Une contre vérité du « Monde » sur les dépassements d’honoraires: « Beaucoup disent tenir compte de la situation sociale de leurs patients. »

Comment le secteur 2, cet espace de « liberté tarifaire », s’est développé chez les médecins spécialistes

En 2024, le montant total des dépassements d’honoraires a atteint 4,5 milliards d’euros, contre 3,5 milliards d’euros cinq ans plus tôt, selon l’Assurance-maladie, qui comptabilise 56 % de spécialistes ayant choisi cette liberté tarifaire. 

Par Publié hier à 05h15, modifié hier à 16h04 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/08/09/comment-le-secteur-2-s-est-developpe-chez-les-medecins-specialistes_6627574_3224.html

Temps de Lecture 5 min.

SÉVERIN MILLET

Il y a les difficultés d’accès aux soins que l’on éprouve parce qu’on peine à trouver sur son territoire un dermatologue, un gynécologue, un ophtalmologue… Et il y en a d’autres, moins visibles, liées aux tarifs affichés par un praticien – les « dépassements d’honoraires », selon l’expression consacrée – qui obligent parfois à passer son chemin.

Lesecteur 2, soit cet espace de « liberté tarifaire » dans lequel les médecins peuvent fixer le prix de leurs consultations au-delà du tarif conventionnel, dit « opposable », servant de base aux remboursements de la Sécurité sociale, est devenu, pour certains patients, une cause de renoncement aux soins. Au point que certains observateurs du monde de la santé empruntent, pour le nommer, l’expression de « déserts médicaux invisibles ».

Le rapport annuel « Charges et produits » de l’Assurance-maladie, publié en juin, est venu éclairer le phénomène, et c’est une forte accélération du développement du secteur 2 qui apparaît ces dernières années. En 2024, le montant total des dépassements d’honoraires a atteint 4,5 milliards d’euros, contre 3,5 milliards cinq ans plus tôt et 3,2 milliards en 2014.

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Une « rupture marquée depuis la crise sanitaire du Covid-19 » est identifiée par l’Assurance-maladie : les dépassements d’honoraires ont augmenté de 7 % par an, à compter de 2021, contre 2 % par an, avant 2019. Dans le même temps, la part de ces médecins dits « conventionnés à honoraires libres » poursuit sa progression, atteignant 56 % des spécialistes en 2024, contre 37 % en 2000 – la barre des 50 % ayant été franchie en 2021.

Les généralistes ne sont pas concernés, ces derniers exerçant quasi exclusivement (95 %) en secteur 1 (c’est-à-dire en appliquant les tarifs fixés par la convention médicale, sauf exception), relevant de règles différentes pour prétendre au secteur 2, extrêmement restreintes.

Accélération après la crise sanitaire

Si l’Assurance-maladie ne s’arrête pas sur le détail des spécialités les plus concernées, son précédent rapport montrait que les chirurgiens arrivent en tête, avec 85 % de professionnels en secteur 2 (en 2022), suivis des gynécologues (73 %), des ORL (70 %) et des ophtalmologues (68 %). A l’inverse, 94 % des néphrologues, 82 % des radiologues et plus de 70 % des pneumologues et cardiologues exercent en secteur 1.

Comment expliquer cette accélération après la crise sanitaire ?

L’Assurance-maladie le souligne, l’activité ayant été mise à l’arrêt dans de nombreux cabinets médicaux les premiers mois de l’épidémie, en 2020, un rattrapage a pu intervenir les années suivantes. Sans compter aussi, la forte inflation, jusqu’en 2023, qui a pu ainsi être compensée par des médecins. Il n’empêche, une tendance lourde se dessine à plus long terme : ce sont 87 % des chirurgiens qui s’installent aujourd’hui en secteur 2, 89 % des gynécologues obstétriciens, 85 % des anesthésistes. Au total, près des trois quarts (74 %) de l’ensemble des nouveaux médecins spécialistes y sont installés… Bientôt la fin du secteur 1 ?

