La Charte de l’environnement met un coup d’arrêt à l’utilisation des néonicotinoïdes
Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de la loi Duplomb réautorisant les insecticides systémiques en se fondant sur le droit de vivre dans un environnement sain, mais n’a pas saisi l’occasion de consacrer le principe de non-régression.
Agroécologie | 08.08.2025 https://www.actu-environnement.com/ae/news/charte-environnement-coup-arret-neonicotinoides-loi-duplomb-decision-conseil-constitutionnel-46615.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzgyNQ%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

© photogolferLe Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la loi Duplomb le jeudi 7 août.
Une consécration de la Charte de l’environnement pour ses 20 ans. C’est en effet en se fondant sur l’article 1er de ce texte à valeur constitutionnelle que les Sages ont censuré, par une décision rendue ce jeudi 7 août, la disposition de la loi Duplomb qui permettait de déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des insecticides contenant des substances néonicotinoïdes. Le Conseil constitutionnel avait fait l’objet de trois saisines de députés et sénateurs de gauche sur ce texte adopté définitivement par l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier.
Le Conseil constitutionnel formule également deux réserves d’interprétation sur les dispositions destinées à favoriser la création des stockages et les prélèvements d’eau à usage agricole. En invoquant toujours le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, il valide ces dispositions à la condition que les prélèvements dans les eaux souterraines ne soient pas réalisés au sein de nappes inertielles, c’est-à-dire qui se rechargent très lentement. Mais aussi à la condition que la présomption d’intérêt général majeur ou la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) attribuée à ces installations, qui permet pour cette dernière de faciliter l’obtention des dérogations « espèces protégées », puissent être contestées en justice. Les gardiens de la Constitution censurent par ailleurs en tant que cavalier législatif un article technique visant à renforcer le contrôle de la mise en œuvre de mesures phytosanitaires.
En revanche, ils valident la procédure d’adoption du texte, qui avait fait l’objet d’une motion de rejet préalable par son rapporteur à l’Assemblée nationale en vue de contrer la profusion d’amendements déposés par l’opposition, de même que les autres dispositions déférées. C’est ainsi le cas des dispositions relatives au conseil à l’utilisation des pesticides, de celles destinées à faciliter l’implantations d’élevages industriels ou encore de celles portant sur l’exercice des missions de l’Office français de la biodiversité.
Encadrement insuffisant de la dérogation
Avant de censurer la disposition sur les néonicotinoïdes, les Sages rappellent que le législateur ne peut porter de limitations au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement, que du fait d’exigences constitutionnelles ou si elles sont justifiées par un motif d’intérêt général et qu’elles sont proportionnées à l’objectif.
Ils reconnaissent le motif d’intérêt général lié à la nécessite de « faire face aux graves dangers qui menacent les cultures ». Mais ils rappellent les dangers associés à l’utilisation des insecticides en cause, dangers que le Conseil avait déjà relevé dans sa décision du 10 décembre 2020 portant sur la loi ayant repoussé de 2020 à 2023 les possibilités de dérogation à l’interdiction de ces substances. « Les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine », réitère la décision.“ Les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité et induisent des risques pour la santé humaine ”Conseil constitutionnel
Les gardiens de la Constitution relèvent ensuite que, contrairement à cette précédente loi, les dispositions contestées ne présentent pas un encadrement suffisant permettant de garantir le droit de vivre dans un environnement équilibré. Cette insuffisance résulte de plusieurs éléments : dérogation permise pour toutes les filières agricoles, non accordée à titre transitoire, et possible pour tous types d’usages et de traitements, y compris la pulvérisation qui présente des risques élevés de dispersion de substances.
Le Conseil constitutionnel n’a en revanche pas saisi l’opportunité qui lui était donné par les parlementaires auteurs de la saisine de reconnaître un principe de non-régression environnementale, pour l’instant inscrit seulement dans la loi. Pas plus qu’il ne l’avait fait lors de l’examen de la loi du 10 décembre 2020. Pour Arnaud Gossement (1) , avocat et professeur de droit, avec cette décision, le Conseil constitutionnel fait toutefois « un premier pas vers l’idée – et non le principe – de non-régression du droit de l’environnement ».
Pas de second débat
Les opposants à la loi avaient, compte tenu de sa procédure d’adoption et de la pétition demandant son abrogation qui a recueilli plus de 2 millions de signatures, demandé à Emmanuel Macron de faire usage de l’article 10 de la Constitution. Celui-ci permet au président de la République de demander une nouvelle délibération d’une loi ou de certains de ses articles. Mais le chef de l’État a annoncé dès le 7 août au soir qu’il promulguerait le texte, amputé de ses dispositions censurées, dans les meilleurs délais. « La décision du président Macron de promulguer immédiatement la loi alors que plus de 2 millions de personnes ont exprimé leur rejet au cœur de l’été est incompréhensible, alors qu’il avait la possibilité d’ouvrir un second débat à l’Assemblée », déplore Bénédicte Hermelin, directrice générale de France Nature Environnement (FNE).
Les adversaires des néonicotinoïdes craignent également que cette censure n’empêche pas l’adoption d’un nouveau texte mieux calibré. « Le Conseil constitutionnel a rendu une décision de censure a minima concernant les néonicotinoïdes (…) et censure la dérogation prévue par la loi Duplomb uniquement parce qu’elle n’était pas suffisamment encadrée (…), cette décision laisse ouverte la possibilité d’une nouvelle loi qui, si elle respecte certains critères, pourrait permettre une nouvelle dérogation », pointe ainsi Notre Affaire à tous, qui avait adressé avec onze autres ONG, une contribution volontaire au Conseil constitutionnel.
Certaines réactions peuvent en effet susciter leur inquiétude. « Les articles censurés, qui concernent notamment l’usage de certains produits phytosanitaires autorisés dans toute l’Union européenne (dont l’acétamipride) devront être retravaillés pour que les engagements politiques de l’hiver 2024 soient enfin tenus et que des filières entières, comme la betterave sucrière, la noisette ou les pommes et les poires, ne soient pas purement et simplement abandonnées et vouées à disparaître », exhortent les Jeunes Agriculteurs et la FNSEA dans un communiqué commun.
