Pollution plastique : les négociations pour un traité international échouent de nouveau
Après dix jours de pourparlers, les 184 pays réunis à Genève ne sont pas parvenus à adopter un accord contraignant pour mettre fin au fléau du plastique. Une mauvaise méthode de travail et le sabotage des échanges par les États pétroliers expliquent ces échecs répétés depuis plus de deux ans.
Un fiasco au goût amer. Du 5 au 14 août, des délégué·es de 184 pays se sont réuni·es à Genève (Suisse) afin de rédiger un traité international contre la pollution plastique.
Face à ce fléau toxique pour la santé humaine et à une production qui pourrait tripler au niveau mondial d’ici à 2060, les Nations unies ont lancé en mars 2022 un cycle de négociations pour ralentir cette frénésie plastique. Mais la cinquième et dernière session de discussions, organisée fin 2024 à Busan, en Corée du Sud, n’avait abouti à aucun compromis diplomatique.
Les pourparlers à Genève incarnaient donc le rendez-vous de la dernière chance pour que les États trouvent un accord mondial juridiquement contraignant afin d’enrayer la production de plastique. Toutefois, après dix jours de négociations ardues, le projet de texte final présenté aux États vendredi 15 août dans la nuit n’a débouché sur aucun consensus. Deux jours avant, une autre version du traité avait déjà été rejetée massivement par les délégations au vu de sa faible ambition.
« Mieux vaut pas de traité que de ratifier un texte comme celui qu’on a vu passer et où il n’y avait aucune mention de la réduction de la production plastique. Il ne reflétait pas ce que demandait une grande majorité des États », analyse pour Mediapart Lisa Pastor, chargée de plaidoyer de Surfrider Foundation Europe.

Des déléguées à l’extérieur de la salle de réunion le 15 août 2025 à Genève, après les négociations. © Photo Fabrice Coffrini / AFP
« Le nouveau texte présenté cette nuit est certes plus équilibré et constitue davantage une base de négociation. Mais trop de points restent en suspens, trop de points ne permettent pas d’avoir un outil efficace contre la pollution plastique, ce qui ne permet pas de conclure un accord aujourd’hui », a déclaré ce matin la ministre de l’écologie Agnès Pannier-Runacher, présente à Genève les derniers jours.
Polarisation des discussions
Le mandat de l’ONU pour ces négociations est de réduire la pollution plastique sur l’ensemble du cycle de vie de ce matériau. Une centaine de pays comme ceux de l’Union européenne, le Rwanda, le Canada ou la Colombie demandent depuis le début du cycle de discussions à limiter la production mondiale de plastique, évaluée à environ 430 millions de tonnes par an. Lors de la Conférence des Nations unies sur l’océan, à Nice, en juin, 96 pays avaient même signé une déclaration demandant « une obligation juridiquement contraignante d’éliminer progressivement les produits en plastique les plus problématiques ».
Mais en face, les États pétroliers ou producteurs de plastique comme l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït ou les États-Unis ont sapé le multilatéralisme onusien afin de sauvegarder leurs intérêts économiques. Ces nations font pression durant les discussions pour accoucher d’un traité mondial le moins contraignant possible et ont été soutenues à Genève par au moins 307 représentant·es de l’industrie plastique. Un record depuis le début des pourparlers diplomatiques sur le plastique.
Les lobbyistes de The Coca-Cola Company – le plus grand pollueur plastique du monde –, de Nestlé, du géant saoudien de la chimie Sabic ou de TotalEnergies étaient en effet à la manœuvre à Genève pour torpiller l’article 6 du projet de texte, qui traitait de la régulation de la production plastique ou encore l’article 3 censé définir ce que sont les produits plastiques.
États pétroliers et industriels ont ainsi constitué pour ce traité un « bloc pétrochimique » qui ne veut pas inscrire dans le traité tout objectif de baisse de la production, se concentrant uniquement sur l’aval de ce cycle, à savoir la gestion des déchets et le recyclage. Or, le taux de recyclage mondial des déchets plastiques ne décolle guère et ne parvient pas à dépasser les 9 % selon les scientifiques.
« Une poignée de pays, guidés par des intérêts financiers de court terme et non par la santé de leur population et la durabilité de leur économie, ont bloqué l’adoption d’un traité ambitieux contre la pollution plastique », a résumé ce matin Agnès Pannier-Runacher.
Méthode de travail inadéquate
Mais au-delà de la polarisation très forte de ces pourparlers, les négociateurs et négociatrices pointent aussi l’échec d’un processus de travail à bout de souffle.
« Quelque chose doit changer. Les méthodes de travail et les règles actuelles ont atteint leurs limites. Si nous continuons à faire la même chose, nous ne pouvons pas espérer obtenir des résultats différents », a lancé vendredi lors de la dernière plénière Debbra Cisneros, négociatrice principale du Panamá. L’Union européenne a pour sa partargué de la nécessité de « réfléchir à la manière dont nous pouvons mieux travailler ensemble à l’avenir ».
« Nous sommes déçus du fonctionnement des pourparlers : environ 120 pays avaient à Genève des positions ambitieuses, alignées avec la science, mais cela ne s’est pas traduit dans les deux propositions de texte qui ont émergé pendant les discussions », détaille à Mediapart Marie-France Dignac, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), et membre d’une coalition de scientifiques qui suit les négociations.