Alors que le sujet restait largement absent des débats politiques ces dernières années, le premier ministre, François Bayrou, l’a remis à l’agenda de manière inattendue. Il a nommé, le 19 mai, les députés Yannick Monnet (Parti communiste français, Allier) et Jean-François Rousset (Renaissance, Aveyron) pour une mission sur les dépassements d’honoraires, leur demandant de dresser un « état des lieux précis » et des « recommandations pour repositionner cette pratique dans notre système de santé ». Pratique qui suscite, selon lui, de « nombreuses interrogations et préoccupations », écrit-il dans un courrier adressé aux deux parlementaires, et « une incompréhension croissante chez [nos] concitoyens car ils n’en perçoivent pas toujours le sens ». Leurs travaux doivent aboutir à l’automne. Hasard de calendrier, le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie doit également rendre un rapport sur le sujet à cette période.

« Renoncement aux soins »

Pour Gérard Raymond, président de France Assos santé, la principale fédération d’organisations de patients, on assiste à une « vraie dérive »« la démonstration que notre système de santé marche sur la tête »« Sans remettre en cause la valeur ou la qualité de la médecine spécialisée, il faut d’urgence trouver un système qui permette de réguler ce secteur 2, les dépassements sont devenus insupportables, ils accentuent les difficultés d’accès à un médecin, le renoncement aux soins, les inégalités », estime le représentant des patients.

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« Voilà des décennies qu’aucun gouvernement n’a jamais remis en cause le secteur 2, observe Philippe Batifoulier, professeur d’économie de la santé à l’université Sorbonne-Paris Nord. Les pouvoirs publics et l’Assurance-maladie ont seulement tenté de l’encadrer, et toujours sur la base du volontariat [des praticiens]. »

Créé en 1980, sous la pression des médecins, cet espace de liberté tarifaire a été ouvert par les pouvoirs publics, neuf ans à peine après la mise en place du système conventionnel, dans lequel l’Assurance-maladie fixe pour une consultation ou un acte un tarif remboursé au patient, que doit respecter le médecin signataire de la convention, rapporte l’universitaire.

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« Dès 1990, le gouvernement essaie de “refermer” ce secteur 2, mais les médecins s’y opposent, reprend-il. Il va alors être “gelé”, seuls les praticiens y ayant déjà souscrit pourront désormais y prétendre. » Avec une exception de taille, néanmoins : les spécialistes pour lesquels l’option reste ouverte, sous certaines conditions. Exception dans laquelle ils vont être de plus en plus nombreux à s’engouffrer, jusqu’à cette accélération post-Covid.

Tentatives d’encadrement

N’existe-t-il aucune limite ? Le fonctionnement du secteur 2 apparaît complexe, et source de confusion pour de nombreux assurés. Chaque praticien qui le rejoint, à la condition d’avoir effectué un assistanat de deux années supplémentaires à l’hôpital, est libre de fixer le montant qu’il souhaite pour chacun de ses patients, qui restent remboursés par l’Assurance-maladie au tarif opposable (ce qui n’est pas le cas du secteur 3, avec ces 700 à 800 médecins non-signataires de la convention, dont les patients ne se voient pas rembourser leur consultation). Ses dépassements sont parfois couverts, en partie ou totalement, par les complémentaires santé, selon les contrats et le niveau de dépassement.

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Le médecin en secteur 2 se doit néanmoins de les déterminer avec « tact et mesure », selon le code de déontologie, ce qui ne manque pas d’être sujet à interprétation – les contrôles de « pratiques tarifaires excessives », par l’Assurance-maladie,restant extrêmement limités.

Depuis les années 2010, plusieurs tentatives d’encadrement de ces dépassements se sont succédé, avec la création du « contrat d’accès aux soins » en 2013, remplacé par l’Optam, en 2017, soit le dispositif « optionnel de maîtrise des tarifs ». Un médecin de secteur 2 qui y souscrit doit effectuer un minimum de son activité aux tarifs de secteur 1, et respecter un taux moyen de dépassement d’honoraire pour les autres patients – avec des règles individualisées pour chaque praticien. En contrepartie, il reçoit divers avantages financiers.

