Loi Duplomb : derrière la prétendue défense de la « souveraineté », la vraie loi du marché
Imposture
Par Louis Nadau

Les défenseurs de la loi Duplomb ont choisi d’abaisser la protection sanitaire des Français, plutôt que de réguler un marché pour protéger nos agriculteurs.
Ce n’est pas nouveau : Marianne est contre « l’écologie punitive ». Comprendre : contre une écologie dogmatique, confondant norme et sanction en ignorant, au nom de principes certes louables, la réalité matérielle – sociale – de ceux à qui s’appliquent ces oukases. De ce fait, on aurait tort de balayer d’un revers de main les inquiétudes de certains agriculteurs concernant les implications concrètes d’une nouvelle interdiction. On ne peut que reconnaître que la profession est soumise, dans sa diversité, à des injonctions contradictoires : les préoccupations légitimes concernant les conséquences sanitaires de l’agriculture intensive d’une part, le souci non moins légitime de garantir au pays une forme de souveraineté alimentaire d’autre part, conforme non seulement à ses intérêts économiques, mais encore à sa culture – la bouffe en France, c’est sacré. C’est encore moins nouveau : Marianne défend le « manger mieux », ce qui veut notamment dire ne pas importer sa nourriture des antipodes.
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Or il faut souligner que la loi Duplomb ne satisfait à aucune de ces deux injonctions. Fort logiquement, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur des données récentes concernant l’acétamipride, l’usage de ce néonicotinoïde ayant été interdit il y a sept ans. Entre temps, un consensus scientifique a toutefois émergé pour souligner la dangerosité de ces produits, de manière certaine pour les insectes pollinisateurs, et soupçonnée pour nous autres humains.
« ACCEPTER LES RÈGLES DU JEU EUROPÉENNES »
Quant à la souveraineté alimentaire, il faut écouter le sénateur Laurent Duplomb sur franceinfo pour comprendre ce qui dicte réellement l’orientation de ce texte. « La France fait encourir une concurrence déloyale à ses agriculteurs en leur disant « vous ne pouvez plus avoir aucun moyen de production mais par contre on vous livre à la concurrence de vos voisins puisqu’eux vont pouvoir continuer à utiliser des produits qui vont leur permettre d’avoir une forme de rentabilité économique et de rendements ». »
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Et de conclure en appelant la France à « accepter les règles du jeu européennes », comme si l’ordre libéral relevait d’une loi physique intangible. C’est donc un choix politique : Les Républicains et leurs alliés préfèrent abaisser la protection sanitaire des Français, plutôt que d’exhausser la protection de la filière agricole nationale, contre la concurrence déloyale organisée à l’échelle européenne. Réguler un marché ? Vous n’y pensez pas !
« PEUT-ÊTRE N’AVONS-NOUS PAS ASSEZ RASSURÉ »
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Merci à elle, mais les Français n’ont pas besoin de « pédagogie » pour relier les pointillés les uns aux autres, tant l’influence du syndicat est patente, par exemple s’agissant de la mesure autorisant à nouveau coopératives et sociétés de négoce à « conseiller » les agriculteurs en matière de produits phytosanitaires, en dépit des risques évidents de conflits d’intérêts. On comprend dès lors que l’indignation citoyenne, matérialisée par une pétition ayant réuni 1,2 million de signataires – sans que cela n’augure d’une abrogation de la loi –, dépasse très largement le cercle de l’écologie militante. C’est heureux.
De là à penser que l’Assemblée nationale a légiféré contre les intérêts du peuple, voire des agriculteurs eux-mêmes lorsqu’ils ne sont pas adeptes de l’agrobusiness, il n’y a qu’un pas. Nous le franchissons sans peine, bien aidé par la présence au sein de la Commission mixte paritaire, qui a arrêté la version finale du texte, de quatre anciens responsables de la FNSEA. « Peut-être n’avons-nous pas assez rassuré, peut-être n’avons-nous pas expliqué à quel point cette loi a pour objectif de remettre les agriculteurs français dans le même cadre d’exercice de leur profession que leurs collègues européens », déclare dans Le Parisien, non sans condescendance, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas.
Merci à elle, mais les Français n’ont pas besoin de « pédagogie » pour relier les pointillés les uns aux autres, tant l’influence du syndicat est patente, par exemple s’agissant de la mesure autorisant à nouveau coopératives et sociétés de négoce à « conseiller » les agriculteurs en matière de produits phytosanitaires, en dépit des risques évidents de conflits d’intérêts. On comprend dès lors que l’indignation citoyenne, matérialisée par une pétition ayant réuni 1,2 million de signataires – sans que cela n’augure d’une abrogation de la loi –, dépasse très largement le cercle de l’écologie militante. C’est heureux.