Mais pour la chercheuse, l’espoir existe : « Le multilatéralisme fonctionne, on a vu le nombre de pays ambitieux gonfler et la Chine a affiché sa volonté de faire avancer les discussions. L’enjeu désormais est d’entretenir à l’avenir cette dynamique diplomatique. »
La suite du cycle onusien de négociations demeure encore extrêmement floue : aucune date ultérieure pour une prochaine session de discussion n’a été fixée, ni même un lieu et encore moins un nouveau procédé collectif pour accoucher d’un accord international.
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6 août 2025
« Le mandat de l’ONU pour élaborer un traité sur la pollution plastique court toujours, mais Genève a été un gros gaspillage de temps car nous venons de discuter une dizaine de jours pour finalement revenir à là où nous en étions à Busan fin 2024 », se désole Delphine Lévi Alvarès, responsable de la campagne internationale sur la pétrochimie du Center for International Environmental Law (CIEL).
La négociatrice ghanéenne Lydia Essuah, qui a pris la parole lors de la plénière cette nuit au nom du Groupe africain des négociateurs, s’est voulue plus optimiste. Pour elle, le texte ébauché à Genève « pourrait servir de base aux travaux futurs ». « L’Afrique exige une voie claire à suivre et une nouvelle session de pourparlers où nous pourrons reprendre les négociations », a-t-elle affirmé. « Bien que le dernier texte proposé ne réponde pas encore à toutes nos ambitions, il constitue un pas en avant », a abondé Jessika Roswall, commissaire européenne à l’environnement.
En attendant une prochaine session diplomatique, l’équivalent d’un camion-benne de plastique continue d’être déversé chaque minute dans l’océan.
Pollution aux plastiques : les négociations sur un accord international échouent pour la deuxième fois
Présenté au milieu de la nuit de jeudi à vendredi, un nouveau texte de compromis comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier. Après dix jours d’intenses négociations, les chefs de délégation n’ont pas réussi à se mettre d’accord.
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L’espoir d’un vaste accord international visant à lutter contre la pollution plastique s’est envolé. Les 185 pays qui tentaient de forger à Genève (Suisse) ce traité historique n’ont pas réussi « à trouver un consensus », ont fait savoir les délégués de l’Inde et de l’Uruguay, vendredi 15 août. « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève », a résumé le représentant de la Norvège au cours d’une séance plénière au lever du jour. « Les négociations pour un traité contre la pollution plastique ont échoué. Je suis déçue et je suis en colère », a réagi, dans un message sur X, la ministre française de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
Présenté au milieu de la nuit de jeudi à vendredi, un nouveau texte de compromis comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier, après dix jours d’intenses négociations mais les chefs de délégation réunis en session informelle n’ont pas réussi à se mettre d’accord.
Théoriquement, la séquence de négociations devait s’arrêter à minuit, jeudi soir. Le président des débats est apparu brièvement peu avant l’heure limite pour ouvrir une séance plénière avant de la refermer immédiatement, ce qui a permis d’ajouter, selon les règles onusiennes, quelques heures à la concertation. Les discussions se sont poursuivies dans une ambiance enfiévrée et quelque peu désordonnée, pour tenter d’établir un texte de consensus.
Pas de limite de production fixée
D’après l’agence Associated Press, le dernier projet proposé ne fixait pas de limite à la production de plastique mais reconnaissait que les niveaux actuels de production et de consommation étaient « insoutenables » et qu’une action mondiale était nécessaire. Cela ne correspondait pas aux attentes de nombreux pays qui souhaitent définir dès à présent une limite. L’objectif du traité avait également été revu pour préciser qu’il reposerait sur une approche globale prenant en compte l’ensemble du cycle de vie des plastiques.
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Le diplomate équatorien qui préside les débats, Luis Vayas Valdivieso, avait déjà subi un revers sérieux, mercredi, lorsque son texte de synthèse a été rejeté par la quasi-totalité de l’assemblée plénière des Nations unies réunissant les 185 pays impliqués dans les discussions.
Il a ensuite travaillé, directement avec les chefs de délégations régionales, pour tenter de retrouver un accord résolvant la quadrature du cercle entre les pays dits à forte ambition et ceux qui s’opposent à toute régulation forte de l’industrie du plastique.
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Les chances de trouver un accord, après trois ans de négociations, étaient très minces, étant donné les profondes divisions entre les deux camps. Les « ambitieux », dont l’Union européenne, le Canada, l’Australie, beaucoup de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’îles, veulent nettoyer la planète du plastique qui commence à la gangrener et affecte la santé humaine. En face, les pays essentiellement pétroliers ou producteurs de plastique refusent toute contrainte sur la production et toute interdiction de molécules ou additifs dangereux. Ils souhaitent un traité axé sur une meilleure gestion des déchets et leur réutilisation.
Une production qui pourrait tripler d’ici à 2060
Sous l’œil des représentants des industries pétrochimiques présents dans les couloirs, les pays représentés ont déjà échoué une fois à produire un texte commun lors de la dernière séquence de négociations, à Pusan, en Corée du Sud, fin 2024.
Les auteurs du texte « utilisent une technique bien connue : introduire d’abord un texte inacceptable, puis revenir avec un texte médiocre à prendre ou à laisser, qui montre une amélioration à la marge, mais reste loin de ce dont nous avons besoin pour faire face à la crise plastique » a souligné l’ONG CIEL, dans un bref communiqué.
Le sujet est d’autant plus important que la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les cinquante années précédentes, en majorité des produits à usage unique et des emballages. Et la tendance s’accélère : si rien n’est fait, la production actuelle, de quelque 450 millions de tonnes par an, devrait tripler d’ici à 2060, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Or moins de 10 % sont recyclés.
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Le Monde avec AP et AFP