Défense des ARS actuelles par un ancien directeur d’un hôpital psychiatrique privé à but non lucratif suite au rapport sénatorial.

Un rapport du Sénat recommande la suppression des ARS

Quentin Haroche | 08 Juillet 2025

https://www.jim.fr/viewarticle/rapport-du-sénat-recommande-suppression-des-ars-2025a1000i32?icd=login_success_email_match_norm

Dans un long rapport sur le rôle des agences dans l’administration, le Sénat recommande de confier les prérogatives des ARS aux préfets.

ARS : trois lettres que les professionnels de santé et les administrateurs de la santé ont appris à connaitre…et pour beaucoup à détester. Créées en 2010 dans le sillage de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », les agences régionales de Santé (ARS) avaient pour but de faire gagner en efficacité et en fluidité la gestion administrative de la santé, en appliquant la politique sanitaire du gouvernement dans chaque région et en faisant le lien entre l’Etat et les établissements de santé. Ils étaient l’expression, dans le monde de la santé, de la politique de « new public management » (« nouvelle gestion publique » dans la langue de Molière), stratégie consistant à calquer les pratiques de l’administration sur celle du secteur privé.

Quinze ans après leur création, ces ARS sont semblent-ils loin d’avoir rempli leur promesse. C’est en tout cas la conclusion à laquelle arrivent les sénateurs dans un long rapport publié jeudi dernier. Elaboré après plusieurs mois d’enquête et d’auditions, ce rapport, qui s’intéresse à l’inflation des agences administratives et des organismes au sein de l’Etat (on en compterait plus de 1 100 selon le Sénat), consacre une partie de ses développements aux ARS.

Supprimer les ARS pour rendre l’action administrative plus lisible

A en croire les sénateurs, les ARS n’auraient que des défauts. Ils pointent ainsi du doigt « la lenteur bureaucratique et l’inefficacité des procédures »« l’éloignement des réalités locales et le déficit de concertation » et « le poids financier ». Surtout, les ARS participent à une certaine cacophonie et à un manque de lisibilité dans la décision publique, puisque le partage de compétence avec les préfets de région et de départements, également responsables de la politique sanitaire au niveau territorial, est parfois confusant. Le Sénat se fait ainsi l’écho des doléances des élus locaux, qui regrettent leur relation souvent difficile avec les ARS.

« La formule de l’agence a pu être nécessaire au moment de leur création en 2010, pour permettre la mise en commun de personnels et de ressources d’origines diverses (…) mais cette réforme, a présenté l’inconvénient de constituer des acteurs perçus comme manquant de légitimité, car trop éloignés du niveau départemental indispensable pour la proximité opérationnelle » résume le rapport. Le Sénat préconise donc une solution radicale : supprimer les ARS et transférer leurs missions aux préfets de région et de département.

Confier les missions des ARS aux services déconcentrés de l’Etat aurait plusieurs avantages selon les signataires du rapport. En premier lieu et ce n’est pas négligeable en ces temps de déficit public record, diverses économies seraient attendues de la suppression des ARS. Qui dit suppression d’un échelon dit en effet réduction des postes et meilleure allocation des ressources vers les soins. Le Sénat estime que le financement actuel des ARS, partagé entre l’Etat et l’Assurance Maladie, pourrait très bien être transféré dans un fonds dans lequel les préfets pourraient piocher pour financer leur politique sanitaire.

Quand le Sénat s’inspire du programme du RN

Supprimer les ARS aurait surtout l’avantage de rendre plus lisible la politique sanitaire dans les territoires. Les élus locaux n’auraient désormais plus qu’un seul interlocuteur, le préfet, pour gérer les questions bureaucratiques. « On créé un guichet unique de l’Etat pour les élus : par exemple, un maire confronté à la fermeture d’un service d’urgence ou à la désertification médicale n’aurait plus à interpeller une agence régionale relativement autonome, mais pourrait saisir directement le préfet de département, ce qui faciliterait la remontée des problèmes et la co-construction de solutions » illustre le rapport. Une telle réforme serait également bénéfique pour les professionnels de santé « qui reprochent souvent aux ARS leur trop grande centralisation et un manque de connaissance fine du terrain » rapportent les sénateurs. 

Il n’est évidemment pas certain que cette recommandation du Sénat soit in fine appliquée. Mais si elle entrait en vigueur, cela constituerait assurément un changement important dans la gouvernance de la santé en France. 

