La santé des enfants aux Etats-Unis, une catastrophe invisible.

L’état de santé des enfants se dégrade rapidement aux Etats-Unis, creusant l’écart avec les pays à haut revenu

Le large panorama de la santé pédiatrique outre-Atlantique, dressé par une étude publiée dans l’édition du mardi 12 août du « Journal of the American Medical Association » (« JAMA »), a tous les traits d’une catastrophe invisible. 

Par Stéphane FoucartPublié hier à 14h30 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/08/14/l-etat-de-sante-des-enfants-se-degrade-rapidement-aux-etats-unis-creusant-l-ecart-avec-les-pays-a-haut-revenu_6629505_3244.html

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La Dr Jane C. Burns, directrice du Centre de recherche sur la maladie de Kawasaki, à l’université de Californie à San Diego, examine une fillette au Rady Children’s Hospital, à San Diego (Etats-Unis), le 24 janvier 2024.
La Dr Jane C. Burns, directrice du Centre de recherche sur la maladie de Kawasaki, à l’université de Californie à San Diego, examine une fillette au Rady Children’s Hospital, à San Diego (Etats-Unis), le 24 janvier 2024.  ARIANA DREHSLER/THE NEW YORK TIMES/REDUX -REA

« Au cours des dix-sept dernières années, la santé des enfants américains s’est détériorée à travers un large éventail d’indicateurs. L’ampleur de cette détérioration souligne la nécessité d’identifier et de traiter les causes profondes de ce déclin fondamental de la santé du pays. » Le plus large panorama de la santé pédiatrique outre-Atlantique, dressé par une étude publiée dans l’édition du mardi 12 août de la revue Journal of the American Medical Association (JAMA), a tous les traits d’une catastrophe invisible. Non seulement ces travaux mettent en évidence, chez les plus jeunes, des taux de mortalité et de morbidité très supérieurs à ceux des autres pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), mais ils indiquent aussi que la dynamique à l’œuvre rend la situation toujours plus préoccupante.

Les comparaisons sont frappantes. Le taux de mortalité moyen avant l’âge d’un an, sur la période 2007-2022, est supérieur de 78 % aux Etats-Unis à la moyenne des autres pays de l’OCDE. Un hiatus qui persiste dans les classes d’âge supérieures puisque cette surmortalité est d’environ 80 % pour un Américain moyen, entre son premier anniversaire et ses 19 ans. Comparées aux pays de l’OCDE, la prématurité (+ 120 % aux Etats-Unis) et la mort subite (+ 140 %) sont les grands responsables de cette surmortalité des nourrissons, tandis que la mort par armes à feu (+ 1 400 %) et les accidents de la route (+ 145 %) sont principalement en cause chez les enfants et les adolescents.

Selon les données rassemblées par les auteurs, conduits par le professeur de pédiatrie Christopher B. Forrest (centre hospitalo-universitaire de Philadelphie, Pennsylvanie), l’écart entre les Etats-Unis et le reste de l’OCDE se creuse plus rapidement depuis 2019 : le taux de mortalité des enfants augmente outre-Atlantique alors qu’il baisse dans les pays comparables – à l’exception notable de la France, dont la mortalité infantile (avant un an) a touché son plus bas niveau en 2011 et augmente depuis 2014.

Cet excès de mortalité n’est pourtant que le sommet de l’iceberg. Le suivi de l’état de santé des enfants américains sur les quinze dernières années indique une aggravation rapide d’une diversité de troubles et d’états pathologiques. En 2011, 25,8 % des enfants de 3 à 17 ans souffraient aux Etats-Unis de l’une au moins de la quinzaine de maladies chroniques indexées dans les bases de données nationales analysées. En 2023, cette proportion passe à 31 %, soit une augmentation de près d’un cinquième en à peine plus d’une décennie. Selon M. Forrest et ses collègues, les huit troubles qui ont le plus augmenté au cours de ce laps de temps sont les dépressions graves (+ 230 % de prévalence), les apnées du sommeil (+ 222 %), les troubles de la conduite alimentaire (+ 220 %), de l’anxiété (+ 206 %), les troubles du spectre autistique (+ 162 %), l’obésité (+ 137 %), les troubles du métabolisme (+ 106 %) et les troubles du développement (+ 105 %) comme les difficultés d’apprentissage, le déficit d’attention, l’hyperactivité, etc.

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De même, sur un laps de temps légèrement plus long, entre 2007-2008 et 2021-2023, la prévalence de l’obésité est passée chez les enfants américains de 17 % à 21 %, tandis que, chez les filles, le taux de puberté précoce a bondi de 9,1 % à 14,8 %. Or, ces deux conditions sont des facteurs de prédisposition à des maladies graves plus tard dans la vie, en particulier certains cancers.

Sur une forte et mauvaise pente

Si, comme l’écrivent les chercheurs, « la santé des enfants pose les fondations de l’état de santé général et de la prospérité d’une nation », les Etats-Unis sont sur une mauvaise et forte pente, comme l’explicite l’éditorial que consacre JAMA à ces travaux.

 « Les citoyens américains ont une espérance de vie plus faible et une moins bonne condition sanitaire que ceux des autres pays à haut revenu, et ce malgré des dépenses de santé exorbitantes, qui représentent une part du produit intérieur brut près de deux fois supérieure à celle consacrée en moyenne par les pays de l’OCDE », lit-on dans l’éditorial.