Leur demande trouve un certain écho au Gouvernement et au Parlement. « À la suite de la censure de l’article 2 portant sur l’utilisation par dérogations exceptionnelles de l’acétamipride, demeure donc une divergence entre le droit français et le droit européen, ce qui conserve les conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières. Je reste engagée pour défendre toutes nos filières, notamment les plus menacées faute de solution phytosanitaire », a ainsi affirmé sur X la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. « Au regard de la décision du Conseil constitutionnel, la commission est disponible pour examiner avec le Gouvernement et le monde agricole les meilleures solutions pour traiter la distorsion de concurrence entre la France et l’ensemble des pays de l’Union européenne où l’acétamipride est et reste autorisée », indique également Dominique Estrossi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat.
Le passage sans encombre d’une nouvelle mouture de la dérogation, rédigée à l’aune de la décision du Conseil constitutionnel, est toutefois loin d’être garanti. « Il serait à notre sens imprudent, sur le seul plan du droit, de prétendre que cette décision du Conseil constitutionnel permet ou interdit aux auteurs de la proposition de loi dite « Duplomb » de reprendre leur copie, écrit Arnaud Gossement. Le Conseil constitutionnel, s’il était saisi d’une nouvelle version « corrigée » de cet article (…) pourrait en examiner la constitutionnalité au regard d’autres articles de la Charte de l’environnement ».
1. Consulter l’analyse de la décision par Arnaud Gossement
https://www.gossement-avocats.com/blog/loi-duplomb-la-nouvelle-derogation-a-linterdiction-des-substances-neonicotinoides-est-contraire-au-droit-de-chacun-de-vivre-dans-un-environnement-sain-et-equilibre-conseil-constitutionnel-7/
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef de Droit de l’Environnement
Loi Duplomb : Emmanuel Macron promulgue un texte qui divise la société française
Le chef de l’État a promulgué la loi qui vise à lever les contraintes pour les agriculteurs mais qui donne plusieurs coups de canifs à la protection de l’environnement. Le texte est paru ce mardi 12 août au Journal officiel.
Agroécologie | Aujourd’hui à 08h03 https://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-duplomb-promulgation-publication-emmanuel-macron-societe-francaise-division-46622.php4

© SobrevolandPatagoniaLa loi Duplomb facilite les procédures pour créer des stockages d’eau à finalité agricole.
C’est un texte qui révèle, s’il en était besoin, la polarisation de la société française sur l’avenir de l’agriculture face aux limites planétaires. Le président de la République a promulgué ce 11 août la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, plus communément appelée « loi Duplomb », du nom du sénateur LR, ancien président de la chambre d’agriculture FNSEA de la Haute-Loire, qui avait déposé le texte en novembre 2024. Le chef de l’État avait annoncé dès le 7 août au soir après la décision du Conseil constitutionnel qu’il promulguerait le texte dans les meilleurs délais. Au grand dam des 2,1 millions de Français qui ont signé la pétition demandant le retrait de cette loi qu’ils qualifient d’« aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ».
La loi est toutefois amputée de la disposition la plus controversée, qui permettait une réutilisation des insecticides néonicotinoïdes, et d’un article technique sur le contrôle de mesures phytosanitaires, après leur censure par le Conseil constitutionnel. Mais la majeure partie des dispositions déférées aux gardiens de la Constitution a été validée, tout autant que la procédure d’adoption du texte qui était contestée par les parlementaires de gauche, auteurs des saisines, en raison du dépôt d’une motion de rejet préalable par le rapporteur à l’Assemblée nationale, Julien Dive (Droite républicaine), pourtant soutien de la loi.
Des stockages d’eau facilités
En premier lieu, subsiste la disposition qui présume « d’intérêt général majeur » les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements associés (dans les eaux superficielles comme souterraines) à finalité agricole dans les zones affectées d’un « déficit quantitatif pérenne ». À condition toutefois que ces projets résultent d’une démarche territoriale concertée, qu’ils s’accompagnent d’un engagement des usagers à des pratiques sobres et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers. Cette qualification pourra permettre à ces ouvrages de bénéficier de dérogations aux objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par les schémas directeurs d’aménagement de gestion des eaux (Sdage), donc de déroger aux objectifs de bon état écologique et chimique des eaux de surface, et de bon état chimique et de respect de la capacité de renouvellement des masses d’eau souterraines. Subsiste également la disposition selon laquelle ces ouvrages et prélèvements sont présumés répondre à « une raison impérative d’intérêt public majeur ». Cette présomption facilite l’obtention, lorsqu’elle est nécessaire, d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et de leurs habitats.
Le Conseil constitutionnel a toutefois formulé deux réserves d’interprétation sur ces dispositions. La première interdit de réaliser des prélèvements dans des nappes inertielles, c’est-à-dire qui se rechargent très lentement. La seconde permet de contester en justice les présomptions instaurées par la loi. Une réserve d’interprétation « s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », tient à rappeler le Conseil constitutionnel. Malgré ces réserves, ces deux dispositions devraient toutefois permettre de faciliter l’obtention des autorisations de méga-bassines et de rendre beaucoup plus difficile leur annulation par le juge administratif.
Des simplifications au bénéfice des élevages intensifs
Subsistent ensuite les dispositions visant à simplifier la création d’élevages intensifs. La loi autorise l’extension du régime de l’enregistrement aux élevages relevant de la directive sur les émissions industrielles, dite « directive IED », à l’exception de ceux soumis à évaluation environnementale au titre de la directive relative à l’évaluation des incidences des projets sur l’environnement. Cela permet de soustraire au régime de l’autorisation, aujourd’hui applicable, les élevages de volailles compris entre 40 000 et 60 000 emplacements, les élevages de porcs de production compris entre 2 000 et 3 000 emplacements et les élevages de truies entre 750 et 900 emplacements. Ce qui permet de faciliter la création et l’agrandissement des élevages relevant de ces seuils en les soustrayant aux études de dangers, études d’impact et à la procédure de participation du public sus l’égide d’un commissaire enquêteur. Ces dispositions permettront également de soustraire ces élevages au renforcement des valeurs limites d’émissions qui interviendra en 2026 en application de la directive IED.
Une autre disposition de la loi neutralise le principe de non-régression en cas de relèvement des seuils de la nomenclature des installations classées (ICPE) pour les élevages bovins, porcins et avicoles. Ce que le Conseil constitutionnel aurait pu censurer s’il avait saisi l’opportunité que lui donnait le contrôle de cette loi pour constitutionnaliser ce principe. Enfin, la loi allège les procédures de consultation du public pour les élevages soumis à autorisation environnementale. Il remplace les réunions publiques prévues en ouverture et en clôture de la consultation par une simple permanence du commissaire enquêteur et rend facultatives les réponses du porteur de projet aux observations du public.
