Ventenac-Cabardès. Marine Tondelier et Sandrine Rousseau confrontées à la colère agricole dans l’Aude
Politique, Environnement, Ventenac-Cabardès
Publié le 13/06/2023 à 05:13 https://www.ladepeche.fr/2023/06/13/marine-tondelier-et-sandrine-rousseau-confrontees-a-la-colere-agricole-11259259.php
Christophe Parra
Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts (EELV) et Sandrine Rousseau, députée de Paris, étaient à Fontiers-Cabardès ce lundi en fin d’après-midi pour apporter leur soutien aux opposants du projet de golf. Alors qu’elles devaient animer, dans la foulée, un atelier des états généraux de l’écologie, au domaine de Ventaillole, à Ventenac-Cabradès, elles ont été prises à partie par une cinquantaine d’agriculteurs fustigeant l’agribashing.
« Il faut aller sur le terrain et ne pas se contenter des plateaux télé. » Marine Tondelier ne croyait pas si bien dire dans nos colonnes ce lundi 12 juin. La secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts, accompagnée de la députée Sandrine Rousseau, a eu droit à un comité d’accueil viril de la part d’une cinquantaine d’agriculteurs en colère contre l’agribashing. « Vous n’êtes pas les bienvenues », ont-ils lancé. « Les écolos veulent nous imposer leur mode de production. Au bout d’un moment plein le cul. On fait que ça s’adapter, et après on se fait cracher dessus. »
Après la rencontre avec les opposants au projet de golf de Fontiers-Cabardès, ce lundi après-midi, Marine Tondelier et Sandrine Rousseau avaient rendez-vous au domaine de Ventaillole, à Ventenac-Cabardès pour participer à un atelier des états généraux de l’écologie. Là, une cinquantaine d’agriculteurs, avec leurs tracteurs, avait pris position sur le chemin d’accès au domaine pour leur bloquer le passage. « On veut leur dire ce que c’est notre vie. » Et ils ont eu l’occasion de leur dire puisque, Marine Tondelier sac à dos sur les épaules, avec Sandrine Rousseau, ne se sont pas dégonflées et sont venues, à pied, à la rencontre des manifestants, encadrées par des gendarmes.
« Vous avez des préjugés sur nous que nous n’avons pas sur vous », a essayé de se faire entendre Marine Tondelier, entre ruades, coups de gueule et grossièretés. « On n’est pas des ennemis des agriculteurs. C’est l’agribusiness qui tue votre métier. L’impasse dans laquelle vous êtes, ce n’est pas nous qui l’avons créée. Nous n’avons jamais été au ministère de l’agriculture. » Et Sandrine Rousseau d’insister : « On est vos premiers défenseurs. Ce ne sont pas les écologistes le problème. On est là pour défendre l’accès à l’eau, les terres agricoles. » Mais face à elles, le plus souvent de l’incompréhension. « On travaille 70 heures par semaine et tous les jours, on nous traite d’empoisonneurs. » Une petite délégation d’agriculteurs a pu ensuite s’entretenir avec les deux femmes pour engager un dialogue plus apaisé.« La trajectoire, on la comprend. Mais laissez-nous le temps de nous adapter. On a fait le job aux états généraux de l’alimentation. On fait des efforts pour l’environnement. Mais quand vous passez à la télé, ayez un mot pour les agriculteurs. » Sandrine Rousseau s’est alors engagée à « avoir une parole publique sur vos prix de vente qui sont trop bas ». Tout en rajoutant qu’il faudra bien régler « le problème des pesticides dont l’utilisation est à la hausse ». Une prise de position qui n’a pas convaincu tout le monde. Quand les deux femmes écologistes ont voulu poursuivre leur route pour rejoindre le domaine où elles étaient attendues, avec des militants écologistes, une vingtaine d’agriculteurs ont continué à faire barrage, entraînant un petit mouvement de foule. Il a fallu l’intervention des gendarmes pour débloquer la situation. Au final Marine Tondelier et Sandrine Rousseau ont pu prendre un chemin de traverse pour accéder au domaine de Ventaillole.
Commentaire Marine Tondelier
« Va faire la soupe salope, grosse salope ».
Sandrine Rousseau et moi nous sommes vues hier barrer la route par des vignerons de l’Aude.
Discuter ok (ce que nous avons fait d’ailleurs). Les insultes, les entraves et les intimidations par contre, non.
Avec Sandrine Rousseau, nous étions hier dans l’Aude pour alerter sur un projet de golfe et d’hôtel de luxe à construire sur les meilleures terres agricoles du département, à l’invitation du collectif de la montagne noire.
Le département est déjà l’un des plus touchés par la sécheresse, trois golfs existent déjà aux alentours et celui-ci est déjà annoncé non rentable. C’est un cheval de Troie pour contourner la réglementation et permettre l’installation d’un luxueux complexe hôtelier.
Un complexe pas rentable… et pas sans impact.