Celui-ci, signé par trois professeurs de pédiatrie, ajoute que, si la mauvaise santé des Américains et leur taux de mortalité élevé ont des « causes immédiates évidentes » comme les armes à feu, les opioïdes et l’obésité, « l’accumulation des preuves indiquant que cette santé dégradée s’étend à la population pédiatrique » – y compris aux plus jeunes âges – pose des questions plus profondes sur le modèle américain.

La revue appelle ainsi à examiner les « facteurs systémiques à l’origine du problème » et rappelle que la question a été abordée voilà quelques mois par un panel d’experts réunis par l’Académie nationale de médecine américaine qui a identifié des éléments d’explication dans cinq domaines :

le système de soins, les comportements individuels, les conditions socio-économiques d’existence, les dégradations de l’environnement et les politiques publiques.

Mais, aux Etats-Unis, l’heure n’est pas à la prise en compte des avis scientifiques. « Hélas, politiquement, les vents sont aujourd’hui contraires, écrivent Elizabeth Wolf (Centre pédiatrique hospitalo-universitaire de Richmond, Virginie) et ses coauteurs. Il y a tout lieu de craindre que la santé des enfants américains ne se dégrade encore davantage par rapport à celle des autres pays à haut revenu. »

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Stéphane Foucart

Les enfants et les adolescents américains ont près de 2 fois plus de risques de mourir que leurs homologues de l’OCDE

Stéphanie LavaudAUTEURS ET DÉCLARATIONS 

21 août 2025 https://francais.medscape.com/voirarticle/3613241?ecd=WNL_mdplsfeat_250825_mscpedit_fr_etid7665780&uac=39940PJ&impID=7665780

Une étude exhaustive menée sur 17 ans révèle une augmentation de la mortalité, des maladies chroniques et des troubles mentaux chez les enfants et les jeunes aux États-Unis. Les enfants et les adolescents américains ont près de deux fois plus de risques de mourir que leurs homologues de 18 autres pays à revenu élevé. Si les principales causes de décès sont les blessures par arme à feu, les accidents de la route et les décès infantiles, la hausse de la prévalence des maladies chroniques et de l’obésité doit être prise en considération.

« L’ampleur et la constance de la baisse des indicateurs de santé physique, mentale et développementale exigent une attention nationale urgente » considère le Dr Neal Halfon, professeur émérite de pédiatrie et directeur du Centre pour des enfants, des familles et des communautés en meilleure santé de l’UCLA et co-auteur de l’article.

Chez les 3 à 17 ans, la prévalence des maladies chroniques est passée de 39,9 % à 45,7 % dans la population générale.

Blessures par arme à feu, accidents de la route et décès infantiles

La santé des enfants aux États-Unis s’est considérablement détériorée au cours des 17 dernières années (2007-2022), selon presque tous les principaux indicateurs de santé, d’après une étude menée par le Dr Christopher Forrest et une équipe de chercheurs de l’Hôpital pour enfants de Philadelphie (CHOP), en collaboration avec le Dr Neal Halfon de l’UCLA.

Publiée dans le JAMA , cette étude s’appuie sur les données de plusieurs enquêtes nationales, les statistiques de mortalité et les dossiers médicaux électroniques de plus de 2 millions d’enfants.

L’obésité infantile est passée de 17,0 % à 20,9 % et l’apparition précoce des menstruations a augmenté de plus de 60 %.

« Cette étude confirme ce que de nombreux pédiatres, éducateurs et parents ressentent depuis des années, à savoir que nos enfants sont confrontés à une crise sanitaire croissante », a déclaré le Dr Halfon dans un communiqué.

L’étude a analysé 172 indicateurs de santé à partir des données de cinq enquêtes nationales, de bases de données américaines et internationales sur la mortalité et du PEDSnet, un réseau de 10 systèmes de santé pédiatrique.

Elle a révélé que, sur la période allant de 2007 à 2022, les enfants et les adolescents américains avaient près de deux fois plus de risques de mourir que leurs homologues de 18 autres pays à revenu élevé, membres, eux aussi, de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Les principales causes de décès étaient les blessures par arme à feu, les accidents de la route et les décès infantiles dus à la prématurité et à la mort subite du nourrisson.

Les diagnostics d’anxiété, de dépression et de troubles alimentaires ont plus que triplé dans certains cas.

Inverser la tendance

Les maladies chroniques ont également connu une forte augmentation : chez les 3 à 17 ans, la prévalence des maladies chroniques est passée de 39,9 % à 45,7 % dans les systèmes de santé pédiatriques et de 25,8 % à 31,0 % dans la population générale. Les diagnostics d’anxiété, de dépression et de troubles alimentaires ont plus que triplé dans certains cas. L’obésité infantile est passée de 17,0 % à 20,9 % et l’apparition précoce des menstruations a augmenté de plus de 60 %. Davantage d’enfants ont signalé des troubles du sommeil, des symptômes physiques tels que la fatigue et la douleur, ainsi que des sentiments de solitude et de tristesse.

« Ces résultats devraient inciter le pays à prendre conscience des facteurs systémiques à l’origine de ces tendances. Les recherches futures se concentreront sur l’identification des causes profondes, notamment les facteurs sociaux, économiques et environnementaux, et sur la mise en place de changements politiques et pratiques susceptibles d’inverser cette tendance », indiquent les auteurs. L’étude souligne la nécessité urgente d’une réponse coordonnée et intersectorielle afin de reconstruire l’écosystème développemental si crucial pour soutenir le développement sain des enfants.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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