Encadrer les contrôles des inspecteurs de l’environnement
La loi entend également mieux encadrer les contrôles exercés par les inspecteurs de l’environnement sur les activités agricoles. Pour cela, elle habilite ces derniers, en particulier ceux relevant de l’Office français de la biodiversité (OFB), ainsi que les agents des réserves naturelles et gardes du littoral, à porter une caméra individuelle pour enregistrer leur intervention lorsqu’un incident est susceptible de se produire. Le texte prévoit par ailleurs que les agents qui dressent les procès-verbaux devront désormais les adresser par voie hiérarchique au procureur de la République plutôt que directement, ce qui pourrait donner lieu à la mise en place d’un filtre au niveau du préfet.“ Les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible ”Confédération paysanne
En matière de pesticides, si le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions sur les conditions de dérogation à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes, subsistent toutefois les autres dispositions qui avaient été validées par le Parlement. C’est le cas de celles qui reviennent sur l’obligation de séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires pour les distributeurs ou du recentrage des certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) sur les distributeurs. Mais aussi, rares dispositions du texte favorables à la protection de l’environnement, l’élargissement aux substances actives de l’interdiction de production, de circulation et de stockage des produits phytopharmaceutiques interdits dans l’UE ou l’accompagnement des agriculteurs par l’État en cas d’interdiction en France de pesticides restant autorisés dans l’Union.
Le débat reste vif
En tout état de cause, la publication de la loi ne devrait pas clore le débat puisque des insatisfactions se manifestent des deux côtés de l’échiquier des organisations agricoles. Du fait de la censure des dispositions relatives aux néonicotinoïdes du côté des tenants du productivisme agricole, du fait de la promulgation de la loi pour les soutiens de l’agroécologie.
« Une nouvelle fois, la réalité de l’agriculture française est ignorée au profit de l’idéologie verte. Pour les juges, l’environnement prime sur les agriculteurs, balayant d’un revers de main les efforts, les sacrifices et l’engagement de tout un métier », s’est indignée la Coordination rurale après la publication de la décision du Conseil constitutionnel. « Nous demanderons que les points censurés soient rapidement repris dans un prochain texte agricole. La France ne peut pas rester le seul pays d’Europe à imposer à ses agriculteurs des contraintes que les autres ne subissent pas », ont réclamé de leur côté la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.
De l’autre côté du spectre, la censure du Conseil constitutionnel apparaît seulement comme « une victoire en demi-teinte » pour la Confédération paysanne. « Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour notre santé, pour la filière apicole et pour la biodiversité de manière générale, cela n’enlève en rien l’intention première de ce texte : accélérer la fuite en avant de l’agriculture vers un modèle toujours plus productiviste, permettre la compétitivité de la « Ferme France », en favorisant la restructuration des fermes par leur concentration », déplore le syndicat paysan ». Et de prophétiser : « Les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible ».
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef de Droit de l’Environnement
Censure partielle de la loi Duplomb : l’environnement sain, un droit constitutionnel ****
Éditorial
Le Monde
Clairement motivée par des données sanitaires alliées à l’état du droit, la décision marquante du Conseil constitutionnel indique au législateur qu’il ne saurait jouer sans garde-fou avec la santé des Français.
Publié le 08 août 2025 à 11h30 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/08/08/censure-partielle-de-la-loi-duplomb-l-environnement-sain-un-droit-constitutionnel_6627513_3232.html
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Le Conseil constitutionnel n’a pas eu besoin d’user de raisonnements tortueux pour mettre un terme, jeudi 7 août, à la controverse politique hexagonale la plus chaude de cet été. Le Parlement, en introduisant sans limitation de temps ni d’usage, par la loi Duplomb votée le 8 juillet, une dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes, dont l’usage est proscrit en France depuis 2018, « a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Or ce droit est précisément garanti par la Charte de l’environnement, un texte adopté à l’initiative de Jacques Chirac en 2004 et intégré l’année suivante dans le « bloc de constitutionnalité » français.
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Pour juger inconstitutionnelle la disposition la plus controversée de la loi Duplomb « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », les neuf juges de la rue de Montpensier ont relevé que la dérogation accordée par ce texte couvre « toutes les filières agricoles », qu’elles soient menacées ou non par des parasites, pour un temps indéterminé, alors que les produits en question « ont des incidences sur la biodiversité (…) et induisent des risques pour la santé humaine ».
Alors que les mêmes juges avaient, en 2020, donné leur feu vert à des dérogations permettant l’usage de néonicotinoïdes pour un temps limité et pour les seules betteraves, ils ont estimé cette fois que le législateur, en rejetant tout encadrement pour réautoriser des produits potentiellement dangereux, avait dépassé les bornes de la Constitution.

Limpide, clairement motivée par des données sanitaires alliées à l’état du droit, la décision tranche juridiquement un débat où les constats scientifiques avaient été relégués à l’arrière-plan par une coalition d’intérêts économiques, corporatifs et politiques, mêlant professionnels de l’agriculture intensive, droite et extrême droite, au nom de la compétitivité. Les sages de la rue de Montpensier, par cette décision marquante, consacrent la valeur constitutionnelle de l’écologie et se posent en protecteurs du droit à un environnement sain. Tout en conservant la marge d’appréciation utilisée en 2020, ils indiquent au législateur qu’il ne saurait jouer sans garde-fou avec la santé des Français.
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La censure de la disposition la plus contestée de la loi Duplomb signe une nette victoire pour les 2,1 millions de signataires de la pétition qui en réclament l’abrogation. Mais ce succès, partagé par la gauche, qui soutient cette revendication, risque paradoxalement de priver cette dernière d’un thème mobilisateur pour la rentrée, tout en constituant un soulagement pour le président de la République. Celui-ci, en cas de validation, aurait été exposé au dilemme de sa promulgation, autrement dit à un arbitrage entre agriculteurs pro-loi Duplomb et signataires de la pétition réclamant son abrogation.
Pour le gouvernement Bayrou, divisé sur un texte présenté par certains comme une aberration au regard de la science et par d’autres comme une réponse au mouvement de colère des agriculteurs de 2024, l’arbitrage du Conseil constitutionnel devrait théoriquement clore le débat. L’ardeur que mettra ou non l’exécutif à défendre la décision logique et équilibrée des gardiens de la loi suprême contre ceux qui, à droite et à l’extrême droite, ne manquent jamais d’opposer le « peuple » aux juges en dira long sur l’Etat de droit en France.
