La FNSEA verrouille son agenda au sein même du gouvernement (nomination de Xavier Jamet ex lobbyiste du syndicat agricole), pour favoriser uniquement l’agriculture intensive et l’agrochimie. »

Malgré la colère contre la loi Duplomb, un lobbyiste de la FNSEA devient conseiller du gouvernement

Le directeur des affaires publiques du syndicat agricole, Xavier Jamet, vient d’être nommé directeur de cabinet de la porte-parole du gouvernement. Ce choix indigne le collectif Cancer colère, pour qui c’est « une atteinte à la démocratie ».

Jade Lindgaard

28 juillet 2025 à 18h02 https://www.mediapart.fr/journal/politique/280725/malgre-la-colere-contre-la-loi-duplomb-un-lobbyiste-de-la-fnsea-devient-conseiller-du-gouvernement?utm_source=quotidienne-20250728-183102&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250728-183102&M_BT=115359655566

C’est un influenceur d’un genre particulier. Fuyant les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, il conseille et communique dans la discrétion inhérente aux fonctions de lobbyiste. Jusqu’à ces dernières semaines, Xavier Jamet était directeur des affaires publiques de la FNSEA, premier syndicat agricole en France. Depuis le 22 juillet, il dirige le cabinet de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, comme l’ont annoncé La Lettre et Politico.

Cette nomination place au plus près du sommet de l’État un homme dont le rôle a consisté à diffuser les éléments de langage d’une organisation qui a pris fait et cause pour la loi Duplomb et sa réintroduction d’un insecticide dangereux pour la santé humaine et la biodiversité, l’acétamipride.

La réautorisation de ce produit toxique – qui avait été interdit en France en 2018 –, à la demande des producteurs de betteraves et de noisettes et contre l’avis des sociétés savantes et de sommités scientifiques, a suscité un mouvement de colère inédit.

Lundi 28 juillet, une pétition demandant l’abrogation de cette proposition législative avait dépassé les 2 millions de signataires. C’est la première fois qu’une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale recueille autant de voix. En 2019, une pétition appelant à attaquer l’État en justice pour son inaction climatique avait été signée par 2 millions de personnes, un cap considéré à l’époque comme historique.

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© Photomontage Mediapart avec capture d’écran Linkedin et Thomas Samson / AFP

Dans ces conditions, le choix de Xavier Jamet auprès de la ministre chargée de représenter le gouvernement suscite l’indignation de Cancer colère, un collectif de malades né en réaction contre le texte législatif.

« Cette nomination est une atteinte à la démocratie à l’heure où 2 millions de citoyennes et de citoyens ont signé une pétition exprimant leurs profondes inquiétudes et exigeant le respect du processus démocratique, réagit Fleur Breteau, sa fondatrice, auprès de Mediapart. Cette nomination est une preuve de plus que la FNSEA veut créer un État dans l’État pour protéger ses intérêts envers et contre la santé publique et les enjeux réels du monde paysan, mais aussi que le gouvernement ne cherche à nouer aucun dialogue ni ouvrir de débat sur les pesticides. La FNSEA verrouille son agenda au sein même du gouvernement, pour favoriser uniquement l’agriculture intensive et l’agrochimie. »

Modèle de cogestion

Xavier Jamet n’a pas répondu à nos questions. Mais le cabinet de la porte-parole du gouvernement indique que « le choix de Xavier Jamet tient surtout de sa relation personnelle avec la ministre, après dix ans où il a été son collaborateur au Sénat ». Avant d’entrer dans l’exécutif de Michel Barnier puis de François Bayrou, Sophie Primas a été successivement députée et sénatrice, à droite (UMP d’abord, LR ensuite). Elle y a notamment présidé la commission des affaires économiques, qui a compétence sur les sujets agricoles.

Une autre façon de regarder cette nomination est de se dire : les dirigeants de la FNSEA ont-ils peur de l’élan populaire actuel ?

Fleur Breteau, fondatrice de Cancer colère

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a été saisie le 1er juillet de cette nomination et n’y a vu « aucun souci », précise le gouvernement, à condition que Xavier Jamet se tienne à l’écart de « tout sujet lié à l’agriculture ».

Cette nomination « renforce l’emprise politique de la FNSEA sur les instances de pouvoir », analyse Yoann Coulmont, chargé de plaidoyer pour Générations futures, une association qui milite pour l’arrêt des pesticides. Mais elle « n’a rien d’étonnant au regard de la proximité historique entre ce syndicat et la famille politique de Sophie Primas », à savoir la droite, et du « modèle de cogestion » qui existe entre la FNSEA et le ministère de l’agriculture.

Pour Marie Thibaud, de Stop aux cancers de nos enfants, qui vient de lancer, avec d’autres collectifs, une autre pétition, cette fois-ci pour l’abandon de tous les pesticides de synthèse, « le message envoyé est totalement incohérent et inacceptable ».

Les articles de la proposition de loi Duplomb n’ont pas été débattus à l’Assemblée nationale du fait d’une manœuvre parlementaire : une motion de rejet préalable a renvoyé directement le texte en commission mixte paritaire (CMP), une instance qui a voté à huis clos. Elle était composée de quatre sénateurs directement liés à la FNSEA, d’un ancien ministre de l’agriculture, de onze exploitant·es agricoles en exercice ou à la retraite, et d’un ancien directeur de l’agroalimentaire. Cet escamotage de la délibération parlementaire a beaucoup choqué et nourri la mobilisation.

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« Une autre façon de regarder cette nomination est de se dire : les dirigeants de la FNSEA ont-ils peur de l’élan populaire actuel ? », ajoute Fleur Breteau, de Cancer colère. « Leur faut-il afficher aussi clairement leur besoin de parler à la place des élus et du personnel politique car ils sentent que leurs intérêts n’ont jamais été si menacés ? » Le collectif annonce vouloir alerter à ce sujet les communautés qui suivent ses actions : « La lutte sera longue, mais Cancer colère ne laissera pas la FNSEA décider de la politique de santé dans notre pays. »

Contactée au sujet de cette nomination, la FNSEA n’a pas répondu. Au porte-parolat du gouvernement, on tente de séparer la désignation de Xavier Jamet du sujet de la loi Duplomb : « Le choix de M. Jamet a été fait il y a déjà quelques mois et la saisine de la HATVP le 1er juillet », soit avant le succès spectaculaire de la pétition contre la loi Duplomb. De plus, « ce n’est pas au porte-parolat que les décisions sur le sujet [agricole – ndlr] sont prises ».

Jade Lindgaard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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