Réformes structurelles : et maintenant, au tour de l’hôpital
Alors qu’il enchaîne les déconvenues budgétaires, l’exécutif poursuit malgré tout son agenda de réformes néolibérales engagé depuis 2017. Il compte cette fois-ci faire des économies sur l’hôpital public. Cinq ans seulement après la crise du covid-19.
Pour l’exécutif actuel, il n’y a pas de mauvaises économies budgétaires. Quand bien même ces économies concerneraient un service public déjà à l’os. Et quand bien même ce service public revêtirait une importance capitale pour la population. On parle ici de l’hôpital public. Selon Les Échos du 12 août*, « l’inefficacité des hôpitaux » serait ainsi dans le viseur du gouvernement qui compte couper à la hache dans le budget de l’année 2026.
Rappelons que François Bayrou a fixé à 44 milliards d’euros l’objectif d’économies pour l’année prochaine, afin de ramener le déficit de 5,4 % à 4,6 % du PIB en 2026. S’il est encore aux affaires, il compte faire plus encore les années suivantes pour passer en dessous de la barre des 3 % en 2029, comme promis à Bruxelles. Un coup de frein budgétaire qui risque de ralentir encore davantage la croissance économique déjà atone – elle devrait s’établir à 0,6 % en 2025, selon l’Insee.
Hélas, au lieu d’aller chercher l’argent là où il est, que ce soit en questionnant les 211 milliards d’euros par an d’aides aux entreprises, ou en rabotant les dispositifs permettant l’optimisation fiscale des grands groupes et des plus riches, le gouvernement préfère pousser les hôpitaux à renforcer « leurs performances ».
« Une plus grande efficacité sera demandée à l’hôpital », avait annoncé le 15 juillet François Bayrou. Il a aussi dit qu’il demanderait à l’hôpital public de « faire des économies en optimisant par exemple les achats de médicaments ou en s’appuyant sur la médecine ambulatoire ».

Le même exécutif a chargé l’hiver dernier l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales (IGF et Igas) de trouver des pistes pour « renforcer la maîtrise de la masse salariale » et d’étudier « l’opportunité d’une évolution de la carte hospitalière ». Les conclusions des deux services sont attendues à l’automne pour les débats budgétaires.
Désengagement de la Sécurité sociale
Face à cette petite musique qui monte d’une cure d’austérité à venir pour l’hôpital public, le président de la Fédération hospitalière de France, Arnaud Robinet, ne décolère pas. « J’ai entendu certains dire que l’hôpital public ne serait pas efficient, cela me met hors de moi », a-t-il aussi déclaré aux Échos.**
Certes, quand l’on se plonge dans le dernier rapport datant du 24 juillet de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sur les comptes des hôpitaux publics, on comprend que leurs finances sont loin d’être d’équerre. Leur déficit est en nette hausse et a atteint près de 3 milliards d’euros en 2024.
À LIRE AUSSICreuser les inégalités de santé, le « grand chantier » esquissé par François Bayrou
16 juillet 2025
Mais ceci n’est en rien dû à des hôpitaux qui seraient rendus obèses par leur train de vie somptuaire. Le déficit des hôpitaux se creuse en fait à cause, d’une part, de la baisse relative des remboursements par la Sécurité sociale de la croissance de leur activité, largement portée par l’ambulatoire.
Et d’autre part, la Drees a constaté une nette hausse de leur masse salariale « en lien avec les mesures nationales de revalorisations des rémunérations dans la fonction publique hospitalière ».
Or, il est difficile d’avancer aujourd’hui que le personnel hospitalier roule sur l’or. Certes les fonctions hospitalières, notamment le personnel soignant, sont davantage soutenues financièrement depuis la crise du covid-19, mais les revalorisations salariales les concernant avaient été quasi inexistantes durant la décennie précédente.
Du reste, depuis le choc de la crise sanitaire, la nécessité d’allouer davantage de moyens à l’hôpital public était communément admise pour assurer un niveau de soin de qualité pour la population. Même Emmanuel Macron, en mai 2020, avait concédé – fait rarissime – un mea culpa au sujet du sous-investissement dans l’hôpital public dont l’État avait été, selon lui, coupable depuis son arrivée au pouvoir.
« On a sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée », avait-il accordé. Son entourage reconnaissant que les deux plans de réforme de l’hôpital public lancés en 2017 et en 2019 « étaient sous-dimensionnés ».
Mais cinq ans après le covid-19, il n’est plus question pour l’exécutif de faire des sentiments vis-à-vis des soignant·es. La priorité « vitale » pour la France est désormais de réduire le déficit et la dette par le biais de la baisse des dépenses publiques, martèle François Bayrou.
Une véritable saignée est donc attendue. Et c’est d’autant plus compliqué à accepter pour la population que c’est ce même exécutif qui a creusé le trou dans les comptes publics. Près de 70 milliards d’euros se sont en effet évaporés des comptes publics en 2023 et en 2024 à cause d’une erreur d’appréciation du gouvernement et de ses services concernant le niveau des recettes fiscales.