Le Monde
Loi Duplomb : une censure partielle « historique », mais sans recours au principe de précaution
Analyse
La décision du Conseil constitutionnel de partiellement censurer, jeudi 7 août, la loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur, a suscité des commentaires contrastés parmi les opposants au texte.
Publié hier à 05h00, modifié hier à 08h45 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/08/11/loi-duplomb-une-censure-partielle-historique-mais-sans-recours-au-principe-de-precaution_6628038_3232.html
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Victoire pour les uns, semi-défaite pour les autres : le Conseil constitutionnel a partiellement censuré, jeudi 7 août, la loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur, ou loi dite « Duplomb », suscitant des commentaires contrastés parmi les opposants au texte.
Pour les plus optimistes, cette décision constitue une avancée remarquable et inédite, en ce qu’elle est fondée sur la Charte de l’environnement, annexée en 2005 à la Loi fondamentale.
Mais pour les plus pessimistes des défenseurs de la santé et de l’environnement, la censure partielle ordonnée par les juges de la rue de Montpensier indique aussi qu’ils rechignent toujours à utiliser tout le potentiel du principe de précaution – inscrit à l’article 5 de la Charte – dans le contrôle de constitutionnalité des lois. Depuis deux décennies que ce principe est inscrit dans le bloc constitutionnel, il n’a encore jamais été utilisé pour censurer une loi.
Dans un entretien qu’il a accordé à Ouest France, l’avocat Arnaud Gossement, professeur associé à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, juge « historique » la censure partielle de la loi Duplomb. Et en particulier, dit-il, « c’est la première fois que le Conseil constitutionnel consacre l’article premier [de la Charte de l’environnement], sur le droit à vivre dans un environnement sain et équilibré, de manière autonome ». Autrement dit, il est inédit que cette seule disposition de la Charte conduise à déclarer inconstitutionnel un texte adopté par le législateur, en l’espèce la possibilité de réintroduire les insecticides de la famille des néonicotinoïdes – dont le désormais célèbre acétamipride – dans les accommodantes conditions prévues par la loi déférée.
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L’importance de la décision du Conseil tient à un simple constat sur la manière dont les juges de la rue de Montpensier se sont saisis jusqu’à présent de la Charte de l’environnement. Dans un article publié en novembre 2024 par la revue Titre VII, deux professeures de droit public, Marie-Anne Cohendet (université Paris I-Panthéon-Sorbonne) et Marine Fleury (université de Picardie-Jules-Verne) relèvent qu’en vingt années d’existence, la Charte n’a été que peu mobilisée par les juges constitutionnels. Entre mars 2005 et novembre 2024, les autrices notent que « le Conseil [avait] rendu 54 décisions dans lesquelles il mobilisait la Charte ». Parmi elles, 21 concernent le contrôle, a priori, de nouvelles lois, 31 portent sur des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et deux sur des décisions de délégalisation. Soit très peu de choses au regard des quelque 1 300 décisions rendues par le Conseil entre 2010 (date d’introduction des QPC) et novembre 2024.

Le bilan est ainsi jugé « limité ». En outre, ajoutent Mmes Cohendet et Fleury, sur cette cinquantaine de décisions, seulement 13 concluent à une non-conformité, soit un taux de censure de quelque 20 %. Non seulement le droit est peu interrogé au regard des principes constitutionnels de protection de l’environnement, mais la réponse des sages est, quatre fois sur cinq, de circuler car il n’y aurait rien à voir. Les deux juristes enfoncent, enfin, le clou en constatant que sur 13 censures, 9 sont fondées sur une disposition assez périphérique de la Charte, celle du devoir d’information et de participation du public (article 7).
Forts débats
Dès lors, on comprend mieux le caractère inédit de la censure partielle du 7 août, sur le fondement d’un principe large, celui du droit à vivre dans un environnement sain et équilibré.
Pour autant, plusieurs associations, ainsi que des parlementaires requérants, regrettent que les autres dispositions controversées de la loi Duplomb – sur les mégabassines ou sur l’assouplissement des conditions d’installation des grands bâtiments d’élevages intensifs – n’aient pas été totalement censurées sur la foi du principe de précaution. Celui-ci, énoncé dans l’article 5 de la Charte, dispose que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement », les autorités mettent en œuvre des « procédures d’évaluation des risques et [adoptent] des mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
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La réticence du Conseil à se saisir du principe de précaution nourrit de forts débats entre scientifiques, écologistes et praticiens du droit. Aux yeux de certains, cette manière de sembler botter en touche ne serait que le reflet de la pusillanimité et du conservatisme des juges de la rue de Montpensier – une répugnance à porter tort à de puissants intérêts économiques ou la crainte d’ouvrir une boîte de Pandore jurisprudentielle.
Le Conseil a pourtant déjà appliqué ce principe dans sa décision de 2008 sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), dans laquelle une insuffisance de précaution était contestée. Ce n’est donc pas tant son application qui pose problème, que les tentatives de certains de l’utiliser paradoxalement contre l’environnement, comme l’explique Valérie Goesel-Le Bihan, professeure de droit public à l’université Lyon-II, dans un article publié en 2017 dans la Revue française de droit administratif.
Alors qu’elles sont déjà protégées par la liberté d’entreprendre, des entreprises se sont en effet servies de ce principe pour contester des mesures législatives d’interdiction définitives destinées à lutter contre des risques avérés, comme en 2013 pour l’extraction du gaz de schiste. Une suspension seulement provisoire, plaidaient les firmes, suffisait en attendant de faire plus de recherches… Il est donc aussi nécessaire, dit Mme Goesel-Le Bihan, que le principe de précaution reste au service du seul objectif de la Charte : la protection de l’environnement.
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***Loi Duplomb : la censure partielle du Conseil constitutionnel n’éteint pas la bataille politique
Le droit à vivre dans un environnement sain, au cœur de la Charte de l’environnement, a été invoqué par l’institution de la rue de Montpensier pour censurer l’article le plus emblématique sur les néonicotinoïdes, jeudi 7 août. Un camouflet pour le gouvernement qui peine à résoudre la crise agricole.
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La loi Duplomb sur les contraintes agricoles sera promulguée, mais amputée de son article phare. L’article 2, qui prévoyait la réautorisation de trois pesticides de la famille des néonicotinoïdes a, en effet, été censuré, jeudi 7 août, par le Conseil constitutionnel, au nom du droit à vivre dans un environnement sain. L’institution de la rue de Montpensier souligne que ces produits ont des « incidences sur la biodiversité (…), ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine ».