« Perte de confiance »

« Plus d’un médecin [de secteur 2] sur deux adhère à l’Optam aujourd’hui, relate Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance-maladie. C’est un dispositif qui fonctionne, il permet bien de modérer les dépassements, mais la dynamique actuelle interroge. » Dans son rapport annuel, l’Assurance-maladie juge ainsi « impératif d’engager une refonte plus conséquente du dispositif, pour geler durablement le niveau de dépassement ».

Dans les rangs de médecins spécialistes, difficile néanmoins d’entendre la moindre remise en question de cette pratique. Pour Patrick Gasser, à la tête du syndicat Avenir Spé-Le Bloc, il faut avant tout interroger le niveau des tarifs – fixés par l’Assurance-maladie –, qui, pour les actes techniques, n’a pas bougé depuis… 2004. « Il y a même eu des diminutions tarifaires, se défend-il. Tout le monde reconnaît que les tarifs des spécialistes sont sous-valorisés. »

Entre des charges qui augmentent, la nécessité de financer des investissements, en robotique par exemple, et en face, ces tarifs des actes qui ne suivent plus depuis longtemps, le secteur 2 « ne va faire qu’augmenter », selon le gastro-entérologue, qui y voit aussi une « perte totale de confiance dans le système et dans les politiques ».

Le praticien, qui tient toutefois à rappeler le faible niveau de « reste à charge » qui demeure en France (7,5 % de la consommation de soins et de biens médicaux pèsent sur les ménages ; 13 % sur les mutuelles ; le reste sur l’Assurance-maladie obligatoire), refuse toute « régulation supplémentaire » ou « fermeture » de ce secteur. « La solution, c’est de réfléchir à qui on peut faire payer des dépassements, avec pour objectif qu’il n’y ait pas de renoncement aux soins, et pour cela il faut former les professionnels à reconnaître les signes de vulnérabilité, de précarité », estime-t-il.

Ces médecins qui peuvent demander des dépassements d’honoraires : « J’ai travaillé trente ans dans les hôpitaux en étant mal payé, j’ai bonne conscience »

Les professionnels interrogés par « Le Monde » détaillent les modalités de fixation du montant de leurs consultations. Beaucoup disent tenir compte de la situation sociale de leurs patients.

Propos recueillis par Publié hier à 13h00, modifié à 00h47 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/08/09/depassements-d-honoraires-quand-un-patient-a-des-difficultes-financieres-on-ajuste-le-tarif_6627609_3224.html

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Dans le cabinet médical, à Quimper, le 1ᵉʳ juillet 2025.
Dans le cabinet médical, à Quimper, le 1ᵉʳ juillet 2025.  FRED TANNEAU/AFP

Comment les médecins fixent-ils le montant des consultations ou des actes quand ils exercent en secteur 2 et peuvent demander des dépassements d’honoraires à leurs patients ? La question est souvent « l’objet de tous les fantasmes », souligne-t-on dans les rangs des professionnels interrogés par Le Monde, alors que 56 % des médecins spécialistes sont désormais installés dans ce secteur dit « conventionné à honoraires libres », selon les derniers chiffres publiés par l’Assurance-maladie, en juin.

« Non, je ne fais pas payer à la tête du client », évacue Vincent Dedes, à la tête du syndicat national des ophtalmologistes, qui exerce dans les Hauts-de-France. Le praticien de 56 ans a beau être en secteur 2, il réalise 60 % de son activité au « tarif opposable » de secteur 1 – celui fixé par l’Assurance-maladie, soit 31,50 euros pour sa consultation de base. Comme tous les médecins de secteur 2, il a obligation de le faire pour les patients relevant de la complémentaire santé solidaire ou de l’aide médicale d’Etat. Et il choisit de l’appliquer aussi aux malades chroniques, nombreux dans sa patientèle, qui doivent consulter régulièrement. « Pour un patient que je vois une fois tous les trois ou quatre ans, j’applique plus facilement les dépassements », explique-t-il.

