400 chefs pour l’instauration d’un moratoire sur l’usage des pesticides et une transformation profonde du système alimentaire français.

Loi Duplomb : « Nous, restaurateurs, faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner »

Tribune

Un collectif de près de 400 chefs cuisiniers et acteurs de la restauration, dont Chloé Charles, Mauro Colagreco et Olivier Roellinger, appelle, dans une tribune au « Monde », au retrait de cette loi controversée, à l’instauration d’un moratoire sur l’usage des pesticides et à une transformation profonde du système alimentaire français.

Publié le 24 juillet 2025 à 06h30, modifié le 24 juillet 2025 à 11h22  https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/07/24/loi-duplomb-nous-restaurateurs-faisons-ce-metier-pour-nourrir-pas-pour-empoisonner_6623329_3232.html

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Nous, restaurateurs, avons choisi le métier de restaurateur par amour pour la gastronomie, par passion pour les produits, mais surtout parce que nous voulons nourrir, « restaurer » nos clients. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est que nous sommes estomaqués par l’aveuglement de nos politiques et par les liens, devenus trop évidents, de ces derniers avec l’agro-industrie. En tant qu’artisans, nous avons à cœur de valoriser un travail manuel, ancré dans notre territoire et notre environnement. Et cet environnement, nous le voyons se dégrader.

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Aujourd’hui, nous sommes inquiets. Inquiets de l’avenir de notre alimentation qui subit de plein fouet la crise climatique et la perte de la biodiversité. Inquiets de la hausse effrayante des cancers. Inquiets de la qualité des produits que nous servons, qui ne semble que se détériorer, ces derniers contenant toujours plus de résidus de pesticides. Même l’eau que nous apportons à table, qu’elle soit minérale ou du robinet, est touchée par ce problème. Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner.

En tant que partenaires directs, nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent les producteurs français au quotidien. Beaucoup sont enfermés dans un système à bout de souffle, qui leur demande de produire toujours plus et à bas prix. Ils sont tiraillés entre la nécessité de rentabilité et les demandes citoyennes croissantes à sortir du productivisme.

Une insulte à tous

Mais la loi Duplomb, adoptée le 8 juillet par le Parlement, ne vient résoudre aucune de ces problématiques. Au contraire, elle ferme les yeux sur les vraies difficultés, à savoir la rémunération des producteurs, le libre-échange et la mise en concurrence des denrées alimentaires. Elle les enferme dans un système intrinsèquement délétère en continuant de promouvoir des modes de production inaptes à répondre aux enjeux vitaux de notre temps.

Près de 70 % des terres sont aujourd’hui dégradées en Europe [selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture en date de 2021]. Notre système alimentaire coûte 19 milliards par an à la France en externalités négatives [selon l’étude collective « L’injuste prix de notre alimentation » publiée en 2024]. La loi dite « Duplomb » est une insulte aux scientifiques, une insulte aux agriculteurs qui se passent des pesticides tous les jours, une insulte à la santé de tous, mais aussi une insulte à notre métier.

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La loi Duplomb doit être retirée. Plus largement, un moratoire sur l’usage des pesticides en France est aujourd’hui nécessaire, ainsi qu’un véritable plan de transformation de notre système alimentaire pour l’orienter vers une agriculture et une alimentation durables. Plutôt que de faire disparaître le mot « agroécologie » de la dernière loi d’orientation agricole, de réautoriser des pesticides, de se faire la voix de l’agro-industrie, nos élus doivent protéger notre santé et nous donner la possibilité d’exercer, réellement, notre métier avec dignité.

Premiers signataires : Chloé Charles, cheffe cuisinière, restaurant Lago (Paris) ; Mauro Colagreco, chef cuisinier, restaurant Le Mirazur (Menton, Alpes-Maritimes) ; Ariane Delmas, dirigeante des Marmites volantes (cantines scolaires et restaurants, Paris) ; Fanny Giansetto, cofondatrice d’Ecotable (label de restauration durable) ; Manon Fleury, cheffe du restaurant Datil (Paris) ; Pierre-Louis Guérin, paysan restaurateur, restaurant La Morinais (Bains-sur-Oust, Ille-et-Vilaine) ; Tatiana Levha, cheffe cuisinière, restaurants Le Servan et Double dragon (Paris) ; Sarah Mainguy, cheffe du restaurant Freia (Nantes) ; Jacques Marcon, chef cuisinier et propriétaire, restaurant et Régis & Jacques Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid, Haute-Loire) ; Olivier Roellinger, chef cuisinier ; Julia Sedefdjian, cheffe cuisinière, restaurant Baieta (Paris) ; Thibaut Spiwack, chef cuisinier, restaurant Anona (Paris).

Retrouvez ici la liste complète des signataires.

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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