Un mois après le vote final du texte, l’avis du Conseil était très attendu, depuis qu’une pétition lancée par une étudiante, le 10 juillet, a réuni plus de 2,1 millions de signatures sur le site de l’Assemblée nationale pour demander l’abrogation de la législation.
Dans la foulée de cette décision, Emmanuel Macron a indiqué qu’il promulguerait la loi « dans les meilleurs délais ». Un soulagement pour le président de la République, qui s’était muré dans le silence en attendant la décision des juges, redoutant de devoir arbitrer le contentieux inflammable entre les pétitionnaires et les syndicats agricoles dont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
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Le Conseil constitutionnel avait été saisi de trois recours déposés par des députés et des sénateurs issus des rangs de la gauche, qui portaient à la fois sur le fond du texte et sur sa forme. La loi Duplomb a, en effet, été votée sans débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Le rapporteur du texte au Palais-Bourbon, le député (Les Républicains, LR) de l’Aisne Julien Dive, avait soumis au vote une motion de rejet préalable, avec le soutien du gouvernement, en dénonçant l’« obstruction » de la gauche, à l’origine de la plupart des 3 500 amendements déposés. Le vote de cette motion avait eu pour effet d’envoyer la proposition de loi directement en commission mixte paritaire, où le texte avait été finalisé fin juin à huis clos.
Pour les élus à l’origine des recours, ces conditions d’examen portaient atteinte au principe de sincérité et de clarté du débat et au respect du droit d’amendement des parlementaires. Une lecture que n’a pas retenue le Conseil, qui, conformément à une tradition de réserve à l’égard du Parlement, n’a pas émis d’objection à partir du moment où les législateurs se sont appuyés sur des outils à leur disposition. « Cette situation parlementaire résulte avant tout de la faiblesse du gouvernement et de sa majorité », appuie le constitutionnaliste Benjamin Morel.
« Consensus scientifique »
Sur le fond, en revanche, la loi Duplomb voit son article le plus emblématique sur les néonicotinoïdes, être retoqué. La réintroduction de ces trois pesticides (interdits en France à partir de 2018), dont l’acétamipride, était réclamée par certaines filières agricoles, notamment celle de la betterave à sucre, au nom de la lutte contre la concurrence déloyale.
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Mais le Conseil constitutionnel reconnaît explicitement que ces substances représentent un risque, non seulement pour la biodiversité, l’eau et les sols, mais aussi pour la santé, et invoque l’article premier de la Charte de l’environnement – le droit à vivre dans un environnement sain –, pour justifier la censure. Ce constat rejoint celui émis par la trentaine de sociétés savantes et d’associations de santé qui lui avait adressé, le 26 juillet, une contribution rappelant le « consensus scientifique sur les effets délétères des [pesticides] sur l’environnement et la santé ». Le Conseil national de l’ordre des médecins avait également pris position, le 30 juillet, dans un communiqué contre ces « substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs ».
En outre, les juges soulignent que la dérogation demandée n’était pas suffisamment encadrée : ni contrainte dans le temps – malgré une clause de revoyure, elle pouvait être renouvelée sans limites –, ni limitée à certaines espèces végétales – elle pouvait potentiellement s’appliquer à toute culture faisant valoir une situation d’impasse.
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Après la décision du Conseil constitutionnel, le gouvernement se retrouve empêtré dans ses propres contradictions. Le premier ministre, François Bayrou, n’a jamais voulu trancher la position gouvernementale sur ce texte issu de la majorité sénatoriale de droite et du centre. Durant des mois, le locataire de Matignon a laissé prospérer les antagonismes jusque dans son propre camp, divisé entre la ligne pro-FNSEA, portée par la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, et celle de la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, opposée à la réintroduction des néonicotinoïdes,qualifiée de « fausse solution pour les agriculteurs ».
Victoire en demi-teinte
En ce sens, l’avis du Conseil constitutionnel constitue un camouflet pour une partie du gouvernement, alors que l’exécutif est englué dans la crise agricole depuis janvier 2024. « Il n’y a manifestement pas de pilotage interministériel dans ce gouvernement, ce qui donne des textes juridiquement très faibles, observe le député (Place publique) des Yvelines Aurélien Rousseau. Or, ces textes d’affichage ont de graves conséquences car ils mettent en scène l’impuissance du politique à résoudre des problèmes cruciaux comme ceux des agriculteurs. »

Quelques heures avant la décision du Conseil constitutionnel, François Bayrou semblait prendre ses distances avec la loi Duplomb, « une loi proposée par les parlementaires » sur laquelle « le gouvernement tirera les conclusions comme il se doit », a-t-il déclaré, en marge d’un déplacement à Rochefort (Charente-Maritime).
Soucieuse de ne pas alimenter la grogne des agriculteurs qu’elle promet de ne pas « laisser sans solution », la ministre de l’agriculture a salué, jeudi soir, les « avancées concrètes » validées par le Conseil constitutionnel, tout en regrettant « une divergence entre le droit français et le droit européen » propice à la « concurrence inéquitable » pour certaines filières, qui encourent ainsi « un risque de disparition ». Au diapason avec Mme Genevard, le sénateur (LR) de la Haute-Loire Laurent Duplomb, coauteur de la proposition de loi, évoque, de son côté, « un premier pas » pour libérer les agriculteurs de leurs « contraintes ». « En décidant de ne pas censurer l’intégralité de la loi, le Conseil Constitutionnel en reconnaît le bien-fondé, c’est une grande satisfaction », défend-il.
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Pour les opposants au texte, la censure partielle sonne comme une victoire en demi-teinte. Parmi le collectif d’associations et de scientifiques mobilisés contre la loi, beaucoup s’étonnent que les juges n’aient pas invoqué les principes de précaution et de prévention, également consacrés par la Charte de l’environnement, pour censurer l’article 2 et craignent que la porte reste ouverte à de futures demandes de dérogation mieux rédigées. « Cela nous oblige à rester mobilisés pour qu’on n’ait pas de retour de pesticides interdits », note Lorine Azoulai, coprésidente du collectif associatif Nourrir.
L’avocat spécialiste en droit de l’environnement Arnaud Gossement se veut davantage confiant : « C’est la première fois que le Conseil constitutionnel censure un article sur le fondement d’une disposition de la Charte de l’environnement [qui est intégrée depuis 2005 au bloc de constitutionnalité], note-t-il. Cette décision ne préjuge pas de ce que déciderait le Conseil à l’avenir en s’appuyant sur d’autres principes de la Charte. »
« Ingérence »
Hormis un article censuré comme étant un « cavalier législatif », sans lien suffisant avec l’objet du texte, les autres dispositions de la loi ont toutes été validées, notamment celle très débattue sur le relèvement des seuils à partir desquels les élevages doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, ainsi que l’annulation de la séparation entre la vente et le conseil en matière de produits phytosanitaires, dont beaucoup craignent qu’elle augmente le risque de conflits d’intérêts.