Ce n’est évidemment pas la première fois que les ARS font l’objet de vives critiques. Après avoir soutenu leur création en 2009, la Fédération hospitalière de France (FHF) a régulièrement pointé du doigt la rigidité des agences, qui privilégierait toujours les questions de rentabilité sur les impératifs de santé. A noter que la suppression des ARS figurait dans le programme présidentiel de Marine Le Pen en 2022 et que ce rapport du Sénat constitue ainsi une petite victoire idéologique pour le Rassemblement National (RN)

ARS : un maillon stratégique qu’il faut améliorer, pas affaiblir

Gilbert Hanguard Président, Élus Santé publique Territoires, adjoint à la Maire d’Albi

https://www.linkedin.com/posts/gilbert-hangard-7b95b7162_ars-un-maillon-strat%C3%A9gique-quil-faut-activity-7361667936253579264-nSlJ?utm_source=share&utm_medium=member_ios&rcm=ACoAAAVVFSQBdBwuDjWgD0tQSovupKOV5raBFhw

Le rapport parlementaire sur les agences et opérateurs de l’État pointe du doigt les ARS, leur supposé centralisme et leur distance avec les élus locaux.
Mais sur le terrain, nous, membres de l’association Élus, Santé Publique & Territoires, savons à quel point elles sont indispensables au bon fonctionnement et à l’équité de notre système de santé.

Ce que les ARS apportent concrètement
Coordination régionale : elles font le lien entre hôpitaux, cliniques, EHPAD, médecins libéraux, associations et collectivités, assurant une réponse cohérente aux besoins locaux.
Gestion de crise : pandémie de COVID-19, tensions hospitalières, pénuries de médicaments… Les ARS mobilisent rapidement les moyens, coordonnent les transferts de patients et harmonisent les messages de santé publique.
Accès aux soins : elles soutiennent la télémédecine, les maisons de santé pluridisciplinaires, et encouragent l’installation de professionnels dans les zones sous-dotées.
Prévention et qualité : dépistage, vaccination, inspections, accompagnement des établissements en difficulté.
Réformer, oui. Démanteler, non.
Les ARS doivent évoluer : plus de dialogue avec les élus locaux, plus d’agilité dans leurs décisions, plus de présence sur le terrain.
Mais les fragiliser ou les supprimer serait une erreur stratégique.
Sans elles, nous perdrions :
La capacité de pilotage régional unifié en santé publique.
La réactivité face aux crises.
La cohérence entre les politiques nationales et les réalités locales.
Notre appel aux parlementaires : Réformons avec discernement.
Ne confondons pas les nécessaires ajustements avec une remise en cause totale d’un outil qui a déjà fait ses preuves.
Les ARS ne sont pas un obstacle à la santé publique. Elles en sont l’un des piliers.

Laurent Chambaud

  relation de 2e niveau2e

ex-directeur chez Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) de 2013 à 2022

Merci Gilbert de ce partage qui, je vois, suscite un grand intérêt et c’est tant mieux ! Je ne connais pour ma part aucun système de santé d’un pays de l’OCDE qui ne soit régulé par une structure. Et vues la géographie du pays et la taille de la population cela ne peut se faire depuis le niveau national. Toutefois, comme tu le dis bien, s’interroger pour rendre cette régulation par les ARS plus efficiente et, j’ajouterai, plus en contact avec la démocratie en santé pourrait être un exercice salutaire. Exercice qui s’accommode mal avec la pratique actuelle du coup de rabot général. Dommage…


«C’est simple, le déficit des hôpitaux vient du poids de l’administration française», dénonce le Dr. Arnaud Chiche

https://www.dailymotion.com/video/x9onegy

18 milliards d’économie si on s’aligne sur les moyens administratifs donnés aux hôpitaux Allemands.

Christophe L.

Directeur d’hôpital

La question posée par le Docteur Arnaud Chiche, celle la suradministration des hôpitaux, est un sujet complexe, d’autant plus pour un acteur local de cette « administration ».