Des réformes en masse
Une erreur que le gouvernement Bayrou fait désormais payer aux services publics et au modèle social. Car en parallèle, il ne compte surtout pas déroger à la politique de l’offre mise en place depuis 2017, faite de baisses d’impôts sur le capital, d’allègements de cotisations sociales pour les entreprises, et de mesures visant à flexibiliser le marché du travail.
Tous ces dispositifs ont eu un coût pour les finances publiques : plus de 50 milliards d’euros de baisses d’impôts ont été votées ; les allègements de cotisations étaient de 25 milliards d’euros plus élevés en 2024 qu’en 2017 ; et la forte hausse du nombre d’autoentrepreneurs – 800 000 de plus qu’en 2017 – sont autant d’emplois qui cotisent moins qu’un salarié à la Sécurité sociale.
Hélas, ces baisses d’impôts n’ont pas généré le ruissellement promis en termes de croissance économique et de recettes fiscales pour l’État.
Pour financer ce manque à gagner et hypothétiquement tenter de rentrer dans les clous de Bruxelles comme il s’y est engagé, l’exécutif a alors choisi de taper fort dans les seuls postes de dépenses qui peuvent lui rapporter des milliards en très peu de temps : ceux de la protection sociale.
À LIRE AUSSIBudget 2026 : les économies à tout-va de François Bayrou
Les retraites d’abord, avec la réforme de 2023 qui repousse l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. L’assurance chômage, ensuite, qui a subi pas moins de quatre réformes depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, et qui pourrait bien en connaître une cinquième.
François Bayrou a en effet envoyé le 8 août aux partenaires sociaux une feuille de route pour une nouvelle réforme qui permettrait de générer 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires par an à partir de 2030.
Reste, enfin, la santé, qui est la nouvelle martingale à économies budgétaires du gouvernement. Contrôles accentués des arrêts maladie, baisses de la prise en charge des affections de longue durée (ALD), déremboursement de médicaments... François Bayrou compte désormais gratter tout ce qu’il peut au sein de ce poste de dépenses pour trouver des milliards.
Il compte même aller jusqu’à reprendre les cannes anglaises et les fauteuils roulants dans les logements des personnes décédées, c’est dire ! « J’ai toujours été frappé que les dispositifs » comme « les fauteuils pour les personnes infirmes gravement malades en fin de vie, les cannes anglaises » ne soient pas « réutilisés après que la personne n’en a plus besoin, par exemple après qu’elle a disparu », a-t-il déclaré le 15 juillet.
Peu surprenant dès lors, que l’hôpital, le premier poste de dépenses de santé en France – 122 milliards d’euros sur 249 milliards d’euros au total – soit désormais en plein dans le viseur de l’exécutif. Après avoir connu un sous-investissement chronique au regard de la hausse des besoins en soins ces dernières années, l’hôpital public pourrait donc subir en 2026 ses premières coupes budgétaires drastiques depuis la crise du covid-19.
*Budget 2026 : l’inefficacité des hôpitaux dans le viseur du gouvernement
François Bayrou a prévenu que les hôpitaux seront notamment appelés à faire des économies sur les achats. L’évolution de la carte hospitalière est évoquée. Les appels à des réformes se multiplient, mais le dossier est sensible et des grèves se préparent déjà.

Publié le 12 août 2025 à 06:10Mis à jour le 12 août 2025 à 06:22 https://www.lesechos.fr/economie-france/social/budget-2026-linefficacite-des-hopitaux-dans-le-viseur-du-gouvernement-2180972
Les gestionnaires d’hôpitaux publics ont de quoi s’inquiéter. Malgré les moyens déployés dans le sillage de la crise du Covid, les hôpitaux creusent leurs pertes – avec un déficit avoisinant les 3 milliards d’euros l’an dernier – et le gouvernement compte les pousser à renforcer leurs performances.
« Une plus grande efficacité sera demandée à l’hôpital », a prévenu à la mi-juillet le Premier ministre, François Bayrou. Alors qu’il prévoit de contenir la hausse des dépenses de santé dans le prochain budget, les hôpitaux pourraient, selon lui, faire des économies en optimisant par exemple leurs achats de médicaments ou en s’appuyant sur la médecine ambulatoire…(Suite abonnés)

Plan Bayrou : la FHF juge « inacceptable » d’exiger plus d’efficacité de l’hôpital public
Alors que le Premier ministre a laissé entendre mi-juillet que des économies allaient être demandées aux établissements de santé, la Fédération hospitalière de France fait part de sa « vive inquiétude ».

« Un plus grand effort sera demandé à l’hôpital », a prévenu François Bayrou, mi-juillet, à l’occasion de la présentation de son vaste plan d’économies. Avec un déficit avoisinant les 3 milliards d’euros l’an dernier, les hôpitaux publics sont dans le viseur du Gouvernement, soulignent Les Echos dans un article publié mardi 12 août. Et ce depuis plusieurs mois si l’on en croit le quotidien économique, puisque dès février les ministres chargés des Finances et de la Santé ont sollicité l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF), leur demandant de plancher sur « la maîtrise des charges et l’efficience » des hôpitaux publics.
