Dyndicats et patronat craignent que les salariés et les entreprises fassent les frais d’un durcissement des règles d’indemnisation des congés maladie. 

Arrêts maladie : les pistes du gouvernement inquiètent les partenaires sociaux

Pour des raisons différentes, syndicats et patronat craignent que les salariés et les entreprises fassent les frais d’un durcissement des règles d’indemnisation des congés maladie. 

Par Publié le 28 juillet 2025 à 11h30, modifié le 28 juillet 2025 à 14h24 https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/07/28/arrets-maladie-les-pistes-du-gouvernement-inquietent-syndicats-et-patronat_6624835_823448.html?random=831083628

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La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Catherine Vautrin, lors de la présentation des orientations retenues pour enrayer le déficit public pour le budget de 2026, à Paris, le 15 juillet 2025.
La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Catherine Vautrin, lors de la présentation des orientations retenues pour enrayer le déficit public pour le budget de 2026, à Paris, le 15 juillet 2025. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Les syndicats de médecins, de salariés et les mouvements patronaux ont, au moins, un point en commun : ils sont très réservés – voire extrêmement inquiets – face aux idées évoquées par l’exécutif pour contenir l’envolée des dépenses liées aux arrêts de travail. Le 15 juillet, François Bayrou a affiché la volonté de juguler le phénomène dans des termes vigoureux. « Nous devons mettre fin à une dérive », a martelé le chef du gouvernement, alors qu’il présentait son plan pour assainir les finances publiques. A ce stade, aucune mesure n’est arrêtée puisque le dossier fait partie des thèmes que les acteurs sociaux doivent aborder, au dernier quadrimestre 2025, dans le cadre d’une négociation sur la « modernisation » du marché de l’emploi et la « qualité du travail ». Mais plusieurs pistes semblent avoir la préférence du pouvoir en place, le but étant de réaliser « au moins 1 milliard d’euros d’économies » à partir de 2027.

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Le problème auquel s’attaque l’équipe de M. Bayrou ne date pas d’hier, mais il semble s’être amplifié. En 2023, la Sécurité sociale a versé un peu plus de 10 milliards d’euros à des salariés du privé et à des contractuels de la fonction publique pour compenser la perte de rémunération durant un arrêt-maladie. La facture se hisse à 17 milliards si l’on prend en considération des sommes allouées pour un congé maternité (ou d’adoption), pour un accident du travail et pour une maladie professionnelle. Ces montants s’accroissent plus rapidement depuis quelques années : + 6,3 % par an en moyenne entre 2019 et 2023, contre + 2,9 % au cours de la période 2010-2019.

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D’après un rapport diffusé fin juin par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), cette dynamique résulte, en partie, de « facteurs économiques et démographiques ». La hausse des salaires y contribue puisque les indemnités journalières sont calculées en tenant compte des rémunérations perçues. Le développement de l’emploi joue aussi un rôle : s’il y a davantage d’individus en poste, le nombre d’arrêts est susceptible d’augmenter. Autre paramètre à intégrer : le vieillissement de la population. Plus les travailleurs prennent de l’âge, plus la probabilité est grande qu’ils interrompent momentanément leur activité.

« Sinistralité » plus forte

Mais ces éléments n’expliquent que 57 % de la progression des dépenses entre 2019 et 2023, selon la CNAM. Les 43 % restants proviennent d’une « sinistralité » plus forte – c’est-à-dire d’arrêts plus fréquents ou plus longs – pour des raisons « difficiles à cerner ». Les causes sont diverses : conditions de travail dégradées, congés maladies « non justifiés », médecins qui ont « parfois des comportements de surprescriptions »

Pour remédier à la situation, le gouvernement a commencé à lever un coin du voile sur des options qu’il a en tête. Dans un document remis récemment aux acteurs sociaux, il est écrit que des dispositions « de lutte contre les éventuels abus doivent (…) être étudiées », par exemple en examinant la possibilité de ne prévoir aucune compensation financière au début du congé maladie. Dans un entretien au Monde, le 26 juillet, la ministre de la santé, Catherine Vautrin, a également mentionné l’hypothèse consistant à transférer aux employeurs la prise en charge de l’indemnisation, du quatrième au septième jour (inclus) d’absence. Elle a, par ailleurs, exprimé le souhait de limiter à deux semaines le premier arrêt prescrit en médecine de ville, et à un mois celui délivré « en sortie d’hospitalisation ».

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Cette petite musique tape sur les nerfs de beaucoup de monde, en particulier du patronat. Le scénario d’une couverture supplémentaire assurée pendant quatre jours par les employeurs indigne Michel Picon. « C’est une déclaration de guerre, il en est hors de question ! », fulmine le président de l’Union des entreprises de proximité, qui défend les artisans, les commerçants et les professions libérales. La tonalité est identique à la Confédération des petites et moyennes entreprises. « C’est proprement scandaleux », confie son vice-président, Eric Chevée : alourdir le fardeau des sociétés de taille réduite est d’autant plus incompréhensible, à ses yeux, qu’elles sont les « premières à souffrir » de l’inflation des arrêts de travail. Pour lui, il convient plutôt de modifier les pratiques de salariés qui ont tendance à profiter indûment du système – l’une des solutions à envisager impliquant de ne plus octroyer le moindre euro, pendant un ou plusieurs jours, au tout début du congé maladie. M. Chevée pense aussi que certains médecins, prescrivant des arrêts à un niveau très supérieur à la moyenne, pourraient être invités à faire preuve de plus de retenue.

« Si les gens s’arrêtent, c’est parce qu’ils sont malades »

Les organisations de salariés, elles aussi, n’apprécient guère la démarche de l’exécutif. « Le sujet est un peu monté en épingle », estime Eric Gautron, secrétaire confédéral de Force ouvrière, en faisant valoir que les indemnités journalières « ne représentent que 10 % des dépenses de l’assurance-maladie »« Il y a sans doute des abus, mais pour une part minime, complète-t-il. Si les gens s’arrêtent, c’est parce qu’ils sont malades. » S’agissant des pistes de mesures qui circulent – comme l’absence de toute compensation financière sur les premiers jours d’absence –, elles risquent, selon lui, de pousser des assurés à continuer d’aller au travail alors que leur état nécessiterait qu’ils fassent une coupure. « En termes de santé publique, une telle approche me paraît contreproductive », juge M. Gautron. Invité, jeudi 24 juillet, sur TF1, le président de la CFTC, Cyril Chabanier, a insisté, de son côté, sur la nécessité de réfléchir à la « qualité de vie au travail ».

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Quant aux syndicats de médecins, ils se montrent plutôt critiques face à l’idée de plafonner la durée du premier arrêt. « C’est un carcan rigide », déplore Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général de MG France. Bernard Huynh, vice-président de la Fédération des médecins de France, y voit une « proposition complètement technocratique qui va entraîner des consultations à répétition pour des patients ayant déjà du mal à obtenir des rendez-vous ».

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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