Néanmoins, il a le mérite de la poser, et de poser les vraies questions. Malheureusement, la réponse n’est pas si simple. Cela ne doit pas empêcher d’en aborder les contours.
Où sont les enjeux aujourd’hui du système de santé, social et médico-social français ?
Face à des besoins croissants, il faut bien convenir qu’il n’est pas possible, dans un contexte économique de plus en plus contraint, de faire comme si on pouvait dépenser sans compter.
L’hôpital, le secteur de la santé et plus largement du médico-social sont-ils suradministrés ? Comme le disait l’ancienne Ministre Agnès Buzyn, “ceux pour qui les difficultés de l’hôpital sont uniquement le fruit d’un problème d’administration se trompent et se situent dans une logique simplificatrice et populiste”, ou encore “Méfions‑nous des discours un peu simplificateurs sur l’administration de l’hôpital” (source : https://lnkd.in/epNkpGQb).
Il est vrai que l’acteur de terrain que je suis ressens également la « pression » de l’administration par multiplicité des contrôles, des enquêtes dont personne ne semble se préoccuper de leur redondance et de leur pertinence, sans même évoqué les prérequis paradoxaux posés en guise d’accueil : « nous ne sommes pas là pour vous jugez », alors que toute la démarche donne le sentiment inverse ; « nous n’avons aucune compétence en matière budgétaire et financière », alors que les prescriptions et recommandations ont souvent des conséquences directes en terme de dépense. Comme le souligne le dossier de @Cairn.info (source : https://lnkd.in/ehE6vmgg), « l’administration hospitalière forme un paysage institutionnel aussi mouvant que complexe, qui demeure le pré carré de professionnels et d’experts. Depuis la fin des années 1980, les impératifs de maîtrise des dépenses de santé et de sécurité sanitaire ont entraîné une succession de réformes (…) qui ont également eu pour effet de la rendre chroniquement instable. »
Faut-il simplifier l’administration de l’hôpital et du système de santé en général ? Certainement ! Les besoins de soins, d’accompagnement sur le terrain sont tellement criants. Chacun d’entre nous pouvons être patients ou résidents et mesurer à quel point les personnels soignants font leur maximum sur le terrain.
Les jours à venir vont certainement conduire à des débats. Espérons que ceux-ci se feront de manière sereine.
Le think tank l’IFRAP en septembre 2020 avait déjà posé la question et ouvert quelques pistes toujours d’actualité (source : https://lnkd.in/eE6FzkBZ)


BRIAND Pascale

Présidente Pornic Agglo Pays de Retz Présidente PETR Pays de Retz Maire des Moutiers en Retz

Je pense au contraire que ce rapport est important et bienvenu car malheureusement le poids administratif qui pèse anormalement sur le système de santé a été amplifié par les ARS. Sans être globalement négatif car certaines ARS fonctionnent avec plus de bon sens que d’autres, il me semble important de s’interroger. En période de crise, par exemple lors du COVID, le corps médical a heureusement repris un peu la main par rapport aux administrations hospitalières et aux ARS et il eut été me semble-t-il intéressant d’analyser cette phase au lieu de rapidement fermer cette parenthèse.

Commentaire Dr Jean SCHEFFER

L’ancien Directeur de l’ Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) parle de coup de rabot qui va s’abattre sur les dépenses de santé et bien sur en priorité sur l’hôpital car l’Etat n’a pas les moyens comme pour l’hôpital d’agir sur les dépenses de santé engendrées par la médecine libérale (Ondam de la médecine de ville et des cliniques lucratives). Les CPAM règlent à posteriori les actes réalisés.

Qui est l’instrument de ce coup de rabot sans aucun contrôle par les élus, les associations d’usagers et de malades, les syndicats ? Ce sont les ARS.

En matière d’amputation de lits, de suppression de services, de détricotage d’une bonne partie de ce qu’avait construit son prédécesseur Christian BRUNET, Gilbert Hangard a été un bon élève des mesures d’économie demandées par l’ARS d’occitanie.

De ce point de vue l’action des ARS a été perçue en France, concernant les Hôpitaux comme le chef d’orchestre de la politique d’austérité qui a régné depuis Sarkozy.

Sinon s’il faut maintenir une structure régionale pour piloter notre système de santé, elle doit être proche du territoire (département) et subir une bouleversement démocratique. Les représentants des élus, des professionnels de santé, des associations doivent être élus. Personnellement j’ai fait acte de candidature à plusieurs reprises comme représentant des usagers aux différentes instances départementales et régionales et je n’ai jamais été choisi, sans réponse et donc des refus non motivés.

De façon globale il faut inverser les mécanismes de décision et les financements qui doivent partir des besoins de santé évalués au niveau du territoire pour remonter vers la région puis vers le ministère.

Autre règle générale, ce sont des soignants et autres professionnels des établissements de santé, du milieu médico-social… qui doivent co-diriger au coté des administratifs, le poids de ces derniers devant diminuer du 1/3.

Pour ce qui est du pilotage de la médecine de ville, il existe des propositions comme celles décrites dans l’entretien récent avec Brigitte Dormont (https://www.alternatives-economiques.fr/brigitte-dormont-faut-rompre-gestion-separee-de-lhopital-e/00093584)

Mais personnellement je pense que la médecine libérale n’a plus sa place et que dans un premier temps il s’agit de:

créer des centres de santé publique pluridisciplinaires dans les déserts médicaux les plus criants, en leur assurant un financement pérenne. – élargir le numerus apertus en donnant les moyens aux facultés pour former ces nouveaux étudiants – Créer d’urgence le « Clinicat Assistanat pour Tous » de 2 à 3 ans, obligatoire pour tous les futurs généralistes et spécialistes, afin de réduire à court terme l’ensemble des déserts médicaux dans tous les établissements et dans toutes les spécialités (« Vision Globale -Solution globale « :  https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=C9jccc). – Revaloriser les actes sous cotés et supprimer au fur et à mesure les dépassements d’honoraires

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire