les erreurs.
En microbiologie, le Pr Raoult présente un indice d (soit l’indice h appliqué à une seule discipline) de 210, faisant donc de lui le numéro 1 mondial de la discipline loin devant le Canadien Robert Hancock. Plusieurs éléments expliquent que le Pr Didier Raoult présente un indice h très élevé alors même que la majorité de la communauté scientifique conteste ses travaux tant dans leurs méthodes que de leurs conclusions.
Tout d’abord, le scientifique phocéen est un auteur particulièrement prolifique. Il a ainsi publié plus de 3 600 articles depuis 1979, soit un rythme effréné de 80 publications par an. Par le passé, il a déjà été souligné comment ses liens avec de nombreux comités de lecture de diverses revues scientifiques avait permis au Pr Raoult de publier plusieurs articles à la méthodologie douteuse ces dernières décennies.
Didier Raoult deux fois plus « impactant » qu’Albert Einstein ?
L’autre élément qui permet au Pr Raoult d’améliorer son indice h est justement le fait qu’il est une personnalité controversée et donc abondement citée, en bien comme en mal. Sa fameuse étude de mars 2020 dans laquelle il affirme que l’hydroxychloroquine permet de guérir la Covid-19 a ainsi été citée plus de 5 400 fois avant sa rétractation en décembre dernier.
Enfin, le Pr Raoult, qui serait dit-on obsédé par son propre indice h, a une dernière méthode pour faire gonfler ses chiffres : l’autocitation. Sur les plus de 230 000 citations d’articles du Pr Raoult, près de 25 % seraient de lui.
En 2020, alors que le Pr Raoult accédait à la notoriété mondiale à la faveur de la crise sanitaire, le média The Conversation, spécialiste du monde universitaire, soulignait déjà les limites de l’indice h, qui était utilisé à l’époque par les partisans du scientifique phocéen pour prouver son génie.
« Cet indicateur est devenu le miroir aux alouettes de l’évaluation » écrivait le média, illustrant son propos d’un exemple particulièrement frappant : le Pr Didier Raoult présente un indice h deux fois plus élevé qu’Albert Einstein. Or, à moins d’être un raoultien particulièrement fanatique, difficile de penser que l’ancien président de l’IHU de Marseille a eu un impact sur la science deux fois plus important que le père de la théorie de la relativité. « Peut-être vaut-il mieux en conclure, que l’indicateur est tout simplement bidon » concluait The Conversation, appelant la communauté scientifique à freiner l’épidémie de publications (plus de 6 millions d’articles scientifiques sont publiés chaque année dans le monde) et à se désintéresser de cet indicateur.
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Si le Pr Raoult n’est donc peut-être pas l’un des plus grands scientifiques du monde, notons qu’il figure en bonne place dans un autre classement moins prestigieux : selon le site Retractation Watch, il est le 15ème scientifique au monde (et le premier français) comptant le plus de rétractations d’articles.
Merci pour cet article très intéressant ! Vous rappelez à juste titre que des classements basés sur des indicateurs bibliométriques comme l’indice h doivent être pris avec prudence : cet outil, qui mesure uniquement le nombre d’articles publiés et cités, peut donner une image trompeuse de l’impact réel d’un chercheur, tout comme un seul complément alimentaire pris isolément ne dit rien sur une alimentation vraiment équilibrée.
L’exemple du Pr Didier Raoult, qui apparaît en tête des classements mondiaux selon cet indice, illustre bien les limites de ces mesures : la quantité ne reflète pas automatiquement la qualité scientifique, tout comme un apport massif d’un seul micronutriment ne remplace pas une nutrition riche et variée.
Dans le monde de la santé et de la recherche, il est essentiel de combiner plusieurs indicateurs robustes, de rester critique vis‑à‑vis des outils d’évaluation et de privilégier une vision globale — un peu comme en micronutrition, où l’on associe vitamines, minéraux et bons lipides pour soutenir la santé de manière durable plutôt que de se focaliser sur un seul “super‑nutriment”.
En fin de compte, cette réflexion nous invite à ne pas « surdoser » un seul critère pour évaluer ce qui compte vraiment — qu’il s’agisse de performances scientifiques ou de santé personnelle — et à viser un équilibre global fondé sur des preuves solides, une démarche scientifique à la fois rigoureuse et respectueuse des méthodes établies. Merci pour cet éclairage utile