L’article 5 visant à faciliter les ouvrages de stockage de l’eau, en leur accordant une présomption « d’intérêt général majeur » fait, quant à lui, l’objet de réserves d’interprétation. Le Conseil constitutionnel souligne notamment que cette présomption, qui permet de valider certains projets, n’est pas absolue et qu’elle peut être contestée en justice. « On n’est plus face à un intérêt général majeur systématique. Cela veut dire qu’il sera toujours possible de contester un projet en justice, mais ce sera un peu plus compliqué, interprète le juriste Dorian Guinard, maître de conférences à l’université Grenoble-Alpes. Cette réserve est le signe que la loi Duplomb est un coup d’épée dans l’eau. »
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Mais la bataille politique autour de cette loi est loin d’être terminée. Ragaillardis par une mobilisation citoyenne sans précédent, les élus de gauche ne veulent pas relâcher la pression sur l’exécutif malgré la décision du Conseil constitutionnel qui répond en partie aux doléances des pétitionnaires. « Le président Macron devrait permettre une deuxième délibération pour qu’il y ait enfin un examen en Hémicycle et une réponse à la grande mobilisation populaire de cet été contre l’ensemble de la loi », insiste Aurélie Trouvé, la présidente « insoumise » de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale.
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La conférence des présidents de l’Assemblée doit encore entériner, en septembre, la tenue d’un débat sur la pétition. «Nous serons le relais au Parlement de la mobilisation inédite qu’il y a dans le pays et la prise de conscience très profonde du refus de tous ces produits chimiques », abonde la députée (Génération Ecologie) des Deux-Sèvres Delphine Batho, qui annonce que son groupe déposera, à la rentrée, un texte pour l’abrogation totale de la loi Duplomb.
A droite et à l’extrême droite, les remises en cause de l’Etat de droit ne se sont pas fait attendre après la censure partielle de la loi Duplomb, jugé « inacceptable et incompréhensible » par la FNSEA. « En se comportant comme un législateur alors qu’il n’en détient pas la légitimité démocratique, le Conseil constitutionnel scie la branche sur laquelle il est assis », a riposté, sur X, la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen. « Le niveau d’ingérence des juges constitutionnels devient un vrai problème pour notre démocratie », a surenchéri le président du groupe des députés LR au Palais-Bourbon, Laurent Wauquiez.
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Divisés sur la loi Duplomb, les macronistes se sont faits discrets. L’ancien ministre de l’agriculture et président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Marc Fesneau, a, lui, déploré les « polémiques regrettables » engendrées par cette législation et « qui ont profondément fracturé la relation de nombre de Français avec leur agriculture et leurs agriculteurs ».
« La loi Duplomb est un coup de poignard pour la démocratie locale »
Tribune
Une centaine d’élus – maires, conseillers municipaux, présidents d’intercommunalités, députés, sénateurs – engagés pour la transition écologique appellent, dans une tribune au « Monde », à l’ouverture d’un débat national pour construire un modèle agricole fondé sur la précaution et la durabilité.
Publié aujourd’hui à 08h00, modifié à 08h52 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/08/12/l-appel-d-elus-locaux-contre-la-promulgation-de-la-loi-duplomb-ce-texte-est-un-coup-de-poignard-pour-la-democratie-locale_6628434_3232.html
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En quelques jours, plus de 2 millions de citoyennes et de citoyens ont signé, sur le site de l’Assemblée nationale, une pétition contre la loi Duplomb – un record historique, sans relais associatif ni médiatique initial notable. Ce raz-de-marée populaire résonne dans nos communes, là où nos administrés expriment chaque jour leurs inquiétudes face à la détérioration de la santé environnementale.
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Depuis des années, nos villes et intercommunalités s’engagent résolument dans une trajectoire sans phytosanitaires. Dès 2019, un collectif de 120 maires demandait l’interdiction du glyphosate sur leurs territoires, jusqu’au Conseil d’Etat. Car nous, élus – notamment dans les zones agricoles – sommes régulièrement alertés par les citoyens et les agences régionales de santé sur la disparition massive des abeilles, la progression du nombre des cancers et la baisse de la fertilité. Ces alertes sont fondées : selon une étude parue dans Nature Communications en 2017, les populations d’insectes volants ont chuté de 75 % en Europe occidentale en moins de trente ans. Parallèlement, l’Inserm alerte sur la hausse préoccupante des cancers pédiatriques et des troubles de la fertilité, liés à l’exposition chronique à certains produits chimiques.
Le 5 juin encore, des médecins alertaient sur la contamination généralisée du blé au cadmium, métal lourd toxique. Le 22 juin, vingt-deux sociétés savantes médicales s’élevaient contre les dangers du projet de loi Duplomb.
Deux France fictives
Ces questions ne peuvent plus être ignorées : il faut y apporter des réponses urgentes. L’avenir de nos enfants en dépend. Elles n’opposent pas deux France fictives, celle des villes, qui serait oisive et consommatrice, à celle des champs, productive. Elles exigent de repenser, pour le bien commun, le mariage forcé néfaste entre une agriculture qui pèse 88 milliards d’euros et une industrie agroalimentaire qui en pèse cinq fois plus.
Nous, élus locaux, portons ces enjeux dans nos territoires. Par nos soutiens aux circuits courts et à l’agriculture biologique, par nos politiques de protection des pollinisateurs, par nos engagements pour la gestion publique de l’eau et l’amélioration de sa qualité. Partout en France, nous engageons la reconquête de nos cours d’eau : pour la baignade, la santé publique et la biodiversité. Des rivières naguère polluées sont rendues accessibles, comme la Seine à Paris, la Marne ou l’Allier, où des efforts soutenus permettent le retour de la faune aquatique.
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Comment comprendre que l’Etat fasse le chemin inverse, à rebours des engagements pris ces dernières années pour la protection de l’environnement ?
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs censuré [jeudi 7 août] les dispositions de l’article 2 autorisant à déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Mais cette censure est partielle. Elle laisse ouverte la voie à de nouvelles dérogations futures.