Pour rappel, un golf de 19 trous pompe 5000 m3 d’eau par jour en moyenne.
On a pu rencontrer le collectif local et les habitants : tout s’est passé dans le respect. Francis Cabrel était dans les esprits : « Est-ce que ce monde est sérieux ? ». Certains n’auront pas d’eau au robinet cet été. D’autres pensent projets de golf. Chacun ses priorités.
Le soir, on prévoyait avec des militants locaux un atelier des États généraux de l’écologie (http://lesecologistes.fr) au domaine de la Ventaillole. Une cinquantaine de participant·es étaient inscrit·es. Mais on nous alerte 1h avant : des vignerons en colère bloquent le domaine.
Il se trouve que ce domaine appartient à un couple de vignerons engagé à la Confédération Paysanne et qui en a vu d’autres : incendie volontaire de leur cave il y a 10 ans, menaces régulières, etc. Le matin, ils avaient trouvé cette bâche devant leur exploitation.
Il se trouve aussi que nous étions plusieurs à dormir sur place le soir et donc que blocage de tracteurs ou pas, il allait bien falloir qu’on arrive sur place.
De toute manière, nous n’avons pas pour habitude de céder aux intimidations et aux menaces. Les copains écolos sont d’accord : ça prendra le temps que ça prendra, mais la réunion se tiendra. Même s’il fallait finir à pied… ce que nous avons fait.
Nous arrivons sur place souriantes, ouvertes à la discussion, déterminées. Mais en face c’est par des insultes que ça commence. L’échange durera au total 40 minutes, avec des moments d’apaisement et de discussions intéressantes. D’autres plus vifs mais francs. Et des moments plus musclés, où la volonté d’intimider reprend le dessus.
Ce qui nous a été reproché ? De faire de l’agribashing. La réalité ? Quand nous avons demandé quand et comment, personne n’a su nous donner d’exemple concret.
“Oui mais à la télé vous ne parlez pas assez de nous”. Sûrement. La réalité c’est qu’on en parle le plus souvent possible et toujours pour défendre un modèle d’agriculture plus durable pour les paysans, leurs revenus, le bien manger, la biodiversité, la ressource en eau, etc.
Autre argument intéressant “vous êtes des TOTALITAIRES”. Mais qui nous empêchait physiquement de passer ? Qui refusait de dialoguer ? Qui insultait ? Pas nous. Mais pas non plus la totalité des paysans qui manifestaient. Le fait d’une minorité.
200 exploitations agricoles disparaissent de ce pays CHAQUE SEMAINE. Un paysan se suicide tous les deux jours. L’eau manquera cet été. Est-ce la faute des écologistes qui alertent sur ces sujets depuis des décennies ? Je ne le pense pas.
Les politiques productivistes que nous dénonçons depuis des années nous ont amené là où nous en sommes. Il faut un plan d’urgence pour l’agriculture. Nous souhaitons y contribuer. Nos propositions sont nombreuses sur le sujet.
Nous avons pu échanger quelques arguments avec celles et ceux qui avaient choisi d’écouter. Et nous sommes disponibles pour poursuivre la discussion sans aucun problème. Mais au bout de 40 minutes, constatant que les plus agressifs, dont quelques-uns semblaient liés à l’extrême droite, ne nous laisseraient pas passer… et que nous avions une réunion à tenir, nous avons coupé à travers les broussailles pour passer à travers vignes.
Merci à Juliette, bergère itinérante, qui nous a indiqué ce chemin de traverse qu’elle connaît pour y faire paître ses chèvres et ses brebis.
Certains ont essayé de nous poursuivre, de nous menacer juste devant l’entrée de la ferme. Mais nous sommes passées quand même. Certains sont aussi restés à proximité « pour surveiller ». “Quand même, elles sont courageuses les deux” ont reconnu certains d’entre eux avec nos copains restés un moment discuter. Les paysans aussi le sont. Mais le sujet est autre part.
Le sujet c’est l’incommunicabilité. L’escalade de la violence. Nous traversons une crise environnementale et une crise sociale. La crise démocratique est en train de s’y ajouter. Et après, on fait quoi ?
Je n’oublierai pas cette rencontre. Je souhaite qu’elles se multiplient, même si ça n’est pas toujours simple, car le défi historique de l’habitabilité de la planète qui se présente à nous : nous ne pourrons le relever qu’ensemble.
Je n’oublierai pas non plus la belle soirée militante que nous avons passée ensuite, avec des copains résilients et courageux, qu’ils soient engagés politiquement ou pas, qui militent pour le vivant et continueront de le faire. Merci pour votre soutien et votre énergie !
Merci enfin à Marie-Claude et Robert pour leur vrai sens de l’accueil paysan… dont on a pu reparler ce matin au petit déjeuner en revenant sur la soirée d’hier.
Maintenant, cap sur Luc-sur-Aude.
À bientôt !
EELV
Article de la Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2023/06/13/marine-tondelier-et-sandrine-rousseau-confrontees-a-la-colere-agricole-11259259.php