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Il ne fait pas secret des montants : pour une consultation de base, il demande, avec dépassements, 50,50 euros. Son taux moyen de dépassement s’élève à 20 % du tarif de base de la Sécurité sociale, précise l’ophtalmologue adhérant à l’Optam – le dispositif optionnel dit « de maîtrise des tarifs », contractualisé avec l’Assurance-maladie, qui prend en charge une partie des cotisations sociales du médecin en échange d’un encadrement de ses tarifs. Comme de nombreux praticiens, il précise : « Quand un patient a des difficultés financières, on ajuste le tarif. »

Explosion des charges

Son collègue gastro-entérologue Franck Devulder, à la tête de la Confédération des syndicats médicaux français, le souligne : « Comme chez un artisan ou un commerçant, il n’y a pas une seule règle, chaque médecin a ses principes, c’est très personnel. » Lui ne demande jamais un euro de dépassement à un étudiant ou à un professionnel de santé. Il applique, sinon, soit son tarif avec dépassement, soit le tarif opposable. « Je ne module pas selon les patients, résume le médecin rémois, en secteur 2 et adhérent de l’Optam. Même si j’essaie de faire, autant que possible, attention à la situation sociale du patient. »

Le docteur Etienne Fourquet, à la tête du Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs, le reconnaît sans difficulté, il a augmenté ses dépassements ces cinq dernières années face à l’explosion de ses charges et des coûts de la pratique. « J’ai augmenté légèrement le tarif des actes les plus fréquents, comme l’endoscopie, l’opération de la cataracte, l’extraction des dents de sagesse, rapporte l’anesthésiste de 55 ans, qui exerce dans la région lyonnaise en secteur 2. En revanche, sur des actes d’esthétique [non remboursés, hors convention], je me suis permis des hausses plus fortes, avec des dépassements de l’ordre de 400 à 800 euros en fonction du type d’intervention. » Son revenu, d’environ 6 000 euros net par mois, est resté stable, en travaillant cinquante à soixante-dix heures par semaine.

Pour Valérie Briole, rhumatologue à Paris, le secteur 2 est la condition qui lui permet de continuer à exercer dans la capitale. « J’ai calculé en tenant compte du loyer, des charges, des assurances… Le coût de ma consultation de base représente en réalité 43 euros, alors que le tarif opposable est, dans ma spécialité, à 23 euros », affirme la professionnelle de 56 ans, qui loue notamment un espace de consultation, plusieurs demi-journées par semaine, dans le 5arrondissement. Elle qui réalise 60 % de ses actes à tarif opposable affiche les mêmes tarifs depuis vingt ans : ses « compléments d’honoraires », dit-elle, représentent jusqu’à 40 % du tarif opposable, pour un premier rendez-vous qui peut durer bien plus longtemps et comporte fréquemment des actes de ponction ou d’infiltration. Elle les fixe ensuite à un niveau inférieur pour les consultations suivantes.

« Nous prenons des risques vitaux »

Gynécologue-obstétricien à la clinique Jean-Villar, dans l’agglomération bordelaise, Olivier Jourdain décrit encore d’autres choix. Le praticien, installé depuis vingt-sept ans en secteur 2, applique 100 % de dépassement pour un accouchement (le tarif Sécurité sociale est de 313,50 euros) ou pour de la chirurgie gynécologique, soit « le niveau remboursé par les bonnes mutuelles », dit-il. « En cancérologie, je ne prends pas de dépassements, comme de nombreux confrères », ajoute-t-il. Sans oublier une autre règle qui prévaut pour tous, rappelle-t-il : l’urgence ne peut faire l’objet de dépassements.