La loi permet également toujours :
• la facilitation des retenues d’eau, favorables aux mégabassines, sur nos bassins-versants ;
• des agrandissements d’élevages industriels échappant à l’évaluation environnementale ;
• un encadrement renforcé de l’Office français de la biodiversité, remettant en question son indépendance d’action.
Ce texte est un coup de poignard pour la démocratie locale. Il retire aux élus de terrain des moyens d’action concrets pour protéger leur population contre des risques sanitaires importants.
Sursaut collectif
L’absence de débat est flagrante : la loi a été adoptée avec une motion de rejet préalable afin d’évacuer les débats et l’examen des amendements avant la commission paritaire mixte. Et malgré les 2 millions de signatures, malgré la censure du Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron a annoncé qu’il promulguerait la loi. Ce qu’il a fait, mardi 12 août.
C’est un désaveu des dynamiques territoriales et une rupture de confiance majeure avec les Françaises et les Français. A chaque fois que le pouvoir central s’assoit sur la volonté populaire, ce sont les élus locaux qui doivent s’épuiser à réparer la démocratie et le lien entre citoyens et décideurs.
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Maires, présidents d’intercommunalité et élus locaux engagés pour la transition écologique, nous entendons chaque jour la demande citoyenne pour un air plus pur, une eau plus saine, une alimentation de qualité et des écosystèmes protégés.
Après le recul sur la taxe carbone, la condamnation de l’Etat en 2021 pour inaction climatique, l’enterrement des propositions de la convention citoyenne pour le climat, nous ne pouvons plus accepter les contradictions entre les discours nationaux et les pratiques de terrain. Nous appelons à la clarté, à un sursaut collectif contre les pollutions, pour un modèle agricole respectueux de l’environnement et des agriculteurs, premières victimes du modèle productiviste actuel. Nous appelons à revenir sur les dispositions de la loi Duplomb ; à ouvrir un débat national associant élus, citoyens et acteurs de l’agroécologie, pour construire un modèle agricole fondé sur la précaution et la durabilité. Et à transformer ce débat en consultation nationale sur la santé environnementale, qui ne peut être laissée aux seuls lobbys.
Premiers signataires : Marie Chavanon, maire (PS) de Fresnes (Val-de-Marne) ; Rémi Darmon, maire (PS) d’Orsay (Essonne) ; Stéphanie Daumin, maire (PCF) de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) ; Olivier Faure, député (PS) de la Seine-et-Marne ; Pierre Garzon, maire (PCF) de Villejuif (Val-de-Marne) ; Olivier Marchau, maire (PS) d’Epinay-sur-Orge (Essonne) ; Christian Métairie, maire (Les Ecologistes) d’Arcueil (Val-de-Marne) ; Anna Pic, députée (PS) du Val-de-Marne ; Laurence Rossignol, sénatrice (PS) du Val-de-Marne ; Isabelle Santiago, députée (PS) du Val-de-Marne. Retrouvez la liste complète des signataires ici.
Précision du 12 août à 8h30 : indication de la promulgation de la loi Duplomb par Emmanuel Macron
*L’acétamipride est-il dangereux pour l’environnement et la santé ?
Pour les élus favorables au texte, du bloc central à l’extrême droite, le fait que ce pesticide néonicotinoïde soit autorisé au niveau européen suffit à garantir son innocuité. Plusieurs études récentes mettent cependant en évidence des impacts sévères sur la biodiversité et suggèrent des effets sur le cerveau humain.
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Son nom est sans cesse revenu dans les débats qui ont précédé le renvoi en commission mixte paritaire de la proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » lundi 26 mai. L’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde banni en France depuis 2020, comme tous les produits de cette famille, en raison de leur impact délétère sur les insectes pollinisateurs, devrait être à nouveau autorisé pour plusieurs cultures (betterave à sucre, noisette…).
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Les élus favorables au texte, du bloc central jusqu’à l’extrême droite, n’ont eu de cesse de relativiser l’impact d’une telle mesure, au motif que la substance a été réautorisée en 2018 en Europe jusqu’en 2033. Les connaissances disponibles sur les effets de ce neurotoxique suggèrent cependant que certains risques posés par la substance ont été ignorés par le processus réglementaire.
Mais, ironie de la situation, c’est la France elle-même qui a soumis à la Commission européenne, à deux reprises (en 2020 et 2022), de nouvelles données justifiant, selon elle, l’interdiction de cette substance. A chaque fois, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a été saisie par Bruxelles pour les évaluer. Dans son dernier rapport, publié en mai 2024, l’agence européenne ne change pas fondamentalement sa dernière évaluation, qui a conduit à l’autorisation du produit, mais elle reconnaît « des incertitudes majeures dans l’éventail des preuves de toxicité neurodéveloppementale [toxicité pour la construction du cerveau] de l’acétamipride ».
Motifs de préoccupation
Parmi les données soumises par la France figuraient des travaux suisses de 2022 indiquant que de l’acétamipride (ou son principal produit de dégradation) était retrouvé dans le liquide céphalorachidien (qui baigne le cerveau et la moelle épinière) de 13 enfants suisses, sur un échantillon de 14.
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« La présence d’un tel produit [neurotoxique] dans le liquide céphalorachidien, ce n’est pas du tout anodin, selon le biologiste Alexandre Aebi (université de Neuchâtel), coauteur de ces travaux. D’autant moins que, jusqu’à la publication de nos résultats, on nous disait que les néonicotinoïdes ne pouvaient pas traverser la barrière hématoencéphalique. »
Ces mesures ont été reproduites sur d’autres populations. Des chercheurs chinois ont ainsi montré que, sur plus de 300 volontaires de tous âges recrutés pour leur étude, plus de 85 % portaient des traces détectables du principal métabolite de l’acétamipride dans leur liquide céphalorachidien. L’EFSA a également estimé que les limites maximales de résidus en vigueur dans les fruits et légumes représentaient un risque pour le consommateur. L’agence installée à Parme (Italie) recommandait ainsi de diviser ces seuils par cinq, ce que la Commission européenne a mis en œuvre en septembre 2024.

Depuis, d’autres travaux académiques ont été publiés, renforçant ces motifs de préoccupation. En février, des chercheurs japonais ont ainsi montré que des rongeurs de laboratoire exposés in utero à de faibles doses d’acétamipride voyaient la structure de leur cervelet altérée et, à plus hautes doses, souffraient de troubles moteurs.