Toujours selon Les Echos, il aurait été demandé aux inspecteurs d’identifier des pistes pour « renforcer la maîtrise de la masse salariale » et d’étudier « l’opportunité d’une évolution de la carte hospitalière ».
Ces derniers mois, les appels à mener des réformes pour améliorer la performance des hôpitaux se sont multipliés, souligne le journal. Pointant la « baisse apparente de la productivité » des hôpitaux et la « dégradation inédite de [leur] situation financière », dans un rapport publié début juillet, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ont ainsi jugé que la situation imposait de « réenclencher des actions permettant aux établissements de santé d’accroître leur efficience ».
Face à la menace d’austérité, la Fédération hospitalière de France (FHF) a exprimé ce mercredi 13 août sa « vive inquiétude » dans un post publié sur LinkedIn. « Il est inacceptable d’entendre qu’une plus grande efficacité serait exigée de l’hôpital public, particulièrement à un moment où les établissements publics de santé et médico-sociaux affrontent des températures caniculaires qui touchent l’ensemble de la population, augmentent leur activité et accentuent les tensions aux urgences, tout en mettant à rude épreuve les résidents et les équipes des Ehpad », écrit l’organisation.
Lire aussi : Canicule : les hôpitaux sont prêts à « répondre aux besoins », assure Vautrin
« L’effort national d’économies doit être partagé par l’ensemble des acteurs du système de santé, et surtout pas concentré sur le seul hôpital public », poursuit la fédération, inquiète. L’hôpital public « ne saurait être la cible facile d’économies brutales », a également réagi son président, Arnaud Robinet, sur le réseau social.
Or, « tout porte à croire que les préconisations du rapport Igas–IGF attendu à l’automne s’inscriront dans une logique de ‘rabot’ budgétaire, approche à la fois inefficace et porteuse d’un risque majeur pour la pérennité de l’hôpital public », redoute la FHF. « Le Gouvernement ne peut se contenter d’un rabot budgétaire », juge la fédération, qui appelle à de « véritables choix de réorganisation de l’offre de soins dans les territoires, construits en concertation, pour améliorer durablement l’efficience du système ». Des « réformes structurantes et équilibrées », « garantissant le maintien de l’accès aux soins pour toutes et tous », doivent être mises en œuvre, insiste-t-elle.
Une loi de programmation en santé « constitue le cadre indispensable pour planifier et accompagner ces évolutions, en donnant aux acteurs hospitaliers la visibilité et les moyens nécessaires pour relever les défis à venir », défend la FHF. Cette loi permettrait, entre autres, de « sanctuariser les investissements hospitaliers », « porteurs d’économies à court terme », loue la fédération.
[avec Les Echos]
**La Fédération hospitalière de France exprime sa vive inquiétude face aux annonces d’économies du Premier ministre et de son Gouvernement.
Il est inacceptable d’entendre qu’une plus grande efficacité serait exigée de l’hôpital public, particulièrement à un moment où les établissements publics de santé et médico-sociaux affrontent des températures caniculaires qui touchent l’ensemble de la population, augmentent leur activité et accentuent les tensions aux urgences, tout en mettant à rude épreuve les résidents et les équipes des EHPAD.
Tout porte à croire que les préconisations du rapport IGAS–IGF attendu à l’automne s’inscriront dans une logique de « rabot » budgétaire, approche à la fois inefficace et porteuse d’un risque majeur pour la pérennité de l’hôpital public. Dans un écosystème déjà fragilisé, une telle méthode risquerait de mettre en péril la capacité des établissements publics de santé à répondre aux besoins actuels de la population.
La FHF rappelle avec force que l’effort national d’économies doit être partagé par l’ensemble des acteurs du système de santé, et surtout pas concentré sur le seul hôpital public. Celui-ci fait déjà face, avec détermination, à une période estivale particulièrement tendue, aggravée par la canicule qui frappe actuellement tout le pays.
Le Gouvernement ne peut se contenter d’un rabot budgétaire : une telle logique budgétaire court-termiste et dangereuse pour l’avenir de l’hôpital public doit être remplacée par de véritables choix de réorganisation de l’offre de soins dans les territoires, construits en concertation, pour améliorer durablement l’efficience du système.
L’hôpital public participe déjà pleinement à l’effort national et est prêt à l’approfondir, mais seulement dans le cadre de réformes structurantes et équilibrées, garantissant le maintien de l’accès aux soins pour toutes et tous.
À cet égard, la FHF rappelle que la mise en œuvre rapide d’une loi de programmation en santé constitue le cadre indispensable pour planifier et accompagner ces évolutions, en donnant aux acteurs hospitaliers la visibilité et les moyens nécessaires pour relever les défis à venir. Cette loi permettrait, par exemple, de sanctuariser les investissements hospitaliers, pilier essentiel pour engager la transition écologique des établissements, dont l’importance est illustrée par les températures extrêmes qui frappent actuellement l’ensemble du pays. Ces investissements sont également porteurs d’économies à court terme.
Maire de Reims Président du Grand Reims Président de la fédération hospitalière de France