Sous le sceau de l’anonymat, d’autres professionnels assument des dépassements bien plus élevés. Un médecin ORL relate ainsi les 150 euros qu’il demande lors d’une consultation pour des vertiges, contre un tarif « Sécu » de 40 euros, ou les 400 euros pour une opération des amygdales sur un enfant, quand le tarif opposable est de 98 euros. Bien au-delà des 100 % de dépassement maximum à respecter – en moyenne – dans le cadre de l’Optam, auquel il adhère. « Cela fait quarante ans que je pratique cette opération, dit-il. Nous prenons des risques vitaux et nous sommes de moins en moins nombreux à le faire. » Exerçant dans un désert médical, il atteint aujourd’hui un revenu de 30 000 euros par mois. « J’ai bonne conscience, je suis en fin de carrière, j’ai travaillé trente ans dans les hôpitaux en étant mal payé, quatre-vingt-dix heures par semaine quand j’étais interne », se défend-il.

Camille Stromboni

Commentaires Dr Jean SCHEFFER:

-Les généralistes commencent à faire des dépassements d’honoraires, dans les grandes villes ils atteignent déjà 10%

-Il est clair que les dépassements appliqués par de nombreux spécialistes sont supérieurs au 100% du tarif opposable alors qu’en signant dans la cadre de l’OPTAM avec l’assurance maladie ils s’étaient engagés à respecter l’encadrement demandé. En 2016 (60 millions de consommateurs) 7 sur 10 interventions sont au-dessus de +100% du tarif sécu (tarif opposable).

-Comment le Monde peut-il laisser dire que « Beaucoup disent tenir compte de la situation sociale de leurs patients » ? La plupart du temps c’est suite à la demande du patient, et seule une faible minorité ose faire cette démarche. Les taux de dépassements qui dépassent 70% sont obligatoirement associés à des manques de « tact et mesure »

Quand on considère le pourcentage très faible des consultations effectuées au tarif opposable (honoraire sécu) par les médecins en secteur II (honoraires libres), il est évident que de nombreux actes ne sont pas réalisés avec un tarif basé sur le « tact et mesure »

Les caisses ont laissé s’installer en secteur II (Honoraires libres) de nombreux spécialistes et même généralistes qui ne remplissaient pas les conditions d’admission (ancien chef de clinique ou assistant des hôpitaux). Ce laxisme a été dénoncé à plusieurs reprises par la cour des comptes et par l’IGAS et il est à l’origine de la multiplication exponentielle du nombre de praticiens à honoraires libres et du montant total des dépassements.

Part des praticiens effectuant des dépassements d’honoraires (5)

20162021Évolution sur 5 ans
Anesthésistes46,0 %58,8 %+12,8 points
Cardiologues22,3 %26,5 %+4,2 points
Dermatologues43,5 %47,6 %+4,1 points
Gynécologues62,1 %71,4 %+9,3 points
Gastro-entérologues41,9 %48,8 %+6,9 points
Pédiatres39,2 %49,1 %+9,9 points
Ophtalmologues58,8 %66,7 %+7,9 points
Psychiatres35,5 %43,5 %+8,0 points
Total spécialistes45,8 %52,2 %+6,4 points

Source : UFC-Que Choisir, d’après données de l’Assurance maladie.

-Il y a bien d’autres professions qui font plus de 10 ans d’études et qui ne mettent pas en avant cet argument alors qu’ils ont des salaires cinq fois moindre que de nombreux spécialistes (Chercheurs, Professeurs d’université…)

-Laisser dire que les praticiens hospitaliers sont mal payés est scandaleux: ils atteignent en fin de carrière 10 000€/mois et débutent à 4500€.

-Un des scandales chez les libéraux c’est les écarts de revenus entres les spécialités; il suffirait de diminuer les revenus les plus élevés, d’augmenter les bas revenus pour pouvoir supprimer les dépassements d’honoraires en augmentant les actes sous-cotés ou encore mieux en salariant l’ensemble. Comment accepter qu’un interniste, comme un gynécologue médical, un gériatre, un pédiatre, un psychiatre , un endocrinologue, gagnent 6 fois moins qu’un cancérologue sans parler des avantages de Big Pharma envers ce dernier (Etudes, Congrès…) !