De nouvelles études paraissent chaque mois ou presque. Des travaux chinois, publiés le 10 mai, ont examiné 144 adultes souffrant de troubles neurologiques et ont comparé leur exposition aux néonicotinoïdes à celle de 30 individus sains. Les auteurs indiquent que l’exposition à ces neurotoxiques et à leurs métabolites est associée à des marqueurs d’inflammation et que le principal métabolite de l’acétamipride est, de toutes les molécules recherchées, le plus présent dans les échantillons. Ils montrent surtout que les taux urinaires moyens d’acétamipride sont de six à sept fois plus élevés chez les malades que chez les autres.
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Le rapport de l’EFSA indiquait également que l’exposition au néonicotinoïde était associée à une baisse des niveaux de testostérone – un résultat obtenu sur des souris de laboratoire, mais également sur toutes les catégories d’un échantillon représentatif de la population américaine. Ces résultats suggèrent des propriétés de perturbateur endocrinien – propriétés qui « devraient être évaluées », écrit l’EFSA, selon les canons réglementaires adoptés en 2018. Ce qui n’a pas été fait. La Commission européenne et les Etats membres autorisent très fréquemment les pesticides en dépit de telles lacunes signalées par l’agence.
Tentative d’évaluation du risque
Les données sur les pollinisateurs, elles aussi, sont lacunaires. La toxicité aiguë de l’acétamipride pour l’abeille domestique (Apis mellifera) est, certes, de l’ordre de mille fois inférieure à celle de la plupart des autres néonicotinoïdes. Mais, comme le rappelle l’EFSA, les études fournies par les industriels pour tester le produit en conditions réelles ont soulevé « des inquiétudes quant à leur robustesse et leur fiabilité, en raison de graves lacunes ».
« Ces études ne peuvent pas être utilisées pour tirer des conclusions définitives sur le risque pour les abeilles, en particulier afin d’exclure tout effet chronique potentiel ou tout effet sur le développement du couvain », précise l’EFSA. En outre, l’abeille domestique est la seule espèce sur laquelle une tentative d’évaluation du risque a été menée, alors que les autres pollinisateurs, note l’EFSA, peuvent être « considérablement plus sensibles » aux néonicotinoïdes.
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En mars, deux nouvelles études ont confirmé les réserves de l’agence. Des chercheurs chinois ont montré que l’abeille domestique était attirée par les plantes contaminées par l’acétamipride : en conditions réelles, les butineuses pourraient être plus exposées à cette substance que nous l’avions estimé, augmentant ainsi les risques.
Des scientifiques allemands ont, de leur côté, montré que l’épandage d’acétamipride sur une prairie, à des concentrations faibles, proches de celles rencontrées en bordure des champs traités, conduisait en seulement deux jours à un effondrement de 92 % des populations des trois espèces d’insectes les plus abondantes dans ces milieux. Soit une sensibilité à l’acétamipride plus de 11 000 fois supérieure à celle de l’abeille domestique.
Les études disponibles indiquent que les populations d’insectes volants d’Europe se sont effondrées de plus de 80 % au cours des trois dernières décennies et que le rythme de ce déclin ne ralentit pas.
**Loi Duplomb : la Confédération paysanne salue la censure partielle, la FNSEA demande déjà un nouveau texte
Après la décision du Conseil constitutionnel d’écarter l’article sur les néonicotinoïdes, le 7 août, la FNSEA et la Coordination rurale, syndicats majoritaires chez les agriculteurs, disent leur inquiétude pour plusieurs filières – betteraves, noisettes, pommes, poires.
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« Une victoire d’étape », a réagi la Confédération paysanne, jeudi 7 août, à la suite de la publication de l’avis du Conseil constitutionnel censurant une partie de la loi Duplomb, censée lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. « Abandon pur et simple de certaines filières agricoles », a rétorqué la FNSEA. Quant à la Coordination rurale, qui revendique le titre de premier syndicat agricole depuis les élections professionnelles de janvier, elle s’est insurgée contre « une agriculture sacrifiée, une souveraineté piétinée ».
La loi Duplomb, adoptée le 8 juillet, fait l’objet d’une controverse nationale depuis qu’une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale et appelant à abroger ce texte législatif, a, en à peine un mois, rassemblé plus de 2,1 millions de signataires. Les réactions syndicales montrent que le débat est aussi intense au sein de la profession agricole elle-même.
La Confédération paysanne avait, pour sa part, souhaité participer aux réflexions des membres du Conseil constitutionnel en leur envoyant une contribution accompagnant la saisine de l’instance par des députés et sénateurs. Elle s’opposait en particulier aux dérogations à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées ainsi que des semences traitées avec ces produits.
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En ligne de mire, des insecticides jugés problématiques pour l’environnement et la santé humaine comme l’acétamipride mais aussi le flupyradifurone, et le sulfoxaflor. Elle a eu gain de cause sur ce sujet. Mais le porte-parole de ce syndicat agricole, Stéphane Galais, se refuse à tout triomphalisme : « Ce n’est pas l’euphorie de voir ce texte devant le Conseil constitutionnel. Il n’aurait jamais dû être porté par le gouvernement et bénéficier du parcours législatif qu’il a connu. C’est un échec démocratique. Il faudra continuer à se bagarrer car l’intention du texte reste. »
« Concurrence inéquitable »
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a estimé que cette décision maintient « une divergence entre le droit français et le droit européen » et les « conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières ». Elle a promis que le gouvernement serait « à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution ».
La filière pomme-poire, exprimant sa « déception », a immédiatement demandé « au gouvernement français, en cohérence avec la décision du Conseil constitutionnel, d’assumer pleinement cette décision et d’activer la procédure de sauvegarde prévue à l’article 36 du traité de Rome. Elle permettra d’interdire l’importation de produits agricoles et alimentaires issus de pays de l’Union européenne [UE] qui ont le droit d’utiliser ces matières actives ».
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Une position partagée par Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, qui exige « que tous les produits alimentaires traités par l’acétamipride ne soient plus commercialisés en France », citant en particulier les pâtes à tartiner à la noisette.
Mais la FNSEA ne se tient pas pour battue. « Les articles censurés, qui concernent notamment l’usage de certains produits phytosanitaires autorisés dans toute l’UE devront être retravaillés pour que des filières entières, comme la betterave sucrière, la noisette ou les pommes et les poires, ne soient pas purement et simplement abandonnées et vouées à disparaître. Nous demanderons que les points censurés soient rapidement repris dans un prochain texte agricole », affirme le syndicat qui se félicite de la validation des autres articles du texte législatif, favorisant entre autres l’agrandissement des bâtiments d’élevage et le stockage de l’eau.