Un candidat pour la présidence de la SAFER militant de l’installation de jeunes agriculteurs évincé par la FNSEA

Comment la FNSEA a évincé le président de la Safer

Emmanuel Hyest a été démis de ses fonctions à la tête de la Safer de Normandie, poste qui lui permettait de briguer le mandat de la fédération nationale. Il avait notamment milité pour l’installation de jeunes agriculteurs dans la région. 

Par Laurence GirardPublié le 10 juillet 2025 à 15h00, modifié le 10 juillet 2025 à 16h34 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/07/10/comment-la-fnsea-a-evince-le-president-de-la-safer_6620479_3234.html

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Un agriculteur en tracteur au pied du Mont-Saint-Michel (Manche), le 9 août 2023.
Un agriculteur en tracteur au pied du Mont-Saint-Michel (Manche), le 9 août 2023.  MARTIN ROCHE/OUEST FRANCE/MAXPPP

« Vous ne virez pas quelqu’un comme s’il avait volé la caisse. Je n’ai pas volé la caisse. » Emmanuel Hyest est encore sous le choc de son éviction brutale de la présidence de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer), une entité qui a la haute main sur le foncier agricole. Ce poste stratégique, il l’occupait depuis 2010. « Mon mandat devait durer encore un an et demi, jusqu’à ce que je prenne ma retraite », ajoute le sortant.

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La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) en a décidé autrement. Pour évincer M. Hyest, le syndicat agricole a décidé de lui faire perdre la présidence de la Safer de Normandie où il siégeait et qui lui permettait de briguer le mandat de la FNSafer. Le couperet est tombé le 19 juin, sous le prétexte qu’il refusait de limoger son directeur général. « Le matin même, j’ai découvert que je n’avais plus l’investiture de la FNSEA et qu’elle avait été octroyée à Pascal Férey, retraité », raconte l’agriculteur installé à Vesly, dans l’Eure. A la manœuvre, Sébastien Windsor, président de la chambre régionale d’agriculture de Normandie, également à la tête des Chambres d’agriculture France, mais aussi les représentants régionaux de la FNSEA. M. Férey a, ainsi, été élu président de la Safer de Normandie, par son conseil d’administration en lieu et place de M. Hyest.

« Je n’imaginais pas un tel coup de poignard dans le dos après quarante ans d’engagement », réagit M. Hyest, qui a été, dans son parcours, président des Jeunes Agriculteurs (JA) et administrateur de la FNSEA, avant d’ajouter : « Je ne regrette pas les différentes positions que j’ai prises et qui peut-être n’ont pas plu à tout le monde. » Et d’évoquer localement la volonté d’installer des jeunes, illustrée par la décision de préempter une exploitation céréalière de 350 hectares en Seine-Maritime au profit de six nouveaux agriculteurs, en 2024.

« Un coup monté froidement »

Sur le plan national, M. Hyest a milité pour la loi Sempastous (2021), avec pour objectif de mieux réguler le foncier face aux appétits d’agrandissement et de donner plus de transparence sur les structures sociétaires. Dans la même logique, il a combattu avec succès les groupements fonciers agricoles d’investissement, prêts à faire le lit de la financiarisation des terres agricoles. Il a également décidé d’ouvrir la gouvernance de la Safer, en particulier aux autres syndicats agricoles, comme la Confédération paysanne ou la Coordination rurale.

Les deux syndicats ont d’ailleurs réagi à l’éviction brutale de M. Hyest. « Faut-il y voir un virage ultralibéral des dirigeants FNSEA de la FNSafer ?, s’interroge la Confédération paysanne dans un communiqué. Si tel est le cas, ce serait catastrophique pour le renouvellement des générations et laisserait la voie libre à une agriculture de firmes écrasant tout sur son passage. » Elle se dit prête à se battre « pour une Safer exemplaire respectant ce pour quoi elle a été historiquement bâtie : contrôler le prix des terres et par qui elles sont achetées ».

Pour la Coordination rurale, « une telle manœuvre n’a pu être réalisée que par une décision prise au plus haut niveau par la FNSEA et les chambres d’agriculture France. Ce résultat est le refus de l’ouverture aux autres syndicats représentatifs et le fruit de la volonté du bloc historique FNSEA-JA de garder seul la maîtrise de l’orientation du foncier ».

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Des députés et sénateurs se sont également émus de cette situation, à l’image de Daniel Salmon, sénateur (Les Ecologistes) d’Ille-et-Vilaine, dénonçant « un coup monté froidement orchestré par une poignée de responsables syndicaux issus de la FNSEA, décidés à faire taire une voix qui dérangeait – non pas par ses erreurs, mais par son intégrité ». Avant de prononcer une mise en garde : « Ce qui se joue ici dépasse le destin d’une personne. C’est un basculement. Un moment de rupture. On ouvre grand les portes à la financiarisation du foncier, à la vente des terres au plus offrant, hectare après hectare, sans garde-fou. » Un enjeu crucial quand la moitié des agriculteurs français devrait partir à la retraite d’ici à 2030.

Laurence Girard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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