-La moyenne de spécialistes en secteur II par département ne signifie rien. Ce qui compte c’est la possibilité d’un libre choix pour le patient dans son territoire entre un secteur I et secteur II dans la spécialité dont relève le patient. Il faut donc voir dans chaque ville, spécialité par spécialité, celles où ce libre choix n’existe plus. Il y a déjà plus de quinze ans, il y avait plus de 100 villes où il y avait un monopole du secteur lucratif dans une ou plusieurs spécialités chirurgicales. 

-En cas de monopole du secteur lucratif dans un territoire, il faut regarder le pourcentage d’actes et de consultations réalisés par le spécialiste en dehors des urgences au tarif opposable (ce contexte d’urgence ne permettant pas d’appliquer la procédure de dépassement).  S’il dépasse 80%de dépassements, il s’agit d’une activité qui n’est pas réalisée avec’’tact et mesure’’, susceptible de sanction par l’ordre et les caisses (les patients ignorent le plus souvent qu’il existe un recours où craignent dans les petites villes des conséquences sur les soins pour eux ou pour leurs proches).

Commentaire par Étienne Caniard ancien président de la mutualité Française

Secteur 2, une hypocrisie qui dure depuis 45 ans!

Qui se souvient que si la Sécu est née en 1945 il a fallu attendre 1971 pour que l’instauration de tarifs opposables permette une maîtrise réelle des sommes restant à la charge des patients? Qui se souvient que 9 ans plus tard Raymond Barre inventait le secteur 2, dans l’indifférence générale puisque même le « programme commun » en 1981 n’y fait aucune allusion. Les tarifs réellement opposables ne représentent finalement qu’une courte parenthèse de 9 ans sur les 80 ans d’histoire de la Sécu.
Rien d’étonnant à cela car comment imaginer qu’un même tarif puisse s’appliquer à tous les actes quelles que soient les conditions dans lesquelles il s’exerce ou quelle que soit sa complexité. Pour y remédier les conventions successives ont multiplié les exceptions, les particularités tarifaires au point que plus personne, pas même les médecins ne se retrouvent dans cette jungle tarifaire. Même pour les généralistes, pourtant presque tous en secteur 1 la valeur de l’acte est bien différente de la réalité de leur rémunération … et heureusement! L’acte est fixé à 30€ depuis qq mois mais si l’on divise leurs revenus par le nombre d’actes effectués on arrive à un montant compris entre 35€ et 40€ grâce aux diverses dérogations et rémunérations forfaitaires (environ 20% de leur rémunération)!
Aujourd’hui le secteur 2 est devenu la règle pour les spécialistes avec de nombreuses conséquences:

  • rendre illusoire la revalorisation de la médecine générale
  • multiplier les difficultés d’accès aux soins
    Ces dépassements d’honoraires ne correspondent à aucun critère médical objectif mais dépendent de la seule volonté du médecin concerné … et du contexte économique du lieu d’installation.
    N’est il pas temps de sortir de l’hypocrisie de tarifs théoriquement uniformes, cette apparente homogénéité étant contournée pour les dépassements?
    Aujourd’hui le reste à charge pour les patients demeure limité grâce à l’intervention des complémentaires , massive pour la médecine ambulatoire.
    Pourquoi ne pas rechercher, après un accord entre médecins et financeurs, des éléments objectifs pour justifier des honoraires supplémentaires déterminés en fonction de critères de qualité et permettre ainsi une meilleure et plus juste rémunération des médecins?
    Des éléments de souplesse sont indispensables mais ils ne doivent pas être subjectifs et à la main des professionnels qui s’arrogent le droit de juger des capacités contributives de leurs patients remettant en cause le principe même de la sécurité sociale. La sécu a transformé l’assistance en droit en restaurant la dignité de tous les patients … La banalisation des dépassements d’honoraires est en train de remettre en cause ce principe fondamental, il faut en avoir conscience!

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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